Run boy run! This world is not made for you
Run boy run! They’re trying to catch you
Run boy run! Running is a victory
Run boy run! Beauty lays behind the hills.
tumblr, .narnienne

Passer la majeure partie de son temps dans la forêt possède de nombreux avantages, pas besoin de faire la conversation à qui vient, des comptes à rendre à personnes, de longs moments de solitude bienvenus, bref un emploi qui convenait parfaitement à Victor. Cependant, comme tout être humain de la population active mondiale, remplir son frigo était une nécessité.
Le garde-forestier une fois ses activités quotidiennes terminées entra dans son pick-up et reprit la direction de la civilisation. Une dizaine de minutes plus tard, les premiers immeubles faisaient leur apparition, et rapidement Victor arriva devant le grand supermarché de White Oak Station. Le jeune homme n'avait pas pris la peine de se changer, chemise à carreaux, vieille veste sans manche, pantalon à moitié déchiré aux genoux, et finalement sa vieille paire de Timberland. C'est ainsi qu'il entra dans l'établissement en tant que cliché numéro de la population canadienne.

Comme à son habitude, il ne prit pas la peine de saluer l'agent de sécurité à l'entré, il avait dit adieu aux civilités depuis bien longtemps déjà, et à vrai dire, avec sa barbe et sa tête d'ours mal luné, les gens ne prenaient jamais l'envie de lui parler. A son plus grand bonheur. Comme à chaque fois que le besoin s'en ressentait, il venait au supermarché, et machinalement faisait les quelques rayons qui l'intéressait, il n'allait pas non plus passer son temps pour des futilités pareilles.
Victor traversa rapidement le rayon « fruits et légumes », il ne comprenait pas vraiment l'engouement pour les végétaux, alors qu'il évitait tout contact visuel avec les personnes autour de lui, il aperçut une chevelure blonde, avec un air qu'il reconnaîtrait entre mille. Il secoua rapidement la tête et continua son chemin, ce n'était pas possible, il n'avait pas revu la jeune femme depuis douze longues années, et puis aux derniers dire de sa mère, Katia était partie vivre sa vie dans la capitale française. Le garde-forestier continua ainsi ses courses, attrapant machinalement les produits les uns après les autres, tout en repensant à son ancienne meilleure amie. Un sentiment de nostalgie l'envahie Victor, c'était le bon vieux temps, il se surprit même à sourire un instant. Toutefois ce moment de bonheur fût rapidement évincé par un autre sentiment beaucoup moins positif : la culpabilité.
Après l'incendie, il n'avait même plus daigné lui adresser la parole, et s'était même enfui dans le fin fond du Yukon pour fuir ses problèmes, sans un mot, sans un adieu, sans aucun au revoir. Il recroisa à quelques reprises cette chevelure blonde, et à chaque fois, cela lui ressemblait de plus en plus. Il se surprit même à la fixer de loin, mais à chaque fois qu'elle levait son regard, il s'éclipsait. Lâcheté ? Absolument. Victor ne voulait en aucun cas devoir parler à Katia, et encore moins à une personne qu'il aurait confondu. Le bûcheron redoutait ce moment depuis tellement longtemps, et la jolie blonde devait tellement lui en vouloir, ou pire, peut-être qu'elle ne se souvenait même pas de lui.

Vint alors ce moment gênant, ou il essaya d'éviter à tout pris la personne, changeant de rayons in extremis. Malheureusement, cette stratégie fût rapidement vaine, et au détour de l'étalage des sauces, il tomba nez à nez avec celle qu'il avait tant cherché à esquiver. Les yeux grands ouverts, il balbutia quelques mots inaudibles voir incompréhensibles :  « Je. je.. mouais.. demi-tour ». Victor essaya même de reculer, et songea même à partir laissant le reste de ses courses au milieu de magasin. La boule au ventre, il s'arrêta, prit une grande inspiration, et réussit enfin à regarder Katia dans les yeux.

Elle avait enfilé à la va vite une de ses vestes noires qui lui allait plutôt pas mal et un jean sombre. Faire les courses, elle n'aimait pas ça. Parce qu'elle se sentait pressé, elle voyait le temps défiler à toute allure, les gens étaient rarement souriants... Bref, elle n'aimait pas ça. Pourtant il fallait bien qu'elle y aille, son frigo était vide. Elle se mit en route, espérant croiser au moins une personne qu'elle connaissait histoire de discuter un peu, de rendre son excursion un peu plus joyeuse. Ce fût tout sourire qu'elle salua l'homme à la porte d'entrée et qu'elle sortit son petit sac.

Sans trop savoir pourquoi, tandis qu'elle faisait ses courses, elle se sentait épié. Et pour Katia, c'était une sensation plus que désagréable. Elle avait la vague impression d'être suivit dans tout les rayons. Elle se percha sur la pointe des pieds, caressant l'espoir d'atteindre la dernière étagère des conserves, tendant le bras vers sa sauce au curry. Elle râla un coup, maudissant ses étalages trop grands. Elle regarda autour d'elle, dans l'espoir de voir un homme assez grand pour pouvoir l'aider en vain, la seule personne présente dans le rayon devait avoir quatre vingt ans et ne semblait pas au sommet de sa forme. Tant pis, pour une autre fois peut être.

Et alors l'impensable se produisit. Car en changeant de rayon elle lui tomba dessus. Enfin lui tomba dessus, tomba nez à nez avec une personne qu'elle en pensait plus jamais revoir un jour, une personne qu'elle avait bien tenté d'oublier depuis douze ans. Sa bouche se fendit en un « o » parfait, avant de se refermer aussitôt. Lui ici. Victor en personne. Il eu l'air aussi, étonné qu'elle. Après tout, ils ne s'étaient pas vu depuis si longtemps. Il avait changé, mais elle l'avait reconnu dès le premier coup d’œil. Ce fût le premier à briser le silence qui s'était installé, cette gène qui s'était immiscée entre eux. Elle lissa sa veste et osa à son tour lui faire face. C'était tout ce qu'il avait à lui dire ? Après douze longues années ?

Hum... - vite, il fallait qu'elle dise quelque chose, des choses, elle en avait à dire après des années, oui... Tellement de choses... - Vous pouvez m'attraper une boite de sauce, tout là haut ?

Et elle lui désigna son but. Minable, c'était minable. Non seulement elle avait sortit une phrase complètement débile, et en plus elle le vouvoyait. C'était l'habitude du bureau ça aussi... Elle sentit le rouge lui monter aux joues. Oh non, pas maintenant. La séquence émotion, plus tard. Elle passa une main dans ses cheveux, priant pour qu'il ne prenne pas la fuite, qu'il ne la rembarre pas. Elle aurait pu au moins le saluer, mais c'était à croire que les deux évitaient soigneusement de faire mine de se reconnaître. Elle avait envie de filer droit aux caisses, même avec juste deux articles dans son panier. Mais non, pas devant lui. La Katia qu'il avait connu n'était pas comme ça, elle ne pouvait pas lui montrer cette image d'elle.

Il pouvait s'en passer des choses dans un cerveau en à peine une poignée de secondes, celui de Victor aurait même pu être en surmenage avec tout ce qui venait de lui traverser l'esprit. Essayer de s'enfuir par tous les moyens possibles et inimaginables, faire l'autruche et prétendre qu'il ne la reconnaissait pas, faire comme si rien ne s'était passé, douze ans ce n'était pas si long ? Malheureusement, en douze ans, de nombreuses choses avaient pu se passer, et sans aucun doute, faire un grand sourire et une accolade à son ancienne meilleure amie aurait été des plus mal vus.

Les yeux ronds il la dévisageait, Katia avait tellement changé, mais de la même façon il l'aurait reconnu entre mille. Après ces quelques balbutiements, et ce moment absolument gênant, la jolie blonde fit une tentative de banalités. Vous pouvez m'attraper une boite de sauce, tout là haut ?, peut-être ne l'avait-elle pas reconnu ? Le vouvoiement mêlé au son de sa voix, l'avait tellement déstabilisé. C'est ainsi qu'il se surprit même à regarder autour de lui voir, si par il ne savait quel hasard, elle aurait en fait parlé à quelqu'un d'autre. Malheureusement, à part un membre du club du troisième âge, personne. Le garde-forestier resta figé quelques instants avant de tenter un mouvement rapide vers le haut du rayon, quelques secondes plus tard, il tendit le pot de sauce à la jeune femme, avec toujours ce même air déboussolé.

Il ne reprit pas non plus la parole, continuant de la dévisager, ce n'est qu'au bout d'une longue et affreuse minute qu'il se reprit, et esquissa un brin de sourire. Que devait-il faire maintenant ? Continuer ses courses normalement, impossible, elle était devant lui et la bousculer pour partir : inconcevable. La question étant d'autant plus compliqué pour le jeune homme, lui qui n'avait plus vraiment de relations cordiale avec le reste de White Oak Station, voir même plus de relations du tout.

Les jointures de ses mains étaient devenues toutes blanches à force de forcer sur la poignée de son sac de course, il s'était attendu à tout, même voir un sanglier traverser le magasin aurait été plus probable que de la croiser là. Victor se surprit finalement à ouvrir la bouche et réussir à aligner quelques mots : « Wow, ça fait longtemps .. ». Il baissa ensuite le regard, comme un petit garçon que l'on venait de gronder. 'Bien Victor, tu viens de dire la chose la plus inutile qui existe, bien sûr que douze ans c'est long, bordel!' pensa-t-il.
Relevant enfin la tête, il tenta un sourire timide à son ancienne amie, peut-être que finalement elle ne lui en voudrait pas ? Même si elle en avait tous les droits, peut-être qu'ils pourraient redevenir aussi proche qu'avant ? Cependant, il n'avait plus vraiment d'espoir, vu la façon dont il était parti, vu comme il l'avait laissé en plan, et ne lui avait jamais rien envoyé : ni lettres, ni chocolats à Noël, il s'était même interdit de demander à ses parents de ses nouvelles. Reprenant un peu plus de contenance et de gentillesse dans sa voix, il commença : « ça à l'air d'aller toi », avant de continuer sur une voix beaucoup moins audible « tu m'as manqué pendant tout ce temps.. » Hypocrisie quand tu nous tiens : il osait lui dire ça après tout ce qu'il lui avait fait subir.

Elle attrapa sa boite de sauce. Bon, et maintenant ? L'envie de s'enfuir, là, maintenant, la prenait de plus en plus. Mais ce n'était pas, non, Katia était ps le genre de personne à toujours garder la tête haute, un grand sourire sur le visage (sourire qui là, c'était un peu figé) et à optimiser. Et voilà qu'il se dévisageait, les autres clients du magasin devaient penser qu'ils se faisaient un duel de regard, oh que non, elle cherchait ses mots, et lui aussi sans aucun doute. Wow ça fait longtemps. Elle hocha la tête en réponse. Oui, douze ans, douze ans ce n'était pas rien, il s’en passait des choses en douze ans. Elle tout d'abord, était partit en France, avait décroché le job de ses rêves, avait rencontré un homme avant de... finalement tout plaquer et revenir ici. C'était vite résumé mais c'était ça. Et lui alors ? Elle ne savait rien de lui, rien depuis qu'il avait commencé à l'ignorer, jusqu'à oublier de la prévenir quand il était partit pour une autre région. Oh oui, une part d'elle lui en voulait quand même pour tout ce qu'il lui avait fait, mais d'un autre côté, elle voyait toujours en lui le garçon de son enfance, celui avec qui elle jouait, et riait pendant des heures. Et puis, il eut un sourire, alors son sourire se raviva de plus bel.

Oh tu sais...

Sa seconde phrase en revanche lui réchauffa le cœur. Ou le fit fondre au choix. D'un côté elle se demandait s'il était sérieux. Parce que c'était lui qui avait mis les voiles sans rien lui dire, à lui qu'elle devait la fin de leur belle amitié. Soit il était terriblement hypocrite, mais tout en étant sincère, soit... Soit il ne savait vraiment pas quoi dire d'autre. Elle avait envie de tout lui dire, qu'elle pensait savoir la vérité pour le feu, l'incendie... Mais non, pas maintenant, ils venaient juste de se retrouver.

C'est vrai ? - elle regretta tout de suite d'avoir dit ça sur un ton aussi enjoué et vira au rouge tomate – Enfin je veux dire... Moi aussi.

C'était tout elle, pourquoi ne pouvait-elle pas lui dire ce qu'elle avait sur le cœur ? Lui dire tout le mal qu'il lui avait fait, il y a maintenant douze ans ? Elle le voulait, elle voulait qu'il sache sauf que non, visiblement ses lèvres refusaient formellement de formuler ces mots là.

Où étais tu ? Et... Enfin je veux dire, qu'est-ce que tu es devenu Victor ?

Retour au tutoiement. Elle ne voulait pas qu'il pense qu'il était passé en arrière plan dans sa vie, ou qu'elle le haïssait, ou quelque chose dans le genre. Elle lissa veste, geste nerveux, et essaya d'avoir toujours l'air maîtresse d'elle même. Comment autant de choses pouvaient changer en douze ans ? Pourquoi ne le serrait-elle pas dans ses bras comme elle l'aurait fait il y a une dizaine d'année ? Pourquoi n'était-elle pas la Katia de d'habitude ?

C'est vrai qu'il la dévisageait, ce n'était absolument pas poli, mais son envie de le faire était comme irrésistible. Il avait essayé pendant tant d'années en vain à l'oublier, ou du moins à mettre les souvenirs qu'il avait d'elle au plus profond de sa mémoire. Victor recommença à respirer normalement lorsqu'elle lui répondit, de plus d'une voix accueillante, elle ne le haïssait peut-être pas après tout, et ça c'était plutôt une bonne chose pensa-t-il. Le garde-forestier sourit à sa première réponse, son amie, même dans ses réponses étaient toujours là même, à parler un peu trop spontanément. Mais il l'avait toujours connue ça, et retrouver de si bons souvenirs, le ravissait tellement.

« Ce serait un euphémisme que de dire le contraire, j'ai sûrement été le pire ami qu'il soit durant ses années, mais jamais je ne t'ai oublié » dit-il avant d'ajouter « et aucun jour ne s'est passé sans que tu me manques ! » dans une voix calme et posée. Il se sentait plutôt fier de lui, il n'avait pas fui, et avait dit tout ce qu'il pensait depuis des années, peut être de manière un peu trop abrupte, mais ce n'était que la vérité. Pendant un instant, il osa même espérer que tout reprendrait comme avant entre-eux, comme s'ils n'avaient jamais pris de voies différentes.

Victor s'adossa complètement contre le rayon, au malheur de quelques tubes de ketchup qui roulèrent sur le rayon. Tant pis pensa-t-il, quelques dégâts collatéraux ce n'était pas grand chose. Le monde semblait s'être arrêté autour d'eux, c'était comme s'il n'y avait plus aucun bruit dans le supermarché, pourtant sensé être rempli à cette heure là. Il baissa son regard par la suite, il s'attendait à la question de Katia, toutefois elle le déstabilisa au plus profond de lui. Non il n'était pas parti faire quelque chose de plus intéressant ailleurs, non il n'avait pas eu la vie la plus palpitante qu'il soit, non il avait juste fui son sort, ce qui était bien lâche.  « La province du Yukon, endroit tellement sympathique qu'il ne veut plus te lâcher ! » dit-il en essayant de mettre une petite pointe d'humour à la chose, cependant ça ne trompait personne, difficile de croire qu'une région du Canada, où seuls cohabitaient les arbres, les ours et la neige, pouvait être sympathique et accueillante.  « ho et bah tu sais pas grand chose, j'ai suivi les pas de mon père, devenir bûcheron, avec lorsque je suis revenue ici une place vacante de garde-forestier » finit-il de dire dans un souffle. Son père étant mort, personne ne s'était battu pour reprendre la place. C'est ainsi qu'en hommage à son père, et pour essayer de se racheter des actes passés qu'il avait repris le flambeau familiale.

Le jeune homme secoua la tête, il ne voulait pas raviver de mauvais souvenirs, et encore moins expliciter le pourquoi du comment il s'était retrouver à partir bien loin. Il aurait à le faire, sans aucun doute, mais il essayait de repousser le moment fatidique au maximum, comme à son habitude. Lâcheté quand tu nous tiens. Victor voulait savoir tellement de choses que tout se bousculait dans sa tête, tant de chose qu'il ne réussit qu'à dire :  « ho et un conseil tu ne devrais vraiment pas prendre cette sauce, elle est abominable ! ». Bien joué Victor, plus minable ce n'était pas possible. Il recula d'un pas, essayant de se rattraper le mieux qu'il pu, on voyait que les relations humaines n'étaient plus vraiment son fort.  « Et toi alors, tu n'étais pas là ces deux dernières années, est-ce que cela signifie que tu as trouvé ton job parfait d'avocate ? » demanda-t-il. Cependant, il se demandait pourquoi elle était revenue, White Oak n'était sûrement pas le meilleur endroit pour exercer le dur métier d'avocat. La bourgade bien que sympathique était reculée.

Ça pour être un euphémisme... Il avait trouvé le bon mot. La jeune femme haussa les épaules, parce que d'après d'elle c'était la bonne réponse aux phrases dans le genre. Celle où on ne savait pas vraiment quoi répondre. Ou plutôt si, mais on avait pas vraiment envie de le dire. Parce que des tonnes de réponses différentes les unes des autres se bousculaient dans sa petite tête. L'envie de lui dire que oui, comme ami elle aurait pu trouver mieux, ou qu'un ami ne laissait pas tomber ses amis comme ça, de cette manière... Mais elle sentait qu'il faisait des efforts, alors elle tâcha de ne pas tout gâcher. Et elle lui avait manqué. Elle piqua un far. Vraiment, pour de vrai ? Un « moi aussi » s'échappa de ses lèvres. Elle espéra que ces deux mots ne parviennent pas aux oreilles du jeune homme.

Elle le regarda s'adosser contre le rayon, et elle croisa les bras sur sa poitrine. Il prenait ses aises, c'était bon signe ou pas ? Alors comme ça il avait prit le poste de garde forestier ? Elle se rappela alors que son père était décédé. Elle l'avait apprit en revenant ici. Elle jugea que ce n'était pas le moment pour en parler, et elle avait toujours peur de faire des gaffes sur des sujets sensibles dans le genre. Sa remarque sur la sauce la fit sourire et elle eut une subite envie de lui faire plaisir, et confiance, sur ce coup, elle la reposa sur un rayon à sa hauteur et e prit une autre.

Exactement, le rêve, exactement ce que je voulais ! J'étais en France, Paris. Un pays vraiment sympa mais... Enfin je pense que cet endroit me manquait. C'est là que j'ai grandis, je dois avoir un lien avec cette ville je pense, dit-elle en riant un peu.

Enfin ce n'était pas vraiment le seul facteur de son retour au Canada. Non, il y avait l'autre aussi. L'homme qui lui avait demandé sa main, l'homme à qui elle avait promit de réfléchir à sa proposition, et le lendemain, pouf, elle s'était envolée. Oh oui, elle s'en voulait toujours, et ça, Victor ne devait pas le savoir. Non, comment réagirait-il sinon ? Il devait la voir comme la fille qu'il avait quitté il y a des années. Lui dire serait lui donner une image de la femme qu'elle était devenue, et pour elle, elle voulait rester la même. La vague d'ombre qui passa sur son visage, tandis qu'elle se remémorait le visage de l'homme qu'elle avait quitté, s’envola aussi vite qu'elle était arrivée et Katia continua de sourire.

T-Tu veux pas qu'on sorte d'ici ? Enfin je veux dire, pour discuter il y a mieux comme endroit non ? Tu veux qu'on aille chez moi ? Je pourrais te montrer mon nouvel appartement comme ça ! Ou prendre un café si tu préfère !

Et la voilà qui s'emballait rien qu'à l'idée de lui parler un peu plus longtemps. Quand allait-elle enfin parler de l’incendie ?

Le jeune homme écouta Katia, rêveur, alors elle avait voyagé quand même, et puis elle n'avait pas choisi le pire endroit ! Ou du moins c'est ce qu'il avait entendu dire : la France, les baguettes, les bérets et le truc pointu métallique au milieu de la capitale, ce n'était pas vraiment ce qu'il appréciait. Contrairement à la jeune femme qui avait toujours était curieuse, qui s'adaptait à toutes les situations, ce que lui n'avait jamais vraiment su faire.  « Et puis entre nous tu peux le dire, les français sont chiants hein ? » ajouta-t-il en riant.

Lorsque Katia proposa de continuer la conversation ailleurs, parce que bon, c'est vrai que le rayon sauces du supermarché n'était pas vraiment sympathique,Victor hésita. Non pas qu'il ne voulait pas rester plus longtemps avec elle, mais plutôt les conséquences que ça allaient amener. Inévitablement, au fur et à mesure de la conversation, les tords de Victor allaient être remis sur le tapis. Et il n'avait pas vraiment envie de ça : il venait de retrouver sa meilleure amie, il ne voulait pas revenir sur des sujets qui fâchent, bien que à la longue, il n'aurait pas le choix. Il se mordilla l'intérieur de la joue, comme à chaque fois qu'il doutait sur quelque chose, Katia avait l'air tellement emballé, il ne pouvait rien lui refuser et encore moins avec une excuse aussi nulle que “non désolé faut que j'aille ranger mes courses, et puis les arbres tu sais, ils peuvent pas attendre”. Le jeune homme sourit en se redressant et répondit enfin à la jeune femme « y a un petit café juste en dehors si tu veux, ce n'est pas le grand luxe parisien, mais on se sent à la maison ! »

Le garde-forestier souleva son sac, et suivit Katia jusqu'aux caisses, heureusement il n'y avait pas de queues ahurissantes, ils empruntèrent ainsi la première caisse qu'ils trouvèrent. Victor laissa passer son amie, se demandant si vraiment elle n'avait pas changé ? Ou du moins comment était-ce possible, après toutes ces années, et puis après Paris ! Une si grosse ville qui d'après tous les films, est la ville la plus romantique du monde. Il prit une inspiration avant de se raviser, ce n'était peut être pas le moment de demander si elle avait trouvé dans la ville des amoureux quelqu'un : question plus indiscrète tu meurs. Et puis ils n'étaient peut être pas encore redevenus assez proches pour parler de tout ça. Passant ses doigts dans sa barbe de quelques jours, il réfléchit rapidement à ce qu'il pourrait dire d'autres, avant de lancer le sujet le plus bateau du monde :  « et alors heureuse de retrouver toute ta famille ? ». Bien joué Victor, quelle question utile, qui ne serait pas heureux de retrouver ses proches après quelques années d'absence. Quel idiot... Il renchaîna rapidement : « tu leur passeras le bonjour à tes parents de ma part ! ». Cela faisait une réelle éternité qu'ils ne les avaient pas vu, et ce toujours pas sa faute. Jamais il n'avait trouvé le courage d'aller les saluer et demander quelques nouvelles.

Non, pas tous ! rigola t-elle.

Bon, il était vrai qu'ils avaient leur caractère bien à eux, du positif comme du négatif. L'idée du café lui parut bonne et elle le suivit sans broncher. Oh, les cafés parisiens étaient accueillant, et terriblement classe en fonction de là où on allait, mais Katia n'était pas vraiment le genre de femme qui jugeait un endroit pas ses prix et sa décoration intérieur.

Oui, je dois dire qu'ils m'avaient bien tous manqué... On avait beau se téléphoner souvent rien n'égale le fait de voir ceux que l'on aime en vrai.

Non, aucun reproche dans sa voix, pourtant une partie de son commentaire lui était dédié... En quelque sorte. Elle acquiesça quand il lui demanda de leur passer son bonjour, levant un sourcil au passage. Elle ne commenta pas, mais fut surprise de l'entendre demander une telle chose. Il ne les avait donc pas revu depuis... Tout ce temps ? Décidément ce Victor était pus de surprise. Elle se demanda pourquoi, termina de payer ses articles et rangea le tout dans ses sacs de course. Elle patienta le temps qu'il fasse de même et ils quittèrent le magasin direction le café. Il avait raison sur un point, on s'y sentait plus que bien.

Et toi alors, j'ai appris pour ton père – et paf, les pieds dans le plat, mais puisqu'il parlait famille lui aussi, elle se voyait mal en pas finalement aborder le sujet – je suis désolée... C'était un homme bien.

Elle lui posa une main sur le bras et le regarda avec ce regard compatissant qu'elle avait prit l'habitude de faire quand ils étaient enfants, et que Victor ne se sentait pas forcément bien. Vite, changer de sujet... Elle commanda son café quand la serveuse arriva, des tonnes de questions se bousculant dans sa tête. Est ce qu'il avait quelqu'un ? Pas de bague, il était donc pas marié. Ou bien il ne la portait pas... « Ce que tu peux être sotte... »

Tu vois quelqu'un sinon ?

Katia et les questions directes. Et complètement décalée aussi. Passer du coq à l'âne comme ça... Pourquoi, mais pourquoi dès qu'elle se jurait de ne pas aborder un sujet X ou Y, il fallait qu'elle mette les pieds dans le plat et qu'elle le fasse aussitôt après ? Peut être par curiosité, après tout... Mais ça ne la regardait pas, c'était pas le genre de question que l'on posait à son ami d'enfance qu'on n'avait pas vu depuis douze ans, surtout après ce qu'il avait fait. Et pourtant si, elle excellait dans le domaine de « je pose les mauvaises questions aux mauvais moments ». La serveuse la sauva en lui apporta ce qu'elle avait commandé et elle sauta sur l'occasion pour boire une gorgée – encore brûlante – pour éviter le regard de l'homme qu'elle avait en face d'elle. D'ailleurs elle se brûla bien vite la langue, mais n'en fit rien, rester digne en toute circonstance, voilà un dicton qui lui allait à merveille.

Le jeune homme fit un regard compatissant à Katia en se dirigeant vers le café : l'éloignement n'est jamais simple, encore moins simple lorsqu'il n'y a aucune adresse pour joindre l'autre en retour. Victor paya, puis rangea rapidement ses quelques courses, n'étant pas un professionnel de la cuisine ses repas se réduisaient au stricte minimum.
Le chemin jusqu'au café fût des plus courts : l'établissement se trouvait juste à la sortie du supermarché. Lorsque la jolie blonde lui parla de son père et lui présenta ses condoléances ilfût submergé par de nombreux frissons. Parler de ses émotions, et encore plus de son défunt père n'était jamais chose facile, et encore moins pour le garde-forestier : lui qui préférait garder tout à l'intérieur. Lui rappelant qu'il avait été tous sauf le fils parfait. Son père était mort depuis quelques temps, en paix avec son fils, toutefois Victor avait toujours du mal à en parler, sentiment de culpabilité toujours omniprésent. Il ne savait pas vraiment quoi lui répondre, préférant d'habitude ignorer les sympathies, c'est ainsi que timidement avec l'esquisse d'un sourire il dit :  « Ouais un homme trop bien pour cet endroit.. ». Victor avait toujours regardé son père avec admiration comme un modèle malgré la vie modeste qu'il menait. Toute la ville l'avait dit à l'unisson lors de son enterrement, c'était un homme bon et droit jusqu'à la toute fin et qui manquera à un grand nombre. Pourtant malgré toutes ces qualités, Victor n'avait, jusqu'à il y a quelques mois, jamais eu le courage de lui dire pour la forêt. Il avait peur de son jugement, de le décevoir, et avait préféré fuir loin, et créer encore plus de mal. Le jeune homme ajouta finalement quelques mots bien qu'ils ne servaient pas à grand chose :  « il t'aimait bien tu sais, tu faisais partie intégrante de la famille. » Ce qui était vrai, Katia avait toujours été accueilli à bras ouverts, tous les jours, par tous les temps, chez les Breckinridge, et l'inverse avait été aussi totalement vrai.

Le garde-forestier tressailli lorsque Katia lui toucha le bras. Il avait perdu l'habitude du soutien de son amie, dès qu'il se sentait mal elle était là pour lui. Ou du moins, elle avait été là pour lui jusqu'à ce qu'il l'abandonne. Le jeune homme commanda quand à lui un cappuccino, viril vous avez dit ?
Le fou rire qui suivit fût toutefois inattendue. Victor explosa d'un rire fort et spontanée, un éclat d'humeur qu'il n'avait pas eu depuis tellement longtemps. Une larme vint même perler au creux de son œil. Lui qui avait voulu lui poser la question, mais qui s'était ravisé aussi rapidement. Katia elle l'avait fait, sans se préoccuper, elle avait juste demandé. Il essaya de se contrôler pour ne pas paraître malpoli, et ne voulant pas qu'elle pense qu'il se foutait d'elle. Victor, tout en reprenant son souffle répondit :  « Ho tu sais, j'ai pas vraiment été du genre extraverti ses derniers temps, et puis, avec tout ce qu'il s'est passé.. », s'étalant un peu sur les détails et se trouvant des excuses pour ne pas paraître plus bizarre qu'il ne l'était.  « enfin, pour répondre à ta question, non. » ajouta-t-il.

Maintenant, Katia avait ouvert sa curiosité, et puis, si elle lui avait demandé, il pouvait lui demander en retour ? Non ? C'était usuel, comme quand quelqu'un demande si ça va, on lui pose toujours la même question en retour. Rapidement, il enchaîna donc : « et toi alors ? Les français même chiants, et beaucoup moins bien que les Canadiens, est-ce qu'un t'a tapé dans l’œil ? ».
Victor tournoya sa cuillère dans le liquide brûlant, il avait vu les yeux de Katia qui n'avait pas manqué de se brûler l'intérieur de la bouche, bien qu'elle n'avait pas pipé mots. Elle avait toujours essayé de paraître immuable face aux situations qui pouvaient arriver. Il espéra ne pas avoir été trop intrusif en lui parlant de sa vie amoureuse, mais il espérait par la même occasion rattraper le temps perdu. Rapidement, une autre question lui vint en tête, question qu'il ne pût s'empêcher de poser « et euh, tu penses pas repartir tout de suite hein ? » Encore une question égoïste, mais bon, il se devait de lui demander.

hrp; je suis désolée du retard  

Ce qu'il lui confia sur son père disparu lui réchauffa le cœur. Il était comme dans ses souvenir,s il gardait la tête haute même dans les moments les plus dur. Il était le Victor qu'elle avait connu il y a des années. Et l'entendre rire l'a mit tout de suite plus à l'ais,e et elle qui avait l'impression d'avoir mit les pieds dans le plat, d'avoir prit une mauvaises direction... Et sa réponse aussi. Pourtant il était un homme plein d'atout, petite elle rêvait de trouver quelqu'un lui ressemblant, il avait été un modèle jusqu'à leur séparation. Il lui retourna la question, elle s'y attendait après tout, c'était as le genre de question à laquelle on n'attendait aucun retour, et elle piqua un far avant de se réfugier dans sa boisson. Ne pas lui parler de l'homme, cela reviendrait à lui mentir. Mais sur le coup la jeune femme estima qu'elle ne devait pas le lui dire. D'abord parce qu'elle en avait honte, ensuite parce qu'elle pensait pouvoir enfouir ce secret encore longtemps et ensuite, lui aussi ne lui avait pas tout avoué quant à son éloignement soudain. Elle ne faisait rien de mal, juste lui rendre la monnaie de la pièce.

Non, hélas... dit-elle tout sourire.

Hop, passage des fiançailles foireuse évité. Comment lui avouer tout cela aussi ? « En réalité si Victor, j'ai rencontré un homme charmant, mais quand il m'a proposé d'aller plus loin, j'ai fuis comme une lâche... Tu le crois ça ? J'ai fuis... » Il lui demanda si elle comptait repartir ici. A vrai dire elle n'y avait pas vraiment pensé. Elle s'était dit qu'il fallait qu'elle revienne au pays, mais ici, dans cette ville plus précisément... Elle ne savait pas. Si on lui offrait un job plus intéressant ailleurs, alors oui, elle partirait sûrement. Certes, ses parents étaient ici, mais rien ne la retenait vraiment, ses amis étaient eux, partis loin. Victor, il y avait Victor maintenant, elle venait à peine de le retrouver, c'était peut être le moment de tout lui dire, de savoir, de pardonner...

Je ne pense pas non, sauf si mon boulot m'offre une opportunité intéressante ailleurs.

Il valait mieux rester évasif. Elle même ne le savait pas, la vie était parfois pleine de surprise, et sa rencontre aujourd'hui en était le meilleur exemple. Pourquoi posait-il cette question après tout ? Il avait su se détacher d'elle rapidement, se passer d'elle pendant une dizaine d'année, où était le soucis ? « Ne sois pas méchante Katia... »

Pourquoi tu me demande ça ? Et si c'est le cas, je préviendrais.

Cette pique, elle l'avait lancé sans vraiment le vouloir, c'était plutôt son cœur qui avait parlé tout haut qui avait exprimé des sentiments qu'elle pensait pouvoir enfouir encore quelques temps. Elle baissa les yeux vers sa tasse et soupira. Elle n'était pas douée pour ça, vraiment. Mais où était la Katia pleine de vie qui savait rire tout le temps ?

Désolé, mon cœur parle tout seul... marmonna t-elle dans un murmure à peine audible. Et aussitôt elle regretta d'avoir dit cela.

t'inquiète pas, c'est moi aussi qui m'excuse, j'ai pleins d'examens du coup mon temps sur les forums est réduit

Le café n'était pas vraiment bondé à cette heure-ci de la journée, quelques personnes discutant autour d'une table, les piliers de bistro avec un verre de vin à la main depuis quelques heures déjà, rien d'anormal à vrai dire. Les jours se ressemblaient à White Oak Station, la petite bourgade n'était pas l'endroit le plus dynamique de la terre. Enfin, ça ne l'était pas souvent, mais aujourd'hui pour Victor c'était le cataclysme, trop de choses arrivant d'un coup d'un seul.
Ses pensées fusaient à l'intérieur de sa tête, ne sachant pas trop quoi penser. A vrai dire, il n'avait jamais vraiment su ce qu'il pensait vraiment, cela aurait été trop simple sinon. Mais d'un coup d'un seul, les réponses successives de Katia lui provoquèrent une sorte “d'ascenseur émotionnel”. Dans un premier temps, il fût triste que son amie d'enfance n'avait pas trouvé l'amour, puis rapidement, il changea d'avis, et d'une manière très égoïste en était plutôt content. Malheureusement, ce moment s'envola aussi rapidement qu'il arriva lorsque Katia lui dit qu'elle avait en fait rencontré quelqu'un. Le garde-forestier fît une moue indéterminable, et essaya de cacher sa déception. Toutefois, se tenait devant lui une Katia qui avait fui, cela signifiait d'un côté qu'elle ne voulait pas s'engager avec l'autre homme, et d'un autre côté il fût surpris, Katia, fuir ? Cela ne lui ressemblait pas vraiment, elle était courageuse, pas comme lui.
Il stoppa ses pensées quelques instants pour lui répondre, et éviter qu'il ne passe encore plus pour un psychopathe : partir dans un fou rire, puis ne plus rien dire du tout, cela aurait été totalement.. bizarre. « Toi ? Fuir ?! C'est pas toi qui était censée être la plus courageuse de nous deux? » Victor n'avait pas vraiment envie d'engager la conversation sur son ancien compagnon. A dire vrai, il ne saurait pas du tout quoi lui répondre. Être bûcheron, introvertie ne rimait absolument pas avec empathie. Victor n'avait jamais su s'exprimer, et question lâcheté, il savait fuir plus vite que son ombre, comme l'ont témoigné tous les événements passés.

Victor esquissa un sourire en regardant Katia, il était content qu'elle reste un peu de temps même si elle n'excluait pas la possibilité de partir. Il ne pouvait la blâmer, avec de telles études, voyager aux quatre coins du globe paraissait formidable pour tout ceux avides d'aventure afin de combler leur curiosité. Ce qui n'était absolument pas le cas de Victor, soit dit en passant. Mais au moins elle restait pour l'instant, et ça leur permettrait de reprendre contact, redevenir amis comme ils l'avaient été. Ou du moins c'était ce qu'il espérait, si rien ne faisait tout foirer avant.
Malheureusement, Katia remonta le sujet qui fâche. Victor ne pouvait lui en vouloir, elle avait toutes les raisons de lui en vouloir. Il prit une inspiration, et ouvrit la bouche pour commencer à parler, mais rien ne sorti. Il ne voulait pas aborder le sujet, trop de regrets lui revenaient. Il balaya ses excuses de la main, elle n'avait rien dit, elle n'avait pas à s'excuser, le seul en tord c'était lui. Il réussit simplement à glisser ces quelques mots : « Je suis désolé, vraiment désolé... »

S'en suivi un silence, combien de temps dura-t-il ? Difficile à dire, cela aurait pu paraître interminable pour certains, mais tout se bousculait dans la tête de Victor. Une grande partie de lui voulait fuir, prendre ses jambes à son coup, prendre la poudre d'escampette. Le bûcheron essaya de se sortir ces idées de la tête, bien que sans se mentir, il hésitait à dire qu'il devait aller au toilettes et partir par l'autre porte. Les sentiments et Victor n'avaient jamais fait bon ménage. Ne réussissant pas à engager la conversation, il se redressa, recula sa chaise et demanda à Katia attrapant sa propre tasse vide : « Tu veux reprendre quelques choses ? ». Victor avait la même tête que lorsqu'il était enfant et qu'il se faisait gronder, cette même tête de grand timide bien qu'aujourd'hui, il avait l'allure d'un bûcheron costaud, et une barbe.

Elle l'avait dit à voix haute, elle qui pensait l'avoir pensé. De quoi elle avait l'air maintenant ? Heureusement, elle ne lui avait pas précisé qu'elle avait fuit car le jeune homme lui avait demandé sa main, elle se serait sentit encore plus mal. Il réagit comme elle s'y attendait pour la suite, elle baissa les yeux, se sentait penaude tout à coup. Comment ne pas l'être ? Elle avait bien enfoncé le clou après tout. Qu'elle nulle. Il s'excusa, elle le cru sincère, après tout, il en avait l'air. Elle avait envie de le prendre dans ses bras, de le serrer fort comme quand ils étaient plus jeunes et que l'un des deux n'étaient pas bien. Le silence qui suivit sa tirade, enfin plutôt ses excuses, lui parut interminable, tout simplement. C'était comme si le monde autour d'eux venait de se figer, comme si la café pourtant bruyant venait de baisser le volume. Les gens autour d'eux faisaient figure de fantôme, c'était comme s’il ne restait plus qu'eux dans la pièce. Quand il se leva, elle sut que c'était fini pour aujourd'hui. Dans son regard, oui, elle lisait tout cela dans son regard. C'était les même yeux qu'il avait étant gamin. Un pincement au cœur lui rappela que cela faisait longtemps désormais. Sauf que l'homme devant elle avait grandi, changé. Il lui proposa de se resservir, mais elle ne pu lui répondre un grand oui, avec son sourire habituel. Elle secoua la tête, se leva de table, plissant son haut avec anxiété. Elle attrapa sa poches de course, heureusement qu'elle était là elle, elle avait besoin de serrer quelque chose entre ses doigts.

Non... Ça va aller, merci Victor.

Elle fit quelque pas, avançant vers la sortie, troublée. Ils avaient l'air idiots au fond, mais c'était plus fort qu'elle, elle lui en voulait toujours peu, peut-être qu'il s’en voulait toujours un peu et le résultat c'était ça. Non, elle ne pouvait pas partir comme ça, lui tourner tout simplement le dos et paf, le quitter une fois de plus. Ils ne pourraient plus s'éviter de toute façon, ils vivaient dans la même ville désormais. Alors elle se retourna en dernière fois, un sourire tremblant sur le visage.

On s'appelle hein ? - il n'avait pas son numéro, mais sur le coup elle n'y pensa pas vraiment, se disant sûrement qu'il le trouverait de lui même – J'étais contente de te revoir Victor, tu m'avais manqué.

Et elle poussa la porte du café, ravalant ses larmes. Pourquoi fallait-il toujours une réaction exagérée avec elle ? Elle devait rester forte, il avait raison elle avait toujours été la plus forte des deux étant enfant, elle en reculait devant rien, elle avait toujours su garder la tête haute. Peut-être était-ce la fin de tout cela ? Peut-être qu'ils n'allaient jamais redevenir amis comme autrefois ? Pourtant elle le voulait, au plus profond d'elle même, elle en souhaitait que cela. Elle grimpa dans sa voiture récemment loué et démarra. Seul le temps savait ce que l'avenir leur réservait.