Ça ne pouvait pas rester comme ça. Au début, je pensais que peut-être, avec le temps, les choses allaient se calmer, que peut-être tout s’arrangerait de soi-même, puisque normalement, je n’étais pas de nature impatiente ou quelque chose dans le genre. Toutefois, je ne tenais plus en place, je ne pouvais pas rester là, complètement passif. Je ressentais le besoin incroyable de faire quelque chose, puisqu’autrement, j’avais l’impression que tandis que j’attendais, tandis que je cherchais les mots adéquats, la bonne chose à faire pour tenter de remettre les choses en ordre, April était en train de me filer entre les doigts, et cette impression ne me mettait pas bien du tout, me rendait impatient, et surtout plus nerveux que jamais.

Effectivement, entre ma petite-amie et moi, rien n’allait plus depuis quelque temps. Enfin, ça n’allait plus depuis le jour où une de mes anciennes collègues de travail était venue me faire une surprise à l’université où je travaillais. Au début, le tout était agréable, puisque ne l’ayant pas vue depuis longtemps, j’étais content de la voir, mais jamais, au grand jamais, je n’aurais cru que les choses prendraient une telle tournure. En effet, sans que je m’y en attende, celle-ci avait probablement compris quelque chose de travers et m’avait embrassée, tout ça sous les yeux d’April qui passait devant mon bureau pile à ce moment. J’avais beau avoir tenté de lui expliquer ce qui s’était passé, de me faire pardonner, mais malheureusement, cela n’avait pas donné grand-chose, à mon plus grand désespoir. Depuis ce moment, il y avait un froid que je ne savais pas résoudre, et qui me mettait de plus en plus mal à chaque jour.

Bien sûr, j’avais mon emploi, mes photos pour m’occuper, penser à autre chose, mais encore là, cette dispute m’obsédait toujours, et aujourd’hui, c’était pire que jamais, puisque je ne travaillais pas, et le mauvais temps qui était en train de se dessiner sur la ville ne me permettait pas de sortir. De ce fait, depuis le début de la journée, je tournais en rond dans mon appartement, comme un animal en cage. Je pensais à elle, à ce que je pourrais faire, puisqu’une chose était certaine, c’était que je ne voulais pas la laisser partir, je ne voulais pas qu’on se quitte, puisque je l’aimais, je tenais à elle, et il était hors de question pour que je la perde pour une histoire qui n’avait pas lieu d’être. Finalement, au bout d’un moment, je craquai; je pris ma veste ainsi que mes clés, et d’un pas rapide, je me rendis chez la jeune femme. Ce n’était peut-être pas la meilleure idée du monde, vu que la pluie commençait à tomber à l’extérieur, mais je m’en moquais. Je ne sentais même pas les gouttes de pluie tomber sur moi, si bien que je m’en moquai bien de frapper à la porte de la jeune femme, commençant à être quelque peu trempé. Tout ce qui comptait, c’était qu’elle me réponde, que je sache trouver les mots pour mettre fin à cette tension que je ne savais plus supporter.

Pour être honnête, tandis que j’attendais une réponse à la porte, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. D’un côté, j’espérais qu’April avait eu le temps de réfléchir à ce qui s’était passé, qu’elle finirait par me croire et éventuellement me pardonner, mais d’un autre, connaissant à quel point la jeune femme était têtue, et ayant été victime de sa médecine au moment des évènements, alors je pourrais très bien me faire jeter également. Après tout, ce n’est pas comme si elle ne l’avait pas fait une première fois, ne voulant absolument rien entendre par rapport à ce que je lui avais expliqué. Pour être honnête, sa réaction m’avait profondément blessé, tellement que pendant un instant, j’avais été convaincu qu’elle ne voudrait plus rien savoir, qu’elle préfèrerait peut-être s’enfermer dans ses idées, même si celles-ci étaient fausses, sans que je ne puisse rien y faire. Peut-être était-ce ce que j’aurais fait si je ne l’avais pas aimée de tout mon cœur. Maintenant, c’était tout simplement impossible de ne pas ne serait-ce que tenter quelque chose, et si ce n’était pas suffisant pour elle que je prenne le risque de venir chez elle alors qu’une tempête s’annonçait, alors je saurais peut-être un peu plus à quoi m’en tenir.

Finalement, lorsqu’elle ouvrit la porte, je sentis mon cœur battre la chamade et je ne sus rien dire, tout comme elle d’ailleurs. Apparemment, ma visite n’était pas du tout prévue dans son esprit. Était-ce parce qu’elle pensait vraiment que je ne tenterais rien pour elle ? Cette idée me vexa quelque peu, mais je m’efforçai de la mettre de côté bien rapidement, histoire de ne pas envenimer les choses pour un élément qui n’avait peut-être même pas raison d’être. De plus, avant que je puisse dire quoi que ce soit, la jeune femme me demanda ce que je faisais là. N’ayant même pas le temps de répondre, puisqu’en fait, je ne savais pas trop comment formuler le tout pour le moment, je finis par entrer dans l’appartement, comme elle me l’avait demandé. Quelques secondes plus tard, elle arriva avec une serviette qui, même si je ne m’étais même pas rendu compte d’à quel point j’étais trempé, était la bienvenue. Je lâchai un timide : « Merci. » avant de la passer vite fait sur ma tête, puis la mettre sur mes épaules, puisque c’était là où j’avais reçu le plus de pluie. Puis, elle affirma qu’il y avait un risque à ma présence en ces lieux, risque dont j’étais conscient, même si la dernière partie n’avait absolument rien à voir. Cela me fit comprendre qu’en fait, elle était toujours restée fermée sur ses idées, n’ayant pas envie pendant un instant de comprendre ce que je voulais lui expliquer. Avait-elle pris pour acquis que je lui mentais ? Était-elle passée à autre chose… ? Ces idées me faisant un peu paniquée, je prétextai vouloir m’essuyer le visage avec la serviette, simplement pour ne pas lâcher un cri de détresse, lancer la serviette – littéralement – et quitter ces lieux en me disant que cela ne servait plus à rien. Au bout du compte, je ne fis que rien dire, ne voulant certainement pas commencer à argumenter maintenant. Puis, même si elle m’y invita, je considérai que son invitation était on ne peut plus froide, et du coup, je demeurai debout, et je ne fis que demander : « On peut parler ? » C’était peut-être brusque, sans aucune mise en contexte, mais je n’avais pas envie de tourner autour du pot. En effet, j’avais pris un risque en venant ici, mais ce risque, voilà ce que j’en pensais : « Je m’en fiche que quelqu’un puisse me voir ou non. Je suis venu parce que tu me manques. J’ai besoin de te voir, j’ai besoin de te parler et surtout… J’ai besoin que tu m’écoutes, s’il te plait… » Je pinçai alors les lèvres, tel un enfant pris en faute. La tête baissée, j’attendis une réaction de sa part avant de poursuivre, lui laissant alors l’opportunité de me jeter une bonne fois pour toutes si elle le souhaitait.

Vu l’air ronchon qu’April me servit quand je lui demandai si on pouvait parler, je compris bien rapidement que celle-ci n’en avait pas envie, et face à cette réaction, je ne pus m’empêcher de commencer à me poser de nombreuses questions. Était-ce parce que parler serait trop douloureux, ou bien parce que ça ne valait pas la peine, que j’étais venu ici en vain ? Personnellement, je n’imaginais pas la jeune femme, la femme que j’aimais, aussi têtue. Je savais qu’elle avait du caractère, et c’était une des raisons pourquoi je l’aimais tant, mais après, si elle ne voulait pas parler, était-ce parce qu’elle ne m’aimait plus ? Qu’elle croyait qu’après cet incident, notre relation n’avait plus d’avenir ? Je n’osais pas vraiment y penser, puisque je savais que je serais tout simplement détruit par rapport à cette éventualité, et je ne saurais jamais me pardonner ce qui s’était passé, même si j’avais été impuissant dans cette situation, même si jamais je n’aurais voulu que cela arrive. Malgré cela, je ne voulais pas baisser les bras, même si j’étais en train de me dire que si jamais elle ne voulait plus me parler, alors ce serait peut-être la confirmation qu’il n’y avait rien à faire concernant tout cela. J’espérais sincèrement que non, et de ce fait, chaque pas, chaque geste dans la bonne direction me redonnait progressivement un peu d’espoir. Par exemple, lorsqu’April me fit signe de venir m’asseoir avec elle, je ne me fis pas prier de le faire, puisque je voyais là une opportunité de faire avancer les choses vers quelque chose de bien, ou du moins, je l’espérais sincèrement. Sans me faire prier plus longtemps, je m’installai sur le canapé, en espérant ne pas trop le tremper, puis je la regardai, sans savoir que dire à ce moment précis. Elle était si belle, même lorsqu’elle était en colère, et encore une fois, le simple fait de la regarder me faisait perdre mes moyens. Ce fut pire lorsqu’elle passa sa main dans mes cheveux, m’arrachant alors un frisson que je voulus faire discret, puisque nous avions des choses à discuter, à s’expliquer, et je ne devais pas perdre cet objectif de vue. Toutefois, cela devint un peu compliqué lorsqu’April chercha limite à dévier le sujet et que moi, naïvement, je la suivis en disant : « Euh, ouais, mais c’est pas grave… »Puis, dès que j’eus fini mon propos, un énorme coup de tonnerre se fit entendre à l’extérieur, ce qui eut pour effet de me faire sursauter comme un enfant craignant les orages. Même si j’approchais la trentaine, j’en avais quand même peur, puisque je n’avais jamais su à m’y faire, pour tout dire. Toutefois, je tentai d’en faire fi bien rapidement, secouant la tête pour me ressaisir, sans me rendre compte que des gouttelettes d’eau s’étaient échappées de mes cheveux à ce moment-là. Je reportai mon attention vers April, cherchant quoi lui dire, et finalement, tout ce que je sus affirmer, ce fut : « Tu me manques tellement, April… » avec une envie irrésistible de l’embrasser, la prendre dans mes bras, ou ne serait-ce que lui tenir la main, mais je n’osais pas en même temps, puisque rien ne serait rétabli par cette simple phrase, j’en étais parfaitement conscient.

Malgré la froideur encore flagrante de l’atmosphère, le fait qu’April ne me réponde pas par un énième sarcasme concernant ce qui s’était passé me rassura et plus que cela, me fit chaud au cœur. Il s’agissait là d’un relatif progrès par rapport à précédemment, surtout que compte tenu de ses dires précédents, je commençais sincèrement à craindre que celle-ci soit passée à autre chose. Elle aurait eu le droit de le faire, après tout, et peut-être l’aurais-je mérité d’une certaine façon, mais honnêtement, je ne pensais pas que j’aurais été en mesure de le supporter. Enfin, je savais parfaitement que cela ne venait pas complètement rétablir les choses entre nous, et cela ne voulait peut-être même pas dire qu’elle souhaitait que tout redevienne comme avant, mais j’avais quand même espoir que oui, et j’aurais voulu lui demander de m’excuser, de m’accorder une nouvelle chance – et ce, même si je clamais toujours ma passivité et mon impuissance dans ce qui était arrivé, mais je l’aimais tant que j’étais prêt à marcher sur mon orgueil et mes principes pour elle – mais avant que je dise quoi que ce soit, ce fameux coup de tonnerre vint m’interrompre complètement, causant chez moi un blocage l’espace de quelques secondes. Stupide orage aussi… Légèrement confus de ne pas pouvoir m’exprimer comme je le souhaitais, je me rendis compte qu’en fait, cela eut quelque chose de bénéfique, si je pouvais le dire ainsi, puisque cela permit à April de me prendre dans ses bras pour tenter de me rassurer. Je ne pus m’empêcher de sourire doucement à son intention, trouvant celle-ci plus que bienvenue en ce moment, même si elle était totalement hors-sujet par rapport à notre discussion précédente. Dans un premier temps, cela m’aida à me rassurer un peu, même si tout ce que je sus dire, ce fut, dans un rire nerveux : « J’ai… J’ai peur des orages. », ce qui était totalement impertinent dans le cas présent compte tenu du fait que c’était plutôt évident. Habituellement, je mettais un bon moment à me remettre de mes émotions, mais là, par la présence d’April, je me sentis mieux beaucoup plus rapidement. Une fois que je me sentis suffisamment calmé, je regardai la femme que j’aimais dans les yeux, puis je dis : « Je n’ai jamais voulu te faire de mal, April, je te le jure… Je suis vraiment décidé de ce qui s’est passé, je ne voulais rien de tout cela, parce qu’il n’y a que toi que j’aime… » J’avais lâché cela d’un seul coup, peut-être même dans un seul souffle, et plutôt nerveusement, puisque là, je venais de lui ouvrir mon cœur, probablement plus que je ne l’avais jamais fait auparavant, parce que je ne voulais sincèrement pas la perdre. Maintenant, la balle était dans son camp, c’était à elle de voir ce qu’elle voulait croire, si elle voulait me pardonner, et je ne pouvais rien faire en attendant, sauf peut-être baisser la tête et dire : « S’il te plait, crois-moi… » dans un murmure, comme une prière, puisqu’après tout, c’était là le principal enjeu, à savoir si elle voulait croire mes excuses ou non.

Même si dans mon cas, cela paraissait difficile, voire impossible, je réussis à oublier l’orage un instant et me concentrer de façon exclusive sur cette jeune femme qui se tenait devant moi, cette femme que j’aimais de tout mon cœur et qui, à présent, avait le pouvoir de le faire battre de nouveau ou l’écraser à tout jamais. Cela pouvait paraître un peu extrême, mais maintenant que je lui avais fait cet ultime aveu comme quoi je n’avais jamais voulu lui faire mal, cet aveu qui, je l’espérais, allait faire bouger les choses, ou du moins, me fixer une bonne fois pour toutes; devais-je continuer à m’acharner, ou tout simplement lâcher l’affaire et tenter de passer par-dessus, même si en fait, je ne pourrais jamais me le pardonner si jamais je venais à la perdre ? Cela ne voulait pas dire que mon opinion changeait, à savoir que je n’avais jamais voulu de ce baiser avec mon ancienne collègue de travail, mais je m’en voudrais certainement de ne pas avoir fait mieux pour arranger les choses, ou avoir fait plus, je n’en savais rien. Je ne voulais pas vraiment y penser pour l’instant. Tout ce que je voulais au plus profond de moi-même, c’était qu’April me pardonne, ou du moins, qu’elle songe ne serait-ce qu’un peu à me pardonner histoire qu’on puisse tenter de reconstruire cette relation que nous avions et dont, je l’admettais, ne pouvais pas me passer. Sans April, je m’en étais rendu compte ces derniers temps, je n’étais pas grand-chose. Une loque humaine qui n’avait pas de raison de vivre. April avait ce pouvoir sur moi; celui de déterminer si j’étais heureux ou non, et dans le cas présent, celui de déterminer si j’avais une chance de demeurer heureux à ses côtés ou bien de devenir ce qui ressemblerait potentiellement à une loque humaine. Au bout du compte, elle ne me dit pas si elle me croyait ou non, si elle me pardonnait ou pas; elle me demanda plutôt de la pardonner elle, se reprochant de s’être entêtée et avoir refusé de me croire avant aujourd’hui. Je demeurai légèrement surpris à son affirmation, parce que même s’il était vrai qu’elle ne m’avait pas crue jusqu’à maintenant, supposant même que j’étais avec cette fameuse femme lorsque j’étais arrivé à son appartement – ce qui avait eu pour effet de me vexer, quand même – je ne voulais pas nécessairement qu’elle s’en excuse, puisque j’avais compris bien rapidement que j’étais l’unique fautif dans toute cette histoire. Ce fut pourquoi je ne répondis pas dans un premier temps, légèrement choquée de ce revirement inattendu de situation. Je réagis seulement une fois qu’April eut déposé ses lèvres contre les miennes, Un frisson me parcourut l’échine à ce moment précis et me fit comprendre à quel point son contact m’avait manqué. Ce frisson devint encore plus intense lorsqu’elle me dit que finalement, elle croyait ce que je disais, et me demandait de lui pardonner. À court de mots, je me contentai de hocher positivement la tête, mais bien rapidement, je me rendis compte que ce n’était pas assez. Toutefois, je me refusais de dire quoi que ce soit sans y réfléchir, ou du moins, c’était mon intention jusqu’à l’instant où April me demanda si je voulais toujours d’elle. À cet instant, je me sentis particulièrement coupable, puisque je fus sitôt persuadé que c’était mon mutisme qui lui avait fait poser une telle question. Ne sachant pas lui répondre autrement, je posai une main sur son visage dans le but de l’attirer au mien pour l’embrasser avec tout l’amour que je pouvais mettre dans un seul baiser, me disant que si cela n’était pas suffisamment clair que je voulais toujours d’elle, alors je ne savais pas ce qui pourrait l’être dans cette situation. Malgré tout, histoire de ne laisser planer aucune confusion, je dis : « Bien sûr que je veux toujours de toi… Je ne suis rien sans toi April… Je suis misérable depuis que nous sommes en froid, j’ai besoin que tu sois à mes côtés… » Ému par ce qui se passait, je sentis une boule se former dans ma gorge, ce qui fit en sorte que je dus marquer une petite pause avant de lâcher : « Je te promets que plus jamais je ne te ferai de mal… »