let's work together babe.

Ça faisait longtemps que tu ne t’étais pas rasé. Tu passes une main sur tes joues et ton menton, fier de toi. Tu t’autorises même un sourire. Un sourire, c’est beau, surtout sur ton visage. Les cernes ont presque disparues, mais pas totalement. C’est pas grave, avec le temps, peut-être, elles s’en iront. Tu enduis ta main de gel, légèrement, et tu la passes dans ta chevelure châtaigne. Un petit peu de parfum sur l’intérieur de tes poignets que tu tapotes derrière tes oreilles. Un bon parfum d’homme, viril, qui a déjà fait craquer plus d’une fille aventurée un peu trop près de ton cou. Tu réajustes ton pull bordeaux, tu te lances un dernier sourire d’encouragement dans le miroir et tu quittes la salle de bain. L’idée de retrouver Persia t’apaises, et te rends heureux. Si tu avais su qu’elle te sortirait de ta petite déprime aussi facilement, tu aurais certainement traîné avec elle plus tôt. Mais, mieux vaut tard que jamais, non ? Là, actuellement, tu te contentes juste de profiter du moment présent, d’être bien comme tu es, avec les personnes qui t’entourent. Tu as renoué depuis quelques temps avec tes amis, qui se sont révélés être des vrais amis. Non pas que tu aies douté de leur sincérité à un moment, mais disons que tu avais souvent pensé n’avoir qu’un ami, qu’une seule personne pour qui tu comptes vraiment, et un paquet de connaissances qui t’apprécies, que tu apprécies, mais que si tu étais dans la merde à trois heures du matin elles ne te viendrait pas en aide. Tu as eu récemment la preuve du contraire, tu as eu la preuve que même après des mois de silence radio, ces personnes sont toujours là pour toi. Même cette fille avec qui tu as couché dans un moment de désespoir puis largué comme une chaussette le lendemain matin, sans un mot. Même ce gars que tu as littéralement snobé en pleine rue, alors qu’il te demandait des nouvelles. Tu t’étais senti mal de les voir tous réunis pour passer un moment avec toi, le sourire aux lèvres, sincèrement bienveillant, alors que tu avais été un parfait connard avec eux. Mais tu t’étais surtout senti plus qu’heureux de voir que tu comptais pour des gens. Eux aussi t’ont été aidés à te sortir de ton trou. Avec le recul, tu regrettes d’avoir passé quatre mois renfermé sur toi-même, sans parler à personne à part Mila, et parfois Persia, quatre mois à ne faire que travailler, manger, dormir, déprimer. D’un autre côté, c’est ce qui t’as fait grandir, mûrir, prendre conscience que tu n’as plus vingt ans et qu’il est peut-être temps pour toi d’agir en adulte et non plus en éternel adolescent.

Tu sors de l’appartement après avoir boutonné une veste mi classe, mi décontractée, et sors ton téléphone portable tout en descendant les escaliers. Un petit coup de tête en direction de la vieille voisine pour la saluer, celle qui ne se remet jamais de ta beauté, de ton sourire, et surtout du fait que tu lui dis bonjour, alors que tous les autres ne lui accordent même pas un regard. C’est pas toi qui le dis, c’est elle-même. Tu l’as entendu l’autre jour parler à sa sœur, « Tu sais, le jeune homme qui habite en face, là, oui, eh bien il est très charmant, je n’en reviens pas. Il me dit bonjour, à chaque fois qu’il me croise, oh ce qu’il est charmant. Il n’y en a pas deux comme lui. » Tu essaies de ne pas trop prendre la grosse tête mais quand même, ça fait toujours plaisir. Tu pousses la porte de l’immeuble tout en tapotant « J’arrive dans cinq minute, poupée. » à l’intention de Persia, sur ton portable. Tu souris. Tu l’imagines lever les yeux en soupirant, à la lecture du surnom affectueux. Tu aimes bien la taquiner, jouer le copain coquin, parce que tu sais que ça la fait marrer.

Tu ne mets pas longtemps à rejoindre le cabinet de Persia, tu connais le chemin, pour tout le temps que t’y as passé en début d’année à préparer l’anniversaire de ta mère. Anniversaire qui s’est soldé par un échec, mère devenue hystérique, paniquée par la surprise, angoissée qu’on ne l’es pas prévenue. Bref, fête ratée avant même d’avoir commencée. Résultat, fête annulée. Pourtant, tu avais vraiment envie de faire quelque chose pour elle, de la remercier pour tout ce qu’elle a fait pour toi. Tu ne vas pas souvent rendre visite à tes parents, tu ne prends pas le temps, et tu n’aimes pas trop l’ambiance qu'il y règne. Mais tu tiens à montrer à ta mère que tu l’aimes quand même. « Tobias, tu n’es pas obligé. Tu sais que je t’aime comme si je t’avais fait. » Oui mais quand même. Depuis tes seize ans, depuis cette fameuse révélation, tu n’as cessé de te remettre en question, de te dire que peut-être, ta mère t’avais regardé d’un autre œil durant toutes ces années, et tu fais tout pour être à la hauteur de ta sœur et de ton frère, pour qu’elle t’aimes autant, pour que tu mérites son amour autant que les deux autres. Elle avait beau de te répéter que tu étais exactement au même « niveau » que ses deux autres enfants, biologiques, eux, rien n’y fait. Alors tu as décidé de réorganiser une fête en son honneur, en la prévenant auparavant, bien sûr. Au fond, c’est aussi une excuse pour passer du temps avec Persia. Disons que c’est moitié pour elle, moitié pour ta mère. Après tout, ça fait quatre mois que tu n’as rien fait, quatre mois que tu n’es pas sorti, alors des économies tu en as accumulé. Tu peux bien te le permettre.

Tu pousses la porte du bureau de Persia, la main derrière le dos, comme si tu cachais un bouquet de fleurs. Tu ne fais pas durer le suspense et découvre ta main, secouant… des billets de banque. « Voilà pour le premier règlement. Les fleurs, ça sera pour le prochain rendez-vous. » Tes lèvres s’étirent en un sourire malicieux alors que tu t’approches de la jeune femme. Ta main posée sur sa hanche, tu lui fais la bise avec une sensualité non dissimulée. Tu t’écartes en souriant. « On commence par quoi, aujourd’hui ? » Vous n’avez encore rien décidé,  même pas le lieu de l’événement. Vous recommencez à zéro, en changeant tout, chaque paramètre de la fête précédente, qui n’a en fait jamais eu lieu. Tu as été surpris que Persia accepte de se charger de l’organisation à nouveau, même si tu espérais secrètement qu’elle le fasse. Tu lui en es reconnaissant, parce que même si elle a été totalement payée pour son travail la dernière fois, elle en a pris un coup sur le moral, d’organiser une fête pendant des mois pour qu’elle soit annulée au dernier moment, par une femme allergique aux changements brusques et aux surprises trop conséquentes. Pour cette fois-ci, tu t’es assuré que ta mère soit au courant, tout en lui laissant la surprise du contenu de la fête, afin de limiter les dégâts. Et tu es heureux en pensant à toutes les heures que tu passeras en compagnie de la belle blonde. Elle fera beaucoup de travail par elle-même, seule, bien sûr, mais tu la rejoindras dès que tes horaires te le permettront, pour préciser ce que tu imagines pour l’événement, mais aussi l’épauler et l’aider pour tout ce qui est purement matériel. Payer pour travailler, cela ne te déranges pas. Du moment que tu peux faire plaisir à ta mère et surtout, passer du temps avec Persia. Passer du temps à parler, à rire, à ne rien dire mais beaucoup penser. Passer du temps à être heureux, quoi.

La journée s'annonçait décidément très sympathique. Persia sortait de son lit aux alentours de huit heures et demie, contrairement à ces derniers jours. Elle avait assez bien dormi puisque peu de cernes paraissait sur son visage. Elle fonçait prendre sa douche, sans perdre de temps. Elle se réjouissait de retrouver Tobias, qui quelques semaines plutôt était venu l'aider lors de son escapade en forêt. Sa cheville se portait mieux et malgré quelques hématomes, elle pouvait de nouveau porter des chaussures à talons, ce qui lui avait terriblement manqué. La jeune femme enfilait une robe couleur émeraude qu'elle mariait parfaitement avec des escarpins beiges et un chandail assorti. Elle arborait maquillage très simple, du mascara avec une pointe de rouge à lèvre corail qui lui dessinait soigneusement les lèvres. Persia avait pris le temps de cacher ses blessures frontales derrière un peu de fond de teint. Bien sûr, elle n'avait pas trébuché cette fois-ci, non lors de sa soirée avec Mila, elle s'était retrouvée dans une embuscade qui avait mal tournée, mais cela se voyait à peine. Une fois prête, elle quittait son domicile pour rejoindre son agence. Elle était radieuse, comme toujours en réalité. Elle avait toujours été une fille apprêtée et elle ne le revendiquait pas, elle s'assumait telle qu'elle était. Rejoignant son agence, Persia passait quelques coups de fil à son bras droit. La jeune femme qui gérait son agence à New York s'avérait être une très bonne amie de la blonde, elle ne voyait personne d'autre pour s'occuper de cette agence. Elle avait mûrement réfléchis avant de lui confier partiellement sa deuxième agence, mais elle ne regrettait pas du tout son choix. Elle faisait des sauts à New York, une à deux fois par mois, histoire de s'assurer que tout se passait comme prévu, comme sur des roulettes. C'était sa création et elle voulait que ce soit une réussite.

S'affalant sur sa chaise de bureau, la blondinette jetait un coup d'oeil à ses mails, sa boite était comme d'habitude, pleine. A force, si elle ne les lisait pas tous les jours, elle finissait par être saturée. Elle saisissait ensuite son téléphone pour appeler Tobias. Aaah cet homme, qu'avait-il d'exceptionnel ? Il savait faire sourire Persia et la sortir de son train de vie maussade. Elle lui était venue en aide et désormais ils se rapprochaient davantage. S'informant sur l'heure à laquelle il allait débarquer, le jeune homme ajoutait un petit surnom très affectif qui lui laissait lever les yeux au ciel. Bien sûr, à force elle prenait cela avait humour, sachant pertinemment qu'il aimait la taquiner, après tout, c'était toujours ainsi, pourquoi cela changerait-il maintenant ? Ce qui est le plus hilarant, c'est leur première rencontre, cela avait été un vrai fiasco, tout s'était mal passé et ils s'étaient méchamment pris la tête. En même temps, ce n'est pas étonnant vu les forts caractères qu'ils ont tous les deux, de vraies têtes de mules. Elle se levait dignement, déambulant dans le couloir pour rejoindre sa secrétaire qui fricotait avec un des clients. « Je ne vous dérange pas j'espère ? » Lâchait-elle d'un ton ironique. Après tout, elle n'était pas payée pour se faire draguer ou pour manger des petits beurres derrière son bureau. Elle soupirait doucement, faisant signe à la jeune femme de se mettre au travail. Persia prenait toujours son travail très au sérieux et l'idée de voir ses employés tourner en rond la rendait hystérique.

Retournant sagement dans son bureau, Persia se prenait un café, histoire de se motiver à travailler, même si ce n'était pas cela qui manquait. Elle se retournait rapidement, laissant ses cheveux lui caresser le visage, puis elle plongeait ses yeux dans ceux de Tobias, qui venait de faire irruption dans la pièce. Elle le scrutait de haut en bas, observant la tenue qu'il portait, d'un air complètement ailleurs. Il agitait devant elle des billets de banque, ce qui laissait un sourire se dessiner sur les lèvres de Persia. « Tu sais très bien que je te fais confiance. » Se permettait-elle de répondre d'un ton désinvolte. Il pose délicatement une main sur la hanche de la jeune femme ce qui la fait légèrement frissonner. Il faut croire qu'elle ne s'y attendait pas vraiment. Saisissant doucement quelques fiches que la jeune femme avait préparé, elle se penchait légèrement, laissant les courbes de son corps s'accentuer. Elle disposait les fiches de façon à ce que toutes les images soient visibles, puis elle argumentait sur ses choix. « Alors pour le lieu, j'ai sélectionné quelques endroits afin que l'on détermine lequel sera le plus approprié. » Tout était encore si vague dans sa tête, elle n'avait ni le nombre de convives, ni l'endroit et encore moins la forme des tables, qui s'avérait être un simple détails. L'idée de passer des heures en compagnie de Tobias l'emballait, elle savait très bien qu'elle n'allais pas s'ennuyer. Elle appréciait être avec lui, elle tenait à lui et son attirance pour lui s'accentuait jour après jour. Bien sûr, il y avait Scàarh dans sa vie, mais ce n'était pas la même chose, c'était deux hommes différents et de façon différente, il arrivait à la combler. En effet, elle ne se voyait pas être polygame, mais pour l'instant rien n'était fait entre les deux. Au fond, elle était ravie de savoir que Tobias avait pensé à elle pour organiser cet événement, déjà parce que c'était une fête importante, mais aussi parce qu'elle voulait se rattraper. La fête qu'elle avait organisé pour sa mère l'année dernière, n'avait même pas eu lieu et elle en avait pris un coup dans le moral. « Tu avais des idées peut-être ? » Ajoutait-elle en affichant son plus beau sourire.

let's work together babe.

C’est tout bête, mais voir Persia sourire te fais sourire. Tu deviendrais presque niais, mais c’est pour le mieux. Après tout, tu as passé un sacré moment à te morfondre sur toi-même et broyer du noir, alors si tu peux être heureux un peu, même pour un sourire, alors tu saisis l’occasion. Tu souris parce que c’est un peu grâce à toi qu’elle sourit, et ça te fais sourire que tu la fasses sourire. Logique. Tu te sens bien avec Persia, rien de superflu, tu es comme tu es, elle te connait un peu, à force, pourtant elle reste, elle ne te juge pas, tu ne la juges pas non plus. Vous vous entendez bien, c’est tout, enfin c’est tout, c’est peut-être plus, mais rien n’est écrit, et c’est ça qui te plaît. Tu ne te prends pas la tête et tu te laisses porter par la vie, tu attends de voir ce qu’elle te réserve, de positif, bien entendu. Tu observes nonchalamment les formes de Persia quand elle se penche pour récupérer ses fiches – à croire qu’elle fait exprès pour te rincer l’œil – et tu ne cherches même pas à te cacher. Encore une fois, c’est ça qui est bien entre vous. Tu peux la regarder, enfin, la dévorer des yeux, elle peut faire de même si ça lui chante, vous vous en moquez bien, en tout cas toi de ton côté tu t’en fiches éperdument qu’elle le fasse. Tu t’en fiches dans le sens que ça ne te dérange pas, mais ça te flatte, quand même. De son côté, tu penses que ça lui convient aussi, parce qu’elle ne t’as encore jamais dit de regarder ailleurs. Et puis, c’est pas comme si tu matais son décolleté ouvertement, c’est pas ton genre, quoique l’on puisse penser, t’es pas un vicieux. Tu admires juste les proportions de son corps, sans aller jusqu’à dire amoureusement, au moins tendrement. Parce qu’en plus d’être « bien foutue », Persia est belle. Tu ne peux pas le nier, et tu l’as remarqué très tôt, dès la première fois que vous vous êtes rencontrés, en fait. Mais bon à l’époque – oui parce que mine de rien, de l’eau a coulé sous les ponts depuis ce temps – tu n’avais pas fait particulièrement attention, tu t’étais dit « waw elle est jolie, j’ai de la chance de bosser avec elle », sans arrière-pensée aucune, mais c’est tout. Encore aujourd’hui tu te trouves chanceux de pouvoir travailler avec une aussi belle créature, sauf que maintenant tu l’as connaît davantage et tu sais qu’elle n’est pas seulement une jolie bouille sur un joli corps. À présent, c’est « une amie proche », comme tu prétends, même si ça te déranges, inconsciemment, de la limiter à cette qualification.

Mais, trêve d’éloges, tu te reconcentres sur les fiches que Persia a préparées pour la fête de ta mère. Tu observes les différents lieux possibles pour organiser l’évènement, reprenant un peu de sérieux. Tu n’es pas là seulement pour profiter de la compagnie de Persia, et bien que tu sois prêt à dépenser une grosse somme d’argent, ton compte en banque n’est pas illimité et il faut quand même que tu puisses terminer ta partie du boulot à temps. Tu remarques qu’elle n’a pas remis la salle de la dernière fois, et tu l’en remercies. Tu veux repartir de zéro, complètement. Tu aimerais que la fête ait lieu dans un lieu impromptu, original, pour qu’il subsiste un peu de surprise. Il faut aussi que l’endroit soit assez grand pour accueillir toute la famille du côté de ta mère, mais aussi celle paternelle, avec qui elle s’entend très bien, ainsi que tous ses amis. Quelque chose d’à la fois chaleureux, mais vaste. Quand Persia te demande si tu aurais des idées, avec un de ses sourires étincelants qui te font craquer, tu réponds malicieusement que non, malheureusement tu ne verrais pas trop où pourrait se tenir la fête, mais que « T’as l’air d’avoir déniché des trucs sympatoches. Laisse-moi analyser tout ça. » Tu ris, avant de te concentrer sur les bouts de papier. Tu t’attardes sur la photo d’un chalet, et tu prends la feuille en main pour la lire davantage. Tu feuillettes rapidement les autres lieux, mais tu te rends vite compte que tu as eu un coup de cœur pour celui-ci, mais si ce n'est finalement pas si original que ça. Un grand chalet sur le mont Pineshore, avec une grande plaine et à proximité de la forêt. Tu lis en diagonale les informations et te rends compte qu’il y a tout ce qu’il faudrait. « Ce truc est génial », tu finis par lâcher. « Il y a une grande salle, c’est cool pour manger et danser, ça. Et puis une grande cuisine, pratique aussi. Et des chambres. Beaucoup de chambres. » Tu hausses les sourcils en direction de Persia, avant de t’esclaffer. « C’est dommage, il n’y aura pas d’aussi jolie fille que toi avec qui en profiter », tu ajoutes, toujours sur le ton de l’humour. En effet, il n’y aura que ta famille et les amis de ta mère, et tu doutes que ces derniers soient assez jeunes pour toi. À moins qu’ils aient des enfants de ton âge. Mais là encore, même s’il y avait parmi eux une jeune femme qui te plaisait, tu ne passerais pas pour autant la nuit avec elle. Eh oui, le Tobias d’avant n’est plus. Du moins, plus tout à fait.