Refresh.

   Avec Nolan Harkness

« Dans la vie on ne fait pas ce que l'on veut,
mais on est responsable de ce que l'on est. »

     Encore. Et comme toujours, se réveiller, s'habiller, se maquiller, enfiler un léger blouson pour contrer cette nouvelle saison qui s'annonce. Ouvrir la porte. Fermer la porte. Allumer une clope. Partir. De nouveau, une soirée inédite s'annonce. Cela faisait maintenant quelques mois que je bossais au The Aurora, et quelques mois que je me faisais emmerder par ces petits cons bourrés jusqu'à en ramper sur le sol humide et goudronneux de la ville. Toute façon, il y avait juste à les pousser pour qu'ils chutent et s'affalent comme des déchets. Déchets.

Arrivée, je m'installe derrière le comptoir. Mêmes mouvements. Vodka, jus de cranberry, Schweppes, et voilà un Red Carpet pour moi-même avant de commencer la soirée. Un faux sourire à ce DJ, ce gars qui avait essayé de me toucher après avoir trop bu. Bouffon. Mais qu'est-ce qu'il mixe bien. Et les heures passent, les verres s'enchaînent, les agents de sécurité interviennent, bagarres, vomissements, drogues, alcool. Déchéance. Je continue mes petites mixtures, mal de bras, vivement que ce soit fini, je suis crevée. Je laissais mon corps se déhancher sur le son, la musique transpercer ma chair, prenais quelques gorgées.

La musique s’adoucit, la foule diminue, c'est l'heure de remballer. Néant. En quelques secondes, la salle était vidée, laissant apparaitre les mégots des cigarettes -enfin presque tous de cigarette- et les traces collantes des  piétinements. Je commençais à ranger mon bar, finissant mon verre par la même occasion. À demain tout le monde. Je prends ma veste, l'enfile, mets mon sac à dos, ouvre mon paquet de tabac à rouler, roule. Et je me casse.

Changement de température immédiate, ma veste je l'aime. J'allume ma clope et je commence à emprunter la ruelle qui me conduisait à mon chez-moi. Un silence immonde et malsain. Une main qui s'approche de moi, je la sens me frôler les cheveux. Casse-toi. Je me retourne, voilà l'autre enfoiré de DJ. Rien qu'à l'odeur, cette odeur de rhum, je l'avais reconnu.

« Êhhhh ma douuuce, je te ram...ramène? », dit-il avec tant de mal.

La bonne blague. Le problème, c'est que cette ruelle n'a aucune autre ruelle qui la traverse. C'était lui contre moi, seuls dans un noir atroce. Une obscurité qui me paraissait oppressante. Je me recule, le repoussant de toutes mes forces, mais rien. Ce n'était pas la même carrure que ces adolescents qui tombaient à la moindre bousculade. Non, lui, il restait debout, face à moi, me plaquant contre ce mur froid, baladant ses lèvres dans mon cou. La sensation de vivre un cauchemar, il allait me violer ce pervers.

« Enfoiré, dégage! », criais-je en lui crachant au visage.

Rien n'y fait.
Alors, d'un coup tellement puissant, qui m'étonna de moi-même, je lui envoie mon pied entre ses jambes. Il s'abaisse, gémissant de douleur, grognant tel un ours, me traitant de tous les noms, et moi je cours pour échapper à ce chacal. Mais franchement, pensez-vous qu'une jeune brebis ne se ferait pas rattraper par un loup? J'étais la brebis, et lui le loup. Il se jette sur moi, je tombe et je crie.

Le pire dans tout ça, vous savez ce que c'est?
C'est de voir l'ignorance volontaire des gens.

   
   Refresh.

   Avec Nolan Harkness

« Dans la vie on ne fait pas ce que l'on veut,
mais on est responsable de ce que l'on est. »

    « Qu'est-ce qui s'passe là?! Lâche la! »

Qui étais-tu?
Une voix grave, presque rassurante s'élançait dans la pénombre, venant chatouiller mon oreille. D'où venait-elle? Je ne l'avais pas entendu arriver. La noirceur de la nuit mélangée aux fins rayons de lune me laissait entrevoir une silhouette masculine au-dessus du rapace qui s'était jeté sur moi. Il était là, le grand ténébreux. Et d'une main, il agrippa l'autre abruti par son col, l'étouffant presque, mais avide de mon corps, le chacal résistait. J'essayais de m'extirper tant bien que mal de ses griffes. L'inconnu se jeta alors dessus, et tel un lion sur sa proie, il le déchiqueta. Ce vieux con était à terre, le visage recouvert de sang, un nez cassé. Tant mieux.

« Casse-toi avant que j'appelle les flics! Aller, dégage! », criait celui qui m'avait délivré.

L'ivre fait demi-tour, titubant en s'accoudant aux pierres froides de la ruelle. Cette ruelle où je venais de faire une rencontre inattendue. Cette ruelle où je venais de rencontrer l'homme qui m'avait sauvé. Mon héros. Je le dévisageais, encore allongée sur ces dalles froides et humides. Paralysée. Et lorsqu'un nuage laissa entrevoir la lune, je l'aperçus. Étonnée d'une si grande beauté. Ses traits étaient parfaitement tracés, soulignés par sa fine barbe sculptée. Il avait une élégante prestance, une carrure prononcée, le parfum d'un homme inébranlable. Et pourtant, ce même homme paraissant impassible était le seul a avoir eu les couilles de venir m'aider. Merci.

« Ça va? Il t'a rien fait? Tu le connais? », me demandait-il.

Il avança sa main, bien plus grosse que la mienne, pour m'aider à me relever. J'essayais de percevoir son regard, mais l'obscurité était bien trop forte pour entrevoir ses yeux. J'avançais ma main lentement, comme si inconsciemment, je voulais faire durer cet instant. Une douleur. Je discernais mon bras, un bras lacéré, sanglant. Il m'avait fait mal l'enfoiré. Mais tout ça, c'est dans la tête. J'attrapais sa main, elle était si chaude et rassurante. Je me relevais avec, néanmoins, du mal. Exténuée, je m'adossais contre ce mur, ce mur où j'avais faillit être violée.

« Un des charognards du Aurora. Je travaille là-bas depuis quelques mois. Au début, c'était vraiment génial, ils étaient tous adorables et gentils, et puis je voulais m'intégrer un peu mieux dans cette ville. Mais, au fil des jours, je me suis rendue compte que ce sont des bêtes assoiffées de sang, et que j'étais leur bout de viande. », répondais-je, essouflée.

Je reprenais un instant mes esprits, inspirant et expirant l'air glacial de la pénombre. Je passais mes mains sur mon visage, comme pour me remettre de ce qui venait de se produire.

« Je vais bien. Merci, je ne sais pas ce que j'aurais fait si personne ne se serait arrêté pour m'aider. », continuais-je.

Un instant passait, l'envie folle de le serrer contre moi, de lui demander son nom, ce bel inconnu qui venait de me sauver. Ce n'est pas à mon habitude de réagir comme ça face aux personnes que je ne connais pas. Je ne suis pas tactile ni trop entreprenante, mais là, j'en avais besoin.

« Quel est ton nom? », demandais-je, presque chétivement.

Le pire dans tout ça, vous savez ce que c'est?
C'est que c'est l'homme à l'allure quasiment insensible qui était intervenu.

 
  Refresh.

  Avec Nolan Harkness

« Dans la vie on ne fait pas ce que l'on veut,
mais on est responsable de ce que l'on est. »

   « Et toi? Comment tu t'appelles? »

J'avais juste à lui répondre, révéler mon prénom, me confier, créer un lien irréversible. Le vent s'était levé, il venait caresser mes épaules, j'avais quelques frissons, la peau glacée. Malgré cela, je ne bronchais pas, je restais stoïque, à fixer l'homme devant moi. Nolan, celui qui avait été surpris du câlin que je lui avais spontanément fait, pour le remercier en quelques sortes. Je ne l'avais pas senti gêné, mais surpris, juste surpris. Et sans que je ne puisse répondre à sa précédente question, il retira son manteau et me recouvra le dos, refroidi par la fraîcheur de la brise.

Que pouvais-je bien encore apprendre sur toi, Nolan? Serions-nous des amis? Serions-nous proches? Serions-nous plus?
L'avenir nous le dira, laissons le temps faire son chemin.

« Ça va, t'arrives à marcher? Tu veux que j'te raccompagne jusqu'à chez toi ? J'avais rien de spécial de prévu à 4h du mat! », me demandait-il soudainement.

Je le regardais, restant sans voix, à vrai dire j'étais encore secouée de ce qui venait de se passer et ces milliards de questions que me posait Nolan devenaient confuses. Je tenais sa veste sur mes épaules, cachant mes blessures que je n'osais regarder moi-même. Ce n'était pas grand chose, quelques égratignures, peut-être une plaie un peu plus profonde que les autres, mais la façon dont elle étaient arrivées les rendaient répugnantes.

« Je... Oui ça va merci je vais y arriver. Mais je n'veux pas te déranger... Enfin si tu veux vraiment me raccompagner, je t'offrirais quelque chose à boire ou à manger au moins.», répondais-je.

Et oui, car Nolan s'était quelque peu cogné avec l'autre con. Il avait quelques traces de sang sur le visage, mais ce n'était pas le sien, du moins je ne pense pas. Et puis c'était la moindre des choses de lui proposer un remontant, après tout le jeune homme n'avait pas demandé à tomber sur moi, ni même à m'aider.

« Et tu sais, pour le boulot, y'a moyen de s'arranger... Ça te tenterait de changer d'endroit tout en gardant le même job mais avec des collègues civilisés ? », continuait-il sur sa lancée.

Une proposition pour travailler ailleurs qu'au Aurora? Disons que ce n'est pas que je n'aime pas l'endroit où je travaille mais le personnel de cette boite de nuit me dégoûte. Alors une occasion comme celle-ci je n'en trouverais pas deux fois. Il fallait que je tente ma chance, au moins pour me changer les idées sur ce qu'il venait de se produire et ne plus revoir cette bande de chiens.

« Si l'offre tient la route, oui ça m'intéresserait vraiment. », lui répondais-je.

Parce que je ne veux plus avoir à faire à des sauvages, que j'aime ce que je fais et que j'aimerais l'exercer dans un endroit où les hommes ne regardent pas les barmaids comme de la chair fraîche. Nous avancions, au gré du vent, marchant côte à côte, l'un près de l'autre, sous le clair de Lune. Lune qui s'émerveillait du monde, laissant ses rayons nous guider vers la sortie de cette affreuse ruelle.

« Nastasya. C'est mon prénom.», dis-je, en observant Nolan, éclairé par la Lune..

Le meilleur dans tout ça, vous savez ce que c'est?
C'est qu'en contrepartie de toute cette histoire, je venais de faire la connaissance d'un homme bien.

 
 Refresh.

 Avec Nolan Harkness

« Dans la vie on ne fait pas ce que l'on veut,
mais on est responsable de ce que l'on est. »

  « Si tu y tiens… Mais c’est vraiment pas obligé! »

Quel gentleman, presque à décliner une proposition pour faire connaissance, si maladroite, de ma part. Sous ses airs de loup au regard perçant, son allure sereine et avisée, se cacherait donc un ours protecteur, n'ayant que pour envie de m'aider? Ou alors les marques d'un ancien loup qui se serait ravisé? Je n'en sais rien. À vrai dire, je me fiche de son passé, s'il était auparavant un homme qui aimait les parfums des gentes dames, qu'il en soit ainsi. C'est le Nolan d’aujourd’hui qui m'attire, celui que je veux découvrir à présent.

Nous marchions sous le clair de Lune, je m'électrocutais en croisant un regard si profond, mêlant sincérité et mystère, je me noyais dans ses yeux, littéralement. Perturbant. Son manteau réchauffait mes épaules, je ne tremblais plus, j'étais bien. Sans savoir pourquoi, j'avais besoin de te connaître d'avantage. Une envie de comprendre ce qui m'attirait tant chez toi. La chaleur que dégageait ta peau transperçait mon corps. Tu m'absorbes, Nolan.

« Comme tu voudras, mais c'est la moindre des choses, je pense, que d'offrir un remontant à mon bienfaiteur. », répondais-je sur un ton affirmé.

À vrai dire, j'avais besoin de compagnie. Je ressentais l'envie de me confier à quelqu'un après ce qu'il s'était passé tout à l'heure. Ne pas être seule chez moi. J'étais encore quelque peu troublée de cet incident, et l'idée de me retrouver solitaire dans le noir me terrifiait. Nolan, ne m'abandonne pas, reste encore un peu avec moi. Et puis ce serait l'occasion de parler plus en profondeur de sa proposition d'embauche. Je ne pouvais plus rester travailler au Aurora après avoir presque été victime de viol ni rester sans emploi sans savoir quoi faire de mes soirées. C'est pas que je crache sur mon "ancienne" boîte de nuit puisqu'en tant que personne lambda l'ambiance musicale y est géniale, mais les intentions des membres du personnel laissaient à désirer... Ainsi, l'offre de Nolan était alléchante, j'avais besoin de ce job, pas forcément pour l'argent, mais pour le contact avec les gens.

« L’offre tient la route… J’suis copropriétaire du Eagle et on aurait bien besoin d’une serveuse en plus! », m'informait-il en laissant apparaitre un enjouement.

Nous avançons, l'un à côté de l'autre, marchant sur les dalles humides qui jonchaient les allées de White Oak Station, à moins d'une dizaine de minutes de mon appartement se trouvant dans la grande prochaine rue. C'était un appartement se trouvant au dernier étage, soit le quinzième, d'un imposant bâtiment. Pas de panique, on y trouvait un ascenseur au rez-de-chaussée qui grimpait sans broncher à chaque étage. L'avantage d'être au dernier étage, c'est qu'en plus d'avoir une vue imprenable sur la ville, j'avais un accès au toit en guise de terrasse.

« C'est européen en effet, je viens de Norvège. », affirmais-je.

Quelques pas plus loin, je lui indiquais de tourner à gauche en lui montrant l'immeuble au bout du chemin. Une fois arrivés devant le monstre, je poussais l'immense porte en bois de celui-ci et lui faisais signe d'avancer en souriant tout en appelant l'ascenseur. Quelques secondes plus tard, il vint en nous accueillant avec une ridicule musique d'ambiance.

Mon appartement était composé en bref d'un salon décoré d'un grand canapé en cuir noir posé sur un tapis en velours aux tons gris. Devant lui se trouvait une télévision murale, qui m'accompagnait les soirs où je n'avais rien de prévu, et d'une table basse en verre et en bois où mes pieds se reposaient quelques fois. Ainsi qu'un tas de meubles, plantes, tableaux et autres décorations. L'avantage de ce salon était qu'un des murs était entièrement en murs-rideaux laissant transparaître toutes les lueurs de la ville. Un comptoir séparait mon salon de ma cuisine, une cuisine à l'américaine moderne, tout ce qu'il y a de plus fréquent en Amérique. Il restait donc deux portes, l'une abritant une salle de bains avec douche et WC, l'autre ma chambre et mon espace de toilette privé. Ainsi qu'une mystérieuse porte que l'on remarquait à peine et qui abritait un escalier en escargot menant au toit.

« Tu rentres? », demandais-je en regardant Nolan dans les yeux tout en tenant la porte de mon cocon.

Le meilleur dans tout ça?
En fait, tout semble meilleur avec lui.