Lucien est du genre bon vivant à prendre son temps le matin, ne pas se presser et s'affoler de ne pas arriver à l'heure au boulot. Voilà l'avantage d'avoir une profession assez indépendante dont les horaires ne sont pas fixés. Plus jeune il avait l'obligation par ses parents de se lever aux aurores. Pourquoi ? C'est cruel de forcer un gosse à sortir de sa couette si chaude et agréable. Donc la tendance inverse s'est imprégnée de notre jeune homme qui profite de la matinée pour rester au lit. Bien sûr dans un immeuble si ancien avec des murs aussi fins, il y a toujours quelque chose ou quelqu'un pour venir gâcher ce moment. « Irvin si je te revois mettre ton doigt dans le nez de Kévin, tu vas attraper sale môme ! » La joie d'habiter à côté de l'appartement d'une famille de sept gamins. Ce n'est que du bonheur au quotidien. Finalement Lucien est réveillé. La glande au pieu, c'est terminé. Forcé par les gosses d'à côté de se lever, il file immédiatement sous la douche. On mousse, on se trémousse, on décrasse et … l'eau s'arrête de couler. Ce n'était pas prévu. Encore du shampoing sur la tête, Lucien retient difficilement une grimace. C'est une caméra cachée ? Une mauvaise blague ? En tout cas il est loin d'en rire. Enroulant vite fait une serviette autour de sa taille, il a l'idée la plus stupide du monde, sortir de son appartement pour voir s'il est le seul face à ce problème d'eau. La porte claquant derrière lui et les clés encore à l'intérieur, le voilà à semi à poil dans le couloir. Il va au-dessus de la possible humiliation qu'il va avoir et n'hésite pas une seule seconde à aller toquer chez sa voisine. Ils se connaissent suffisamment bien depuis le temps pour pouvoir s'entraider. Assez violemment, parce que pressé de sortir de cette situation, il frappe à sa porte. Elle prend bien son temps avant de venir ouvrir, mais il est déjà soulagé qu'elle soit chez elle. Une Ollie tout en rose pyjama, cheveux en pétard et la tronche de la nana qui vient de se lever, lui fait face. Un petit rire moqueur s'échappe involontairement de la bouche de Lucien, mais très rapidement il se souvient qu'il n'est pas en reste de son côté au niveau de sa tenue. « J'adore le pyjama style des années 90 qui te va toujours » Dit-il en entrant dans l'appartement de la jeune femme. Il ne voudrait pas qu'un des voisins le surprenne dans le couloir affublé de la sorte. Ollie, ça ne le dérange pas, il est plutôt à l'aise avec la jeune femme. « Toi aussi on t'a coupé l'eau ? C'est la merde chez moi, je prenais ma douche et … enfin tu as saisi la situation. Je suis plein de mousse … » Non il ne tente pas de faire de gros yeux pour attendrir la demoiselle. Ou presque. Qu'elle ait pitié de lui ne le dérange pas, au contraire. Il a clairement besoin de son aide. Surtout qu'il est à la porte histoire de bien enfoncer le clou. Et torse nu. Mais ça c'est loin de le déranger. Ce n'est pas un grand pudique. Par contre vu comment Ollie le dévisage, il y en a une qui en profite bien pour se rincer l'œil. « Et je t'en prie … » Dit-il faussement gêné et en jouant les pudiques tout en cachant de ses bras son torse dénudé.

Le réveil est difficile pour Olivia, rentrée d'une soirée alcoolisée tard dans la nuit. Des coups de marteau incessants ne cessent de résonner et elle maudit les personnes qui font des travaux à cette heure-ci, sans aucun respect pour ceux qui souhaitent faire la grasse-matinée. S'il y a bien une chose qu'elle déteste en appartement, c'est le manque d'insonorisation des murs qui trouble souvent son sommeil. Ouvrant un œil, elle le referme bien vite, aveuglée par la lumière du jour, ayant oublié de fermer les volets la veille. Gémissante, la jeune femme s'emmitoufle dans la couette, à la fois pour échapper aux rayons du soleil et pour ne pas entendre les coups de marteau. Coups de marteau, qui, elle le réalise enfin, sont en réalité des coups frappés à la porte d'entrée. Olivia grogne de mécontentement, Selma doit être partie, sinon elle serait déjà allée ouvrir. Ce qui veut dire que puisqu'elle est absente c'est Ollie qui doit s'y coller, chose qui est loin de l'enchanter compte tenu de son état actuel. Après de longues secondes à profiter de son lit, Olivia décide enfin de se lever et traîne des pieds jusqu'à la porte, à moitié endormie. Un rapide coup d’œil devant son miroir lui confirme qu'elle ne ressemble à rien. Elle n'a pas pris le temps de se démaquiller avant d'aller dormir et elle a quelques traînés noires en dessous des yeux, ses cheveux sont une horreur et elle porte son vieux pyjama rose spécialement dédié aux nuits suivant les fêtes arrosées. La jolie californienne espère fortement que ce n'est que le facteur. Un facteur très tenace qui prendrait le temps de monter jusqu'à son appartement pour lui délivrer une lettre, oui, c'est très plausible. En attendant, elle passe une main sous ses yeux dans l'espoir vain d'arranger un petit peu son visage, et essaie d'enlever quelques nœuds de ses cheveux, tout emmêlés après la nuit qu'elle vient de passer.

Finalement, la jeune femme ouvre la porte et tombe nez à nez avec Lucien, son voisin, qui ne se gêne pas pour rentrer avant même d'en avoir la permission. Olivia ne réagit pas à ce manque de correction, trop obnubilée par le fait que le jeune homme ne porte qu'une serviette autour de sa taille. Qu'est-ce qu'il fout à moitié à poil dans le couloir ? Pas ce que cela la dérange, elle profite de la vue sans vraiment s'en rendre compte mais il faudrait qu'il lui explique la situation, si elle est en mesure de la comprendre avec son esprit très embrumé ce matin. Enfin, il commence bien sûr par se moquer d'elle et de son pyjama. Elle avait oublié ce détail, tiens. Au moins elle porte quelque chose sur le dos. « Je te signale que ce vieux pyjama coûte aussi cher que ton appartement » ronchonne-t-elle, sur la défensive. « Et venant de quelqu'un qui se balade à moitié nu dans l'immeuble, je trouve cette remarque plutôt mal placée » Ollie referme la porte derrière lui et l'écoute donc l'explication fournie par le jeune homme, essayant de le regarder dans les yeux et non pas plus bas. Elle a du mal à le suivre, son cerveau semble un petit peu déconnecté. Enfin, apparemment il a un problème d'eau, et il veut savoir si elle est dans le même cas. « Aucune idée, je viens de me lever comme tu peux le voir. Merci d'ailleurs, j'apprécie beaucoup d'être réveillée aux aurores » Pourquoi a-t-il parlé de mousse ? Maintenant le regard de la jeune femme ne peut se détourner de son torse ce qui n'aide pas du tout. D'ailleurs, elle essaie de se convaincre qu'il est loin d'être attirant, sans succès, cela fait quelques semaines qu'elle tente de le trouver repoussant mais sa raison ne semble pas au rendez-vous. Bien sûr, Lucien n'est pas aveugle, il se rend compte qu'elle le reluque et le voilà qui joue sa mijaurée. Ne surtout pas perdre la face. « En fait, je me disais qu'il faudrait que tu fasses plus de sport, tu as un peu de gras » Elle est très crédible, vraiment. Détournant les yeux, la jeune californienne change de sujet. « Je vais aller voir pour l'eau, attends-moi là et ne touches à rien » Elle se rend alors en cuisine et en profite pour se remettre les idées en place. Il a bien choisi son moment pour débarquer en tenue minimaliste, alors qu'elle n'est pas en mesure de réfléchir correctement.

Lucien ce n'est pas le genre de type proche de son image, à s'en préoccuper sans arrêt. Au contraire, il arbore souvent un look négligé, n'a pas si peur que ça du ridicule et se montre très naturel en public. Il ne se cache pas. Mais ce moment-même, c'est bien la seule chose qu'il souhaite faire. Se cacher. Et au plus vite. Oui, il voudrait éviter que ses voisins tombent sur lui et sa tenue d'adam qui n'est pas très appropriée et adaptée pour sortir. Il ne voudrait pas que ceux-ci se méprennent et que soudain des rumeurs sur le fait que ça soit un pervers exhibitionniste circulent dans tout l'immeuble. Parce que c'est faux. Donc il tambourine aussi fort qu'il le peut sur la porte de sa voisine préférée, Ollie. Un petit panda dans un pyjama rose lui ouvre la porte et comme à son habitude Lucien n'arrive pas à retenir une petite remarque sarcastique sur son allure. Elle lui fait bien comprendre qu'il peut parler, lui qui se trouve à moitié à poil dans son appartement. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il vient de faire une entrée remarquable. Mais les ¾ des femmes célibataires de cet immeuble ont sans aucun doute pour fantasme de voir débouler un type, on peut le dire avec du charme, dégoulinant, non pas de sueur pour le coup mais, de savon. Donc la jeune femme n'est pas à plaindre et elle peut même en profiter. « Tu as raison mon petit panda … » Dit-il toujours sur un ton un peu piquant, mais rien de bien méchant. C'est simplement histoire de la titiller un peu. Et pourquoi l'appeler panda ? Il fait référence au maquillage de la veille qui se trouve sous ses yeux et qui lui donne un air de panda. Ça a son charme. Comme s'il était chez lui, il se dirige vers le salon en entrant dans le vif sur sujet : l'eau qui a été coupée dans son appartement. Et oui, c'est la raison de sa venue. Et non, il n'est pas simplement venu exposer son corps de rêve. Même si la miss vient de lui casser son image. Du gras ? La pic ne fonctionne. Surtout que ce n'est pas le genre de notre Lucien de se préoccuper de ses abdos. Il y en a, c'est cool, il n'y en a pas, tant pis. Mais comparé à certains hommes qui sont obnubilés par l'apparition ou non d'une tablette de chocolat, Lucien s'en fiche. Il faut qu'ils comprennent que ça n'a jamais été séduisant d'avoir des muscles qui débordent de partout. Le naturel, il n'y a que ça de vrai. Mais notre homme n'a pas le temps de rétorquer quoi que ce soit que la demoiselle s'échappe pour rejoindre sa cuisine. Il reste planté à l'attendre au milieu du salon avant de craquer et d'aller la rejoindre. Arrivant par derrière, celle-ci semble en pleine réflexion. D'une humeur un peu enfantine, il décide d'arriver silencieusement avant de venir lui tapoter l'épaule droite et de placer sa tête sur celle de gauche. Un coup classique où la personne se retourne vers la droite alors que l'interlocuteur en question est sur la gauche. Encore la tête dans le cul, Ollie tombe bien évidemment dans le panneau de cette blague un peu puérile. « Alors, l'eau fonctionne ? » Dit-il afin d'annoncer sa présence. La jeune femme se retourne enfin vers lui, bien que la distance entre eux ne soit pas immense du fait que notre plaisantin a décidé de regarder par-dessus son épaule pour l'observer tester l'eau du robinet. « Je peux prendre les devants et vérifier, tu m'as l'air encore dans ton lit à voir ta tête … ». Finit-il par ajouter attendant une quelconque réaction de la part d'Ollie.

Qu'est-ce que Lucien peut être énervant quand il le veut. C'est ce à quoi Olivia songe alors qu'il l'appelle son petit panda, faisant évidemment référence au maquillage de la jeune femme. Elle pensait pourtant avoir enlevé les dernières traces de mascara et d'eye-liner, mais le waterproof est tenace. Quoiqu'il en soit elle n'est pas d'humeur à plaisanter et souffle un grand coup pour montrer son mécontentement, levant les yeux au ciel alors qu'il se moque d'elle. Elle ne répond pas, son cerveau tournant encore au ralenti ne lui permettant pas de trouver une réplique digne de ce nom, mais son corps parle de lui-même. Ollie s'est habituée aux remarques du jeune homme, cependant ce n'est pas pour autant qu'elle les apprécie, étant susceptible elle a tendance à se braquer très facilement. Et cela, il le sait et il en joue, elle en est consciente, mais la jolie blonde ne peut s'empêcher de tout prendre trop à cœur.  Elle monte ainsi souvent sur ses grands chevaux lorsqu'il la taquine, même si c'est fait sans méchanceté. Le fait est qu'elle a du mal à dissocier les moqueries amicales et celle faites pour blesser, considérant presque tous les commentaires de Lucien comme offensants. Elle est légèrement paranoïaque sur les bords, dirons nous. Peut-être parce que personne auparavant n'a jamais vraiment osé se moquer de cette petite princesse pourrie gâtée, au risque de recevoir des coups de bâton en retour. Aujourd'hui, elle prend beaucoup mieux les remarques de son voisin et a appris à dédramatiser et à accepter ses railleries, se prenant même au jeu du jeune homme quelques fois, le taquinant à son tour. Cela reste cependant rare et la plupart du temps, comme maintenant, elle l'ignore tout simplement ou s'énerve dans les mauvais jours. Ce qui ne l'empêche pas d'apprécier Lucien, un peu trop même, sans vraiment savoir pourquoi.

Pour en rajouter une couche, en plus de lui plaire, il lui fait pas mal d'effet et venir presque entièrement déshabillé chez elle n'arrange rien. C'est la raison pour laquelle elle s'est retranchée dans sa cuisine, essayant de rassembler ses pensées et son esprit qui semblent être aux abonnés absents. La jeune californienne prend une aspirine, espérant enlever ce mal de crâne et donc retrouver les idées claires. Elle a demandé à Lucien de rester où il est mais évidemment, celui-ci ne peut s'empêcher de la rejoindre et de l'embêter, lui faisant une farce puérile dans laquelle elle tombe à pieds joints, trop endormie pour détecter l'entourloupe. « Je ne t'ai pas demandé de rester dans le salon ? Tu es vraiment impossible ! » Combien de fois les parents d'Ollie lui ont-ils répétés ces derniers mots, et elle en retour les a t-elle traité de rabat-joie ? Elle ne pensait pas utiliser la même phrase de sitôt, et celle-ci lui paraît étrange sortant de sa bouche. Lucien lui demande si elle a vérifié pour l'eau, et il est dangereusement proche d'elle, se tenant juste derrière son dos. Elle se tourne vers lui pour lui faire face, maintenant ses yeux sur le visage de son voisin et pas autre part. Il ajoute une petite pique à sa première question, lui proposant de vérifier l'eau à sa place, ce à quoi la jeune femme rétorque : « Si tu n'avais pas fait tout ce boucan j'y serai encore, dans mon lit, alors attend deux secondes que je me réveille » Elle n'est pas très aimable,  mais il lui est difficile de rester agréable avec sa gueule de bois et sa fatigue. Finalement, la jeune femme se frotte les yeux et lève la tête du robinet, dont aucune goutte d'eau ne sort. « Content ? Tu as ta réponse » Ollie croise les bras sur sa poitrine et s'appuie contre l'évier, ne sachant pas trop quoi faire. Si elle n'a pas d'eau, le reste de l'immeuble non plus, et donc Lucien est coincé.