(#) Sujet: #2511 - Love is a losing game (ZELIX) Ven 29 Nov - 13:55
⊹ Love is a losing game
J'sais pas trop c'que j'fou encore ici. Ou plutôt si , je sais très bien c'que viens foutre là, mais j'sais pas pourquoi. Pourquoi est-ce que j'finis toujours par revenir devant cette porte miteuse ? J'lance un regard noir à la poignée, juste pour bien lui signifier qu'je suis loin d'être faible et qu'c'est d'ma propre décision si j'm'apprête à pousser cette foutue porte. Comme si une poignée en avait quelque chose à foutre. Comme si j'avais vraiment le choix. J'sais pas pourquoi mais j'y arrive pas, j'peux pas m'détacher d'ces grands yeux pales et d'son corps beaucoup trop maigre. Pourtant j'ai esssayé. J'ai vraiment essayé, parce que quand j'me r'trouve près de lui, j'sens cette boule dans mon ventre, ce truc malsain. J'me suis cassé pourtant, et souvent. J'l'ai fuis comme on fuirais la peste, froidement, sans un mot. Mais j'suis toujours revenu, parce que malgré mes colère, malgré mes mots durs, et mes regards glacés, ce type me rend dingue. Quand je caresse sa peaux tirée, abîmée par sa maîtresse, poudre brunâtre qu'il s'injecte chaque jours dans les veines, j'me sent étrangement apaisé. Comme si toute la merde qui se rependait autour de moi disparaissait le temps d'une étreinte sur son matelas usé. Pourtant c'est c'que j'ai toujours fuis chez lui, cette capacité qu'il a à me convaincre qu'entre ses reins, la vie est belle. Connerie, la vie s'rait jamais belle pour moi, c'était merdé d'avance. J'prend mon pieds à détruire tout c'qui m'tiens debout, j'ai toujours été comme ça , mais quand il s'agit de lui, de ses larmes qui dévalent ses joues et de son regard pâle ou se mêlent colère et désespoir, je me hais. Je me hais de faire tant souffrir cet homme, qui lui m'offre tout. J'me hais d'le détruire, de cogner sa belle gueule, juste parce que j'suis un con. Un con d'la pire espèce, de ceux qui brise les autres. Pourtant dès que j'l'ai vus ce type un peu bancal et enragé au visage couvert de bleus, j'l'avais senti. Cette foutue boule dans mon ventre, qui m'serre à chaque fois qu'je croise son regard. J'suis toujours devant cette foutue porte, et j'ose pas baisser cette putain d'poignée qui semble me lancer d'un air de défit « Alors Zef, tu vas faire quoi ? Fuir ou entrer ? » Ça m' fout les nerfs, et j'finis par lui envoyer mon poing sur sa foutue face boisée, merde ça fait mal. La porte s'ouvre lentement avec un grincement qui m'rappelle le miaulement d'un vieux chat qu'on écrase. Noir. Aucun bruit. Personne. Fait chier. J'passe enfin c'foutu perron et j'rentre dans cet appartement de plus en plus vide. Ouvrir les volets. De l'air. C'est fou c'que ça pue ici. Ça sent la mort. Ça sent le junkie. Et cette pensée me met hors de moi, la rage se mélange au chagrin, me donne envie d'hurler, puis d'chialer aussi, d'chialer parce que ce putain d'junkie c'est Fel', et qu'j'y suis pas pour rien. Pleurer parce que quoi qu'je fasse j'suis incapable de l'aimer comme il le mérite, parce qu'à cause de ma merde, cet homme que j'aime plus que tout se tue lentement devant mes yeux. J'frappe le mur, avec répétition, jusqu'à ce que les phalanges de mes poings percent la peaux, jusqu'à ce que le sang se dépose sur les murs froid. Frapper les murs. Putain j'suis vraiment pitoyable, une grosse merde, bravo Zef ! Enfin c'pas sa gueule. Déjà ça. J'balade mon regard sur ce taudis dans lequel j'le laisse vivre. Le matelas nu posé sur le sol crasseux. N'importe qui aurait envie d'chialer en voyant cette pièce ridicule, mais moi, elle me redonne le sourire. Parce que c'est ici que je l'ai retrouvé. Ici que nos corps se mêlent. Ici que je le regarde dormir, lui murmurant mon amour quand je suis sure qu'il ne m'entend pas. On aurait pu être heureux. Foutrement bien même. Mais j'suis c'que j'suis, et j'ai tout bousillé. Comme d'habitude. J'ai jamais rien fait d'bien dans ma vie, alors pourquoi ça changerait ? Même lui, même Fel' j'finis par le tuer. Pourtant j'l'aime, j'l'aime comme personne. J'ai pas passé une journée sans pensé à sa foutue gueule, à son sourire de gosse et ses yeux pleins d'une douceur qui lui est propre. Putain même quand j'baise d'autres type j'pense à sa gueule ! Et pourtant j'suis incapable de l'rendre heureux. J'me hais. Quand j'pense à tout c'que c'type devient, à son corps de plus en plus pale, aux ombres qui se promènent sur son visage tiré, à la mort qui rode, qui tourne autour de lui, prête à se saisir de ce corps affaiblis, j'ai envie de vomir. Gerber ma haine et mon dégoût, mon dégoût de moi, de lui, de tout c'que j'ai bousillé ici. Cet endroit m 'étouffe, m'oppresse, j'ai besoin de sortir, foutre le camp, dégager au plus vite. Plus être là quand il vas revenir ? J'veux plus voir ça, ça fait trop mal. « Putain d'merde Fel', t'es qu'un putain d'enfoiré ! T'aurai pu être heureux, alors pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu m’oublie pas, simplement ? Pourquoi tu m'aime ? Pourquoi tu reste ? Pourquoi est ce que quoi qu'je fasse tu m'pardonne toujours ? J'suis qu'une putain d'gosse merde, alors dégage avant que j'finisse par te tuer ! » J'ai hurlé, hurlé contre ce foutue mur, hurlé ma colère, ma tristesse et surtout l'incompréhension qui m'bouffe le cœur et m'vrille la tête. Pourquoi est-ce que j'suis incapable d'être heureux ?! J'me retourne, prêt a passer cette porte et quitter c'lieu morbide, foutre le camp, aller baiser un inconnu quelque part, me débarrasser de l'odeur de Jack qui m'colle à la peaux, prendre celle d'un autre. Puisque je n'peux pas garder celle de Fel' sans tout bousiller. Mais il est là, dans l'embrasure de la porte, son regard pâle fixé sur moi, moi et ma colère, moi et mes poings serrés, couverts du sang qui commence à sécher. La boule dans mon ventre, elle est là, à nouveau. J'hésite entre le prendre dans les bras, et le bousculer pour sortir. Dans le doute je reste là, immobile, silencieux. Les yeux fixés sur le mur au dessus de sa tête, j'évite soigneusement de croiser son regard. Merde.
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(#) Sujet: Re: #2511 - Love is a losing game (ZELIX) Mer 4 Déc - 18:15
and i'm addicted to the sweet pitch of its siren
Un miroir dégueulasse. La seule chose que t'as jamais pu vendre, pas vrai? Il est explosé, le coin gauche est tombé depuis longtemps, ton reflet, entre les failles, se répète et se déforme. Tes yeux sont fixés sur ton visage, que tu ne reconnais plus depuis des lustres. Le vieux matelas derrière toi se décuple. Ton corps ondule imperceptiblement, très lent, il se balance d'un pied sur l'autre sans vraiment que tu le veuilles. T'es défoncé. T'es explosé. Tu viens de finir ce qu'il te restait. Tes bras sont troués, au point que ça en ait répugnant. Ton regard est vide. Tu te t'observes, comme l'on pose les yeux sur un parfait étranger dont la vie ne nous touche pas, ne nous intéresse pas. T'es un cadavre, t'en n'as même plus honte. T'façon d'quoi tu pourrais avoir honte, pauvre junkie. Ça doit bien faire deux heures que t'es déglingué, et que tu restes debout, comme ça, devant toi-même, cette silhouette pour qui tu n'éprouves même pas de compassion. T'as bien raté ta vie, pauvre couillon. T'as bien sauté dans l'vide, t'es fier de toi, j'suppose? T'es qu'un pouilleux de drogué, le type qu'on n'ose même pas regarder dans la rue. T'façon, la rue, tu ne la vois plus que pour tes allers-retours chez l'dealer le plus proche, tes combats de boxe quand t'as besoin d'cash et que t'es pas trop mort pour te lever, ou le bar les soirs où tout va mal. Ta vie est resplendissante. T'essayes de te sourire, dans la glace, mais ça fait peur, cette mimique étrange que t'arrives à faire, et qui se multiplie sur le miroir. C'est Zef qui l'a cassé, un jour. Il était énervé, il t'avait déjà bien frappé, t'avais pas bronché, comme toujours, et puis tu savais que s'il frappait encore, tu tombais dans les vapes. Il a dû le voir aussi, parce que son dernier coup, il l'a donné dans le miroir. Les murs, il les a déjà enfoncé un peu partout. Le miroir il était encore à peu près bien. Maintenant il est brisé de partout, des morceaux chutent continuellement, tu t'y écorches les pieds, mais c'est pas grave. Tu sens rien t'façon. Tu délires, à te regarder. Ton esprit vagabonde. Ton esprit est plus embrumé que ce foutu Londres un soir de brouillard, et tu sais qu'tu peux plus le contrôler, donc tu le laisses vagabonder, impuissant, en plongeant ton regard dans tes propres yeux, sans un bruit si ce n'est celui de ta respiration profonde.
Souvenirs mêlés, ivresse étouffante. Ta respiration s'accélère. Tous ces visages, ta connasse de mère, ton bouffon de père. Tes "amis" de l'époque. Tes rêves, ton ambition, tes désirs, tes besoins de liberté. T'étais libre putain. T'aimais la vie, nan? T'aimais l'amour, t'aimais les cieux, t'aimais l'air frais, t'aimais la nuit, les étoiles, les courbes des femmes, les sourires des hommes, t'aimais c'putain d'monde et tu t'y accrochais comme si t'avais ta chance, comme si l'avenir t'effrayais pas, tu vois. Tu l'empoignais, cette foutue vie, et tu la faisais valser, à ta manière. T'étais le roi, pauvre con. Tu maîtrisais ton existence, et peu importe où t'étais, avec qui t'étais, tu restais droit, fier, fort, libre putain ! T'avais la foi au coeur, t'avais l'vent dans la tête, il voulait t'porter vers d'autres horizons, vers la paix d'une aube claire, l'euphorie d'un crépuscule lumineux. Il aurait pu t'emporter à l'autre bout de la Terre si t'avais voulu, il aurait pu te mener aux confins des univers. Felix l'aventurier, Oksanen le voyageur. T'avais tes chances, bordel. Et t'as tout foiré, ouais. T'as tout foiré. C'est pas drôle, dis? A quel point t'es un minable. T'avais tout ça. T'avais tout. Simplement tout. Mais il a fallu que tu viennes t'enterrer dans ce patelin à la con, que tu plonges main dans la main avec Héroïne vers l'enfer, parfaitement conscient des risques, de ce que tu faisais. Mais t'as décidé de sauter quand même. Parce que t'avais perdu ta foi, ton ambition, tes désirs, tes besoins, ta soif d'aventures, de liberté, en même temps que t'as perdu l'amour de ta vie, ton poison. Alors t'as substitué une malédiction à une autre. Quitte à souffrir, autant ne pas le sentir. Puis c'était pas plus mal, nan? Après tout, t'as un appartement, un matelas un miroir. Ça pourrait être pire. Tu pourrais vivre dans un carton, là, dehors. Au moins, tu vois toujours Zef. T'es sa pute, ouais, c'est sur. Son punching ball aussi. Mais au moins tu le vois. Au moins il est pas complètement absent de ta vie. C'est ton seul rayon d'soleil, pas vrai? C'est la seule chose pour laquelle tu ressens encore la passion qui t'habitait autrefois. C'est le seul pour qui l'étincelle de tes yeux se ranime. Au moins un peu. T'es pas complètement perdu. Héroïne te bouffe, s'empare de chacune de tes veines, les fait trembler, mais elle t'as pas abandonné. Elle reste là, avec toi, toutes ces nuits d'horreurs, de cauchemars, de terreur, où t'attend Zef. Où t'attends qu'il revienne se perdre entre tes reins, qu'il revienne te hanter, qu'il revienne t'embrasser, et dormir contre ton corps frêle, si frêle qu'il pourrait le casser en deux avec une simple pression. T'es peut-être pas grand chose, mais t'as pas encore touché l'fond, pas vrai? En tout cas t'essayes de t'en persuader. T'as déjà plus aucune estime de toi-même, autant pas te pousser à la dépression et au suicide. La vie, elle reste belle? Enfin, elle est pas si insoutenable. T'as Zef. T'as Zef. T'es la pute de Zef.
Foutu miroir. C'est vrai que c'est la porte de l'âme, ces machins-là? Tu détournes enfin ton regard, et tu te rends compte que tes jambes te font mal, d'être restées pendant plusieurs heures immobiles. Tu sens tout au fond, au fond de ton estomac une pression. Combien d'temps t'es resté là, dis? Si déjà les tout débuts du manque pointent leur nez. Un jour, au moins. Au moins. Tu te mouves, avec cette démarche typique du junkie, les pieds qui traînent, le dos courbé, le corps désossé, vers ta porte. Tu prends les derniers billets qui restent éparpillés sur ton matelas. Va falloir que tu te battes encore. Ou qu't'ailles mendier, mais ça marche de moins en moins, avec tes yeux de plus en plus cernés et ta gueule de déterré. Alors va falloir se battre. Se coucher au bon moment. Faire gagner des salops qui te féliciteront de loin pour avoir truqué le match. Pauvre pédale, Fel'.
Tu quittes l'appartement miteux. Tu cours chercher ta dope. T'en auras besoin bientôt. Même si pour le moment, tes membres se crispent à peine, t'en auras besoin. Vite.
*****
T'es de retour. T'es pas seul. La porte est ouverte. T'entends du bruit. Des coups. Zef. Ses coups. Ton coeur bondit dans ta cage thoracique. Il est là. L'espace d'une seconde, t'as un sourire qui s'pose sur tes lèvres. Il est là. Chez toi. Il t'attend? Qu'il te frappe, ça te fera plus grand chose. Qu'il te frappe, qu'au moins tu sentes sa peau contre la tienne, qu'au moins t'obtienne de l'attention. Au moins il sera là, et tu pourras le regarder à travers tes boursouflures et ton sang qui coule. Tu caresses du bout de ta langue la dernière blessure qu'il t'as faite: le coin droit de ta lèvre en est encore marqué d'une immense cicatrice. Une belle cicatrice. Une de celles que tu aimes, parce qu'elles prouvent qu'il est venu. Qu'il est réel. Que c'est pas juste une hallucination d'Héroïne, mais bien ce qu'on appelle réalité. C'est rassurant, cette cicatrice. Et le goût, le goût de ton propre sang qui reste accroché à toi. C'est sale, ouais. Mais c'est un cadeau. Les seuls cadeaux que Zef t'offre. Alors tu les aimes bien, d'une certaine manière. Puis c'est seulement dans ces moments que tu te sens souffrir. Et quand tu sens que tu souffres encore, que tu peux encore ressentir la douleur physique, bah t'as l'impression d'être vivant. C'est ces rares fois où il t'abandonnait entre la mort et la vie où t'avais le plus l'impression de vivre. Tu l'entends qui hurle. T'entends toute sa rage. Tu fermes les paupières, un rictus souriant sur le visage, puis quand tu les rouvres, il est devant toi, face à toi, à quelques dizaines de centimètres à peine. Vague de désir qui enivre tout ton corps. Ses mots restent à flotter un instant dans ton esprits. Sait-il que tu l'as entendu? Tu souris toujours, ou du moins essayes-tu, du moins affiches-tu une sorte de mimique qui s'approche de ce qu'on pourrait appeler un sourire. T'entrouvres les lèvres, t'hésites un instant, tu le dévisages, un peu comme tu t'es dévisagé tout à l'heure, mais avec plus de passion, avec l'étincelle dans les yeux. « J'dégagerai pas, Zef. T'es venu me chercher. J'dégagerai pas. Et s'il faut que tu me tues, vas-y. Au moins ce sera de tes mains, et tu seras la dernière image que je verrai. » Ta voix est rauque d'avoir trop fumé. T'avances d'un pas vers lui, sans trop savoir si tu dois le plaquer au mur et l'embrasser, ou si tu dois attendre qu'il s'en occupe. Mais tu sens le désir, l'envie qui monte en toi. Héroïne elle-même n'est plus une préoccupation. Alors tu te lances, le colles au mur, et lui prends les lèvres. Chaleur. Détente. Tout s'estompe. Tout disparaît. L'appartement miteux, l'odeur qui y règne, ton dégoût pour toi-même, il ne reste plus que ton amour pour lui, et tes lèvres contre les siennes, et tes mains sur son corps, et ton envie de l'avoir en toi, ton besoin qu'il te fasse sien.