She screams in silence.
flowers in your hair

Piece by piece La jeune fille serra un peu plus dans sa main la poignée de sa valise entre ses doigts. Elle était silencieuse. Un peu trop sans doute. Son regard semblait impassible devant le paysage qui défilait devant ses yeux. Le brouillard dehors avait apparemment toutes les environs, c'est à peine si la petite Hanna pouvait distinguer quelque chose. Le temps était maussade. Comme son coeur. Encore une famille. Serait-ce la bonne cette fois-ci ? Elle l'espérait. Elle en avait plus que marre d'être baladée à travers le pays pour qu'on la donne à des gens qui n'étaient pas capable de la garder. Combien de familles l'avaient déjà recueillies ? Beaucoup trop pour qu'elle les compte toutes. C'était déjà bien assez. Un petit soupir l'envahit tandis qu'elle redescendait son regard sur ses pieds tous deux garnis de jolies chaussures noires. Il fallait faire bonne impression lui avait-on dit. De toute façon, à chaque fois, c'était la même chose. On lui mettait une jolie robe, généralement noire, pour la présenter sans doute comme la pauvre petite orpheline, et on lui brossait ses cheveux soigneusement. Elle avait même hérité d'une petite barrette, chose qu'elle ne mettait jamais. Ses chaussettes blanches immaculées qui sortaient de ses souliers lui donnaient presque la nausée. Quand est-ce qu'elle allait arriver ? Elle n'en savait rien. Cela pouvait durer des dizaines de minutes ces trajets. « Tu verras, Hanna, tu vas te plaire dans cette nouvelle famille. Elle a déjà accueilli plusieurs enfants et ils sont tous très gentils. » La dame qui l'accompagnait avait enfin daigné lui faire face. Elle affichait un sourire bienveillant. La petite fille de douze ans ne savait si elle devait la croire. Alors elle acquiesça doucement, presque tremblante dans ses chaussures. « Ils ont déjà un garçon de presque ton âge. Il doit avoir un an de plus, il me semble. Tu verras, tu t'entendras à merveille avec lui. Et puis, tu auras une nouvelle petite soeur et un autre grand frère. Tu auras une grande famille pour toi toute seule. » Hanna ne répondit pas à cela. Elle avait fini par en être lassée même à son âge. Elle, ce qu'elle voulait, c'est une famille qui la garde. C'est tout ce qu'elle demandait. Elle avait fini de croire aux fées et aux marraines qui ramèneraient ses parents biologiques. Elle était lasse de ça, Hanna. C'était rare pour une petite fille de son âge. Sans doute trop mature par circonstance. Et non par choix. Elle reposa sa petite main à peine potelée sur les fanfreluches de sa robe. Elle glissa sa main sur le petit noeud noir, presque pensive. « Ne t'inquiètes pas, Hanna, tout va bien se passer. J'en suis sûre. » finit par répliquer la dame. Elle avait sans doute du sentir l'inquiétude qui commençait à doucement s'insinuer dans la petit corps de la fillette. Après tout, dans ce genre de situation, c'était jamais prévu d'avance. Elle en avait déjà essuyé des familles difficiles. Pourquoi l'avait-on trimbalée sinon hein ? Hanna, c'était la douceur. Alors on la mettait là pour un essai. Ca ne marchait pas. Famille trop exigeante et complètement à la ramasse. Alors on recommençait. Encore et encore parfois. Elle avait fini par se prendre pour un rat de laboratoire, prête à se rendre à l'abattoir. La petite brunette acquiesça donc. « J'aurais peut-être ma chambre à moi. » finit-elle par dire avec une petite voix. Elle sentit tout de suite la jovialité dans la voix de la dame. Sans doute pensait-elle qu'Hanna commençait enfin à envisager sa vie dans sa nouvelle famille. La surenchère n'avait jamais été le meilleur argument de cette femme. « J'en suis sûre. Et pis, si cela n'est pas le cas, tu auras une soeur avec qui la partager. C'est bien aussi tu sais. » Un sourire accompagna encore ses paroles. Elle avait finir par se faire une tendinite de la mâchoire si elle continuait. D'ailleurs, elle allait ajouter quelque chose quand, le conducteur la coupa. Il avait tourné à peine la tête vers les deux intéressées, assises à l'arrière. « Vous êtes arrivées, le cirque est juste là. » Le cirque ? Hanna parut surprise. Ils allaient vraiment l'envoyer là ? Sans perdre une seconde, son regard se faufila vers la vitre. Devant elle, dans la brume, se dressait un immense chapiteau strié de rouge et blanc. Un écriteau un peu bancal semblait être visible des kilomètres à la ronde. Cirque Connor et cie la famille, c'est sacré. Génial. Encore des illuminés du bocal tiens. Elle ne dit rien. Quand la dame vint lui ouvrir la porte, elle hésita un instant. Mais sous le regard autoritaire qui se voulait à la base bienveillant la décida à s'exécuter. Cela ne pouvait pas être si pire non ? D'ailleurs, des personnes se trouvaient à l'entrée du chapiteau. Deux garçons, de son âge à peu près, un plus jeune que l'autre, et une autre filette. Elle semblait bien plus jeune qu'elle. Et puis un couple. Ils paraissaient accueillants, heureux. Ils commencèrent à s'approcher d'elle. Elle serra un peu plus sa poignée de petite valise. Où est-ce qu'elle était tombée franchement ?

Love the way you lie « Applaudissez donc tous, la jeune et jolie Plume. » L'intéressée, plus que sourire, tournoya alors encore une deuxième fois sur elle-même, avant d'entamer sa révérence de final. Devant elle, les applaudissements fusaient et elle voyait des étoiles dans les yeux des petites filles au premier rang. C'est ce qu'elle aimait dans ce métier. La reconnaissance, l'amour du public. C'était le meilleur. Elle se redressa alors, vêtue de son costume de scène plus brillant que jamais. Elle adressa un dernier signe de la main avant de s'engouffrer dans l'allée des artistes, le rideau rouge se fermant derrière elle. Elle aimait tellement ce moment où l'adrénaline retombait. C'était comme si tout son être se détendait complètement. Elle se sentait capable de tout, maintenant. C'était un sentiment presque indescriptible qu'elle adorait. Elle en était presque devenue accro. Elle dansait depuis maintenant plus de quatre ans. En fait, depuis qu'elle avait rejoint sa nouvelle famille. Des membres en or selon elle. Elle souffla un instant dès qu'elle sentit le petit air familier du levé de rideau. C'était au tour du dompteur de tigres. Un ami de ses parents. Elle lui lança alors un sourire. Bientôt, sa jeune soeur, assise à quelques mètres à peine de là, se précipita vers elle. « T'as été génial, Plume ! Plus tard, je voudrais pouvoir tournoyer dans les airs avec seulement une longue corde de tissu. » s'était-elle exclamée avec des grands gestes. L'intéressée sourit doucement. Elle prit une serviette qui était posée à son intention sur une des tables où les artistes se préparaient. Elle la saisit pour éponger un peu son front. « Merci, mais tu sais, tu as encore le temps Lucy. Tu as répété ce que je t'avais déjà dit de travailler ? » demanda alors la jeune fille de seize ans. Elle adorait sa petite soeur, de quatre ans sa cadette. Elle était si joviale, si extravertie et adorable. Comment ne pouvait-on pas l'aimer hein ? Elle défendait quiconque qui lui ferait du mal. Pourtant, elle tentait toujours de la recadrer. Après tout, Lucy partait souvent dans tous les sens. « Oui, chef ! » avait-elle dit avec joie. « Tu m'en apprendras des nouveaux, dis s'il te plaaaaaait Plume. » avait-elle alors ajouté avec un regard presque implorant. La jeune fille ne fit même plus attention au surnom utilisé. Plume. C'était son nom d'artiste qu'elle avait fini par prendre quotidiennement. Presque par habitude, et par choix. Hanna avait été celle qu'elle avait été, avant tout ça. Avant sa famille. Plume, c'était elle, pleinement heureuse et épanouie. Quoi de mieux hein ? Néanmoins, elle n'eut pas le temps de répondre qu'une voix dans son dos l'interrompit avant même qu'elle n'ouvre la bouche. « Lucy, maman te demande. Il faut que tu l'aides à donner à manger aux chevaux. Elle... » Elle était déjà partie dans un éclat de rire. La fillette de douze ans adorait ces animaux. Il suffisait de lui en parler pour qu'elle soit déjà dans leur enclos à les câliner. Plume secoua doucement la tête avec un sourire, ne prêtant aucune attention à son frère adoptif. Pourquoi le ferait-elle hein ? Il ne l'aimait pas. Il lui avait fait comprendre à maintes reprises, alors, l'ignorance était la meilleure défense selon elle. Il fallait juste qu'elle tienne. C'est tout. Encore et encore. « Tiens, Susbtitut de Connor a encore frappé. J'espère que tu n'as pas trop sali la piste. Je n'aimerais pas glisser sur ta transpiration lors de mon numéro. » Ses mains se crispèrent sur la serviette avec laquelle elle s'échinait à essuyer son cou. Ces remarques. Cela avait toujours été comme ça avec lui. Toujours ces remarques ou encore ces moqueries. Si cela ne tenait qu'à elle, elle aurait craqué depuis longtemps. Vraiment. Pourtant, elle résista encore. Respire. Oublie-le encore et tout ira bien. Plus facile à faire qu'à dire à vrai dire. « Lache-moi tu veux, Will. » Il la détestait, c'était un fait. Elle n'en savait même pas la raison et ça la rendait folle. Il la détestait pourtant, il adorait Lucy et Noah, leurs autres frère et soeur adoptifs. Incompréhensible presque. D'ailleurs, il aurait pu lui en vouloir, lui, le fils légitime comme il aimait bien se qualifier en la présence de Plume, pour leur intrusion. Mais non. C'était à elle et elle seule qu'il en voulait. « Oh. Me dis pas que tu vas te mettre à chialer encore. Tu ne sais faire que ça de toute façon. » dit-il en faisant quelques pas en sa direction. Elle se raidit légèrement. Plus jeune, les moqueries allaient loin. Elle savait de quoi il était capable malgré les innombrables mélioratifs que leur mère lui attribuait, et cela lui faisait presque peur. Elle tenta de faire abstraction encore une fois. Oui, elle avait déjà pleurer en sa présence. C'était une faiblesse qui lui fera presque envie de se détester elle-même. Alors, elle ravala déjà les larmes qu'elle sentait monter. Elle était plus forte que cela voyons. « Non. Je ne me préoccupe pas des abrutis comme toi. Je ne fais pas dans le caritatif. » tenta-t-elle de se défendre maladroitement. Il réduit alors la distance à presque rien entre eux, ayant fait deux pas. Il lui attrapa alors le poignet lorsqu'elle voulut le contourner. Un regard de défi dans les yeux. « Mais, c'est qu'elle mordrait la petite si elle avait des dents. » finit-il par dire avec sarcasme. Plume soutint presque difficilement son regard. De ses dix-sept ans, le jeune femme était quelqu'un d'imposant. Pas tant par sa taille et sa carrure, non, mais tant par son charisme et sa parole. Tout simplement. Elle préféra ne rien ajouter. Elle tenta de retirer son poignet de l'emprise du jeune homme mais il sembla être bien plus fort qu'elle. Saleté de force de mouche ouais. « Lâche-moi, Will. » Le menaçait-elle ? Dans un sens ouais. « Sinon quoi la mioche ? Tu vas appeler ta maman hein ? Désolé de te décevoir, mais elle est morte ta mère. Six pieds sous terre. Elle a bien fait. Vu ce que t'es devenue, elle t'aurait surement reniée. » Son sang ne fit qu'un tour. Comment osait-il ce rejeton de... ! Non, il fallait qu'elle se calme. Qu'elle respire. Pourtant, ce fut plus fort qu'elle. Elle voulut se débattre, lui mettre une gifle ou au moins lui faire mal par n'importe quel moyen. Mais rien. Il la maîtrisait totalement. Elle était à sa merci. Elle tremblait presque de rage dans son justaucorps à paillettes noires. Quelques secondes s'écoulèrent. Elle se fatigua vite d'essayer en vain de le frapper. Son regard sembla se durcir un peu plus. Leurs regards se croisèrent. « T'as jamais été chez toi ici. Mets-toi ça dans le crâne. Rappelle-toi que tu n'es pas la bienvenue ici, Hanna. » dit-il alors appuyant bien sur le dernier mot. Hanna. Ce prénom qu'elle avait abandonné en venant ici. Toute sa haine était transparente. Que cela soit chez lui ou chez elle. Ils se haïssaient. Mais il finit par la lâcher. Comme ça. Il s'éloigna vers le couloir où les artistes s'entrecroisaient à chaque numéro, laissant Plume s'effondrer sur le sol. Choquée. Des altercations comme ça, elle avait déjà fait l'expérience. Mais celle-ci... Elle eut presque envie de vomir. Toute cette haine qu'elle voyait. Elle n'était que son miroir, cette haine, elle la lui renvoyait. Pourtant, elle n'était pas comme ça. Son petit corps n'arrivait pas à supporter tant de pression ou de rancœur. Oh ça non.

Let it go Plume piqua encore quelques aliments sans réellement les manger. Elle ne faisait que cela depuis cinq minutes. Elle n'avait pas faim. Une boule lui tordait littéralement le ventre. Si elle avait pu, elle aurait vomi rien que pour retirer cette horrible sensation. Elle se sentait mal, ça c'était sûr. Elle se répétait inlassablement les paroles de son amie de lycée. Allez vas-y, Plume, tu dois le faire. Oui, elle devait le faire. Mais c'était douloureux. Trop douloureux sans doute. Elle avait bien vu leur réaction quand Will était parti pour poursuivre ses études hors du cirque. Ils ne s'en sont remis qu'un mois après. Et encore, elle soupçonne encore sa mère de préparer des plans pour que son fils rentre à la maison définitivement. Alors avait-elle le droit de leur briser le coeur une deuxième fois ? Pas vraiment non. Elle resta alors la tête dans son assiette. Dix-huit ans et pas une once de courage. C'était presque déplorable. Elle était déplorable. Les conversations autour d'elle allaient bon train mais elle n'écoutait plus. Ils parlaient sans doute du nouveau lionceau né il y a quelques jours ou peut-être encore du nouvel acrobate qui faisait plus l'imbécile que son travail. Oui, ils devaient parler de tout ça sans doute. Mais Plume n'arrivait pas à s'y intéresser. C'était plus fort qu'elle. Vraiment. Elle prit une grande inspiration avant de lâcher un certain « J'ai trouvé un appartement. » C'était comme si elle avait lâché une bombe. Les conversations se sont tues. Les mandibules se sont arrêtés et enfin, les fourchettes se sont posées. Les regards convergèrent tous vers elle. Si elle avait pu, elle se serait terrée dans un trou de souris pour ne plus jamais en sortir. Sa soeur la regardait comme si elle était devenue folle. Sa mère, quant à elle, transparaissait déjà l'inquiétude maternelle. Son frère, lui, semblait pas si surpris que cela mais plus ...Réservé sur la question disons. Quant à son père, son silence et son visage neutre en disait long sur ses réels pensées. Bon dieu. Elle ne pensait pas que cela aurait eu un tel effet. Vraiment. « J'ai trouvé un appartement pour l'année prochaine. » préféra-t-elle alors préciser, sa voix s'étant faite un peu plus mollassonne que la première fois. Sa mère sembla sortir de sa léthargique stupeur. « Tu veux nous quitter toi aussi ? » a-t-elle alors dit. Toi aussi. Un autre poignard dans le dos à vrai dire. Cela faisait un an que le deuxième enfant de la famille, Will, était parti. Il avait décidé de continuer ses études au lieu de continuer les affaires du cirque familial au contraire de son frère aîné Noah. « Je suis pas Will. Je ne veux pas vous quitter mais je veux continuer mes études. Je veux danser. » finit-elle par dire. Elle espérait qu'ils comprendraient. Elle adorait le cirque, elle adorait sa famille. Mais elle ne pouvait décemment pas continuer sur cette voie-ci. Elle voulait autre chose, elle voulait s'épanouir ailleurs. Et c'était même ça qui lui faisait mal à vrai dire. La distance. « Mais tu peux danser ici, ma chérie. Tu sais, le public t'adore. » Ouais. C'est vrai. Elle l'adorait aussi. Elle ne pouvait pas se mentir. Elle prit une grande inspiration. « J'ai trouvé une école, je vais bientôt passer des essais ici à White Oak Station. Et j'ai trouvé un appartement avec une amie. » Sa mère secoua doucement la tête. Peut-être aurait-elle pensé que tous ses chers enfants auraient repris le cirque dans la joie et la bonne humeur. Ouais. Pourtant, elle ne discuta pas plus. Dans ses souvenirs, le départ de Will l'avait totalement retourné. Une discussion houleuse avait suivi la décision entre la mère et le fils. Mais pas ici. Peut-être comprenait-elle en fait le besoin d'indépendance et de rêve de sa fille. Plume l'espérait du moins. « Mais pour ton loyer ? Et tes cours... ? Tu sais que nous sommes un peu à l'étroit en ce moment avec la saison creuse. » C'était son père. Il était bien plus réaliste que leur mère. Cela se voyait tout de suite. « Oh je ne vous demanderais rien. Ne vous inquiétez pas. J'ai déjà tout prévu. Le café sur l'avenue recherche du monde pour septembre. Je pourrais travailler en alternance. Et pis, Colleen a l'intention de faire de l'appartement une colocation avec d'autres amis. Le loyer sera beaucoup moins cher. » Cela semblait porter le coup de grâce à la mère de famille. Plume avait déjà tout prévu dans sa tête. Et elle le savait. Elle préféra alors sortir de table. Sans perdre une seconde de plus. Son père suivit le mouvement en jetant un regard désolé à sa fille. Plume baissa le regard, quelques peu déçue. « C'est vraiment ce que tu veux ? » avait fini par dire Noah, son frère. Elle avait alors relevé le regard. De sa nonchalance habituelle, il la fixait. Elle acquiesça doucement. « J'ai pris ma décision, je veux vraiment entrer dans cette école. » Il sembla considérer ses paroles un instant, les méditant presque. Noah semblait le plus raisonnable de la famille. Le plus pragmatique aussi. Si Lucy était la petite boule d'énergie infatigable, Noah, lui, était l'âme pensive de la famille. Il avait repris les commandes du cirque avec les parents. Il aimait ça pour sûr. Mais, il était aussi le plus raisonnable même si Plume savait qu'il avait toujours des rêves enfouis en lui qu'il finissait par oublier. C'est triste. Il avait fini par acquiescer à son tour après un moment de réflexion. Puis il avait lâché un « N'oublie pas de nous envoyer une carte postale tous les mois. » accompagné d'un léger sourire. Plume adorait son frère. C'était lui qui devait sans aucun doute le mieux la comprendre. Elle l'adorait tout simplement. Elle ne put s'empêcher alors de sourire à son tour. « Compte sur moi, Noah. » Il lui lança un petit clin d'oeil. A son tour, il décida de quitter la table familiale aux trois quart vide. Mais avant qu'il ne se dirige vers la porte, il se retourna vers elle. « Tu sais, maman s'en remettra. Pour elle, tous ses enfants auraient toujours été avec elle. C'est dur. Mais t'inquiètes pas, elle s'en remettra. Elle veut que ses enfants soient heureux. » Il disparut sitôt ses paroles dites. Plume ne put s'empêcher que de sourire presque toute seule bêtement. Son frère avait toujours le mot juste pour la réconforter, contrairement à certains. « Merci, Noah. » avait-elle murmuré. A ses côtés, la petite Lucy avait suvi les échanges sans trop dire quelque chose, la peau d'une orange entre les deux. Pourtant ses yeux terminèrent leur course sur sa soeur. Son silence était éloquent pour Plume. Elle le savait. Elle aussi ne voudrait pas encore qu'un de ses frères et soeurs partent. Elle le savait mais il fallait vraiment qu'elle le fasse. Elle les aimait tellement. Mais elle partirait. Elle en avait besoin.

everyone has this universal understanding of roommate drama Colleen se laissa alors tomber sur le pouf vert. « Je n'en peux plus de ses études. » avait-elle alors déclaré. Plume tourna alors la tête. Du moins le mieux qu'elle put. En effet, comme toutes les fois où elle était stressée ou en proie à de noires réflexions, sa position favorite était de se retrouver les jambes le long du mur, en l'air, et elle allongée sur son lit. Parfaite selon elle. « Courage dis-toi que demain tu es en week end. Bientôt tu pourras lever ta toque d'étudiant pour lui dire au revoir. » La blonde soupira doucement. « Ouais, encore au moins deux ans. Je vais mourir. Je sais pas comment tu fais toi. On a l'impression que tes études sont un naturel. On aurait presque envie d'être jaloux. » Elle leva les yeux au ciel. Ses études n'étaient pas non plus une partie de plaisir. C'était dur. Mais elle avait l'avantage d'aimer ce qu'elle faisait. Contrairement à Colleen qui, poussée par ses parents, finirait par s'enfermer dans un métier qu'elle détesterait et qu'elle n'aurait pas choisi. Pauvre d'elle. « Si tu veux, on échange demain. Tu iras faire mes entraînements et j'irais à ton cours magistral. C'est quoi déjà ? Sur le droit constitutionnel non ? » Son amie sembla considérer un peu sa proposition avant de soupirer. « En fait, non. Garde tes séances de maso. Je préfère mes péter les méninges que le corps. » finit-elle par dire. « Et pourquoi tu me rappelles que j'ai constit' demain hein ? » se plaignit-elle alors comme une petite fille. Plume ne put s'empêcher de rire un instant. Colleen était tellement dans le mélodrame parfois que cela lui faisait rire. « Promis, je ne recommencerais pas. Tu devrais demander des cours à Agnès, je suis sûre qu'elle t'aidera. » Elle évoqua alors une de leurs très chers colocataires. Agnès, la petite princesse de la coloc' comme aimait l'appeler Colleen. C'est n'est pas qu'elle ne la portait pas dans son coeur mais elle avait du mal avec sa perfection. La blonde n'arrivait pas à comprendre comment on pouvait autant réussir d'après. Cette fille était une extra-terrestre pour elle. Plume, elle, l'aimait bien à vrai dire. « Mouais. Je verrais. » Elle s'enfonça un peu plus dans son pouf. « D'ailleurs, t'as des nouvelles de ton audition d'il y a une semaine ? » Ah oui. C'est vrai. Elle avait failli oublier celle-là. En fait non. Elle y pensait tellement qu'elle en tremblait. Cette audition avait sa première. C'est une de ses professeurs de danse moderne qui lui avait donné le tuyau. Elle en tremblait encore. Cela avait été tellement stressant mais elle avait adoré ça. Elle ne pouvait se mentir. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas produite en dehors de son école sous des yeux inconnus. Elle avait eu l'impression de redevenir cette enfant démunie qui était ballottée entre plusieurs familles. Elle avait été si vulnérable à ce moment-ci. Mais si forte en même temps. L'adrénaline lui faisait toujours cet effet. Mais maintenant que la pression était retombée, elle était terrifiée. Terrifiée de recevoir cet appel qu'elle qu'en soit la réponse. Si elle était positive, cela reviendrait à se produire devant des gens, à travailler sans relâche pendant des semaines. Si elle était négative, la déception serait là évidemment. Alors que valait-il pour elle hein ? Elle n'en savait rien. Réellement. « Non pas encore, j'attends le coup de fils. Ca devrait pas tarder, c'est le dernier jour. » Ou peut-être qu'ils ne l'appelleraient pas du tout, lui signifiant implicitement qu'elle avait échoué. Elle avait pensé à cette hypothèse mais l'avait tout de suite écarté. Evidemment. « Arf, de toute façon, te fais pas de bile, Plume. J'suis sûre que tu l'auras. T'es une déesse de la danse franchement. » L'intéressée leva les yeux au ciel. Colleen était ainsi. Toujours dans l'exagération. De toute façon, entre parenthèses, les colocs avaient tous une originalité : Plume, de par son histoire et son prénom, Agnès, de par certaines de ses attitudes, Colleen, par son exubérance et son enthousiasme, Matthew, de par sa vie entière dédiée à l'informatique et à sa timidité, ou encore Kyle, de par sa fâcheuse tendance à toujours se promener dans le plus simple appareil malgré les protestations de tout le monde et de ses blagues parfois douteuses. Ouais, Colleen n'échappait pas à la règle. Mais cela lui donnait presque un air adorable. Presque. Parce qu'il est vrai qu'au bout de quelques années qu'elles se connaissaient, Plume pouvait en être agacée mais cela restait néanmoins rare. « Mouais. » finit-elle par dire, peu convaincue. Mais elle ne put en dire plus. Son téléphone s'était mis à sonner. Tout de suite, elle s'était redressée sur son lit, tombant presque de son lit. Elle passa une main dans ses cheveux noir jais tandis qu'elle décrochait. « Allô ? » La blonde en face d'elle, se redressa tout de suite sur ses coudes, tentant de capter la moindre information sur la conversation. Mais rien. Le visage grave de Plume ne lui disait rien qui aille. Elle patienta presque avec impatiente. La conversation parut presque durer une éternité. Aucune expression ne passait sur le visage de la brune. Pire encore, elle semblait se déconfire à chaque seconde écoulée. Quand enfin, elle raccrocha. Elle resta un moment silencieuse au plus grand damne de la blonde. « Alors ? » avait demandé Colleen. Plume sembla se rendre compte à nouveau de sa présence. Elle releva le regard vers elle. « Je l'ai. » avait-elle simplement dit, le visage encore choquée. « Tu l'as ! » s'était alors écriée alors la blonde en se relevant d'un bond pour sauter dans les bras de son amie. « Tu l'as ! Tu l'as ! » scandait alors la jeune fille, totalement hystérique pour son amie. Plume, elle, n'arrivait pas encore à réaliser. Elle l'avait. Wouah quoi. Elle venait de décrocher son premier contrat professionnel. Elle n'en revenait pas à vrai dire. En entendant sans doute tout le bruit, une tête brune, rousse puis blonde se postèrent à l'embrasure de la porte. « Qu'est-ce qui se passe ? Vous vous faites attaquées par des extra-terrestres ? » demanda alors Matthew. Colleen fut bien plus rapide que Plume pour réagir. « Plume vient de décrocher sa première audition ! Faut fêter ça les gars ! » Le visage des trois intéressés s'illumina alors tout de suite, ils ouvrirent un peu plus la chambre de Plume, Kyle entra en trombe. « Ce soir, c'est champagne pour tout le monde wouhou ! » Il attrapa ensuite le bras de Matthew et Agnès pour l'amener vers les deux filles. « Calin collectiiiiif de félicitations. » annonça alors le blond entourant tous ses colocataires de ses deux bras. Plume se retrouvait alors coincée entre tous. C'était ça qu'elle aimait chez la coloc. De l'amour, de l'amour et encore de l'amour.

Every breathe you take Tenir. C'était le meilleur moyen. Elle prit encore une grande inspiration. « Recommence, sois plus souple bon sang ! On croirait que t'as un balai au derrière. » vociféra-t-il alors à l'autre bout de la pièce. Plume ne releva pas. Oh non. Elle préféra serrer les dents, quitte à se les abîmer de fureur. Elle recommença son mouvement. Elle plaça du mieux qu'elle put ses bras. Un vers le ciel, la grandeur, et un autre sur le côté, vers l'infini. Elle fit glisser le premier vers le deuxième, tournoyant sur elle-même. Elle adorait cette sensation de volupté, de légèreté. Seule la danse arrivait à lui procurer ce genre de sensation. C'était indescriptible. Même quand un imbécile lui hurlait dessus. Elle soupira. « Non, non, non et re-non. C'est pas possible. Recommence. » Elle tenta de masquer sa lacitude ou encore son agacement. Pourtant, elle le pensait. Oh ça oui. Il n'y avait pas de doute là dessus. Son frère adoptif était la pire des enflures. Ce n'était pas nouveau. Si elle avait su.. Si elle avait su que le contrat qu'elle avait décroché était sous la coupe de son frère, elle aurait mieux fait de se casser une jambe ce jour-là. Réellement. Pourtant, elle gardait la tête haute et le sourire. Il fallait toujours garder le sourire. Elle n'allait pas donner satisfaction à cet abruti. Elle replaça alors avec grace son bras vers le ciel, sa main imitant le vent. Elle sentit alors des mains se plaquer sur son ventre et son dos. Elle sursauta presque. « Rentre ton ventre, arrête de te cambrer, Quasimodo. » Tiens un nouveau surnom. Cela faisait longtemps. Elle ne tiqua pas même si sa peau frémissait à son contact. Elle aurait tant voulu le repousser. Elle sentait d'ailleurs tous les regards sur eux. Elle voyait le regard compatissant d'une des autres danseuses. Il y avait aussi son partenaire qui semblait, lui, sceptique face à toute cette scène. Ou alors était-il simplement concentré. Elle ne sut pas réellement. Elle était bien trop mal à l'aise pour avoir des pensées cohérentes. Evidemment. « Exécute ton mouvement. » ordonna-t-il aussi bien qu'un chef militaire. Ses mains étaient toujours plaquées sur sa taille, sans doute pour ne pas qu'elle s'affaisse encore une fois. Elle se retint presque de respirer. Quand elle commença son demi-tour, elle sentit presque avec soulagement le contact rompu. « Continue encore, ne t'arrêtes pas de tourner ! » lui cria-t-il presque. Elle tournoyait encore. Plume tentait de coordonner ses mouvements. Elle commençait déjà à sentir sa tête fléchir. Elle n'était pas habituée à toute cette adrénaline ou cette vitesse. « Montre-nous ce qu'a dans le ventre. Montre-nous que t'as ta place parmi nous. Continue de tourner ! » vociféra-t-il alors. Elle avait vomir à force. La terre tournait bien plus vite que ses mouvements, et ses pieds avaient fini par exécuter seuls les mouvements jusqu'à ce que... L'un d'eux fasse un faux pas. La jeune femme se rattrapa au vol, manquant presque de tomber. Son souffle était court. Tout son corps se soulevait pour tenter d'attraper un peu d'air au passage. Elle manquait d'oxygène ouais. Elle vit alors leur regard en se tournant. De compatissant, ils étaient tournés à la pitié. Apparemment, elle était la seule à ne pouvoir tournoyer sans cesse sans attraper le tournis. Génial, il ne manquait plus que ses partenaires s'y mettent aussi. Elle détourna le regard, reprenant encore la respiration. Will n'avait pas bougé d'un poil, debout à quelques pas d'elle sur le parquet ciré. « C'est ça que je veux voir. Tu dois être ivre de danser, tu dois avoir cette passion de te dépasser. Je veux revoir ça demain à la première heure. » Son regard se releva. Elle acquiesça simplement. Il la fixa un instant. Les secondes s'étaient presque figées. « Sinon, c'est la porte. Et c'est valable pour toutes les personnes de la troupe. Je ne veux pas être à la tête d'incompétents ! » Wouah. C'était bien la première fois qu'elle entendait un compliment de la part de Will. Enfin un presque compliment. Elle posa ses mains sur ses hanches. Pourtant, elle avait le pressentiment que les prochaines semaines allaient être dures. Très dures. Will ne laissera rien passer et ses ordres ne seront sans doute pas unique. Pauvre d'elle. Dans quoi s'était-elle embarquée franchement.