L'odeur caractéristique de la forêt lui emplit les narines. A cette époque de l'année, le parfum est encore plus fort. Elle ne sait pas si elle l'apprécie ou non. Olivia n'est pas vraiment du genre à vénérer la nature, à protéger les arbres coûte que coûte et à adorer toutes les senteurs naturelles.  Cependant,  il est vrai que ce n'est pas désagréable de parfois s'éloigner de la ville pour se retrouver au calme, dans la forêt, au milieu de tous ces troncs centenaires. Même si aujourd'hui, elle n'est pas venue pour se ressourcer, ni pour faire une randonnée en solitaire sur les sentiers forestiers. Non, elle est ici dans l'optique de s'excuser, elle qui déteste avouer ses torts et demander pardon. Question de fierté mal placée. Parce que dans cette histoire, elle est vraiment la fautive (même si elle considère avoir des circonstances atténuantes). Cela s'est passé peu après son arrivée à White Oak Station, alors qu'elle découvrait une nouvelle vie, totalement différente de celle qu'elle menait auparavant. De petite fille à papa pourrie gâtée, elle était passée à une femme devant s'occuper d'elle-même et assumer ses propres responsabilités, une transition qui reste difficile. Bref, un jour, elle se promenait en forêt pour se relaxer un petit peu et découvrir la nature environnante, lorsqu'elle décida d'allumer une cigarette. Même si la plupart de ses habitudes avaient changé, celle-ci restait, et la jeune femme ne comptait pas arrêter de fumer de sitôt. Après avoir terminé, et sans se soucier du mal que cela pouvait faire, elle jeta le mégot sur le sol. Bien sûr, elle ne pensait pas du tout à allumer un feu de forêt ou quoique ce soit dans ce genre, elle ne réalisait même pas que cela pouvait être dangereux, du moins pas sur le moment. Quoiqu'il en soit, le garde-forestier la vit, et s'en suivit une dispute mémorable, qui allait sceller une relation faite de tensions entre les deux personnes. Olivia n'apprécia pas du tout le ton du jeune homme, elle qui n'aime pas que l'on s'oppose à elle, qu'on la contredise ou qu'on lui dise ses quatre vérités. Après cela, dès qu'ils se croisaient, c'était des regards agressifs et quelques paroles échangées sans politesse. Heureusement, ils ne se rencontraient pas souvent, mais chaque fois la tension réapparaissait. Au cours des mois qui suivirent l'altercation, Olivia eut le temps de réfléchir, et même si son orgueil était à vif, elle admettait qu'elle avait agi avec impulsivité, qu'elle avait tord, et qu'il fallait qu'elle s'excuse.

Mais c'est bien plus facile à dire qu'à faire, et avec son fichu caractère, ce n'est pas du tout chose aisée. Elle a repoussé plusieurs fois le moment, se disant que de toute façon, il n'accepterait pas ses excuses, et puis finalement, elle s'est décidée. Après tout, on ne dit pas qu'il faut retirer un pansement d'un coup ? De cette manière, la douleur est rapide et après, c'est terminé. Comme elle ne connaît que son prénom, Victor, et qu'elle sait juste qu'il est garde-forestier, elle s'est rendue en forêt. Maintenant qu'elle est ici, elle hésite sur la manière d'agir. Ne voulant pas se ridiculiser, elle décide de faire semblant d'être là sans raison particulière, avec un petit peu de chance, elle tombera sur lui. Elle marche donc sur le sentier, s'arrêtant quelque fois pour observer les inscriptions sous les différents arbres, guettant de l'œil les autres personnes. Elle se penche vers des fleurs sauvages, les effleurant du bout des doigts. Travaillant chez un fleuriste, cela ne paraîtra pas suspect de la voir s'intéresser à leur variété, non ?

L'automne était la saison préférée de Victor ; les feuilles des arbres commençant à revêtir des couleurs chaleureuses, l'odeur particulière des feuilles tombant sur le sol, telle une sorte de paisible rituel. Mais outre, la beauté de la forêt et des environs, l'automne signifiait aussi le terme de période estivale, et par ce biais, la fin tant appréciée des touristes voulant parcourir toutes les étendues du comté d'Alberta. D'octobre à fin novembre, même si le temps devenait de plus en plus froid, et l'air de plus en plus humide, les journées étaient encore assez ensoleillées pour profiter des formidables paysages de White Oak Station.
Victor enfilait sa chemise à carreaux habituelle, oui il est vrai que le jeune homme était l'archétype parfait du garde-forestier ou du bûcheron canadien, avec la barbe, et le sale caractère en option : la carte postale parfaite. Une hache à la ceinture, il prit ainsi la route des sentiers les plus reculés de la forêt communale. Les campings sauvages et multiples feux de bois de l'été ayant endommagé la plupart des arbres, il fallait rétablir un peu d'ordre. S'il ne le faisait pas, les quelques touristes retardataires allaient se plaindre de l'état des lieux des forêts, et surtout resteraient bloquer dans les sentiers près des rocheuses. C'est vrai que ce serait dommage, qu'il reste coincé une nuit dehors avec les pumas, et autre ours, vraiment dommage.
Ronchonnant, comme à son habitude, tout en mâchonnant par la même occasion un petit cure-dent, Victor commença à dégager un chemin de l'emprise de la végétation. Toutefois, un bruissement au bout du chemin, le sortit de ses pensées. Lui qui aimait la solitude, et les longs monologues intérieurs de ses journées : Victor espérait de tout cœur qu'il ne s'agissait que d'un petit animal sauvage s'étant éloigné des fourrés. Malheureusement, ses espoirs furent vite abandonné lorsqu'il aperçu une silhouette observant les bas côtés du chemin.
Il s'approcha, comme à son habitude pour voir ce qu'il se passait, bien qu'il n'avait pas vraiment envie d'entamer une conversation, croyez-le. Mais, étant garde-forestier il se devait d'aller conseiller les passants sur les sentiers à prendre pour les randonnées, ou à leur parler des multiples variétés de végétaux. Malheureusement, il déchanta tout autant lorsqu'il reconnu la silhouette. Olivia. Victor poussa un soupir de mécontentement, à vrai dire leur relation n'était pas au beau fixe, sachant que la dernière fois que tout deux s'étaient réellement adressés la parole, une dispute monumentale avait éclaté : la jeune femme avait failli refaire la stupidité qu'il avait lui fait étant plus jeune, laisser tomber un mégot de cigarette encore fumant. Arrivé à quelques mettre de la jeune femme, il lâcha à demi-mots d'une façon presque inaudible  « et il ne manquait plus que ça.. » Il ne prit même pas la peine de soutenir son regard, ni de s'approcher plus. Victor reprit sa hache, et tourna les talons, lançant simplement dans un soupir :  « Si tu pourrais tâcher de ne pas laisser tomber tes mégots, éteindre un brasier c'est pas vraiment dans mes capacités.. ». Plus qu'énervé, Victor était placide, comme saoulé par les événements, lui qui n'étant pas vraiment méchant, ou de nature à s'énerver vite. Le jeune homme reprit la direction de son sentier, n'étant pas vraiment d'humeur pour une nouvelle dispute.

Olivia, penchée sur les fleurs d'un bleu éclatant, n'entend pas tout de suite les pas feutrés derrière elle. Pourtant, il n'est pas très discret, ses chaussures écrasent les branches et les feuilles émettent un doux bruissement sous ses pieds, mais elle est dans ses pensées, pensant justement à la manière dont elle peut l'aborder. Finalement, elle n'a pas à se donner cette peine, puisqu'il prend la parole en premier, la faisant se retourner avec un léger sursaut. Il peste contre sa présence, et Olivia fronce les sourcils, se sentant agressée. Elle a bien envie de tourner les talons et de partir sans se donner la peine de mettre en application ce pourquoi elle est venue, mais sa conscience l'en empêche. La jeune femme prend une grande inspiration, parvient même à émettre un sourire, et se lève. Elle ignore la réplique offensive de Victor, essayant de comprendre les raisons du jeune homme à réagir ainsi, après tout à sa place elle ne serait pas ravie de rencontrer la personne qui a failli foutre le feu à la forêt qu'elle garde. D'ailleurs, il lui rappelle bien vite son geste de la dernière fois, en lui demandant de ne pas réitérer sa bêtise, tout en lui tournant le dos. Ce que n'apprécie pas du tout Olivia, qui interprète cela comme un manque de respect total. Elle a l'impression de n'être pas digne de considération, et elle a toutes les peines du monde à contrôler sa colère, lorsqu'elle l'aperçoit qui s'éloigne, l'air indifférent. Elle est d'un naturel impulsif, et si elle n'avait pas un reste de raison lui permettant de rester calme, elle serait déjà chez elle, décidée à ne plus jamais lui adresser la parole, et à ne jamais lui proférer d'excuses. Bien sûr, il ne peut pas deviner pourquoi elle est ici, mais il n'a pas besoin d'agir comme si elle était une pestiférée (Olivia a une certaine tendance à l'exagération). En deux ou trois enjambées elle rejoint le jeune homme, et s'arrête devant lui, son petit sourire toujours accroché à ses lèvres. « Je suis venue en paix, et sans cigarettes, si tu veux tout savoir. » Elle essaie de se composer une figure agréable, de ne pas parler trop agressivement, elle fait vraiment des efforts pour améliorer la situation, et venant d'elle, c'est assez rare, il devrait apprécier cela à sa juste valeur. Olivia, jaugeant d'un coup d'oeil la tenue du jeune homme, ne peut s'empêcher cependant une petite pique. « Wouah, tu as toute la panoplie du vrai bûcheron ou quoi ? » Chemise à carreaux, barbe, hache à la main, l'air ronchon d'un ours mal-léché, vous voyez le genre. Honnêtement, on le croirait tout droit sorti d'un épisode de La petite maison dans la prairie, avec les Ingalls et tout. La jeune femme fait une moue dubitative. « Enfin, j'imagine que pour certaines personnes, ça a du charme... » Là, elle pense tout haut, oubliant que la dernière chose qu'elle veut est le froisser. Il faut dire qu'elle a toujours eu une certaine tendance à juger les apparences. « Bref, ce n'est pas le sujet. Tu fais le ménage dans la forêt ? » Pathétique, mais elle ne sait vraiment pas quoi lui dire. Elle ne veut pas s'excuser de but en blanc, et préfère retarder le moment fatidique.

Victor espérait vraiment qu'il allait pouvoir repartir couper ses branches, faire sa vie, dans son petit bout de forêt, en paix. Mais cela était sans tenir compte de la ténacité d'Olivia ce jour-là. Le garde-forestier n'avait pourtant pas été très accueillant dans ses paroles. Et encore moins dans ses gestes ; lorsqu'à peine il l'avait aperçu, il avait rebroussé chemin.
La jeune femme le rattrapa rapidement, et à sa grande surprise lui répondit poliment, voir même plus, Olivia avait l'air agréable et sympathique dans ses mots. Soucieux, il fronça les sourcils et s'arrêta, sentant les problèmes arriver à plein nez ; mais non, même la petite réflexion n'était pas méchante. Il haussa les sourcils avant de s'exprimer :  « il faut bien frimer un peu de temps en temps... » . Le jeune homme lâcha même un semblant de rire, ou au moins un rictus amusé, c'est vrai qu'avec sa hache et sa chemise à carreaux, on ne pouvait pas mieux faire dans les stéréotypes des terres reculées du Canada.
Le garde-forestier avançait dans la forêt toujours en compagnie d'Olivia, il n'allait pas remettre à plus tard ce qu'il devait faire pour ses beaux yeux, quand même. En faisant tournoyer sa hache sur le côté, il se fraya un chemin dans les broussailles, espérant quelques peu qu'il la sèmerait.  « Ouais, c'est un peu ça, on remet les chemins en l'état, en essayant de respecter au mieux la végétation », raconta-t-il. La jeune femme avait l'air même de s'intéresser à ce qu'il faisait, ou du moins le prétendait vraiment. Avec une moue sceptique, il donna quelques coups sur les bas côtés pour repousser quelques fougères trop envahissantes. Plus il la regardait ; elle si citadine, plus il se trouvait en marge de la civilisation, quand bien même il rejoignait White Oak tous les soirs, et réussissait même à sortir parfois ; la jeune femme paraissait tellement hors de son milieu « naturel ». Le fait qu'elle se retrouve là, en face de lui, le mettait quelques peu mal à l'aise. Victor n'ayant jamais vraiment été bavard ne savait pas vraiment quoi dire, pour éviter le silence gênant qui s'installer dans les bois. Se cacher derrière sa barbe et son caractère d'ours mal léché, ça il savait faire, mais par contre, les civilités avaient l'air quelques peu de lui échapper. Il donna un coup sec sur une branche qui tomba d'un coup sur le sol, il la poussa avec le pied, et rattrapa son outil.  «  et sinon Olivia, tu fais quoi vraiment là, je pense pas vraiment que les randonnées ça soit ton fort ? » dit-il. Et voilà, le retour de monsieur je-n'ai-aucun-tact-quand-je-parle, et je ne fais aucun effort pour être poli. Victor se rendit compte de sa brusquerie, même s'il ne s'entendait guère avec la jeune femme, elle avait essayé d'être polie depuis qu'elle était là, il essaya donc de se rattraper : « enfin, je veux dire... c'est pas super rassurant de se balader là toute seule en dehors des sentiers ? ». Notez l'effort, mais d'un côté, ici, la forêt n'avait pas vraiment l'air effrayante, surtout en pleine après-midi. A part peut-être lui ressemblant a un psychopathe, qui avec sa hache pourrait sembler tout droit sorti d'un film d'horreur.

Quelle surprise lorsque Victor lui répond aimablement, en faisant même un trait d'humour au passage. Olivia ne s'attendait sûrement pas à ça, il faut dire qu'il n'a pas le look du blagueur type, plutôt celui du renfrogné qui ne se déride jamais. D'ailleurs, Olivia rit à sa remarque, cela détend l'atmosphère et les tensions entre eux s'apaisent, ce qui ne peut qu'être bénéfique. Faire la conversation dans un climat tendu n'est pas du tout agréable. « Je ne te pensais pas du genre à frimer, le mythe de l'impassible bûcheron tombe. » La jeune femme sourit, c'est vrai qu'elle le voit plutôt se cacher dans sa cabane au fin fond de la forêt et éviter tous contacts humains. Enfin, c'est idiot, il ne doit pas habiter dans une cabane, bien sûr, mais l'image qu'il renvoie donne vraiment  cette impression-là. Du moins, c'est de cette manière que l'a ressenti Olivia, mais étant donné qu'elle est une pure citadine qui il y a quelques temps n'avait jamais mis les pieds dans une vraie forêt,  elle peut se tromper sur le garde-forestier.
Les voilà donc tous les deux marchant à travers les bois, Olivia le suivant tant bien que mal, ses talons s'enfonçant dans le sol boueux. Elle ne pensait pas avoir à s'écarter des sentiers, et a donc chaussé des bottes à talon, sans penser que dans une forêt ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire. Elle ne se plaint pas, ne voulant pas s'attirer les foudres de Victor et ainsi gâcher tous ses efforts. Celui-ci lui explique d'ailleurs son travail, et la jeune femme l'écoute attentivement. En vérité, cela l'intéresse, elle s'est jamais posé de questions sur l'entretien de la forêt, à vrai dire elle ne  pensait pas qu'il y en avait besoin. « Et tu dois faire ça fréquemment ? » Même si elle n'est pas venue pour parler des activités forestières de Victor, cela lui fera toujours des connaissances en plus. Soudainement, il abat une branche devant elle, ce qui la fait légèrement sursauter. Elle n'a pas intérêt à l'énerver, s'il retourne sa hache contre elle, elle ne donne pas cher de sa peau. Le jeune homme lui demande alors ce qu'elle fait là un peu abruptement, posant une colle à Olivia, qui ne sait quoi répondre. Pas la vérité, bien sûr. En tout cas, il est clair qu'il a raison, elle n'est pas en randonnée dans la forêt. Elle ne relève pas le ton un peu brusque de Victor, et d'ailleurs il reformule sa question, en y mettant plus de douceur, lui demandant donc si elle n'a pas peur de se promener en dehors des chemins tracés. « Pourquoi, il n'y a pas de fous cachés dans les fourrés quand même ? »  La jeune femme sourit, un petit peu moqueuse. Elle n'a croisé que des lapins, et elle pense tout de même être en sécurité ici. Encore plus avec lui, il a une arme dans la main après tout. « Et pour répondre à ta question, je suis venue examiner les différentes variétés de fleurs. Tu ne le sais peut-être pas, mais je suis fleuriste, et les plants sauvages m'intéressent. » Mensonges. Elle travaille bien chez le fleuriste, mais ne peut pas être considérée comme telle, elle n'a jamais eu de formation et est plutôt assistante qu'autre chose, même si elle a acquis pas mal de connaissances sur les fleurs. Et bien entendu, elle n'est pas là par intérêt pour les plants sauvages.

Victor traversait aisément les sentiers caillouteux, connaissant parfaitement tous les recoins de la forêt de White Oak, en plus de la parcourir tous les jours, il avait en quelques sortes grandi dedans. Son pas se faisait plus rapide, avant qu'il ne s'aperçoive qu'Olivia avait un peu de mal à suivre. Un sourire dans le coin, il s'estimait tellement heureux de ne pas devoir porter des chaussures à talons, jamais pratiques, et puis, à vrai dire rien ne vaut une bonne paire de timberland qui résiste à tout.  « un problème de chaussure? » ironisa-t-il avant d'enchaîner :  «  ouais plutôt, à chaque fin de périodes touristiques, et quotidiennement à moindre mesure, pour dégager deux trois chemins ». Le garde-forestier ralentit ainsi le pas, essayant d'éviter de traverser les sentiers les plus boueux.
Victor s'était radoucie, moins renfrogné qu'il ne l'était à l'arrivé d'Olivia. Chose étant : il n'était pas vraiment, malgré ses ronchonnements fréquents, un méchant.
 «  Des fous dans les buissons ? J'pense pas, et c'est l'homme avec la hache qui te le dis.. » dit Victor, tout en riant nerveusement, c'est vrai que la seule chose à faire peur c'était lui, avec sa barbe, sa hache, et son air renfrogné : même les chats sauvages avaient l'air plus agréables que lui. Le garde-forestier jeta une branche au loin, et s'appuya sur son outil de travail. Olivia avait vraiment un travail, il ne savait pas ce qu'il trouvait le plus drôle : que la jeune femme travaille, ou que quelqu'un ait vraiment eu envie de l'embaucher ? Il nota qu'elle avait vraiment dû changer alors depuis la dernière fois, parce que, selon lui, même un fou ne l'aurait pas embauché. A moins que sa langue bien pendue et son caractère bien trempé n'ait été là que pour le piquer au vif. Toujours est-il que, la conversation restait cordiale et polie, si un passant été passé, jamais il n'aurait pu penser que les deux ne pouvaient à l'origine pas se voir en personne.   « et les fleurs alors, c'est un métier qui marche ? » demanda-t-il, un peu moqueur, lui étant subventionné simplement par le bon vouloir de l'administration du comté d'Alberta.
Quelques élagages de fourrés plus tard, les deux jeunes gens débouchèrent sur une clairière. Victor en sortant du sentier, se renfrogna quelques peu, il avait fait particulièrement beau ses dernières jours, et malgré le début de l'automne, les températures pouvaient encore atteindre un niveau agréable. A quelques mètres d'eux, entres les herbes se trouvaient les restes d'un feu de camp, quelques bouteilles et des mégots. Le bûcheron ferma les yeux quelques instants, la scène ressemblait de toute part au jour où il avait incendié la forêt : tout avait commencé par un simple feu. Lâchant un soupir énervant il s'avança, attrapa un mégot, le balança au sol, et dit fulminant : « Bordel de merde, y a vraiment que des cons ici »

Heureusement, Olivia n'est pas allée jusqu'à porter des talons aiguilles ou des chaussures de ce genre là, cela aurait été catastrophique. D'ailleurs, Victor semble remarquer la difficulté qu'éprouve Olivia à marcher à travers la forêt, puisqu'il fait une petite remarque à ce sujet. La jeune femme grimace légèrement alors qu'elle manque de trébucher, répondant ainsi à la remarque de Victor sans avoir besoin de s'exprimer. En tout cas, elle va devoir nettoyer ses chaussures ce soir, avec la boue qui les macule désormais, elles sont importables. Écoutant Victor répondre à sa question, elle prend note intérieurement de ce qu'il lui dit, hochant la tête pour lui montrer qu'elle est attentive. « Ça doit être un travail difficile physiquement, quand même. » Elle est soulagée de voir que pour le moment, il n'y a pas d'accroc, pas de dispute, ils agissent en personnes civilisées, contrairement aux précédents mois. Bien sûr, ils ne seront sans doute jamais amis, mais au moins les choses se calment un petit peu, ils arrivent à tenir une conversation courtoise sans s’entre-tuer. Olivia est d'ailleurs assez fière d'elle-même, elle est beaucoup plus mature qu'auparavant, et elle arrive à voir les bons côtés du jeune homme, en mettant sa rancœur et sa fierté de côté.
La jeune héritière rit à la remarque de Victor, c'est vrai qu'il n'est pas du tout rassurant avec sa hache, et que pour les yeux d'un étranger ne connaissant pas son métier il pourrait peut-être faire peur. « Du moment que tu n'utilises pas ta hache contre moi, tout va bien. » Même si c'est dit avec humour, il y a une part de sérieux dans sa phrase, après tout elle ne le connaît pas beaucoup, mais lors de leur première altercation il n'a pas gardé son sang-froid, et à ce moment-là il était sans arme. Olivia est rassurée de voir que la conversation se détourne de la raison de sa venue pour s'orienter vers son travail. « Et bien, j'imagine... On a pas mal de clients, les fleurs ne se démodent jamais. » Elle ne sait pas si la boutique fonctionne bien, elle ne connaît pas le chiffre d'affaires et ce n'est pas son problème, en tout cas elle a toujours sa paie en fin de mois. Bien sûr, elle ne travaille pas vraiment par nécessité puisqu'elle un compte bancaire rempli, alimenté par son père, mais parfois un peu de normalité ne fait pas de mal, et ce qu'elle fait lui plaît. Elle aimerait avoir plus de responsabilités au sein de la boutique, mais son patron a quelques réticences, connaissant son ancienne réputation datant de Los Angeles.
Olivia et Victor arrivent finalement dans une clairière, où ils peuvent apercevoir un ancien feu de camp, avec les restes d'une soirée arrosée. Le jeune homme s'énerve immédiatement, et Olivia ne sait pas comment réagir. Elle est mal placée pour juger les personnes qui sont responsables de tout cela, et en même temps elle se sent visée par la remarque de Victor, piquée au vif. Après tout, il doit l'englober dans "les cons". Elle aussi a commis un acte semblable, et c'est peut-être pour cela qu'elle se met à la place des allumeurs du feu de camp, en prenant leur défense, et par extension, en essayant de se disculper elle-même. « Ils n'ont pas dû se rendre compte de leur acte... Et puis, tu vois, rien ne s'est passé, il n'y a pas eu d'incendie, pas besoin de t'énerver. » Par contre, ce n'est pas génial de laisser tous les déchets ici, pas seulement un seul mégot mais les bouteilles, les papiers, etc, sans penser à ceux qui vont passer derrière pour nettoyer. Mais encore une fois, Olivia ne peut pas les blâmer.

Victor continuait de ratiboiser quelques branches, faisant fuir quelques mulots, et autres petits rongeurs au passage, tout en passant sa hache entre ses deux mains.  « promis je l'utiliserais pas contre toi, mais me tente pas non plus ! », il n'essaya même pas de prendre un air menaçant, et garda ce quasi-sourire sur les lèvres. La discussion paraissait tellement cordiale, et surtout naturelle, Victor en étant le premier surpris. La conversation s'engageant sur leur métier respectif pouvait sembler à s'y méprendre à celle que quelques vieux amis auraient pu avoir autour d'un verre. Chacun jouant très bien son rôle d'interlocuteur poli, faisant mine d'être intéressé par ce que faisait l'autre. Victor regardait Olivia, ouais les fleurs devaient être une bonne branche - sans mauvais jeu de mots -, bien que la jeune n'avait pas vraiment l'air d'avoir besoin d'argent pour arrondir ses fins de mois.
Toutefois, l'arrivée dans la clairière gâcha l'atmosphère paisible qui avait réussi à s'installer. Tout n'aurait pas pu rester calme pendant plus de quinze minutes. Victor venait de démarrer au quart de tour, comme à son habitude : autant certains sujets le laissaient de marbre, autant d'autres le prenaient aux tripes. Le bûcheron s'approcha des restes de la soirée, déchets et autres restes de bouteilles. Cette saleté ne le dérangeait pas vraiment : des touristes crades il y en avait toujours, mais le nombre de mégots regroupés autour d'un reste de feu, c'était une autre histoire. Agacé, il donna un violent coup de pied dans une bouteille de bière qui parti s'écraser quelques mètres plus loin. « Non mais tu comprends pas les conséquences qu'il y aurait pu avoir, putain, on est dans la partie qui s'embrase le plus avec toutes ces putains d'herbe sèches, surtout en cette putain période. Ils auraient pas pu aller dans la partie réservée au feu de camps hein, putain, fait chier, bandes d'inconscient, c'est vrai que c'est tellement mieux de risquer de faire un brasier géant » aboya-t-il. Quelle classe, un véritable gentleman, tellement de finesse dans une seule phrase : du bon vieux Victor énervé. Le paradoxe de la chose était qu'il condamnait tout ces jeunes gens, faire la fête sans penser aux conséquences, les critiquant, les médisant, les maudissant. Alors qu'eux ne faisaient que s'amuser. Ils faisaient exactement ce que Victor et ses amis avaient l'habitude de faire des années plus tôt. « Ils avaient qu'à directement allumer un briquet et le jeter dans les herbes... » continua-t-il toujours en fulminant dans un somptueux monologue aux tournures mélodramatiques ; exagérant au plus haut point tout ce qu'il trouvait à dire.
Mais d'un autre côté pouvait on vraiment le blâmer ? Ces insultes à répétition ne traduisant qu'une forte inquiétude, et faisant ressurgir en lui toute une panoplie de remords enfouis. Le garde-forestier secoua la tête, comme pour reprendre ses esprits, il regarda Olivia, et s’aperçut qu'il tenait encore sa hache dans ses mains, ses jointures comme incrustées dans l'outil. D'un geste rapide, il recula de quelques mètres et la planta dans un tronc. Victor réalisa qu'il s'était peut-être un peu emporté, l'air penaud il regarda vers le sol et balbutia : « ouais, fin, bon.. désolé.. t'y es pour rien, c'est que des jeunes, tant pis ». Le jeune homme se retourna et fit quelques mètres vers la forêt, pour reprendre une respiration calme et posé.

Olivia sourit à la remarque de Victor, il l'a dit gentiment et non pas comme une menace sérieuse, et c'est toujours rassurant. Enfin, même s'il a le look d'un possible meurtrier et qu'il ferait un bon méchant dans les films, il n'est pas aussi mauvais qu'elle l'a cru au début.
Son sourire s'efface cependant vite lorsque Victor s'irrite, laissant échapper sa fureur sur une bouteille qui jonche le sol, ce qui fait reculer Olivia par réflexe. Le garde-forestier entre ensuite dans une colère noire, s'énervant contre la jeune femme, et débitant un nombre impressionnant de "putain" dans une seule phrase. Olivia, qui jusque là a étonnamment réussi à garder son calme, malgré son impulsivité naturelle et sa facilité à pousser une gueulante, se met à son tour en colère et refuse de se laisser faire. « Bien sûr que si je me rends compte des graves conséquences qui auraient pu en découler, tu pense que je suis idiote ou quoi ? J'ai appris de mon erreur, je ne cautionne pas leur geste, mais il n'y a pas eu de feu, rien du tout, pas la peine d'en faire toute une montagne ! Si tu veux passer tes nerfs sur quelqu'un, je suis la mauvaise personne ! » La jeune femme croise les bras, et souffle un grand coup pour se calmer, elle aurait préféré éviter une énième altercation. Elle  comprend que Victor soit agacé vis-à-vis de la découverte du feu de camp, mais bien qu'elle ait déjà fait une erreur semblable, aujourd'hui elle est innocente, alors qu'il trouve quelqu'un d'autre à blâmer. Et de plus, elle ne voit pas pourquoi il s'énerve autant maintenant, certes cela aurait pu mal tourner mais la chose est faite, et la catastrophe a été évitée, pour elle c'est le principal. Les coupables sont des inconscients, c'est certain, ils n'ont pas pensé à la connerie qu'ils ont faite en laissant un feu et des mégots dans une forêt, qui est  facilement inflammable, mais on fait tous des erreurs un jour ou l'autre. Personne n'est infaillible, et elle ne pense pas que Victor fasse exception. « Et puis, quand on est jeune on ne réfléchit pas... Tu vas me dire que tu n'as jamais fait de conneries ?! » Rien ne dit que ce sont des adolescents qui sont à l'origine du feu, mais c'est fort probable, c'est typiquement une bêtise de jeunesse, et les feux de camps sont très appréciés à cet âge-là. Ils ont dû bien s'amuser, en tout cas, vu le nombre de mégots et de bouteilles de bière.
Olivia se détourne de Victor, qui a d'ailleurs l'air d'un vrai psychopathe avec sa hache, décidant d'aller s'asseoir pour se détendre un petit peu. S'installant sur les racines d'un gros arbre, elle pose sa tête entre ses mains pour essayer de faire abstraction de la situation. Finalement, après avoir planté son outil dans un tronc d'arbre, Victor vient s'excuser, ce qui étonne un petit peu Olivia. Il est impulsif comme elle, mais il a les excuses plus faciles. Les mains croisées sur sa poitrine, la jeune femme hoche la tête, encore un petit peu énervée. « Ça va, je peux comprendre. » L'air toujours boudeur, elle soupire une nouvelle fois, assez contrariée par la tournure des événements. « Et désolée aussi de m'être emportée, comme tu as pu t'en apercevoir je n'aime pas qu'on me gueule dessus. » L'excuse ne lui aura pas brûlé la langue, en tout cas.

Victor marmonna à la remarque d'Olivia, non, il ne pensait pas qu'elle était idiote, ou du moins il ne le pensait plus vraiment, à la vue des changements qui s'étaient opérés dans son caractère depuis leur dernière rencontre : une maturité nouvelle, ou du moins une maturité qu'il venait de découvrir. Il poussa simplement un autre soupire énervé, continuant de lancer des  « putains » frénétiques, maintenant en plus d'avoir la dégaine du bûcheron mal luné, il avait même le jargon. Toutefois, Olivia avait raison, cela ne servait à rien de s'énerver contre-elle, il l'avait déjà fait, et voilà où ça les avait menés. Maugréant toujours, Victor avait la rancune facile, et continua de donner des coups de pieds dans deux trois trucs qui lui 'passaient sous le pied'.
Victor, infaillible ? Le dire n'était qu'un euphémisme aux vues des circonstances. Il ne prit même pas la peine de répondre avec un sarcasme, désabusé, voir même triste. Il reprochait aux autres ce qu'il avait eu la connerie de faire, le pire étant que lui avait eu un père lui ayant appris les dangers des feux de forêts, mais jamais il ne l'avait pris au sérieux. « Ça je te le fais pas dire.. » chuchota-t-il, presque de manière inaudible. Le garde-forestier marchant toujours à quelques mètres de la jeune femme, posa ses mains sur sa tête, essayant de se détendre, d'éviter un nouvel accès de colère, et d'insultes sur la première personne qu'il avait à sa porté, si innocente soit-elle sur ce coup-là. Il se retourna et se rapprocha d'Olivia, il ne savait plus trop quoi dire, même elle venait de s'excuser, d'avoir été impulsive. Elle s'était excusée, alors que pour une fois elle n'était pas en faute, seul lui était à blâmer, Victor le remarqua, et trouva ça plutôt intriguant : jamais il n'aurait cru qu'elle aurait pu s'excuser pour quoi que ce soit.  « Ouais, ça, je peux pas te le reprocher, j'en connais un tout aussi impulsif! » ajouta-t-il d'une voix plus posée.
Prenant une grande inspiration, il fit un tour sur lui même, regardant l'étendue des dégâts : quelques herbes étaient brûlés, mais le feu avait été pour la plus grande partie maintenue entre quelques pierres, le sol était jonché de déchets, il allait devoir prendre son mal en patience pour tout ramasser, le désavantage du métier. Victor se sentit d'autant plus stupide, et désemparé, quand il s'aperçut qu'en donnant des coups de pieds à droite à gauche, il avait parsemé le sol d'éclats de verre, étendant le champs de ramassage. Il avait l'air beau maintenant, à vouloir donner des leçons, alors que lui sous le coup de la colère empirait encore plus les choses.  « On peut dire qu'au moins sur ce coup, on est quitte, chacun s'est emporté sur l'autre..! » Bon, même si, vu le nombre d'insultes, Victor s'était sûrement (très probablement -assurément- ) plus emportée sur la jeune femme que le contraire.
Le garde-forestier, sorti alors de sa veste, un sac plastique froissé par les mois passés au fond de la pochée intérieure. Le jeune homme se baissa et commença à récupérer le plus gros des saletés à même le sol. « Au moins, maintenant, après avoir vu les points positifs du métier à vivre en plein air, tu vois l'autre facette : contrairement aux clichés, je ne fais pas que me balader sifflotant! » dit-il en essayant d'ajouter une pointe d'humour.

Olivia, en colère, ne relève pas la réponse de Victor à sa question, qui était à l'origine purement rhétorique. La jeune femme comptait juste appuyer ses arguments en faisant prendre conscience le jeune homme que l'erreur est humaine, et qu'il doit forcément avoir fait des bêtises lorsqu'il était plus jeune, voire même il y a peu de temps. Ruminant dans son coin, à côté de son arbre, Olivia n'a donc pas tout de suite réagi à l'aveu de Victor, qui admet bien que lui non plus n'est pas infaillible, en chuchotant, ce qui est étonnant après ses cris de tout à l'heure.
Finalement, la situation s'arrange avec leurs excuses mutuelles, et Olivia, toujours en colère, est tout de même soulagée de voir qu'ils peuvent arriver à un terrain d'entente et dissiper les malentendus, choses qu'elle n'aurait pas cru possible quelques mois auparavant. Cependant, elle n'est toujours pas prête à revenir sur leur première altercation et à reconnaître ses tords, bien qu'indirectement elle l'a fait en mentionnant qu'elle a appris de ses erreurs. Pour des excuses plus explicites, ce ne sera pas pour tout de suite, elle déteste faire le premier pas, toujours par fierté, elle trouve plus facile de s'excuser après que l'autre personne l'ait déjà fait, plutôt que de prendre soi-même l'initiative. Toutefois, elle sera bien obligée de faire le premier pas, étant donné que dans cet histoire de mégot jeté par terre, elle est coupable.
Victor reconnaît lui aussi être impulsif, et il est vrai qu'ils ont tous les deux ce défaut, ce qui rend les discussions compliquées, une étincelle pouvant créer un feu rapidement entre les deux jeunes gens (c'est le cas de le dire). Mais comme il le dit, dans cette histoire les deux partis n'ont pas su garder leur calme, personne n'est véritablement fautif, même si pour le coup, c'est Victor qui est l'instigateur de la petite altercation. « Oui, enfin je dois dire que tu sais mieux fleurir ton langage ! » L'héritière sourit, pour une fois que ce n'est pas elle qui devient vulgaire dans ses paroles, elle a évité les jurons et, même si sa voix est très vite montée dans les aigus, elle a su garder une certaine restriction dans ses mots. Encore un petit peu énervée, ou plutôt agacée, Olivia tapote du pied sur le sol, qui est une réaction typique dans ce genre de situations.
Après s'être calmés tous les deux, le garde-forestier commence à ramasser les déchets, plaisantant sur l'envers du décor de son métier. Cela fait rire Olivia, il est vrai qu'être garde-forêt n'a pas que des avantages, et du point de vue de la jeune femme, est loin d'être le métier idéal. Elle préfère être en intérieur, de toute façon, supportant mal les températures trop basses ou trop élevées. « Après aujourd'hui, je verrais le travail de bûcheron autrement ! » Bien sûr, il n'est pas bûcheron techniquement, mais elle fait un petit clin d’œil à leur précédente discussion, sur sa ressemblance frappante aux bûcherons canadiens. Les bras ballants, elle ne sait que faire en regardant Victor s'affairer, dans ces moments là il est poli de proposer son aide, mais à vrai dire elle n'est pas vraiment tentée par le ramassage des détritus. Certaines de ses habitude de princesse ne changeront pas, déjà chez elle elle déteste faire le ménage, ou vider la poubelle. A la place, elle préfère satisfaire sa curiosité, quitte à paraître impolie et indiscrète, ce qu'elle est de toute façon. « A quoi tu faisais allusion tout à l'heure ? A propos des conneries que tu as pu faire par le passé. » Même si sur le moment elle n'a rien répondu sur le coup de la colère, elle n'a pas oublié la remarque de Victor, pratiquement impossible à entendre si elle n'avait pas une ouïe aiguisée, et c'est ce qui a piqué sa curiosité.

Un langage fleuri, oui c'était une jolie façon de voir les choses, vis-à-vis des propos de Victor et son débit d'insultes à la minute.« Oui, fleuri, j'aurais plutôt qualifié ça d'un langage de charretier mais bon, fleuri c'est d'autant plus sympathique » dit-il amusé, c'est vrai qu'au moins ça lui donnait un air moins coupable.

Pendant que Victor ramassait quelques déchets par terre (des fois il est des situations où il ne vaut mieux pas se demander ce que c'est, vu l'apparence de la chose), il réfléchit à sa condition de garde-forestier, bien moins classe que tout ce qu'on pouvait s'imaginer. En soulevant les yeux, il vit qu'Olivia restait debout à le regarder, il sourit, certaines choses ne changeraient donc jamais. Mais d'un autre côté, il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir : ramasser les merdes des autres n'était absolument pas gratifiant, et encore moins intéressant. Toutefois son humeur qui était redevenue, plutôt calme et posée, se vit changer en quelques secondes. Olivia avait contre toutes attentes entendu sa réflexion. Ce malgré le fait qu'il l'ait marmonnée en fulminant.. Victor songea à laisser la jeune femme dans l'expectative, il n'avait pas envie de lui raconter sa vie, et de plus elle n'avait pas à savoir. D'un autre côté, la connaissant s'il la laissait dans le vent, une autre dispute allait sûrement s'en suivre, et il n'en avait vraiment plus l'envie. Le jeune homme, cependant, ne répondit pas tout de suite, laissant quelques instants, réfléchissant à ce qu'il pourrait bien dire. Il mit ainsi du temps à répondre, se renfrognant à chaque fois qu'une pensée le traversait. Il n'allait tout de même pas lui dire ce qu'il avait fait : il ne l'avait jamais dis à personne, pourquoi l'avouerait-il à Olivia ? Après quelques minutes d'un silence pesant, Victor se décida : « et bien comme tu l'as si bien dis, personne n'est infaillible ». Oh, il savait bien que cela ne serait pas suffisant, mais il espérait au fond de lui que cela assouvirait tout de même la curiosité de la jeune femme. D'autant plus que, ayant été coupable d'avoir fait brûler la forêt quelques années auparavant, ses accusations à l'encontre de la jeune femme seraient vaines, et elle aurait tous les droits du monde de le lui rappeler. « De toute façon, le tout remonte à une époque où le comté d'Alberta n'était probablement pas dans tes pensées. » ajouta-t-il, d'une voix basse, presque inaudible sur la fin. C'était sûrement vrai, la jeune femme n'étant pas d'ici, et White Oak Station n'étant qu'une pauvre petite ville du fin fond d'un comté reculé du Canada. Cela réjouit un peu Victor, car au moins, si elle ne connaissait pas bien la ville, il y avait que d'infimes chances qu'elle soit au courant de l'incendie qui avait ravagé les bois alentours.
Désireux de changer la conversation, espérant que ça allait duper la jeune femme, Victor demanda d'un ton plus fort, et plus... attrayant « Bon et toujours pas l'envie de devenir garde-forestier alors ? », ce auquel il ajouta ironiquement, « un vrai métier de rêve ! ».

Olivia ne peut pas vraiment reprocher le langage de Victor, puisque niveau grossièretés elle s'y connaît assez bien, elle a fait plusieurs fois la une de la presse de Los Angeles pour ses injures à répétition, contre les forces de l'ordre notamment. Maintenant, elle sait se retenir, mais il lui arrive fréquemment de lâcher quelques jurons, surtout lorsqu'elle est énervée, vraiment énervée, comme lors de sa première altercation avec le garde-forestier.
Le jeune homme met un moment avant de répondre à la question d'Olivia, ramassant les cochonneries laissées par les adolescents. La jeune femme, de son côté, s'adosse contre un arbre, se tournant les pouces en attendant d'entendre ce que va lui dire Victor. Finalement, il lui répond que personne n'est infaillible, ce qui ne satisfait pas du tout l'héritière, elle ne considère même pas cela comme une vraie réponse, cela ne lui suffit pas. Il pense peut-être se débarrasser d'elle par cette simple phrase, mais sa curiosité n'en est que plus grande, et Olivia a bien envie de savoir ce qu'il cache, il a dû faire une grosse bêtise par le passé pour éviter ainsi d'aborder le sujet. « Mais encore ?... » Il faut l'avouer, elle adore les potins croustillants, elle fait preuve d'indiscrétion mais ne s'en soucie guère, elle est très bornée et lorsqu'elle veut savoir quelque chose, d'une manière ou d'une autre elle y arrive, c'est une vraie petite fouine. C'était toujours la première à être au courant de ce qui se passait dans la jeunesse mondaine, les frasques des uns et des autres, etc. C'était peut-être parce qu'elle en faisait souvent partie, mais surtout à cause de sa curiosité infatigable, et de son agaçante tendance à vouloir tout savoir. Essayant d'ajouter un petit peu de légèreté à la conversation, et ainsi peut-être l'amener à lui dévoiler ce qu'il garde pour lui, Olivia demande, avec un sourire : « Tu caches des cadavres dans ton placard, peut-être ? »
Victor ajoute ensuite une remarque que la jeune femme entend à peine, elle n'arrive à percevoir que la première partie de sa phrase, jusqu'à ce qu'il évoque le comté. « Quelle époque ? Je n'ai pas entendu. » C'est sûrement le but, mais autant faire l'innocente.
Embrayant rapidement sur un autre sujet, Victor, l'air de rien, essaie de faire dévier la conversation, ce qui n'échappe pas à Olivia. Un sourire moqueur passe sur ses lèvres, si il croit qu'il peut l'avoir comme ça, il se trompe. « Je songe sérieusement à me reconvertir, vivre toute l'année dehors, mon plus grand rêve », raille-t-elle. « Mais n'essaie pas de détourner la conversation, on était en train de parler d'autre chose tout à l'heure. Le fait que tu ne sois pas infaillible, tout ça. » Un véritable bouledogue, à ne pas vouloir le lâcher. Maintenant qu'elle est lancée, elle ne va pas s'arrêter.

« Ouais, c'est ça j'ai caché quelques cadavres dans la forêt, tu devrais peut être faire attention ! » ajouta-t-il amusé, autant essayer d'éloigner la question le plus possible. Peut-être qu'elle oublierait, ou pas. « Le véritable avantage à être garde-forestier, personne ne s'étonne de vous voir roder dans les bois la nuit tombée pour creuser quelques trous.. » sifflota Victor, en fermant le sac plastique enfin plein : les dégâts de la soirée quasiment disparus, seulement quelques herbes jaunies par les flammes trahissant encore les faits. Olivia bien qu'innocemment essayait par tous les moyens de le faire parler. Bon sang, quelle idée avait-il eu de parler tout seul, alors qu'il était énervé. N'aurait-il pas pu se taire, pour une fois ? Il prit une grande inspiration ; « White Oak, il y a de ça une dizaine d'année ; d'ailleurs est-ce que t'étais née ? » demanda-t-il ironiquement à la jeune femme qui devait être simplement de quelques années plus jeune que lui. Mettant son sac de déchets sur l'épaule, il s'avança vers la jeune femme, et récupéra sa hache.
« Et bien personne n'est infaillible, on a tous fait des conneries, mais bon on a pas tous essayé de brûler la forêt en s'amusant un soir au moins !» plaça-t-il avec innocence faisant référence aux jeunes de la veille. Et essayant d'évincer rapidement les événements passés il y a quelques années, comme pour éloigner le sujet. Elle ne relèverait pas qu'il parlait de lui, puis Olivia n'avait pas besoin de savoir, d'ailleurs personne ne le savait, même pas la police. Est-ce que à l'hypothèse elle l'apprendrait ça ferait d'elle une complice ? Ou est-ce qu'elle se presserait d'aller le dénoncer aux autorités lors de leur prochain coup de gueule. Il accrocha le manche de sa hache à sa ceinture, et commença à quitter la clairière. L'après-midi avançait et il avait encore à faire près de « son bureau », ou du moins près de la cabane qui lui servait de fourre-tout et de dépôts à outils. « Allez viens, à moins que tu veuilles rester dans la clairière quand il commencera à faire nuit et froid ! » lança-t-il en ralentissant le pas, le temps qu'elle le rattrape.
La cabane paraissait pittoresque à l'orée des bois, à moitié à l'abandon, sa façade ne donnait absolument pas envie de s'y aventurer ; mais ressemblait plutôt à un remake de la cabane hurlante de Harry Potter. Victor jeta son sac dans le coffre de son pick-up, il passerait déposer le tout à la déchetterie dans la soirée. « Et toi t'as bien du en faire des conneries avant White Oak, t'as pas l'air d'être une fille de la campagne, tes péripéties doivent être plus intéressantes que les quelques problèmes d'un garde-forestier qui a grandi dans une petite ville reculée ! », Victor ne savait rien non plus d'Olivia, si elle voulait le faire parler, elle allait devoir faire de même, et peut être qu'en racontant ses propres histoires, à la condition que la jeune femme plonge dans les questions de Victor, elle oublierait son cas !

Olivia sourit à la remarque du garde-forestier, avec son allure l'imaginer en meurtrier n'est pas bien compliqué. Maintenant qu'elle s'est rendue compte qu'il a de l'humour, elle le voit sous un autre jour, son air d'ours mal léché s'estompe un peu. « Je devrais faire attention à moi alors, je suis peut-être ta prochaine victime ! » Elle a déjà été agressée, une fois, par une folle à lier, alors qu'Olivia avait pour nouvelle conquête une star montante du cinéma hollywoodien (qui n'a finalement pas percé comme il l'aurait souhaité), l'ex-copine jalouse maladive de celui-ci n'a pas apprécié de le voir désormais en couple avec une autre. Bon, Olivia s'en est sortie avec seulement quelques bleus et éraflures, mais elle a bien cru que la jeune femme allait la tuer. Et il y a une fois où elle a frappé un paparazzi, qui n'a pas apprécié et a riposté en retour.
Victor laisse échapper un lieu et une date, ajoutant une question pleine d'ironie à la fin, comme pour noyer le poisson. « Je fais donc si jeune que ça ? Ravie de voir que mes soins beauté servent à quelque chose. » Elle a une tonne de produits cosmétiques chez elle, et pas des moindres, elle ne prend que des marques de luxes, pensant naïvement que ce sont les meilleures. De toute façon, elle achète tout haut-de-gamme, elle y est habituée et elle a les moyens, malgré son petit salaire. Son père lui donne en effet tout les mois une jolie somme, qu'elle utilise aussitôt, dépensière comme elle est. « Je suis quand même étonnée que tu aies fait des conneries quand tu étais plus jeune, tu n'as pourtant pas l'air d'être un grand rigolo. » Sans vouloir le vexer, bien sûr. Avec son attitude renfrognée elle l'imaginait plutôt coincé dans sa jeunesse (enfin, il n'est pas vieux là, trente ans tout au plus). Victor ajoute ensuite qu'il n'a jamais failli provoquer de feu de forêt, vu son métier cela n'étonne guère la jeune femme, après tout s'il protège les arbres, c'est qu'il y tient et qu'il ne se risquerait pas à les brûler. « Et tu n'as jamais fait de feu de camp en forêt avec des amis ? » Olivia, jamais, elle c'était la plage son domaine de prédilection, elle habitait la côte californienne après tout. La jeune héritière suit Victor alors que l'air se rafraîchit, et elle ferme sa veste pour se couvrir un peu plus. Elle marche derrière le jeune garde-forestier qui la mène jusqu'à une cabane, presque comme Olivia l'avait imaginée. Est-ce qu'il vit là dedans ou n'est-ce qu'un lieu de travail, où il dépose ses outils ?
C'est au tour de Victor de la questionner sur son passé, alors qu'il n'a pas encore répondu aux interrogations d'Olivia. « Je viens de Los Angeles, en fait. Et j'ai fait pas mal de bêtises durant mon adolescence et jusqu'à récemment, mais c'est terminé, je suis devenue une jeune femme tout à fait convenable ! » Elle n'en dit pas plus, ne s'étendant pas sur ce qu'elle a bien pu faire, il n'a qu'à aller sur internet et taper son nom et son prénom pour tout trouver. Il doit y avoir pas mal d'anecdotes croustillantes, étant donné qu'en Californie son nom est connu, pour de bonnes et de mauvaises raisons.

« Tu me les prêteras alors ces crèmes, parce qu'apparemment, la combinaison barbe/garde-forestier n'a pas l'air de faire très jeune dans la ville... » dit-il en s'agitant dans une tentative d'attitude féminine, et mimant discrètement Olivia la première fois qu'il l'avait vu : une citadine fraîchement débarquée.
« Hé, tu veux vraiment me vexer hein aujourd'hui, et que je me serve de ma hache c'est ça  ? » demanda-t-il amusé, mais bon c'est vrai qu'il ne pouvait pas vraiment la blâmer, il ne montrait pas vraiment son meilleur jour depuis quelques temps, et encore moins avec la jeune femme. C'est certain qu'il était bien plus drôle avant, mais bon en étant de mauvais humeur et renfrogné, au moins personne ne venait le déranger pour des sornettes !  « Même si garde-forestier n'est pas le métier le plus populaire du monde, et White Oak encore moins la ville la plus animée de l'année, on savait quand même sortir à l'époque ! », ho que oui des soirées il en avait fait, et dans la forêt encore plus, c'était un peu la tradition de l'époque. Tous les étés, dans un coin différent, des fêtes se déroulaient, et Victor toujours le premier pour les organiser. Les coins les plus reculés des bois en avaient vu des gens saoules dansant, hurlant autour du feu jusqu'à la lumière du petit matin. La législation en vigueur était à l'époque bien plus souple, les feus étaient autorisés, et les campements clandestins aussi après un simple petit mot au garde-forestier. Toutefois, la suite était connue, un incendie, un coupable jamais retrouvé, et voilà que la forêt est devenue un endroit bien gardé et protégé.
Victor s'adossa contre sa voiture pour écouter le récit d'Olivia, riant intérieurement, l'image qu'il se faisait de la jeune femme était donc vraie : une véritable blonde californienne digne des teen movies américains. Le garde-forestier ne savait plus trop ce qu'il devait faire, était-elle venue à pied ? Devait-il la ramener le cas échéant ? Ou pire devait-il pour paraître convenable l'inviter à prendre un verre ? Maintenant qu'il avait montré son côté « sympathique » dirons-nous, il serait mauvais genre de l'envoyer boulet, prendre son pick-up et rentrer directement chez lui. Mais d'un autre côté, on ne pouvait pas vraiment qualifier les deux de « copains comme cochons ».  Il partit vers la petite cabane qu'il ferma d'un rapide coup de bras, et serra le cadenas. La sécurité était précaire, mais d'un autre côté, est-ce que des gens voudraient vraiment venir ici pour piquer deux cartes et trois pelles ? Victor prit une inspiration, et demanda  non sans peine de sa voix la plus agréable possible  « besoin qu'on te ramène quelque part, ou continuer le récit de tes années de jeunes femmes pas du tout convenables ailleurs ? Parce que bon, les bois c'est sympa, mais ça commence à cailler quand même.» Trop gentil ? Il savait pas trop il ajouta, maladroitement : « ça m'embêterait qu'on pense que je t'ai kidnappé quand même ».

« Tu détonnes un petit peu dans le paysage, mais rassure-toi, tu n'as pas de rides, cela te sauve la mise. Derrière ta barbe, on peut deviner que tu es plutôt jeune. Par contre, tu devrais vraiment revoir ta garde-robe. » La jeune héritière sourit à la vue de Victor en train de faire une imitation grotesque d'un comportement féminin. C'est caricatural, mais cela ne doit pas être très loin de la réalité, du moins dans le cas d'Olivia, qui est (ou était) un cliché à elle toute seule.
Ce matin, en se préparant avant de partir en forêt, elle ne pensait pas qu'ils puissent un jour rigoler entre eux et plaisanter sans tensions derrière leurs paroles, et pourtant, l'atmosphère est détendue présentement, même si Victor plaisante à propos d'utiliser sa hache contre la jeune femme, il est clair que le changement par rapport à leur situation antérieure est radical. « C'est vrai que tu as une arme, il ne faudrait pas que je l'oublie ! » Le jeune homme lui parle ensuite de ses soirées de jeunesse, parfois ces moments passés manquent à Olivia, elle sort encore mais ce n'est rien à côté de ce qu'elle a pu faire lorsqu'elle était adolescente, ce qui n'est pas plus mal. C'était la belle vie, mais les lendemains de beuverie étaient difficiles, et voir la presse californienne afficher en gros titres ses frasques et se moquer d'elle n'était pas toujours du plus agréable. Olivia appréciait faire parler d'elle, en réalité, ce qu'elle n'aimait pas, c'était le regard de ses parents et les insultes qu'elle recevait parfois de certaines personnes. Maintenant que tout cela est terminé, un certain sentiment de nostalgie l'envahit parfois, la superficialité de sa vie d'alors lui manque, tout était simple. « Et bien, moi qui te pensait irréprochable ! On est pas si différents finalement. » Bon, il n'est sans doute pas allé aussi loin qu'elle.
Victor lui propose ensuite de la ramener si elle veut, l'air un petit peu mal à l'aise, ce qui fait sourire la jeune femme. « Non, merci mais je vais rentrer toute seule, ma voiture est garée en bordure de forêt. Par contre je veux bien que tu me raccompagnes jusque là, je ne sais pas si je pourrais retrouver mon chemin toute seule ! » Elle prend un petit peu d'avance, se dirigeant approximativement vers l'endroit d'où ils sont venus.  « Au fait, tu ne m'as toujours pas dit ce que tu caches. » Elle le taquine, bien sûr elle aimerait savoir et assouvir son insatiable curiosité mais elle se rend compte qu'il ne lâchera pas le morceau, après avoir aussi bien détourné la conversation.
« Et... je ne suis pas venue par hasard ici. » Nous y voilà, Olivia trouve enfin le moment pour s'excuser de sa conduite, c'est la raison pour laquelle elle est venue dans cette forêt, alors même qu'elle redoutait cette confrontation avec le garde-forestier.

« Bah elles ont quoi mes chemises ? » demanda-t-il le plus sérieusement du monde en regardant ses vêtements, Victor aimait bien ses chemises à carreaux, clichés du bûcheron Canadien, mais tellement confortables. Le jeune homme sourit à la remarque d'Olivia, c'est vrai qu'il y a une petite dizaine d'années, ils se seraient sûrement très bien entendus : profitant tout deux de leur jeunesse, bien que dans le cas de Victor, White Oak Station n'était qu'une bourgade par rapport aux villes côtières de Californie.
Il respira de soulagement lorsque la jeune femme lui précisa qu'elle avait sa voiture, il n'était pas vraiment habitué ses derniers temps à sortir, et il ne savait pas vraiment ce qu'il devait proposer, mais au moins elle avait réglé le problème ! Victor la regarda partir dans un coin de forêt, il leva un sourcil, et dit avec amusement :  « si tu es vraiment garée en bordure de forêt, je pense qu'il ne vaudrait mieux pas que tu ailles dans cette direction ». Le garde-forestier pointa une toute autre direction avec son doigt, l'entrée de la forêt était totalement à l'opposé : le chemin qu'elle s'apprêtait à prendre l'aurait menée aux rocheuses, et donc bien loin de la civilisation. Victor attendit qu'Olivia fasse demi-tour, et l'amena en direction de l'entrée de la forêt, le chemin n'allait pas être très long, de plus que le sentier était bien plus praticable que ceux qu'ils avaient rencontré plus tôt dans l'après-midi.
En marchant, le sujet qu'il avait tant cherché à éviter revint sur le tapis. Bon-sang, elle n'oubliait rien pensa-t-il. Victor commença à mordiller l'intérieur de sa joue, laissant percevoir son stress, et ses mauvais souvenirs. S'il avouait quelque chose, leur pseudo-amitié-entente s'envolerait sûrement en éclat,  à moins qu'Olivia fasse preuve d'une compréhension hors du commun, mais il en doutait. Même si elle avait montré qu'elle pouvait être sympathique, l’hypocrisie dont avait fait preuve Victor était de toute autre mesure.  « Le but de cacher quelque chose, ce n'est pas justement de ne rien dire? » demanda-t-il avec un clin d’œil. Le jeune homme essayait de pousser les quelques branches qui entravaient le sentier, pour faciliter la progression d'Olivia. Mais aux dernières paroles d'Olivia, il se retourna et la regarda d'un air interrogateur : « bah.. tu n'es pas venue pour me demander des conseils pour devenir garde-forestier de l'année ? Mince alors, j'avais cru ». Il est vrai que cela lui avait paru louche de la croiser dans la forêt, mais bon, elle cherchait peut-être un prétexte pour faire de la randonnée en forêt ? Ou son métier de fleuriste la passionnait vraiment, et la connaissance des fleurs était un passage obligé.
Le temps sur la forêt continuait à se dégrader, et rapidement, le vent devint de plus en plus froid, que Victor rabattait sa capuche sur sa tête. Et malgré les mots d'Olivia, essaya de la faire accélérer, pour qu'elle rejoigne au plus vite sa voiture pour ne pas geler sur place. La citadine qu'elle était n'apprécierait sûrement pas de se prendre un petit orage d'hiver sur la tête.

« Disons que c'est...passé de mode. » A vrai dire, Olivia ne sait pas si le look de bûcheron a déjà été à la mode un jour, parfois les tendances peuvent se montrer étonnantes et extravagantes, il y a sans doute eu plusieurs créateurs qui ont tenté de rendre attrayantes les chemises à carreaux, un jour.
Niveau mode, la jeune femme est plutôt calée, mais par contre son sens de l'orientation laisse à désirer, elle qui a toujours eu l'habitude de vivre dans les villes a du mal à se repérer dans cette forêt dense. Tous les arbres se ressemblent à s'y méprendre, retrouver son chemin à travers ces bois est vraiment compliqué quand on n'y est pas accoutumé. Victor, par contre, doit connaître la forêt comme sa poche, et il arrête donc Olivia avant qu'elle ne s'engage plus profondément dans le chemin. La jeune femme était pourtant sûre que c'était de là qu'ils étaient arrivés. « Ah bon ? J'ai un doute, cet arbre là et son tronc me disent quelque chose. » Olivia conteste, l'air bougon, ce que lui dit le garde-forestier, elle n'aime pas avoir tord et, de mauvaise foi, prétend savoir mieux que lui, surtout par amour-propre, elle qui était certaine de son coup.
La jeune héritière le suit cependant, elle n'a pas envie de finir sa courte vie dévorée par des loups (y en a-t-il dans la forêt ? Elle ne sait même pas). Tout en marchant, Olivia relance le sujet sur le secret de Victor, en s'emmitouflant dans sa veste pour se protéger du froid qui se fait de plus en plus ressentir. Ses mains sont d'ailleurs gelées, elle n'a pas pensé à prendre des gants. En tout cas, ce n'est pas maintenant que Victor crachera le morceau, malgré l'insistance d'Olivia. Elle n'est pas vraiment habituée à ce qu'on garde les secrets, à Los Angeles ils ne tiennent jamais bien longtemps, tout se sait.  Les rumeurs et les ragots vont bon train, et en général ils s'avèrent être vrais. « Mais ce n'est pas drôle ! Tu es sûr de ne rien vouloir dire ? » Son ton se fait un petit peu capricieux, après s'être bien comportée toute la journée la voilà qui reprend ses mauvais penchants. C'est sûrement la fatigue, il commence à se faire tard et Victor l'a fait pas mal marcher.
« Pas vraiment, non. En fait... » Elle ne sait pas vraiment comment formuler ses excuses, elle n'a pas l'habitude d'en faire et les rares fois où cela lui arrive, c'est lorsqu'elle s'excuse après qu'une autre personne l'ait fait avant elle, comme tout à l'heure après la découverte du feu de camp. « Voilà, je voulais m'excuser pour la dernière fois, je n'aurais pas dû jeter mon mégot par terre. Il m'arrive parfois de faire des choses stupides sans m'en rendre compte. » Elle se pince les lèvres, finalement ce n'est pas si difficile. Plus faiblement, elle ne peut s'empêcher d'ajouter: « Mais bon, tu aurais quand même pu me parler plus calmement. » Oui, elle pense quand même que ce n'est pas entièrement sa faute.
Le chemin lui semble long, et elle a hâte d'être dans sa voiture au chaud. Finalement, il lui semble voir la sortie de la forêt au loin, ce qui la fait trépigner d'impatience, la vision d'un bon bain brûlant lui donnant envie de vite regagner son appartement.

« Ouais, ils te disent sûrement quelque chose comme ces deux autres là-bas » dit-il moqueur, sous-entendant que la jeune femme aurait confondu tous les arbres de la forêt. Ce qui en soi n'était pas très grave, puisque cette partie de forêt ne contenant quasiment que des sapins : l'arbre le plus banal du monde.
Le garde-forestier était borné, au moins autant que la jeune californienne (si ce n'est plus), et il s'était promis, il y a de ça bien longtemps que les secrets devaient rester là où ils étaient enterrés. En guise de réponse, il sourit simplement à Olivia, un sourire chaleureux, mais toutefois mêlé de regret, de toute façon, elle se doutait bien que quelque chose s'était passé, il n'avait plus vraiment à faire l'homme renfermé et bougon, cela devenait inutile.
La lisière de la forêt se rapprochait, il était maintenant côte à côte avec la jeune femme, elle avait ralentit, et ça ne servait à rien de partir loin devant, surtout avec la tempête qui approchait, ça aurait été dommage de la laisser se faire tremper par la pluie. Victor, écouta donc la jeune fille, elle ne voulait donc vraiment pas devenir garde-forestier, ou bûcheronne, dommage, il aurait bien pris quelques semaines de vacances. Toutefois, malgré le fait, qu'il failli tomber à la renverse aux excuses d'Olivia, il s'arrêta, mal à l'aise, ne sachant pas vraiment quoi dire. Il aurait pu sortir un sarcasme, mais rien ne lui vint à l'esprit. Maintenant qu'elle s'était excusé, ils auraient pu partir tout deux, et voilà, ça aurait été fini. Juste peut être un vague geste de la main lorsqu'ils se croiseraient dans le futur, mais ça aurait été tout, plus aucune tension, plus rien. Le jeune homme réussi à balbutier quelques mots : « Ouais c'est vrai, mais j'suis un bûcheron, j'aboie souvent sur les gens... ». Il sourit et repris la marche, après quelques secondes ils sortirent de la forêt, arrivant sur le parking.
Victor commença à s'agiter, passant d'un pied à l'autre, la situation le mettant tellement mal à l'aise. Il regarda la jeune femme, ses yeux à moitié paniqués, comme un appel au secours. Le jeune homme fit quelques pas sur le parking, tracassé, se mordillant l'intérieur de la joue. Le bûcheron n'avait jamais vraiment été hypocrite, et pourtant s'il laissait partir Olivia comme ça, il agirait comme le pire de tous. Il prit une grande respiration, à ce moment là, on aurait pu croire qu'il portait tous les malheurs du monde sur ses épaules. Toute la souffrance qu'il avait en lui depuis quelques années surgissant d'un seul coup. Oui, il culpabilisait, elle avait réussi à le faire culpabiliser, lorsqu'elle s'était excusée. Même Olivia avait rangé sa fierté, et pris sur elle pour s'excuser. « Et moi je tenais à m'excuser pour avoir été le plus grand abruti que White Oak ait jamais connu, en t'engueulant pour une connerie que j'ai moi même faite » prononça-t-il en un soupir, s'éloignant de la jeune femme, perdu dans ses pensés. Victor ne développa plus, peut être qu'elle ferait le lien avec l'incident de White Oak, vu que l'action avait été relayé dans de nombreux médias à cause des ravages qu'il y ait eu. Dans tous les cas, il venait de lui lancer son plus gros secret, celui qui le rongeait depuis toutes ces années.

La jeune femme ne relève pas la petite pique de Victor, avançant en silence à travers le rideau d'arbres, tous identiques, du moins pour un œil qui n'est pas expert en la matière. Le froid se fait de plus en plus insistant et Olivia se frotte les bras pour se réchauffer un petit peu, sa veste n'étant pas assez épaisse.
Après avoir présenté ses excuses, la jeune héritière se sent pour ainsi dire soulagée, elle a enfin craché le morceau et cela fait un bien fou, il lui aura fallu du temps. De plus, elle n'est pas venue pour rien puisque cela lui a permit de voir une autre facette du garde-forestier, derrière sa carapace de bûcheron ronchon et bourru, il a finalement de l'humour et n'est pas si désagréable que cela. Durant plusieurs mois elle l'a diabolisé, en colère après leur altercation, le jugeant responsable de leur dispute, et c'est après avoir réfléchi un bon moment qu'elle s'est avouée à elle-même que la seule coupable c'est elle, de par son geste stupide qui aurait pu avoir de graves conséquences. Pour quelqu'un d'aussi borné et de mauvaise foi qu'elle, c'est difficile à admettre, mais il a bien fallu se rendre à l'évidence et s'excuser était la meilleure chose à faire.
En tout cas, Victor a l'air assez surprise d'entendre la jeune femme s'excuser et semble pris de court, ce qui n'est pas étonnant, il s'est bien rendu compte qu'elle n'aime pas être en tord. Il finit par approuver les dires de la jeune femme, à savoir qu'il aboie facilement. « Oui, et tu es assez effrayant quand tu cries quand même. » Olivia a l'air d'une hystérique quand elle s'énerve, ce qui en quelque sorte fait aussi peur à voir. Elle se contrôle de mieux en mieux, mais sa voix part encore dans les aigus et elle fait beaucoup de gestes brusques et amples.
Finalement, les deux jeunes gens arrivent au parking, et Olivia pousse un léger soupir de soulagement, sa voiture l'appelle, et surtout le chauffage qui se trouve à l'intérieur. C'est le moment que choisit Victor pour lancer une bombe ; il s'excuse de s'être énervé contre elle alors que lui-même a fait la même erreur. Olivia, les yeux ronds de stupéfaction, reste muette sur le coup, ne sachant pas si elle saisit bien le sens des paroles du jeune homme, qui, à quelques pas d'elle, lui tourne le dos. « Attends... Tu veux dire que toi aussi, tu as failli foutre le feu à la forêt ? » Elle a du mal à le concevoir, il a l'air d'être un vrai défenseur des arbres, après tout c'est son métier et elle n'imagine pas Victor risquer de les brûler en jetant un mégot à terre. Cela lui semble tellement en décalage avec le personnage qu'elle croit avoir mal compris ce qu'il lui a dit. « Enfin, c'est ça ton grand secret ? » Cela expliquerait pourquoi il ne voulait rien lui dire, après tout c'est quand même assez hypocrite de sa part, crier sur quelqu'un pour un acte qu'il a lui-même commis plusieurs années auparavant. Cependant, cela ne lui semble pas être nécessaire de cacher cela avec autant d'ardeur, sauf si cela a dégénéré. Ce qui est peut-être le cas, elle n'en sait rien, et elle attend d'autres explications, s'il est disposé à lui en parler davantage. Maintenant qu'il s'est lancé, elle espère qu'il va expliciter les choses.

Victor se retourna vers la jeune femme, et rigola, nerveusement, ho non il n'avait pas « failli » mettre le feu à la forêt. Il mit ses mains dans ses poches et soupira, mourant d'envie de donner un coup de pied dans une pierre. Toutefois il se retient, après tout si Olivia le trouvait effrayant lorsqu'il criait, comment allait-elle le trouver, s'il entrait dans un énervement intempestif (qui plus est contre un caillou). Le garde-forestier laissa quelques instants passer avant de reprendre la parole, il s'adossa finalement contre un arbre, et prit une profonde inspiration : « il y a douze ans, tu devais être née quand même, le plus gros fait-divers-écologique que le Canada ait jamais connu ». Si Olivia avait eu un quelconque accès aux technologies à l'époque, elle n'avait pas pu louper ces images de brasiers géants détruisant des hectares de forêts. Certes les incendies sont fréquents durant les périodes estivales, surtout dans l'hémisphère sud, mais au Canada, dans le comté de Alberta précisément, jamais ils n'ont été aussi puissants. Victor se rappelait prendre ses jambes à son cou avec tout ses amis pour éviter les flammes géantes, il se rappelait aussi que c'était la dernière fois où il en voyait la plupart.
La météo ne s'améliorait pas, le vent continuait de se lever, et même pour un bûcheron habitué aux températures changeantes de la forêt, il commençait vraiment à faire froid. En soupirant, une légère buée commençait à prendre place, Victor se rapprocha d'Olivia en se frottant les mains, essayant de masquer son regard de chien battu et désespéré. « Tu as donc devant toi le plus grand hypocrite que White Oak ait jamais connu ! » dit-il essayant de mettre une pointe d'humour, dans la conversation, il ne chercherait pas à expliciter davantage. Espérant que la jeune femme ferait le lien. Tout en fermant les yeux en attendant sa réponse, il se souvient de la chaleur du brasier, de la couleur vive des flammes, et de la détresse qui s'était installée en quelques instants sur toute la bourgade. La fureur dans le regard de son père qui n'avait voulu qu'une chose pendant toutes ces années : que le coupable soit puni, mais jamais il ne fût retrouvé.
Victor recula finalement d'un pas en secouant la tête, il ne voulait pas qu'une larme s'échappe ou quoi que ce soit devant la jeune femme. Maintenant, la jeune femme allait avoir tous les droits pour lui hurler dessus une fois de plus, même pas il ne chercherait à se défendre, sachant qu'elle avait tous les droits du monde d'être énervée contre lui.

Olivia est complètement estomaquée par ce que vient de lui déballer le garde-forestier. Il aurait donc brûlé cette forêt il y a douze ans, cela lui paraît totalement impossible, vis à vis de son métier déjà, et même de sa personne, il semble tellement se préoccuper de ces arbres. La jeune  femme, à l'époque, ne s'intéressait pas à ce qu'il se passait autour d'elle, et encore moins à l'environnement. Elle avait douze ans et était déjà très superficielle, une enfant capricieuse qui entrait doucement dans l'adolescence et qui préférait accorder son attention à ses vernis et ses vêtements plutôt qu'aux faits de l'actualité, surtout si ces faits se passaient au Canada. Pour elle, ce pays était arriéré et inintéressant à côté de sa ville de Los Angeles. Cependant, après avoir creusé dans sa mémoire, il lui semble se rappeler d'un incendie qui avait été très dévastateur et dont son père avait pas mal parlé, notamment parce qu'il avait fait un don ou quelque chose dans le genre. Et voilà qu'elle se retrouve maintenant devant le coupable de cet incendie, des années après. Elle ne sait pas comment réagir à ce qu'il vient de lui dire, tout ce à quoi elle pense c'est qu'il a osé lui reprocher un acte qu'il a lui-même fait, et dans son cas cela a eu de grosses conséquences. Elle est en colère, car ils ont eu une énorme dispute, à cause de ce qu'elle a fait bien sûr, mais cela aurait pu être évité si il ne lui avait pas autant crié dessus dès le début, alors qu'il est très mal placé pour se permettre cela. « Je vois... Donc je suis venue ici pour rien, au final ? Je fais un effort pour m'excuser, alors que je n'ai aucun compte à te rendre, puisque tu as fait bien pire ! » Le froid ne la préoccupe plus, désormais. Certes, elle le sent encore s'infiltrer à travers ses vêtements, et des frissons lui parcourent le corps, mais elle est énervée, et cela lui permet de ne pas y penser   , après la stupeur vient la colère.  Il lui dit être hypocrite, et elle ne va certainement pas le contredire. Il s'est bien moqué d'elle, quand même. « Oui, tu peux le dire ! Et tu ne devrais pas être interdit de t'occuper de la forêt d'ailleurs ? Ils n'ont pas peur que tu foutes une deuxième fois le feu ? » C'est totalement inconscient d'engager un homme qui a déjà provoqué un incendie dans un métier comme celui-ci, après tout il est sensé protéger les arbres, pas les brûler, et lui donner ce poste est un gros risque, même dans le cas où le feu était involontaire. Olivia pousse un grand soupir, la journée a été vraiment étonnante, d'abord elle se rend compte que le jeune homme n'est pas si désagréable que cela, pour à la fin s'apercevoir qu'il est pire. En quelque sorte.

Victor ne pouvait pas vraiment répondre aux accusations d'Olivia, elle avait raison d'être énervée. Le pire de tout étant qu'aujourd'hui elle avait pris sur elle, ravalé sa fierté afin de venir s'excuser, et le tout de son plein gré. Il la regarda les yeux pleins de pitié, il était abattu, il avait déconné, il le savait. Le jeune homme n'avait qu'une envie, effacer cette journée de sa mémoire, et partir boire un verre de whisky, ou deux, voir peut être même la bouteille. L'alcool résolvant souvent ces problèmes là, et permettant d'oublier, pour un moment du moins, tous les soucis de la vie. Toutefois, il ne pouvait pas partir et laisser la jeune femme en plan, même si à l'instant cela lui parut être une bonne idée.
Jamais le jeune homme ne s'était senti comme ça, et encore moins devant un public, et encore moins quand ce public le regardait plein de colère. C'est ainsi, qu'Olivia perdit son calme, et lui cria dessus, la scène ayant quelque peu un air de « déjà vu ». Le garde-forestier la regarda droit dans les yeux pendant qu'elle déferlait toutes ses pensées ; il ne dit dans un premier temps rien du tout. Il était en tord, elle avait raison, rien de plus simple. Il ne méritait pas son emploi, même si dans sa tête il le voyait plutôt comme une deuxième chance, bien que pour qu'il y ait seconde chance, il aurait fallu que quelqu'un sache dans un premier temps qu'il était le coupable de l'incendie. Toutefois, la dernière phrase de la jeune femme le piqua au vif,  'ils n'ont pas peur que tu foutes une deuxième fois le feu ?', et déclencha en lui une vive fureur.
Il recula d'un pas, comme s'il allait laisser éclater sa colère, lâchant une première insulte puis se ravisant, il essaya de penser qu'Olivia était dans ses droits, qu'il était normal qu'elle réagisse de cette manière. Cependant, rapidement, son naturel impulsif reprit le dessus, et il commença à s'emporter. « Mais bordel, tu crois vraiment que quelqu'un de sain d'esprit m'aurait embauché s'il avait su, que j'avais incendié la forêt, putain ! » Il se retourna en continuant de lâcher un florilège d'insultes, le Victor du début d'après-midi avait laissé place au bûcheron grognon, râleur, impoli, lunatique qu'il avait essayé de maintenir au fond de lui depuis quelques heures. « Personne le sait, c'est bien pour ça que je suis là ! Bordel, mon père a failli faire un arrêt cardiaque en l'apprenant, faut pas avoir inventé l'eau chaude pour comprendre que le coupable de l'incendie n'a jamais été retrouvé, et que c'est pour ça que je me suis barré au fin fond de la province du Yukon, parce que je pouvais plus me voir en peinture!. Victor s'emportait sur la jeune femme, ne se contrôlant absolument plus, il lui avait même parlé de son père, chose qu'il ne faisait devant personne en général. Le bûcheron venait de résumer l'histoire de sa vie en une phrase. Énervé, contre Olivia, il l'était encore plus contre lui-même. Il partit un peu plus loin sur le parking, continuant à pester, il ne voulait pas rester près d'elle, et continuer de lui crier dessus çà ne servirait à rien.
Le garde-forestier finit en allant s'asseoir sur un banc proche de la voiture de la jeune femme, et enfouit sa tête dans ses mains, tout en essayant de respirer pour reprendre le contrôle. Quelques minutes de silence s'installèrent, en relevant la tête, il brisa le silence.  « Maintenant, si tu veux te venger pour ce que je t'ai fait, ce qui est compréhensible, tu peux rapporter notre entière conversation aux autorités de police de la ville. » dit-il en la regardant dans les yeux, son calme entièrement retrouvé, mais les pupilles encore dilatées de l'éclat de colère qu'il venait d'avoir, et le sang qui tambourinait dans ses veines.

Olivia est à deux mètres de sa voiture, elle pourrait ouvrir la portière et partir pour se calmer chez elle, mais elle ne bouge pas, parce que maintenant c'est au tour de Victor de s'énerver contre elle, et elle ne va pas se laisser faire. Il n'a pas le droit d'élever la voix comme il le fait, et aussi grossièrement. La jeune femme, après la première réplique de Victor comprend alors que personne n'est au courant de son acte destructeur, et elle rigole amèrement, réalisant la situation du garde-forestier, avant d'hurler de nouveau. « De mieux en mieux ! En plus d'être un hypocrite pyromane, tu es également un menteur et un lâche ! » Au lieu de calmer le jeu, le jeune homme préfère émettre un flot d'insultes qui rendent Olivia totalement hystérique, ce qui s'aggrave après qu'il ait sous-entendu qu'elle était bête. C'est une atteinte à son amour-propre, qu'il la voit comme une citadine superficielle et orgueilleuse, cela passe encore puisque ce n'est pas totalement faux (en tout cas cela l'était jusqu'à récemment), mais qu'il ose insinuer qu'elle est idiote, elle ne peut pas le tolérer. Sans se contrôler et en réponse aux jurons du jeune homme elle se met aussi à l'insulter copieusement, et franchit alors la limite qu'elle s'est imposée depuis quelques mois, c'est-à-dire ne pas céder à la colère en étant grossière. Maintenant qu'elle est lancée, elle ne va pas s'arrêter et deviens très piquante, pour ne pas dire méchante. « Si tu crois que tes problèmes familiaux m'intéressent, tu te trompes, j'en ai rien à foutre ! Ce que je vois, moi, c'est que tu es responsable d'un énorme incendie et que tu t'es barré juste après, sans rien dire à personne ! Et en plus, tu te permets d'émettre des jugements sur les autres, pauvre con ! » Oubliée, la sympathie qui s'est installée entre eux au cours de la journée, retour à la case départ. Quel gâchis, tout ces efforts pour rien, ils recommencent à se disputer, peut-être encore plus violemment que la première fois.
Le jeune homme s'éloigne ce qui permet à Olivia de se relaxer un petit peu, sans décolérer cependant, elle est furieuse, et son énervement est monté crescendo, peut-être que si lui avait gardé son calme les choses auraient pu être beaucoup moins vives. La jeune héritière ouvre alors sa voiture pour prendre son briquet et son paquet de cigarettes dans sa boîte  à gants, et s'en allume une, cela la détendra peut-être. Après quelques instants de silence, où l'animosité reste en suspend, Victor brise la glace en disant à la jeune femme sur un ton beaucoup plus posé qu'elle peut aller voir la police pour raconter toute l'histoire. Écrasant sa clope sur le sol du parking (loin de la forêt, elle n'est pas aussi provocatrice), elle hausse ses épaules, encore en colère. « Si cela ne tenait qu'à moi, tu aurais un aller simple en enfer ! » C'est une façon de parler puisqu'elle ne croit ni à l'enfer, ni au paradis, mais à cet instant elle lui souhaite les pires choses possibles. Pourtant, elle est encore capable de réfléchir et même si elle est rancunière comme pas deux, elle a mûri depuis un an, elle essaie de limiter ses actions faites dans la précipitation. « Les autorités doivent être au courant, mais ce ne sera pas par moi. C'est à toi d'aller les voir. » Elle se détourne et marche quelques pas, laissant la colère retomber lentement. Cependant, elle n'avale toujours pas ce qui vient de se passer, et aurait bien envie de puncher un oreiller.