. Catalina se préparait et rangeait ses affaires de danse dans un sac de sport. Il y avait une semaine, Constance, une de ses amies et la femme de Drew, un de ses amis d'enfance, lui avait téléphoné pour prendre de ses nouvelles et par la même occasion, lui demandé si un rendez-vous était possible. Un peu étonnée, Catalina avait proposé à Constance le mercredi qui suivait, à quinze heures. Il s'avérait que son amie voulait qu'elle lui donne un cours de danse. La brésilienne savait bien que la blonde était assez occupée le matin à travailler, c'est pourquoi elle avait accepté. Après tout, elle n'avait pas de cours cet après midi là, il n'y avait donc aucun souci pour elle.
Elle était tout de même passée par la faculté où elle était allé rencontrer des collègues avant de passer également par sa salle de danse, non loin de l'université. Elle y avait rangé la plupart des affaires qui traînaient et s'était également un peu entraîné. Elle avait le temps après tout, il n'était pas encore treize heures et elle ne savait pas quoi faire pour attendre. Au moins, ça lui permettrait de s'échauffer avant de faire travailler son amie. Elle n'avait aucune idée de comment elle s'y prendrait réellement.
Finalement, lorsqu'elle s'arrêta, Lina constata que l'heure était passée plus vite que ce qu'il n'était. Il lui restait trois quart d'heures avant d'arriver chez Constance. Elle mangea rapidement la salade qu'elle avait acheté le matin même et se pressa à partir.
Elle arriva donc à destination et sonna à la porte. Son amie vint lui ouvrit quasiment instantanément. « Salut! Ca va, merci, et toi? » lui demanda-t-elle en entrant, son sac de sport sur l'épaule. « T'en fais pas, va! J'aurais fait la même chose si tu étais venue chez moi ou dans la salle de danse! »

. Tandis que Constance se déplaçait pour la laisser passer, Catalina entra. Elle finit par suivre la blonde jusque dans la cuisine ou elle stagna dans l'encadrement, posant son sac à ses pieds. La brésilienne hocha la tête, se rendant compte quelques secondes plus tard que ça ne consistait pas en une réponse qui n'admettait pas un simple "oui" ou "non".  « Eh bien ... je veux bien un verre d'eau s'il te plaît » répondit-elle en souriant.
Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle. Elle n'était jamais venue ici. C'était même assez étrange. Elle connaissait Drew depuis un moment, et Constance depuis quelques temps déjà mais jamais elle n'avait passé le seuil de la porte. Ca n'avait rien à voir avec la coloc dans laquelle elle vivait, et le calme qui y régnait se faisait ressentir. C'était apaisant. Pas de match de foot qui hurlait dans le poste de télévision, pas de bousculement pour aller à la salle d'eau, pas de protestations sur les chaussettes colorées qui n'avaient pas à se trouver dans la machine de blanc que Juno ou elle avait faite la veille. Le silence absolu. Peut être était-ce le fait que, comme l'avait souligné Constance, Drew n'était pas là, mais l'on n'entendait pas non plus le bruit des voisins ou de l'extérieur. Tout semblait insonorisé. Et c'était réellement apaisant.
Constance alla chercher un verre d'eau à Lina, se prenant un jus d'orange pour elle même. La brésilienne regarda son amie boire d'un trait son verre et sourit. En l'observant un peu plus attentivement, se rendant compte que la blonde avait vraiment l'air fatiguée, elle fronça les sourcils. Pourquoi voulait-elle faire du sport alors qu'elle avait la mine aussi exténuée? Cependant, elle ne semblait pas non plus tenir en place, ce qui expliquait peut être ce besoin étonnant de faire du sport. Tout de même inquiète, Catalina se permit de lui poser la question qui lui trottait dans la tête depuis quelques minutes déjà. « Tu as l'air vraiment à bout... tu es sûre que ça va? »

. Catalina observait Constance. Pour elle, il était parfaitement clair que la blonde n'allait pas bien. Cependant, elle ne put s'empêcher de culpabiliser. Peut être n'avait-elle pas envie de parler de ses problèmes, ce qu'elle comprenait parfaitement. Après tout, elle était certaines que si elle avait été en couple et mariée et qu'elle n'allait pas bien à ce niveau-là, elle n'aimerait pas en parler. Même à une amie de longue date. Elle soupira légèrement. Elle connaissait Constance depuis bien moins longtemps que Drew, mais ça ne changeait pourtant rien à sa relation avec la blonde. Elle l'appréciait presque comme une soeur - bien qu'elle ne puisse pas l'affirmer haut et fort étant fille unique. La blonde s'était laissée tomber sur une chaise du bar. Lina s'approcha de celui-ci, déplaça une chaise pour la mettre encore plus à côté de celle de constance et s'assit doucement. Maladroitement, la brésilienne tapota le bras de son amie. « Ca va aller, ne t'en fais pas. » Elle regrettait amèrement d'avoir posé une question si anodine qui menait pourtant, visiblement, à une réaction à laquelle elle ne s'attendait pas. Elle aurait voulu la consoler en disant que quoi qu'il arrive elle ne prendrait jamais parti ni pour l'un ni pour l'autre, restant ainsi amie avec chacun d'entre eux, mais elle n'était pas sûre que ce soit véritablement une consolation, ce pourquoi elle ne répondit donc pas.
Catalina voulait changer de sujet histoire de voir son amie sourire. Elle se sentait tellement responsable de ce qui ressemblait à de la détresse. Elle frotta ses mains sur ses jambes, un peu mal à l'aise. « Tu veux qu'on commence le cours maintenant? » suggéra-t-elle espérant que ce serait suffisant pour changer de sujet.

. Lina regarda furtivement Constance. Elle se sentait extrêmement fautive des yeux humides qu'arborait son amie. La prochaine fois, elle n'aurait qu'à se méfier de ses propres paroles et de ne s'occuper que de ce qui la regardait, rien d'autre. Cela faisait un bon moment qu'elle n'avait pas parlé à Drew, et par conséquent, elle avait la nette impression que sa curiosité était exagérée et extrêmement déplacée. Alors que ce n'était pas le but du tout. Elle s'inquiétait juste pour Constance, sans savoir exactement de quoi exactement elle s'inquiétait. Drôle de paradoxe, mais c'était souvent ainsi avec la brésilienne. Elle n'y pouvait pas grand chose à vrai dire.
Constance finit par hocher la tête à sa proposition, ce qui soulagea complètement la brésilienne qui se dit que la blonde pourrait au moins se concentrer sur autre chose, histoire d'oublier un temps soit peu ses problèmes. « Très bien » concéda-t-elle non sans penser que le mieux serait d'abord de s'étirer. Elle le lui conseillerait bien après avoir montrer les pas en question. Lina s'exécuta rapidement.« Mais ... le mieux c'est quand même qu'on s'étire je pense. Ca évitera les crampes et les faux mouvements... Conseil de connaisseuse hein »rajouta-t-elle en lui faisant un clin d'oeil. Elle remarqua que le sourire de Constance était à nouveau faux, mais au moins elle ne se forçait pas. Et Catalina ne se prendrait plus à la questionner pour éviter de lui faire plus de peine que ce qu'elle devait déjà ressentir. Même si son propre sourire contrastait d'avec celui de son amie, elle lui en adressa un en retour, plus compatissant qu'autre chose.

. La brune, bien qu'elle pouvait comprendre que les choses entre Constance et Drew n'étaient pas au point fort, comme dans chaque relation de couple d'ailleurs, n'était pas sûre qu'elle aurait accepté une quelconque remarque. Ni sur l'un ni sur l'autre. Bien sur, elle était là si jamais vraiment ils étaient dans le besoin, mais elle préférait s'amuser à leur changer les idées plutôt qu'à ruminer dans leur coin. Elle regarda Constance. Elle aurait bien répété la même chose qu'à chaque fois, mais elle était persuadée que désormais la blonde n'en douterait plus: elle serait toujours là pour elle quoi qu'il advienne dans sa vie. C'était à ça que servaient les amis ... non? En tout cas c'était la vision de la brésilienne.
Catalina laissa échapper un rire à la réflexion de Constance. « Oui effectivement, c'est moi. Mais bon, je dis ça au cas où tu veuilles éviter le claquage hein! » dit-elle avant de rire un peu plus. « Bref... » se reprit-elle subitement.
Elle se redressa un peu. Toutes les deux s'étirèrent pendant près de dix minutes avant que Catalina ne juge que l'échauffement avait assez duré. Elle montra à son amie quelques pas simple qu'elle surveilla de près, comme si elle était avec une élève, lorsque Constance les exécuta à son tour.
Cependant, la brésilienne se stoppa net face à la question de son amie. Elle se redressa à nouveau et fronça un sourcil. « Comment ça "exigeante"? »

. La situation avait quelque chose un brin gênant. Lina savait pertinemment que Constance n'allait pas bien, et elle se sentait mal d'être incapable de vraiment la réconforter. C'était pour cette raison qu'elle avait essayé, quelques instants auparavant alors qu'elle comprenait que les choses entre ses amis avait dégénéré, qu'elle avait tout fait pour détourner l'attention de la blonde. Surtout avec l'échauffement -même s'il restait nécessaire.

Cependant, malgré le manque de soutien qu'elle avait l'impression de lui apporter, elle remerciait intérieurement son amie de ne pas la mêler à leurs problèmes. Pour vivre tous les jours au milieu de personnes aux histoires compliquées, elle ne voulait aucunement être confrontée aux mêmes crises que lui offrait merveilleusement la colocation.

Constance semblait imiter complètement ce que faisait Catalina, ce qui amusait grandement cette dernière. Sans pour autant qu'elle ne le dise.
Elles s'étaient arrêtées de s'étirer suite à une parole de Constance. Trop curieuse, la brésilienne n'avait pas pu s'empêcher de la questionner. Elle le regretta cependant dès qu'elle eut une réponse. Une moue mal à l'aise sur le visage elle tendit son bras pour réconforter son amie. « Mais non ne t'en fais pas... On en demande parfois tous plus ou moins. Et parfois ça nous empêche de voir tout les changements. » Elle soupira. « Je ne pense pas que tu en demandes trop, tu sais. » Elle pensa brièvement à la relation entre Juno et leur colocataire dont celle-ci était amoureuse. La situation était compliquée et elle savait que tous les deux en demandaient beaucoup sans pour autant remarquer les efforts qu'ils faisaient l'un l'autre pour que la situation ne s'envenime pas trop.
Pour clôturer sa réponse, Catalina adressa à la blonde un sourire qui se voulait réconfortant ainsi qu'un dernier "t'en fais pas" pour la rassurer.

. La brésilienne sourit à son amie en retour. Constance vint la serrer dans ses bras et Catalina resserra son étreinte. Elle n'avait pas vraiment de meilleure amie -Juno était plus sa soeur et sa confidente- mais la blonde était ce qui s'en rapprochait le plus pour elle.
Alors qu'elles se détachaient l'une de l'autre, Catalina ne put s'empêcher de sourire face à l'enthousiasme soudain de Constance. En un sens, elle l'enviait: si elle arrivait à être aussi enthousiaste que cela un jour, alors elle pourrait s'affirmer optimiste et voir les choses du bon côté pendant un moment. Peut être que c'était bien finalement.

Elle rit avant de recommencer à s'étirer. « Ce n'est pas bien grave, je ne suis pas vraiment là en tant que professeur, tu sais... » C'était vra. Elle était, certes, venue pour un cours de danse, mais avant d'être ici en tant que professeur, elle était présente en amie. Et elle espérait bien que Constance s'en soit rendue compte. Elle lui sourit « De rien. Les amis sont là pour ça... » Les moments difficiles, elle avait connu et elle savait qu'un visage familier qui n'avait rien à voir avec les difficultés à traverser était soulageant.
En voyant que Constance semblait revenir peu à peu à la réalité, elle hocha la tête et annonça: « Soit on finit les pas soit on s'étire encore pour éviter le claquage ou encore ... on peut toujours sortir aller prendre un peu l'air... c'est mon tour de faire comme toi! »

. En voyant Constance sourire, alors qu'elle aurait juré qu'elle n'en avait pas forcément envie, Catalina dû refouler une traînée de culpabilité. Pourquoi tirait-elle toujours les mauvais sujets quand se taire apparaissait comme option? Puis il fallait dire qu'elle comprenait la blonde: parfois, ne pas étaler ses problèmes ou les étaler juste en surface, c'était mieux... c'était dans ces moments là qu'elle se disait que, oui, si elle n'avait pas posé de question, Constance ne se serait pas forcée à sourire. Et elle se mordit la lèvre, en proie à la plus grosse vague de culpabilité qu'elle n'ait jamais ressentie.

Tout ce que pouvait faire la brésilienne, c'était assurer son soutien. Mais c'était d'autant plus difficile qu'elle ne voulait pas prendre parti. Ce n'était pas son genre et quand même bien le ferait-elle, elle serait totalement incapable d'être honnête avec les deux: se fâcher avec l'un d'entre eux pour soutenir l'autre n'était pas vraiment dans ses plans. Puis elle n'était pas du tout le genre de personne à se mêler, à ce point-là tout au moins, de la vie des autres. Non, elle estimait que c'était leur vie, leurs problèmes. Elle avait assez des siens alors pas la peine de se rajouter ceux des autres non plus.

En voyant que Constance prenait sa proposition de s'arrêter et de s'aérer, la brésilienne sourit. Super, au moins elle pourrait parler autrement qu'en imposant une façon de faire les choses -en l'occurrence s'étirer. Elle avait beau être professeur, donner des autres était tout sauf son passe-temps favori. Autant dire qu'elle n'aimait pas ça du tout. Sauf quand il s'agissait de la coloc pour que les garçons fassent l'effort de ramasser leur linge et de faire un peu la lessive à la place de Lina et Juno. « D'accord, alors c'est parti? » Elle sourit. Elle avait fait l'expérience récemment et s'était rendue compte que Constance avait raison: danser n'était pas toujours une partie de plaisir. Ou alors il fallait avoir l'habitude comme c'était le cas pour elle. « Ouais, c'pas faux non plus » assura-t-elle alors en souriant de plus belle. 

. Ce qu'appréciait Catalina plus que tout dans son amitié avec le couple, c'était qu'aucun d'eux n'essayait de la monter contre l'autre. Certes, chacun avait sa version des faits en raison des différents points de vue, mais ils étaient tous les deux honnêtes et ne donnait pas à l'autre des actes ou des paroles fausses. Encore heureux d'ailleurs, car cela aurait probablement eu l'effet inverse et aurait monté la brésilienne contre celui qui essayait. Comme c'était parfois arrivé au lycée d'ailleurs.

Catalina s'en voulait un peu. Elle aurait voulu être plus supportive et mieux réconforter ou consoler la blonde. Elle se sentait nulle. Mais elle avait trop peur, à cause de son amitié avec Drew, de la vexer, de l'énerver ou plus simplement de la blesser. Et c'était quelque chose qu'elle ne pouvait pas envisager. En dehors de Juno, Constance était sa plus grande amie.

Elles avaient arrêté le sport. La brésilienne s'était rendue compte que ce n'était pas suffisant pour faire oublier ses pensées à la blonde. Il fallait trouver un truc normal qui se faisait entre amies. Et sortir était la meilleure solution.
La brésilienne haussa les épaules face à la question de Constance. « On pourrait simplement aller se boire un verre, profiter du soleil un peu? » suggéra-t-elle, sans être certaine que son amie dirait oui.
Elle lui sourit en la voyant prendre ses affaires, elle fit de même qu'elle. « Prête? » demanda-t-elle, la main sur la poignée de la porte.