Mila and Lucas

Tonight, I need to be alone, or maybe with you.

En Avril, ne te découvres pas d'un fil. Le poisson d'Avril. Les cloches. Les chocolats de Pâques. Les vacances. Le printemps. Le signe astrologique Bélier. Voilà à quoi pense une personne normale quand on lui parle du mois d'Avril, sondage réalisé par mes soins je vous l'accorde, mais je ne pense pas être loin de la vérité. Pour moi c'est totalement autre chose. Déjà, dans ma tête, le mois d'Avril se résume au 15, le 15 Avril. C'est le jour où ma vie a basculé, le jour où j'ai appris que j'allais perdre mon père, père qui est décédé le 28 du même mois. Comment aborder sereinement le mois d'Avril avec toutes ses pensées morbides en tête ? Cette année ça fera sept ans qu'il nous a quitté. Je suis censé avoir fait mon deuil je sais, je suis adulte, je sais aussi, mais ça ne change rien à ma douleur quand on entame ce mois maudit. Je pourrais bloquer sur un jour en particulier, sur une situation qui me rappelle mon père, sur tout autre chose, mais ce qui me fait réagir c'est le mois. Je n'y peux rien, c'est plus fort que moi. J'ai beau vouloir faire abstraction, il n'y a pas une année où je passe à coté : je pense à lui tout le mois. Alors oui je continue à me changer les idées, à profiter de la vie comme je le fais pendant le reste de l'année, à faire des blagues et à faire l'idiot, mais il est là, avec moi. La journée, je le cache comme je peux, ne voulant pas subir mille et une question de mes amis et colocataires. On vit ensemble, je peux difficilement éviter la question s'ils se rendent compte que je vais mal.Je sais qu'ils seraient tous là pour moi mais je n'ai pas envie d'être au centre des discussions et de les voir à longueur de journée compatissants, à me demander si ça va. Ils sont tellement adorables qu'ils feraient tout pour moi, comme je ferai tout pour n'importe lequel d'entre eux, mais je ne veux pas le montrer, je garde ça enfoui en moi. Mais la nuit, c'est tout autre chose. Je mets déjà un bon moment avant de rejoindre les bras de Morphée, et quand enfin j'y arrive, cette tendre accolade ne dure que très peu. Que ça soit des rêves de lui, que des cauchemars, il est là et moi je ne dors plus.

Cette nuit me manque pas à l'appel. Il est 3h04 du matin précisément quand j'ouvre les yeux, en sursaut. Je ne me rappelle déjà plus du rêve que je faisais l'instant précédent mais je sens comme un tourbillon me retourner le ventre et me marteler la tête. Impossible de me rendormir. Etant aussi hyperactif le jour que la nuit, et ne supportant pas de rester allongé sans rien faire, je me décide à me lever, essayant tant bien que mal de ne réveiller personne. Mes pas me dirigent tout droit vers la cuisine, j'ouvre le frigo pour attraper une bouteille d'eau avant de me rendre compte que la lumière de la chambre de Mila semble allumer. Les filles ont les chambres qui donnent sur la cuisine, tandis que Francis et moi même avons les chambres au fond du couloir, ça c'est décidé comme ça. Pensant que la jeune fille s'est simplement endormie en laissant sa lumière allumée, je prends l'initiative d'ouvrir la porte pour éteindre cette dernière. Et oh, on paye à cinq l'électricité ! Alors que je pensais la trouver affalée sur son bureau, endormie sur ses croquis, je trouve ma chère colocataire, un pinceau à la main, en train de repeindre son mur. Je ne sais pas lequel de nous est le plus surpris, mais ça doit être comparable. Il n'y a vraiment qu'elle pour faire quelque chose comme ça. Ne voulant pas réveiller les autres, je referme derrière moi avant de lui lancer " Qu'est ce tu fous Picasso ? T'as que ça à faire à 3h du mat' ? "

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Tonight, I need to be alone, or maybe with you.

C'est aussi en ça que cette coloc me fait du bien. On ne s'ennuie jamais, on n'a jamais le temps de s'attarder sur nos petits problèmes, il y en a toujours un pour nous changer les idées et pour remettre un peu de joie de vivre dans ce monde. Sur cinq, il y en a toujours au moins un de bonne humeur, au moins un qui a envie de rigoler et qui ne laisse pas vraiment le choix aux autres de faire la gueule. Plus qu'une bande de potes, une vraie deuxième famille, sur qui je peux toujours compter. Et comme dans toutes les familles, il y a ds réactions que l'on ne comprend pas, comme la passion du petit frère pour les maquettes en allumette ou celle de la grande soeur pour les avions en papier. On ne comprend pas mais on accepte. Dans notre coloc, les passions sont bizarres, à l'instar de notre chère Mila qui peint des montagnes sur le mur de sa chambre à trois heures du mat. Je l'adore cette fille, à un point inimaginable, comme une soeur, ou comme une meilleure amie, ou comme une ame soeur, je ne sais pas vraiment  à vrai dire mais je l'adore. Oui je l'adore mais comment comprendre sa passion ? Se lever en pleine nuit pour manger, ok, c'est une de mes passions. Se lever pour chanter, à la limite, pour se changer les idées. Mais se lever pour peindre des montagnes. Je ne comprends pas. Mais j'ai l'habitude, et à force ça me fait plus rire qu'autre chose. Alors que j'emmerge à moitié, du moins que mes yeux commencent à peine à s'habituer à la lumière de sa chambre, je fais l'effort de regarder avec plus d'attention son oeuvre, tout en répondant à sa petite question " Euh.. Ouais, une partie de chasse c'est ça, même si je ne sais pas trop ce que je chassais ce soir " car d'habitude je "chasse " évidemment dans le frigo mais cette nuit, mon estomac n'était pas la raison de ma balade nocturne. Je vais surement finir par lui expliquer, une fois que mademoiselle aura fini de me faire une étude détaillée de sa fresque. Des montagnes... Moi jaloux des montagnes peintes sur son mur ? Faut pas rêver non plus. Je les lui laisse ses montagnes, même si je dois quand même avouer qu'elle est douée la petite. Je m'approche alors du mur, comme si j'allais inspecter dans le moindre détail cette peinture avant de décider si elle vallait le coup ou pas. Comme si moi j'avais l'oeil d'un artiste. Je garde mon air sérieux le plus longtemps possible, pour la laisser rentrer inconsciemment dans mon petit jeu. " Mmh, ça m'a l'air pas mal.. Mais il manque un truc je trouve.. " Je laisse ce moment du suspens durer un peu. Connaissant par coeur Mila, je sais qu'elle est déjà en train de se torturer l'esprit pour savoir ce qui cloche sur sa peinture. Une couleur qui ne va pas, de la neige en trop ou en moins, un problème de perspective, etc etc. Je finis par poser ma main sur le mur, à un endroit encore vierge de peinture bien sur, et lui lance " Là ! Ma tête ! Il manque ma tête sur ce mur pour qu'il soit parfait ! " en lui tirant la langue. Comment ce mur pouvait il etre parfait sans qu'il y ait ma présence dessus ? Impossible. Je laisse un rire m'échapper avant de me jeter allègrement sur son lit, allongé sur le ventre, tout en regardant la jeune fille. " Tires pas cette tête ! Si on oublie le fait que c'est encore des montagnes.. Bien sur qu'elles sont belles ! "  C'est bon , je l'ai rassuré ? Ah ces filles je vous jure, toujours besoin de notre avis d'expert masculin. Je reste posé sur son lit, regardant tantot son mur, tantot le reste de la chambre dans un état assez impressionnant pour une chambre de filles, surtout à trois heures du mat. Elle m'impressionnera toujours.

Mila and Lucas

Tonight, I need to be alone, or maybe with you.

Comme prévu, la réaction de Mila ne se fait pas attendre. D'abord curieuse de savoir ce que je pouvais bien trouver à son dessin, puis impatiente d'avoir la réponse, et enfin surprise, un brin vexée de s'être encore fait avoir par mes idioties, comme le prouve son très sincère " Maaaaais ". Il sortait du coeur celui là. Je ris en voyant sa réaction, satisfait que mon coup ait marché une fois de plus. Pour certains, la victoire est le fait de réussir ses études, ou bien d'avoir la fille que l'on souhaite dans son lit, mais pour moi c'est réussir à faire marcher mes colocataires dans mes blagues toutes plus enfantines les unes que les autres. Mais ils m'aiment comme ça non ? Ils se supportent comme ça en tout cas. Je lui réponds alors " Je savais que tu comprendrai ! Avoue que ça manque un peu d'homme sur ce mur " Je souris tout en m'allongeant donc sur son lit, avec toute la nonchalance dont je sais faire preuve. Comme si le contact avec le matelas m'avait fait changer de monde, je me remets instinctivement à penser à la raison de mon insomnie : mon père. Je semble scruter la chambre de Mila alors qu'en fait mon regard est perdu dans le vide, mon cerveau bien trop occupé à penser à mon père pour pouvoir s'attarder sur l'état de sa chambre. Je ne sais pas combien de temps j'ai rêver les yeux ouverts comme ça, c'est comme si j'étais parti dans un autre monde, dans ma bulle. Bulle que vient éclater Mila avec ses paroles, me demandant ce qu'il se passe. Je ne peux m'empêcher de sourire à sa remarque. Je suis vraiment considéré comme un ventre sur pattes dans cette maison, c'est assez impressionnant. Le rigolo qui mange. Pas mal comme palmarès non ? Tentant d'abord d'éviter ses questions avec l'humour, je réponds " Si on n'a même plus le droit de se mettre au régime " Evidemment, ce n'est pas très convaincant. déjà parce que je ne pense pas avoir besoin d'un régime et puis par le ton que j'ai employé, Mila a bien du comprendre que moi même je n'y croyais pas. Son regard me fait d'ailleurs comprendre qu'il va falloir que je m'explique, qu'elle ne se contentera pas d'aussi peu. Après tout, ça me fera peut-être du bien de parler non ? Surtout à elle. Enfin à quelqu'un de la coloc, quelqu'un qui me comprenne et m'écoute sans me juger. On s'est tous u dans tellement de situation improbable que je pense qu'aucun de nous n'osera en juger un autre, c'est pas du tout la politique de la maison comme on dit. Je me retourne donc sur le dos, attrapant un cousin que je mets sous ma tête, les yeux perdus au plafond. Enfin, des mots daignent sortir de ma bouche " Je pensais à mon père.. Ca va faire sept ans. Déjà sept ans. " Voilà, le contexte elle l'a, elle sait de quoi il s'agit maintenant. Je reprends ensuite " Du coup je pense à des milliers de choses, je dors pas, et je finis par rencontrer Picasso dans la chambre en dessous.." finissant ma phrase par un petit sourire, essayant de masquer ma tristesse comme je peux. Je n'aime pas montrer ce que je ressens, même si c'est avec des gens sur qui je peux compter. Je préfère montrer mon coté clown, c'est plus facile à assumer.

Mila & Lucas

maybe i'm wasting my young years

        C'est idiot. Son histoire de régime, hein. Parce qu'on se lève pas la nuit pour aller dans la cuisine et se rappeler qu'on fait un régime. Et puis on fait pas un régime quand on a un corps comme Lucas. Lui-même n'a pas l'air convaincu, d'ailleurs. Je retiens un soupir et me contente de baisser légèrement la tête pour lui faire comprendre que je ne le croyais qu'à moitié, et seulement à moitié parce que je l'aime bien et que je veux pas le blesser. Mais je suis d'une nature curieuse, et j'aime bien tout savoir, quand ça va comme quand ça va pas. Parce que j'ai beau chercher, au plus profond de ma mémoire, je ne trouve pas. Récemment, il ne s'est rien passé, il me semble. Le seul événement qui me vient à l'esprit c'est la pénurie de jus d'orange pour le goûter d'avant-hier, on voit où sont mes priorités. Le garçon adopte une position plus confortable, sur le dos, et je suis son exemple en m'asseyant en tailleur, attendant à ce qu'il prenne la parole.
         « Je pensais à mon père... Ça va faire sept ans. Déjà sept ans. Du coup je pense à des milliers de choses, je dors pas, et je finis par rencontrer Picasso dans la chambre en dessous... » J'avais oublié. Comment j'ai pu oublier ? Je suis une amie ingrate. Ou le temps passe trop vite et je ne m'en suis pas rendu compte. Je pince les lèvres et fronce les sourcils, autant inquiète que compatissante. J'ignore ce que ça fait de perdre un parent proche, à part ma grand-mère maternelle je n'ai jamais vraiment connu quelqu'un qui est mort. Tous le monde dit qu'avec le temps, la douleur s'apaise. Je n'en suis pas convaincue, et encore moins en voyant Lucas. Et dire que je suis désolée ne servira à rien, ça n'arrangera pas les choses et mon meilleur ami sait déjà que je suis là pour lui s'il a besoin.
         J'hésite un instant avant de prendre sa main dans la mienne, poussant nos regards à se rencontrer. Et je réfléchis brièvement, certainement trop brièvement, avant d'essayer les paroles rassurantes / réconfortantes que toute grande prêtresse  se doit de dire dans ces moments là. « Raconte moi un bon souvenir que tu as de lui. Ou si tu ne veux pas en parler, autre chose genre... La première fois que tu as fais une lessive, ou que tu as fais des pâtes ou je sais pas. Raconte moi une histoire ! » Je commande avec un sourire. Âge mental ? Cinq ans. Et demi. Je crois que le but premier de l'exercice, c'est de le faire parler et extérioriser ses sentiments, et éventuellement le fatiguer assez pour qu'il dorme. Mais que aussi, j'aime bien quand il parle. C'est assez reposant, je trouve : sa voix ou son ton, ou les deux.
        

Code by Silver Lungs

Spoiler:

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Le problème c'était bel et bien mon père, et même si je n'ai pas une envie folle d'en parler et de m'étaler sur ma vie, surtout sur mes problèmes, ça va me faire du bien au fond. Surtout avec Mila. Je sais qu'elle aura toujours le mot pour me faire sourire et me faire penser à autre chose. Je suis complice avec tous dans cette maison mais Mila c'est particulier, il y a toujours eu ce petit truc en plus qui fait que je ne la considère pas vraiment comme Apo ou Daphné, bien que je les adore toutes les deux. Je viens donc de lui cracher le morceau, de lui dire le fond du problème. Mon regard toujours perché au plafond, je préfère éviter de croiser le sien de suite. Je ne sais pas sur quoi je vais tomber. Un regard compatissant, un regard touché, un regard tendre. Et je ne sais pas non plus comment je pourrais y réagir alors j'évite, et j'attends sa réponse. Mais c'est sa main qui arrive avant ses paroles, sa main posée dans la mienne. Je suis alors obligé de la regarder, instinctivement en fait. Nos regards se croisent, un petit sourire s'échappe de nos lèvres. Elle a toujours ce regard brillant, ces yeux qui pétillent à toutes heures du jour et de la nuit. C'est aussi ça que j'aime chez elle. Et là, encore une fois, elle me surprend. Alors que je m'attendais à une réaction compatissante, elle me demande de lui parler de mon père, ou même, si je n'en ai pas envie, de lui parler de n'importe quoi. Elle essaye de me changer les idées à sa manière, c'est mignon. Même si je me doute que les pattes n'étaient qu'un exemple, je la prends au mot et réponds " La première fois que j'ai fait des pattes ? J'ai mis les pattes dans la casserole avant l'eau.. " Un petit moment de silence, un air étonné sur son visage avant qu'elle se mette à rire " Mais ! Arrêtes c'est vrai en plus ! " Et oui, j'avais bel et bien commencé ma courte carrière de cuistot ainsi. Elle a réussi à me faire sourire, voir même rire, elle est incroyable. Je l'attire ensuite contre moi, en gardant sa main dans la mienne. Sa tête vient se poser sur moi, et alors qu'un petit silence commençait à s'installer, silence penseur en fait, je reprends " Tous les samedis aprem quand j'étais gosse, il me faisait sortir en douce de ma chambre quand ma mère voulait que j'fasse mes devoirs et on allait passer une heure sur le terrain de basket. Et quand on revenait, il m'aidait à les finir pour qu'elle croit vraiment que j'avais bosser pendant deux heures. J'ai jamais su si elle y croyait ou si elle faisait semblant d'y croire pour me faire plaisir, mais j'en garde de supers souvenirs.. "  J'avais besoin d'en parler, besoin de me rappeler ses souvenirs et de les partager. Mon sens de l'humour me força à sortir la petite histoire des pattes, mais la nostalgie est vite revenue à la surface. Un moment de tendresse et de complicité à trois heures du mat, sur un lit en plein milieu d'une chambre qui arbore fièrement des montagnes sur ses murs. C'est tout nous.

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Mila and Lucas

Tonight, I need to be alone, or maybe with you.

Oui bon je n'ai jamais été doué pour la cuisine, elle a du s'en rendre compte non ? Elle ne se doutait peut-être pas que j'avais débuté ainsi et pourtant c'était bien le cas et aussi bien loin d'être la pire de mes anecdotes de cordon bleu en herbe. Les nuggets encore dans la boite au micro onde ? Les pates à la confiture de fraise ? Le riz à cuite sans eau ? Vous en voulez d'autres ? Non parce que j'en ai une bonne poignée des comme ça. J'aurai du les écrire au fur et à mesure dans un livre. Et encore celle là c'était en étant sobre. Alors je vous laisse imaginer tout ce qui a bien pu se passer dans le micro onde ou dans la casserole à 6h du mat après une soirée bien arrosée. Après ma petite histoire drôle, je commence donc à raconter mon histoire bien plus sérieuse, bien plus nostalgique et tout ce qui s'en suit. Mila, toujours aussi mal à l'aise avec les sentiments, me répond à ça en prenant un faux air offusqué et me réprimande comme pouvait le faire ma mère de temps en temps. Je lui lâche un petit sourire avant de réagir " T'as pas trop crédible en mère Fouettarde " Père fouettard, mère fouettarde non ? Elle comprendra de toute façon ! Après ma petite histoire, elle remarque une tâche de peinture sur mon tee shirt. Rien de bien grave avec ce tee shirt, le fidèle tee shirt qui me sert pour dormir. Il en a vu tellement celui là aussi, il n'est pas à une tache de peinture prêt. Mais là voilà qu'elle s'excuse, sans paroles, juste par les gestes. J'hoche la tête négativement et répond simplement " C'est rien, t'inquiètes " Malgré ça, elle se lève quand même pour enlever sa salopette, se retrouvant ainsi en short et débardeur, sa tenue pour dormir. Mais au lieu de revenir se mettre contre moi, elle s'assoit en tailleur au fond du lit. Je ne peux qu'avouer que je suis déçu qu'elle s'éloigne encore de moi. Depuis notre rapprochement c'est comme si elle m'évitait, ce que j'ai du mal à supporter. On est toujours très proche mais on l'était encore plus avant. Là c'est comme si une barrière c'était installée entre nous, une barrière qu'il y avait au début et j'avais réussi à ouvrir. Mais qu'elle m'a claqué au nez depuis notre baiser. Je lui rétorque alors " Non. Enfin j'sais pas, j'suis fatigué, j'ai pas trop d'idées là " Je suis surtout vexé par ta réaction mais ça je ne te le dirais pas et je vais te faire croire que je suis fatigué. " Je vais m'en fumer une, je reviens après " Je me lève donc du lit, l'embrassant sur le front au passage pour effacer tout doute dans sa tête et m'éclipse de la chambre avant qu'elle ne puisse faire un quelconque commentaire sur la cigarette. J'attrape donc le paquet qui traine sur la table du salon, il y en a toujours un, je ne suis pas le seul à fumer ici. Me dirigeant dans la pénombre de l'appartement,j'atteins la baie vitrée et m'assoit sur le bord de la terrasse en allumant ma cigarette. De l'air, ça fait du bien.

Mila and Lucas

Tonight, I need to be alone, or maybe with you.

Seul. Voilà comment je suis et comment je me sens à cet instant précis. Assis sur le rebord de la terrasse, ma cigarette en bouche, les yeux perdus dans les étoiles, à la recherche peut-être d'un quelconque signe de soutien de qui que ce soit. Je crois que je prendrai n'importe quoi comme soutien à ce moment précis. Mais tout ce que je reçois c'est le passage rapide d'un mulot sauvage à quelques mètres de moi, avant de retourner s'enfouir sans les arbres. Enfin un mulot, je suppose que c'est un mulot. Il n'y a que ça qui passe dans le coin de toute façon. C'est vrai que la maison est bien, calme, grande, bien aménagée, mais qu'est ce qu'elle est perdue dans même. Au fin fond de coutryside, avec le plus proche voisin à un bon kilomètre et encore je me demande s'il est en vie celui là. Je me retrouve donc bien seul, dans tous les sens que ce mot peut avoir. Sans voisinage, sans père, sans amie peintre pour me tenir compagnie. Mila était pourtant celle dont j'étais le plus proche, celle avec qui je me sentais le plus à l'aise. Mais depuis ce fameux baiser, c'est comme si un mur c'était construit entre nous. On continue à faire plus ou moins comme avant pour ne pas avoir à assumer que celà a changé mais on le sait tous les deux. Si j'avais su, je ne l'aurais jamais embrassé, du moins je n'aurais jamais prolongé le baiser qu'elle m'a donné. Et rien n'aurait changé. Mais là elle semble m'éviter, me parler de tout et n'importe quoi pour juste contourner ce sujet. J'ai besoin de comprendre moi, mais ce besoin n'a pas l'air partagé. Est-ce qu'elle a peur de ma réaction ? Peur qu'elle soit positive ou négative d'ailleurs ? Peur de tomber face à un mur alors qu'elle a des sentiments ou peur de tomber face à un mec qui l'aime alors que ce n'est pas réciproque ? Vous voyez, c'est le flou total dans ma tête, je ne sais absolument pas quoi en penser. Et c'est ce moment là que la jeune fille choisit pour refaire son apparition. Le seul truc qu'elle trouve à me dire c'est que la clope c'est mal. Je sais merci, mais au moins la clope elle est là. J'aurais peut-être du lui dire ça en fait, mais sur le moment je n'ai même pas envie de répondre. Je reste figé, tirant une nouvelle taf sur ma cigarette, ne prêtant pas attention à sa présence. Elle finit par se rapprocher et après avoir eu un moment d'hésitation , elle lance qu'elle vient juste me dire bonne nuit. Ca m'aurait étonné tiens. J'aurais pourtant tellement aimé qu'elle vienne crever l'abcès, qu'elle vienne enfin aborder le sujet qui dérange, ou au moins qu'elle me demande des explications. Mais là rien. Elle doit très bien savoir ce qu'il y a et du coup elle évite encore une fois d'en parler. Et après on parle de la fierté masculine ? Pour en revenir à son " bonne nuit ", comme si j'allais me rendormir. Il est maintenant 3h30 je pense, je dois me lever dans 3h pour aller en cours, je n'ai même pas envie de me recoucher. Et puis je ne dormirai surement pas de toute façon. Trop de choses en tête. Je lève donc le regard vers elle, jusqu'à croiser le sien, le discernant à peine dans la pénombre, éclairée juste par les étoiles. " Ouais, dors bien, toi. " Je discerne malgré tout son changement d'expression, elle semble surprise de ma réponse. Je reprends alors " J'vais rester là je pense, j'ai plus franchement sommeil. Déjà que c'était pas ça avant alors bon.. " Il ne faut pas oublier que si déjà je l'ai croisé ce soir c'est que j'étais en pleine insomnie. Alors maintenant, en étant encore plus perturbé qu'il y a une demi heure, comment voulez vous que je me rendorme ? Je dormirai pendant mon stage aujourd'hui, de toute façon je n'ai que ça a y faire.

Mila and Lucas

Tonight, I need to be alone, or maybe with you.

Je ne demandais pourtant pas grand chose, juste un signe de sa part, un mot de réconfort, une présence tendre comme elle pouvait le faire avant mais c'était déjà trop lui demandé apparemment. La seule chose qu'elle trouve à me dire c'est de ne pas vider le frigo cette nuit. Elle essaye de faire de l'humour ? Elle ne veut pas comprendre qu'à certains moments il faut aussi savoir prendre les gens au sérieux ? Je ne viens pas de lui parler du dernier paquet de céréales que j'ai fini, je viens de lui parler de mon père décédé et pourtant elle a exactement la même réaction. Je ne prends pas la peine de lui répondre, la laissant seule dans son monde, fuyant comme toujours le face à face. Et moi je reste là, assis sur la terrasse, dans la pénombre de la nuit avec pour seul éclairage la petite étincelle que fait ma cigarette à chaque fois que je tire dessus. Mes pensées se retournent inévitablement vers mon père. Qu'est ce que j'aurai aimé qu'il soit encore là. Je donnerai tout pour le faire revenir, pour retrouver cet homme, ce modèle, qui était toujours là pour moi et pour me comprendre, lui. Mes pensées divaguent entre ce dernier et Mila, les deux me hantent. Je ne sens même plus ma fatigue à vrai dire, trop tiraillé entre le manque d'un père et la haine que j'ai à ce moment précis contre Mila, haine assez incompréhensible quand on sait à quel point je tiens à elle. Et puis la voilà qu'elle revient. Je ne sais pas combien de temps après mais je sais que j'ai eu le temps de finir ma cigarette et d'en rallumer une autre. Est-ce que je veux vraiment rester seul ? Mon coté trop gentil m'empêche de lui dire qu'il vaut parfois mieux être seul que mal accompagné mais je vous assure que je le pense très fort et que si elle pouvait discerner mon regard dans le noir elle l'aurait compris. Je lui réponds, assez froidement " Pourquoi ? T'as quelque chose à dire ? " Je me doute que la réponse sera négative, surtout vu le ton sur lequel j'ai demandé. Elle ne me parlera ni de mon père, ni de nous, donc ça ne sert à rien qu'elle reste là. Je sens que je ne vais pas tarder à remonter m'enfermer dans ma chambre pour au moins pouvoir être vraiment seul. Oui, ce soir, je lui en veux.