Excuse moi p’tite tête, je suis en retard. Il déposa un bisou sur son front lorsqu’elle releva la tête et s’assit en face d’elle. Liz lui avait déjà commandé un café, un moka, l’un de ses préférés. Avec le temps, la jeune étudiante commençait à connaître les goûts d’Orchid dans la catégorie des boissons amères. Une odeur alléchante s’en échappait, et fort heureusement la tasse était encore fumante, malgré son léger retard. Un gros gros tatouage, sur un client habitué, tu comprends.. dit, il en roulant des yeux. Le jeune tatoueur jeta un rapide coup d’oeil sur ce qu’elle était en train de faire, puis finit par sortir son occupation du jour. Il était en train de rédiger la réponse à une lettre. Pas n’importe quelle lettre, non. Celle de sa correspondante anonyme avec qui il entretenait une espèce de relation sur papier. Ce n’était pas vraiment son truc à Orchid, l’écriture. Il est plutôt penché dessin. Pourtant, cette fille, cette fille qui prenait le temps de lui écrire au moins deux fois par mois, cette fille il l’a trouvait absolument troublante. Son écriture était légère, avec de jolies courbes. Très agréable. Il s’efforçait de lui répondre en y mettant le plus de coeur possible, et pour qu’elle le ressente dans sa lecture.
Ils avaient commencé à dialoguer via un réseau social, après la rupture d’Orchid avec Nirvana. Le jeune homme avait cherché une sorte d’échappatoire après toute la douleur qu’il avait éprouvé, et cette jeune étudiante avait retenu toute son attention.
La seule règle qu’ils s’étaient fixés étaient de ne jamais s’envoyer de photos, pour ne pas se reconnaître. Car par le plus grand des hasards, ils avaient découvert habiter dans la même ville, à White Oaks.
Ils s’étaient mis d’accord sur le fait de rester anonyme, chacun ne connaissait que le prénom de l’autre. L’idée de peut être avoir déjà croisé la jeune femme en ville rendait Orchid euphorique. Peut être l’avait - il même déjà regardé. Si c’était le cas, qu’avait - il pensé d’elle ?
L’avait - il trouvé jolie ?
Là opérait toute la magie de l’anonymat, le physique ne comptait pas, il n’y avait que les mots, la typographie, l’odeur du papier, la façon qu’elle avait de barrer ses petites ratures. Rien que la beauté de l’encre.

Il bût une gorgée de sa boisson pendant qu’elle lui expliquait sur quoi elle était en train de travailler. Les études, ça n’avait jamais été le truc d’Orchid, il n’était pas assez patient pour ça. Ambitieux certes, mais d’une autre manière. Il avait commencé à travailler dès que ça lui avait été possible. Et dans le domaine qu’il aimait. Orchid était épanoui côté travail, mais ce n’était pas vraiment la même chose côté coeur, du moins, pas en ce moment.

Tout cela lui paraissait bien compliqué, alors que c’était probablement très simple pour Liz. Les mots, les bouquins, la littérature, tout cela l’étouffait. Son truc à lui, c’était les arts. L’encre, la peinture, les crayons, les couleurs, les explosions qui jaillissaient de sa tête et qu’il pouvait mettre sur papier. C’était ça son truc.
Une autre gorgée de moka encore bien chaud avant de lui mentir brièvement sur ce qu’il était en train de faire. Il roula des yeux.
Oh pas grand chose, je réponds à une lettre de ma grand-mère, elle n’aime pas trop communiquer par téléphone alors je m’efforce de lui donner quelques nouvelles sur du papier, même si en réalité, je déteste ça. En soit c’est beau, oui. C’est beau, mais ça met tellement plus de temps.
Il rit nerveusement.
Oh, je ne pense pas que ce soit une bonne idée, je vais me ridiculiser ! Je pense pas être vraiment doué pour ce genre de chose, je peine déjà à répondre à ma grand-mère alors tu vois...
Dans un mouvement d’inattention, le jeune homme laissa tomber la lettre de sa correspondante à laquelle il était en train de répondre. Orchid était de nature très maladroit, et ce depuis sa plus tendre enfance. Cela lui jouait parfois de sales tours. Les deux amis se penchèrent exactement au même instant, mais il posa sa main en premier sur la feuille noircie.
J’ai été plus rapide ! Et quel soulagement d'ailleurs. Il se releva et prit soin de la cacher rapidement sous ses affaires. Comme un gosse qui cacherait les morceaux du verre qu’il venait de casser pour échapper à une correction de sa mère. Comme un gosse. Après tout, Orchid n’était pas bien grand dans sa tête. Et ça, sa correspondante avait bien dut le remarquer en le lisant.
Le jeune homme cherchait sans cesse des échappatoires au monde adulte, aux responsabilités, à la vie.