Première fois
feat Sky A. Jones

Première jour en cancérologie. Ce n’était pas le service le plus plaisant qui soit. Surtout qu’on m’avait affilée à l’Interne qui s’occupait des enfants hospitalisés. J’enfile ma blouse dans les vestiaires avant de regarder mon reflet dans la glace. Je regardais cette pauvre fille qui s’y reflétait, les cheveux rattachés bien haut. Oh quel était belle cette fille, mais surtout elle crevait de trouille. C’était la première fois que j’allais être confrontée à la mort. La première fois que j’allais faire face à la faucheuse et lui dire ‘pas tout de suite’. Je tentais de me laver les mains mais celles-ci refusaient d’arrêter de trembler. Je pris une grande inspiration et m’élança dans le couloir. J’y retrouvais mon Interne, une jeune femme charmante qui entreprit de m’expliquer le cas du patient que nous allions voir. Une fillette de 4 ans en fin de vie. Elle souffrait d’une leucémie et on ne lui donnait que quelques jours, ou peut-être quelques semaines. Notre devoir était surtout, à présent, qu’elle ne souffre plus. On rentra dans la chambre, c’était une chambre recouverte de dessins d’enfant. Il y a deux lits, on évitait de les mettre seuls pour qu’ils puissent communiquer avec d’autres, qu’ils ne s’ennuient pas trop.

«  Aujourd’hui, une équipe de bénévole sera là pour faire des activités avec eux, tu pourrais les suivre  cela te permettra de comprendre un peu leur mode de vie au sein de l’hôpital. Soigner les malades ne se résume pas qu’à leur prescrire des médicaments, leur bien-être joue un grand rôle dans leur guérison ou dans leur durée de vie. » Nous auscultons alors la jeunette. Elle était très affaiblie et ne semblait pas particulièrement ravi de nous voir. En général, on était signe de douleur, de mauvaise nouvelle, enfin on n’était pas très apprécié malgré notre bonne volonté. Plus l’examen avançait, plus j’avais du mal à me contenir. Moi si implacable, moi que rien n’atteint, me voilà sans arme face à la détresse de la fillette. N’en pouvant plus je demande à l’Interne de m’absenter.

Je me réfugie dans les toilettes, mes mains s’agrippant au rebord du robinet. Je tentais d’apaiser les battements de mon cœur. J’eus la nausée et je filai me pencher par-dessus le cabinet pour éjecter mon petit-déjeuner. Après m’être rincée je me laisse choir contre le mur, la tête entre mes mains, tremblantes. Il fallait que je me ressaisisse. Comment allais-je tenir un mois si je me mettais dans un état pareil ? Pourtant je mis du temps à me relever, pétrifiée à l’idée d’affronter de nouveau les regards de ses enfants. Du bruit de l’autre côté m’indiquer que les bénévoles venaient d’arriver. Des cris d’enfants excités se répercutaient dans tout l’étage. Des rires, des flots de paroles enfantines qui questionnaient les nouveaux venus sur l’activité du jour. Je finis par sortir de ma cachette, cherchant du regard mon interne je ne faisais pas attention à ce que je faisais. Je finis par bousculer une bénévole, lui rentrant dedans de plein fouet. « Oh pardon ! » Je la retiens par le bras, réflexe, comme si j’avais peur qu’elle chute.