Il était tard. Très tard. Peut-être même un peu trop tard... Peut-être aurais-tu dû dormir à l'hôtel ? Rentrer à moitié saoul chez toi n'étais pas vraiment une option envisageable surtout que tu t'attendais bien à ce que Constance soit encore debout. Si elle te voyait dans ce piètre état, tu aurais doit à bien plus que les habituelles insultes. Et si elle savait ce que tu avais fait ce soir... Oh, ça oui, tu aurais droit à bien plus qu'à une querelle. Tu quittas donc l'appartement d'Ellie un peu sous le choc, ne sachant plus très bien où tu en étais dans tes sentiments, bien que tu sois sûr d'une chose : ton amour pour la jeune blonde était vraiment réel. Avec ta femme, c'était devenu bien trop compliqué. C'était devenu la pagaille; chicane après chicane, guerre après guerre. Si au début tu l'aimais à être capable de crever pour elle, maintenant tu n'en étais plus si sûr. Est-ce normal qu'après un bout de temps tu ne ressentes plus ces papillons, ces petits frétillements au creux de l'estomac ? Est-ce que l'amour s'estompe avec le temps ? Sans doute. C'est donc d'un pas lent que tu marchas les quelques coins de rue qui te séparait de la maison conjugale. Si tu avais pu y aller de reculons, tu l'aurais fait. Ça aurait donné le même effet, sérieusement. Finalement arrivé devant la grande porte, tu eus un haut le coeur en repensant à ce que tu avais fait ce soir. Avec le temps, tu étais devenu ce mec bien, ce mec bon. Celui qui rentre tous les soirs, celui qui ne trompe pas, ne joue pas dans le dos de sa femme... Celui qui reste fidèle, corps et âme. Seulement, depuis que tu avais revu Ellie à sa bijouterie... Les cartes s'étaient mêlées une fois de plus. Tu soupiras en tournant la poignée de porte. Surprise ! Elle était déverrouillée. Ça, c'était le signe que ta femme ne dormait pas. « Je suis rentré. » crias-tu en entrant dans la maison. Tu te débarrassas rapidement de tes souliers et de ta veste, montant à l'étage le plus rapidement possible. Direction : salle de bain. Vaudrait peut-être mieux que tu te brosses les dents pour ne pas trop sentir l'alcool. Sinon, t'étais un homme mort à coup sûr.

C'était idiot de ta part de penser que tu t'en sauverais aussi facilement... Tu avais quand même déserté la maison, un soir de weekend où tu aurais pu passer du bon temps avec ta femme. C'était quand même un minimum compréhensible qu'elle te fasse une telle scène. Seulement, tu en avais marre. Marre de tout ça, de tous ces cris, de toute cette haine... À croire que vous deux, vous n'étiez tout simplement plus compatible. « C’est à cette heure-ci que tu rentres ?!? Tu n’as même pas prévenu ! Et en plus, vu ta tentative, tu n’es pas net ! Et tu n’as même pas débarrassé ! Ce n’est pas compliqué de mettre les assiettes dans le lave-vaisselle ?! Tu négliges tout ! Le ménage, la maison, les petits détails et même moi ! Je suis ta femme ou quoi ? Je dois réagir avec le sourire par-dessus tout ! J’ai l’impression d’être la seule à faire des efforts Jayden ! Tu le vois ça au moins ? J’étais descendue pour présenter mes excuses, tenter de discuter à plat… et il y a personne, pas un mot et rien de fait ! Et le mieux dans tout ça, tu rentres, avec ton je suis rentré. Heureusement que tu n’as pas eu l’audace de me faire la bouche en cœur ! Je sentirais quoi si je m’approche de toi !? Et ne tente pas de me mentir ! Et surtout ! SOURTOUT ne me prend pas pour une idiote ! » Tu soupiras légèrement. C'était peut-être le temps que tu lui dises, après tout ? Et faut dire qu'avec ce que tu venais de boire, tu n'avais plus les idées trop claires. Tu finis par te mettre en face de Constance, la regardant droit dans les yeux. Ravalant ta salive, tu fus enfin prêt à lui avouer. « J'étais parti voir une amie. Oui. Une amie. Et on a bu. On a parlé et on a bu. » C'était malheureusement la seule chose qui trouva son chemin vers la sortie. Tu ne savais pas vraiment quoi rajouter et à dire vrai, tu n'avais qu'une seule envie en tête : aller te coucher et tout oublier. Oublier Constance, oublier votre mariage, oublier cette maison, oublier l'envie qu'elle a d'avoir des enfants... Tout oublier. Et ne penser plus qu'à Ellie. À tes yeux, elle te semble être la chose la plus vraie en ce moment.

« Le pire c’est que tu n’as même pas l’air désolé ! On dirait que c’est normal pour toi que je fasse tout dans cette maison, que je lave ton linge sale, que je fasse la vaisselle, que je nettoie ! Tu n’as aucune considération pour moi ! Tu t’en vas, tu ne préviens pas ! Ce serait le minimum, tu ne crois pas non ? Juste prévenir ! Mais ça aussi c’est trop pour toi ! À croire que m’adresser la parole ça devient de trop pour toi ! Et tu veux que je réagisse avec le sourire ? Que j’arrive en étant heureuse et souriante ? Et bien non tu vois, je crois que je mérite d’exister et d’avoir de la considération non ? Je ne suis pas ta bonne ! Je ne suis même pas payé pour le travail que je fasse ici ! Je me demande même si tu as écouté et si tu écoutes encore ce que je te dis maintenant ? Tu n’as réagi qu’à ma dernière question ! À quoi ça sert que je te parle ? En fait que je parle ou que je crie c’est du pareil ! Est-ce qu’au moins tu te rends compte de ce que tu fais ? De ce que tu dis ? De la façon dont tu me traites ? » Elle parlait et pourtant tu faisais la sourde oreille. C'est étrange, mais à l'entendre t'aboyer dessus comme elle le faisait présentement, ça te donnait encore plus le goût de prendre tes choses et de claquer la porte. Elle s'énerve toujours pour un rien et tu commences à la trouver vachement égoïste. Tu dois toujours être là, lui plaire, lui obéir, faire tout ce qu'elle te demande. À quand pourras-tu vivre ta propre vie ? Faire ce qui te chante ? Oui d'accord, tu peux facilement passer pour le méchant de service, celui qui se moque de ses engagements auprès d'une femme; sa femme... Mais après tout, s'ils se mettaient tous deux secondes dans tes baskets, ils se rendraient bien compte que Constance n'est pas une femme facile à l'avance. À croire que depuis votre mariage, tu engendres mauvais pas sur mauvais pas alors qu'au fond, tu es juste toi-même. Elle te rabats les oreilles en te disant que tu ne fais pas attention à vous, à elle, à votre futur en tant que couple, mais après c'est elle qui fait la sourde oreille concernant tes attentes, tes besoins... C'est comme pour les enfants. Tu lui a dit clairement que toi, tu souhaitais attendre. Et ça, elle ne l'a pas comprise puisqu'à chaque fois qu'elle en a l'occasion, elle te remet le truc sous le nez en disant que t'es juste trop immature, trop imparfait pour vouloir des enfants alors que là n'est pas la question. Tu pris une grande inspiration, passant une main dans tes cheveux. Tu détournas le regard, ne voulant plus faire face à cette demoiselle qui, de toute évidence, ne voulait plus rien dire à tes yeux. « Constance, si t'étais moins dure envers toi-même et envers moi-même, on n'en serait pas là ! Dans cette maison, c'est toi qui fait tout parce que TU n'acceptes pas comment JE fais les choses ! Tu aimes avoir ton grain de sel partout, tu aimes contrôler tout ce qui se passe dans nos vies à la seconde près ! TU aimes être au dessus de tout le monde, TU aimes nous marcher sur les pieds ! Quoi que JE fasses, je ne serai jamais assez bon pour toi alors pourquoi on n'arrête pas là ? Pendant qu'il est encore temps et avant que je sois celui qui te trompe à tour de bras ! J'ai pas envie de te faire du mal, Constance. Parce que j'ai du respect pour toi malgré ce que tu crois. Mais merde, je ne suis plus capable de fonctionner sous ta gouverne ! J'ai droit à ma liberté, j'ai droit à mon opinion, j'ai droit de faire mes propres choix bordel ! ». Tu avais peut-être crier un peu trop fort. Tu avais peut-être aussi délivré le fond de ta pensée un peu trop rapidement, mais... Tu n'en pouvais plus. Tu n'en pouvais plus de te sentir encabané comme ça, attaché avec des chaines invisibles, trainant un boulet beaucoup trop lourd. Tu n'en pouvais tout simplement plus d'être le pantin que Mademoiselle Everett puisse guidé à son grès, te faire perdre la tête par moment... À croire qu'elle, elle possédait le monde et que toi, tu n'étais qu'un simple pion dans son existence. Et ça, c'était tellement injuste puisque des deux, tu te considérais être le plus humain.