i hope we're still friends

j'espère que nous sommes toujours amis. je ne supporterais pas de te perdre.

Je frappe, tout doucement, à la porte de cette maison que je connais trop bien à présent. Cette fois-ci, je sais que Lucas est bien là, car je lui ai envoyé un message avant de venir. Mais il n'empêche que je ne veux pas reproduire la bourde de la dernière fois, lorsque j'ai toqué de toutes mes forces et que mon poing est venu s'écraser contre le torse de Francis - que je suis loin d'apprécier. J'étais venue pour avoir la discussion avec Lucas, et j'étais finalement tombé sur son colocataire ; ou comment ruiner une journée qui n'était déjà pas bien partie. À la sortie, Lucas est venu me rendre visite dans ma maison, pour qu'on parle de tout ça. On a donc eu la vraie discussion de rupture, avec les Il vaut mieux qu'on reste amis, Ce n'est pas contre toi, c'est moi de rigueur dans ces moments-là. Je n'ai pas pleuré. Je ne pouvais pas pleurer, alors qu'il était si gentil avec moi. C'était une rupture complètement différente de toutes celles que j'avais connu jusque là - et je l'en remercie pour ça.

Je me suis débrouillée, encore une fois, pour faire garder Malia. J'ai envie, pour cette après-midi encore, que l'on ne soit que lui et moi. Je veux lui parler, encore. M'assurer que nous resterons réellement amis. Que ce n'était pas des paroles en l'air, la dernière fois que nous nous sommes vus. La porte d'entrée finit par s'ouvrir, sur un grand blond bouclé. Je souris, presque timidement. Je ne sais pas comment agir. Avant, quand je le voyais, je l'embrassais. Et quand il est venu chez moi, nous nous sommes contentés d'un hochement de tête gênant. Mais là, aujourd'hui ? Je ne sais pas. Je plonge mon regard dans le sien, beaucoup plus haut, et murmure un faible « Coucou. » J'ai l'impression qu'il a changé. Qu'il est moins insouciant, moins rieur. Peut-être que c'est simplement l'illusion que j'ai en le voyant, parce qu'il n'est plus mon Lucas. J'ai et j'aurais toujours, pourtant, une petite partie de lui en moi. Tout comme il possède une petite partie de moi, de la même façon qu'un petit bout de moi appartient à chaque relation amoureuse ou chaque ami proche que j'ai pu avoir. J'ai le sentiment, pourtant, qu'il m'a pris beaucoup plus que tous mes petits amis passés. Que je suis plus à lui, qu'à n'importe qui d'autre. Et c'est pour ça que je ne veux pas le perdre, que je ne veux pas perdre son sourire, son rire, sa présence. Car s'il s'en allait, il me déchirerait. Je veux le retrouver, je veux retrouver cette étincelle dans son regard, qui suffit à me faire oublier tous mes soucis. Je l'observe de haut en bas, et je me rappelle que nous avions l'habitude de partager nos lèvres, nos souffles, notre corps, nos lits. « Oh et puis » Sans réfléchir davantage, je me jette contre lui et entoure son corps de mes bras, ma joue venant s'écraser sur son torse. Je profite de sa présence chaleureuse et réconfortante qui m'avait tant manqué. Je reste comme ça quelques secondes, peut-être une minute entière, avant de relever la tête. Je finis par lancer, avec beaucoup plus d'assurance cette fois si « Bonjour! », offrant à Lucas un vrai et grand sourire.

Lucas m'entraîne dans sa maison alors que je suis encore accrochée à lui, et mes soucis s'envolent momentanément quand il me dit qu'il est content de me voir. Je suis rassurée et l'espace d'un instant s'entrevoit la perspective d'un après-midi paisible, joyeux, sans accroche. Je quitte la chaleur de son corps lorsqu'il me demande si je veux boire quelque chose. Je hoche la tête avant de répondre. « Je sais bien, en effet! » Je souris presque tristement, tout en suivant le bouclé jusque dans la cuisine. Je connais le chemin par cœur, tout comme je connais le rangement de la vaisselle ou bien des aliments. On a le temps de s'habituer à une maison, en quatre mois. « Peut-être un peu d'eau avec du sirop, si tu as. » Je m'approche de la fenêtre et regarde machinalement à l'extérieur. « S'il-te-plaît », j'ajoute alors, distraite. J'entends l'eau couler du robinet, sur le côté, mais je n'y prête pas attention. Mon esprit est reparti sur une autre planète ; comme souvent ces derniers temps, surtout lorsque l'on m'interroge à propos de Lucas. Vraiment ? Hm, quoi ? Je tourne la tête précipitamment dans la direction du blond, sa question me ramenant à la réalité. Les deux pieds bien sur terre, en face de mon ex-petit ami et j'espère futur toujours-ami. « Je, oui, ça va bien. » Vraiment ? « Le boulot se stagne à la boutique, d'autant plus que j'ai de l'aide de Charlotte, maintenant. » J'attrape le verre qu'il me tend, et avale quelques gorgées. Je finis par relever mon regard vers Lucas, sachant pertinemment que ce n'est pas la réponse qu'il attend. « Je vais bien. Réellement. J'arrive à dormir, tout ça. » Mon regard s'assombrit, et j'ajoute « Mais en toute honnêteté, je me sens vide. » Voilà, c'est dit. Je n'ai aucun mal à être franche, je ne me retiens pas par politesse. Une des nombreuses raisons pour lesquelles on pouvait me qualifier de bizarre, au lycée. Il voulait savoir comment j'allais vraiment, il le sait à présent. Et à vrai dire, tant pis s'il voulait une réponse pour le déculpabiliser. « Et toi ? » Je me risque à lui retourner la question, ne sachant trop ce que j'ai envie d'entendre. Qu'il va parfaitement bien, qu'il se sent si bien avec Mila avec qui il file le parfait amour ? Je serais forcément... troublée, pour ne pas dire jalouse, mais est-ce que je préférerais entendre qu'il ne va pas bien ? Je ne pense pas. Au moins, s'il est heureux avec elle, il ne m'aura pas quitté pour rien. Et puis, Mila est une fille gentille, même si elle ne m'appréciait pas à nos débuts. Je ne peux que la comprendre, et je ne peux même pas la blâmer.
Mais quand même. Ça fait mal.

Je souris quand Lucas s'embrouille avec ce qu'il dit. « Non, c'est bien fraise » je le rassure. Ou framboise. Même si ce sirop est plutôt réservé aux après-midis en compagnie de Charlotte. « Pêche, c'est pour la limonade » j'ajoute en souriant faiblement. J'attrape le verre qu'il me tend et avale quelques gorgées, fixant ma boisson comme si elle allait me donner le courage de poser la question pour laquelle je suis venue. Je pince les lèvres, tandis que Lucas reprends la parole. « Super super » je réponds, visiblement gênée, tentant pourtant de paraître nonchalante. Il est certain que Lucas ne me dit pas tout, puisqu'il ne mentionne Mila a aucun moment. C'est probablement par respect, ou pour ne pas que j'explose en sanglot devant lui. Je soupire discrètement et lève le regard vers le bouclé. J'esquisse ce qui s'apparente à un sourire, même s'il ne doit pas être très convainquant. Je ne suis même pas complètement satisfaite de la réponse qu'il m'a donné. Je pensais être heureuse pour lui s'il allait bien, mais ce n'est pas le cas. Est-ce qu'égoïstement, je me serais sentie mieux s'il m'avait avoué qu'il n'allait pas bien ? Probablement. Inconsciemment, je me serais certainement dit que c'est parce qu'il n'est plus avec moi. J'ajoute alors, mentant à moitié « Je suis contente pour toi. » Contente qu'il ait terminé son stage, qu'il est bientôt fini son année, qu'il aille bien... Contente n'est bien sûr pas le mot, mais je me dois de le dire par politesse ; par respect, aussi. Chacun son tour. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que cette année, j'aurais aimé qu'il la passe avec moi ; mais je ne peux pas le blâmer pour autant. En plus du fait que je suis mère d'un bébé de quatre mois, je n'ai que vingt-et-un ans et je travaille déjà. Mila, elle, est dans la même université que lui. Lucas n'aura plus besoin de marcher un quart d'heure pour me retrouver le midi, puisque sa copine sera déjà là. Je me mords la lèvre intérieure, réalisant avec stupeur la réalité : nous ne sommes plus en couple ensemble, et lui l'est avec une autre fille. Sa colocataire. Je ne peux même pas en vouloir à Mila ; c'est certainement moi qui, quatre mois plus tôt, lui ai volé son amoureux. « Oui, vide » je finis par dire, lasse. « Comme s'il me manquait quelque chose... quelqu'un. » Je me rends compte que ce n'est pas très judicieux d'avoir dit ça, que ça le fera sûrement culpabiliser davantage, mais cela ne sert à rien non plus que je lui mente à ce sujet. Si je suis venue pour discuter, c'est aussi pour que tout soit clair entre nous. « Enfin, ça va finir par passer » j'ajoute, ne croyant pas vraiment ce que je dis. La dernière fois que je me suis sentie de cette façon, c'est après qu'Augustin m'ait abandonné, la première fois. Je suis restée neuf mois avec ce trou dans la poitrine, qu'il n'a pas complètement réussi à combler en revenant du front. Celui qui a effacé cette sensation n'est autre que Lucas. Alors, cette fois, qui sera celui qui me repêchera ? Et quand ?

« Merci » je conclue, quand il me dit qu'il est là pour moi, si je veux me changer les idées ou quoi que ce soit. En effet, il n'est peut-être pas la bonne personne pour me faire penser à autre chose qu'à lui - logique, me direz vous. Je suis néanmoins rassurée qu'il dise ça, car cela montre qu'il ne veut pas totalement couper les ponts. Je prends une grande inspiration ainsi que mon courage à deux mains, et finis par poser la fameuse question. « On reste amis, hein ? » J'ai l'impression de sonner comme une fille de quatorze ans, mais je m'en moque. Je ne veux surtout pas perdre Lucas, et encore moins son amitié. « Je veux dire, » je rajoute pour me rattraper un peu et m'expliquer davantage, « on se parlera toujours ? On se verra toujours ? » Je suis consciente d'avoir l'air en détresse. J'ai le sentiment que là, tout de suite, mon avenir et ma stabilité future dépendent d'une seule chose : la réponse de Lucas à ces questions. J'espère, bien sûr, que celle-ci sera positive.
Je plonge mon regard dans celui de Lucas, et mes lèvres s'étirent en un sourire encourageant.