2009 – New York City, NY, USA. « Lily … », la voix d’Alison Callaghan retentit dans la humble demeure qu’elle partage avec sa cadette, Juliette, et sa mère. L’interpelée, âgée de dix-huit ans, descend les escaliers rapidement afin d’arriver à la cuisine où Alison tenait une carte de souhait, assise sur la chaise dans la cuisine.
« Regarde ça.. C’est de papa… » Juliette fronce les sourcils et arrache la carte de souhait de sa sœur afin d’y jeter un coup d’œil.
« Joyeux Noël Lily et Aly.
Vous me manquez,
Albert. » Juliette et Alison échangent un regard irrité avant de déchirer la carte et de la mettre au recyclage.
« Il a pris la décision de nous quitter. » débute Juliette avec colère.
« Il nous a quitté, donc il n’a pas le droit de nous envoyer ce genre de trucs et penser que tout s’arrangera! Ce n’est pas une carte toutes les années qui va arranger les choses! », elle pousse un profond soupir.
« Il a décidé de nous quitter, alors il doit vivre avec les conséquences. » Alison considère sa sœur avant de hocher la tête positivement, en accord avec ces paroles.
« Maman ne doit pas savoir qu’il nous a envoyé cette carte », décide Alison.
Depuis le départ imprévu et, ma foi, abrupt de leur géniteur, les sœurs Callaghan font tout de leur possible afin de protéger leur mère, avec qui elles partagent un lien fort précieux. Ceci étant dit, on ne peut en dire autant quant à la relation qu’elles partagent avec leur père. Depuis son départ, elles ont coupées tout contact avec leur géniteur et ce sans regret… Malgré les efforts (qui furent vain) de leur mère.
« Tu crois qu’il a eu d’autres enfants avec cette pétasse briseuse de couples? », demande Alison d’un ton neutre qui la trahit. Juliette hausse les épaules avant de répondre, très sincèrement
« Je n’espère pas… » Et sinon quoi? Qu’allaient-elles faire si leur père possédait d’autres progénitures?
Rien. Mais les répercussions de leur silence s’avèreront plus destructrices que jamais.
2014 – New York City, NY, USA. Un dernier regard. Un dernier sourire. Une dernière fois.
C’était mutuel. Du moins, c’est ce que Juliette se dit afin d’alléger sa peine… Néanmoins, la blessure demeure présente, et l’absence de Sa présence pèse lourdement sur son être. Grâce à Lui, elle a su être qui elle a toujours voulu être. Un côté d’elle qui éclot. Grâce à Lui, elle a su contempler la beauté d’une ville pour laquelle elle éprouvait, jusqu’aujourd’hui, une profonde indifférence. Elle reconnaît l’excitation de se perdre dans les petits quartiers dans l’espoir de découvrir, à n’importe quel racoin, un endroit mignon où prendre le thé ou un café. Elle retombe amoureuse de Times Square et de ses lumières grâce aux étoiles qu’elle a vu briller dans Ses yeux et elle s’en souviendra toujours. Elle ressentira toujours cette béatitude, assise aux pieds d’un arbre dont ses feuilles, aux teintes orangées, tiennent difficilement sur ses branches. Grâce à Lui, elle voit les choses autrement. La ville se peint d’une myriade de couleurs, qu’elle ne possédait pas avant Son arrivée.
« Ça y est? », finit par prononcer Alison, accueillant sa cadette dans son humble demeure. Ses lèvres pincées, le regard attristé de Juliette se scelle à celui de sa sœur, cette dernière ouvrant les bras et accueillant sa cadette en une étreinte empathique.
[…]
« L’aimais-tu? », demande finalement Alison avant de prendre une gorgée de vin. Juliette observe sa coupe de vin, silencieuse. En toute sincérité, elle n’y a jamais pensé. Était-elle amoureuse de Louys, après ces deux mois? Qu’est-ce que l’amour, vraiment? Sourire jusqu’à en avoir mal aux joues… Avoir les papillons qui tourbillonnent dans le ventre quand on reçoit un appel de Sa part ou encore en Le voyant s’approcher. Se sentir en toute sécurité par Sa présence, par Sa main qui se glisse dans la sienne, par Ses doigts qui entrelacent les siens.. Et malgré le temps froid, cette main réchauffe la sienne. C’est de rire aux éclats jusqu’à en pleurer… C’est de pleurer jusqu’à en rire. C’est la colère qui ne dure que quelques heures, mais qui se termine par un regret. Juliette ne sait pas si elle était amoureuse de Louys… Une chose est certaine, cependant, elle éprouvait de profonds sentiments, qu’elle n’a jamais éprouvés pour un autre homme… Et son départ l’affecte grandement. Haussant les épaules en guise de réponse à la question de sa sœur, Juliette pose délicatement sa tête sur l’épaule d’Alison et ferme les yeux.
DEUX MOIS PLUS TARD – New York City, NY, USA.
Trois coups bruyants heurtent la porte de la salle de bain alors que Juliette lève le regard sur cette même porte close. De l’autre côté de la porte, elle sait que sa sœur l’attend… Qu’elle est inquiète. Elle sait qu’elle se pose milles et unes questions en ce qui concerne le temps, ma foi long, que prend Juliette dans la salle de bain. Pourtant, elle ne comprend rien!
« Lily, ça fait une éternité que tu es dans la salle de bain! », prononce enfin sa sœur, l’impatience pouvant clairement se distinguer à travers le ton de sa voix. Juliette se mordille la lèvre inférieure… Nerveuse, elle observe la porte avant de pousser un profond soupir.
« Merde.. », murmure-t-elle enfin avant de se lever du plancher au carrelage glacial.
« Dépêche-toiiii, bordeeeel! », s’exclame Alison.
Regarde. Juliette s’observe à travers le miroir de la salle de bain, une vague de nervosité lui traverse le corps.
Si tu ne regardes pas, tu n’auras pas l’esprit tranquille. Son cœur se met à battre à tout rompre! Ses doigts pianotent le comptoir de la salle de bain avec rapidité. Ses yeux se ferment alors qu’elle s’empare du bâtonnet blanc et ouvre enfin les yeux.
« JULI— », un silence s’installe dans l’appartement. La porte de la salle de bain s’ouvre. Alison cesse ses sautillements. Juliette, dont le regard embrouillé par les larmes, glisse une main au niveau de sa bouche. Lentement, elle s’assoit sur le canapé, le regard vide d’expression fixe un point invisible. Trois mots se répètent dans son esprit. Trois petits mots qui changent sa vie entièrement. Trois mots qui résonnent. Trois mots dont elle a de la difficulté à croire. Trois mots.
« Je suis enceinte.. » prononce-t-elle enfin, en un souffle. Les larmes glissent le long de ses joues alors qu’elle pose enfin le regard sur sa sœur. Perdue. Juliette est perdue. Les questions s’empilent les unes sur les autres dans sa tête au point que ce poids l’écrase de plus en plus, empêchant ses poumons d’accueillir l’oxygène correctement. Les mains tremblantes, elle camouffle son visage et tente de regagner son souffle en vain.
« Qu’est-ce que j’ai fait? » formule Juliette.
« Je crois que je n’ai pas besoin de t’expliquer comment on fait des bébés, Juliette… », rétorque enfin Alison dans une tentative d’alléger la situation… Malheureusement, cette tentative ne fut pas fructueuse.
« Mais, une chose est certaine » reprend l’aînée en glissant ses mains dans celles de sa sœur.
« Je suis là. Maman est là… Mais tu dois Le contacter. » Soudainement, Juliette considère sa sœur avec interrogation. Le contacter?! Et lui dire quoi exactement? « Salut, Louys! Ça fait deux mois qu’on ne s’est pas parlés, mais je tiens à te dire que tu vas être papa! SURPRIIIIIIIISE!!!! » … Non.
« Comment, Alison? Et lui dire quoi, surtout, hormis le fait que je porte son enfant? C’est facile de dire que je dois contacter le père, mais ce n’est certainement pas facile à faire! », elle se lève, marche sans but précis, mais la nervosité et la crainte sont clairement au rendez-vous.
« Et s’il ne se souvient pas de moi? Ou, pire! Imaginons qu’il répond, qu’il se souvient de moi… Et il ne veut absolument pas prendre ses responsabilités… Ou – », Alison s’avance vers sa cadette et lui tend le téléphone.
« J’ai fouillé dans tes contacts… Ça sonne. »Pas de réponse.
2015 – White Oak Station, AB, CANADA. « Comment va-t-il? » s’empresse de demander Maryann Callaghan.
« Très bien! Il n’a pas été bruyant dans l’avion… » « Il a mangé? » « Oui, oui! Un biberon et demi dans l’avion, et un biberon avant que tu appelles… » « Tu l’as changé? » « Oui… » « Et tu lui as fait prendre son bain? » « Oui, maman… » « Tu lui as mis sa crème? Il sent si bon avec cette crème, Juliette… » « Oui, je lui ai mis la crème.. » « Et là, il fait quoi? » « Là? Il est sortit prendre un verre avec ses amis, il a beaucoup d’amis… », un silence s’installe avant que Maryann Callaghan réalise que sa fille se moque d’elle.
« Juliette!! » « Il va bien, maman! Il dort maintenant… »« Je n’aime pas être loin de lui… Je vais tout manquer, tu sais! Son premier sourire, ses premiers rires, ses premiers mots… Ses premiers pas! » Juliette se mordille l’intérieure de la joue alors que son regard se pose tendrement sur son fils. Elle n’aime pas être loin de sa mère et de sa sœur… Pourtant, elle ne voit aucune autre solution : afin que Timéo puisse entretenir une relation saine avec son père, elle s’est vue obligée de plier bagages et de déménager à White Oak Station. Ceci étant dit, elle ne sait pas du tout comment elle va élever un nourrisson seule dans une ville qu’elle ne connaît pas…
« Je m’inquiète… Je sais que tu es une mère exceptionnelle, je t’ai vue avec Tim… Je m’inquiète pour toi, pour vous deux, parce que j’ai vue plusieurs situations de ce genre et j’ai peur que tu ressentes une profonde déception… » avoue enfin la matriarche. Dans un sens, Juliette avoue que sa mère n’a pas tort. Elle-même ressent une profonde nervosité et une inquiétude. Mais quelle que soit la conclusion, elle n’est pas effrayée pour son avenir avec son fils.
« Enfin! Dis-moi.. il fait comment en Alberta? », demande finalement Maryann dans une tentative de changer de sujet.
« Vous êtes bien installés? » « Il fait un peu froid, je dois t’avouer! Mais bon, on est bien installés. Merci pour l’appartement, d’ailleurs, il est génial! » s’exclâme la blondinette en jetant un regard sur le feu crépitant dans le foyer.
« Je te laisse, ma chérie. Je te rappelle demain. Embrasse Tim pour moi et ta sœur! » Elle raccroche.
Déposant son portable à côté d’elle, Juliette baisse le regard sur son fils, bien paisible dans l’univers du rêve. Un soupir émane d’entre ses lèvres avant de murmurer
« Ce n’est que toi et moi, Tim… » Elle ne sait pas comment elle va y arriver… Mais elle y arrivera.
To be continued ...