~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
Je crois … que j'ai eu la même adolescence que n'importe qui. Je ne faisais pas partie de ces filles aux cheveux magnifiques, au sourire digne d'une pub pour dentifrice, et amatrices de jupettes sexy. Je n'appartenais pas non plus au gang des boutonneux à grosses lunettes rondes, avides de jeux vidéo en tous genres. Je suis également restée loin, très loin, de tout ce qui pouvait appartenir à une équipe de sport. En fait, j'étais une lycéenne étonnamment banale. De manière générale j'ai toujours été assez discrète, sans jamais avoir eu l'intention de me faire remarquer. Plutôt bonne en cours, aucune remarque désobligeante de la part des professeurs, et pas la moindre altercation avec un autre élève. Enfin … Tout est relatif. Je n'ai jamais eu d'accrochage avec quelqu'un d'autre jusqu'à … ce type au sourire moqueur. Le genre de garçon qui aime faire n'importe quoi pour se faire remarquer, m'voyez ? Il m'a longtemps et profondément agacée. Si bien qu'un jour je lui ai écrasé mon livre de sciences sur le nez. Peu de temps après, on s'embrassait sous la cage d'escalier. Mais ça ... c'est encore une autre histoire.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Oh, je n'aurai pas le culot de me plaindre. C'est vrai, après tout des gens se retrouvent tous les jours sans toit, sans boulot, sans plus le moindre soutien. Je tiens ma propre clinique vétérinaire désormais, et même si je ne vis plus dans la même ville que mes parents, je suis restée très proche d'eux. En somme, je n'ai pas grand-chose à craindre. Certains sont beaucoup moins bien lotis que moi, c'est clair ! Pour autant, je ne sais pas si je suis réellement heureuse. C'est un bien grand mot, le bonheur. Mon existence est assez calme, paisible et répétitive. Morne. Il y a bien quelques crétins qui viennent animer les choses, le temps de quelques semaines. Mais de toute évidence, les histoires sérieuses me fuient comme la peste. D'ailleurs, et puisqu'on est entre nous, je peux vous avouer que je n'ai eu aucune relation sexuelle depuis exactement sept mois. Démoralisant hein ...

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Dans une grande demeure, avec un jardin immense. Une nouvelle voiture, une clinique plus grande et développée, ainsi qu'une belle renommé dans le monde des médecins pour animaux. Enfin mariée, et pourquoi pas un enfant ou deux dans le berceau.
Non, plus sérieusement … Je m'imagine toujours dans ma petite maison, emmitouflée sur mon canapé, un mug brûlant entre les mains. Ma chienne Vixy serait sagement couchée dans son antique panier usé. Elle ne serait plus aussi folle et intenable qu'autrefois, parce qu'elle commencerait à prendre de l'âge et que ses os fatigués protesteraient à chacun de ses pas de vieux cabot. Mon autre fidèle compagnon à carapace serait toujours posté sur le même rocher dans son éternel terrarium. Je serai seule, encore, et finalement, je m'y serai plutôt bien accoutumée. En fin de compte, en dix ans, rien n'aurait vraiment changé.

PRÉNOM ET/OU PSEUDO: Cam ÂGE: Dix-huit ans PAYS: France PRÉSENCE: Régulière, sauf en période de partiel COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? Bazzart est mon ami     PERSONNAGE INVENTÉ OU SCÉNARIO? Inventé par bibi AUTRE CHOSE À AJOUTER?    

Je réponds au doux prénom de Kaylee. Vous l'aurez sûrement deviné, c'est un habile dérivé de "Kelly". Mes parents avaient certainement en tête de démarquer leur bébé chéri des autres en jouant sur l'original. Moi, ça me va très bien comme prénom. Parfois j'aime le répéter dans ma tête, et en savourer les sonorités, la fluidité des syllabes, ainsi que la douceur qui s'en dégage.

Trêve d'éloge à mon ego. Je suis née il y a vingt-huit ans de ça, à Edmonton. Je n'ai pas eu une enfance difficile, loin de là. D'ailleurs ma vie s'est montrée un peu trop banale jusqu'à présent, s'en est presque déprimant. Je n'ai aucun reproche à faire à mes parents, ni sur l'éducation qu'ils m'ont donnée. Malgré le fait que je sois fille unique, je n'ai jamais développé le syndrome de la petite garce détestable. Non, je me suis toujours montrée aimable avec mes camarades. Je prêtais mes poupées quand c'était gentiment demandé et je n'ai jamais fait de colère au milieu de l'allée d'un magasin. Je reconnais, un jour j'ai donné un coup de poing à un garçon. Parce qu'il m'avait tiré les cheveux, ce sale bourrin. Mais pour ma défense, je n'avais que six ans. Et puis je me souviens avoir culpabilisé une bonne partie de mon cursus scolaire après ça. Il a quand même perdu une dent ce jour-là, mais ça compense non ?

D'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été une fille très fleur bleue, rêveuse, et peut-être un peu étrange. Aussi niais que ça puisse paraître, je fais partie de ces gens qui croient dure comme fer à l'amour. Je suis même persuadé que s'il faut croire en quelque chose dans ce foutu bas monde, c'est bien en ça. Certains ne jurent que par l'argent, d'autres par des substances illicites ou encore par des histoires de fesses. Personnellement je trouve qu'on ne peut rien attendre de mieux dans une vie que l'amour. Qu'importe si c'est d'un être humain. Pour tout dire, je me suffis amplement de l'amour que me portent mon dalmatien fou et ma tortue pourtant peu expressive. Mais je me souviens, et m'en souviendrai toujours, de cette extraordinaire sensation qui vous grise le ventre quand l'être qui accapare toutes vos pensées effleure vos lèvres, vous serre contre son cœur, et vous souffle des mots inoubliables au creux de l'oreille … La première fois que j'ai rencontré quelque d'aussi fort, j'étais adolescente. C'était un garçon très différent de celle que j'étais, peut-être un peu trop d'ailleurs. Et il s'appelait Aiden. Il riait aux larmes là où je pestais à cause de ses plaisanteries de mauvais goût. Il n'avait pas froid aux yeux et n'avait peur de rien, alors que j'étais celle qui détestait se faire remarquer et enfreindre les règles juste pour le principe. Il faisait des choses folles, insensées, tandis que moi je le prenais pour un idiot fini. Mais à force de m'embêter et à force de l'ignorer, nous en sommes venus à n'avoir d'yeux que pour l'autre. Il s'est accoutumé à mon calme et à ma douceur, tout comme j'ai fini par accepter son aspect tête brûlée. Nous étions deux adolescents plongés dans leur monde, et quand j'y repense j'en souris encore. Mais il a fallu d'un soir un peu trop arrosé pour tout faire déraper. Un mec un peu trop lourd, le ton qui monte, une dispute qui éclate. Puis on règle ça un peu plus à l'écart. On roule des épaules, on serre les poings. Les coups pleuvent, on est trop aveuglé par l'alcool pour se rendre compte que ça va trop loin. Le sang. Le sang. Et puis une vie qui s'éteint. La mort. La police, les accusations. La fin d'une aventure de jeunesse. Celle de mon premier amour.

Je pense que l'essentiel de mon adolescence se résume à cette histoire. À Aiden. Aujourd'hui pourtant, ce ne sont plus que de vieux souvenirs. Rien de plus, rien de moins. J'avais dix-huit ans lorsque ma plus belle relation amoureuse s'est fini derrière les barreaux d'une prison. J'ai quitté Edmonton après ça. J'ai coupé court à l'existence que je menais au lycée. J'ai laissé mes amis, j'ai laissé ma famille, et toutes mes folies adolescentes, pour aller faire mes études ailleurs. Mes parents ont pris ce départ comme l'envol du nid familial. Pour ma part j'ai plutôt vécu ça comme le besoin crucial de changer d'air. J'ai mis de côté tout ce qui s'était passé, comme si rien n'était jamais arrivé, et je suis devenue vétérinaire.

J'ai trouvé ma vocation alors que j'étais haute comme trop pommes, en découvrant un corbeau avec une aile brisée au pied d'un arbre. Je l'ai ramené chez moi et je l'ai patiemment soigné dans une boîte à chaussures jusqu'à ce qu'il puisse voler à nouveau, même si ma mère ne voulait pas de cette bête chez elle. Depuis, j'ai toujours voulu évoluer dans le monde animalier. Et quand je dis que je m’épanouis dans mon métier, ce n'est pas une poignée de paroles en l'air histoire de dire que ma vie est géniale. C'est vraiment le cas. Lorsque j'enfile ma blouse de docteur pour animaux, mes petits défauts s'envolent. Adieu la Kaylee timide et enfantine, adieu la Kaylee maladroite, et adieu la Kaylee peu sûre d'elle. Dès lors que je me plonge dans mon travail, je deviens plus assurée, je sais exactement ce que je dois faire, et plus l'ombre du moindre doute ne vient entamer mon sérieux professionnel. Est-ce que j'ai l'air d'une schizophrène ? Peu importe à vrai dire. Je mets un point d'honneur à faire du bon boulot. Un animal est un être fiable. Il ne vous laissera jamais tomber et il ne vous brisera jamais le cœur.  Il est sincère et d'une oreille attentive, parfois bien plus que les hommes. Navrant quand on se dit que nous partageons pourtant le même langage ...

Aujourd'hui … eh bien j'ai posé mes valises à White Oak Station depuis un petit bout de temps. Je mène une existence posée, qui malgré tout me convient bien. J'ai connu plusieurs relations amoureuses chaotiques depuis mon arrivée ici. Certaines ont duré plus que d'autres, mais aucune ne tenait vraiment la route. Récemment, un fantôme tout droit resurgit du passé a fait un retour fracassant dans ma vie. En dix ans, les yeux captivants d'Aiden n'ont pas changé. C'est la première chose qui s'est imprimée dans mon esprit quand j'ai ouvert la porte de chez moi un matin, pour le découvrir sur le perron. Hélas, c'est bien la seule chose qui est restée identique après ce qui s'est passé, il y a déjà une bien longue décennie. Car celui que j'ai autrefois aimé jusqu'à en perdre la tête a disparu derrière une couche de regrets, de colère froide et de désolation totale. Et parce que la fille souriante et distraite qu'il a gardée en tête, n'arrive plus à voir autre chose en lui qu'un taulard au cœur brisé. Un attrayant et effrayant meurtrier.