Et une autre gorgée.
Il était très rare qu'Ellie boive seule. À vrai dire, c'était probablement la première fois que cela lui arrivait. Normalement, pour noyer son chagrin, elle privilégiait le pot de crème glacée devant une comédie romantique ou un classique de Disney. Pourtant, ce soir-là, dès qu'elle était rentrée chez elle, elle s'était dirigée vers l'armoire et avait agrippée la bouteille de Jack Daniels qui s'y trouvait. Depuis une ou deux semaines, elle n'avait pas du tout le moral. Ses soucis financiers à la boutique ne faisaient qu'empirer et mis à part son boulot, Ellie réalisait qu'elle n'avait vraiment rien. Bien sûr, vingt-trois ans, c'est encore très jeune, pourtant, la jeune fille avait l'impression que les années ne faisaient que défiler sans que rien d'excitant n'arrive. Puis, pour couronner le tout, la journée n'avait été que malchance par dessus malchance. Réveil en retard, clients mécontents, rappel de factures impayées... Tout simplement une accumulation de choses, qui avait poussé la jeune fille à avoir envie de se saouler comme il faut ce soir, juste pour oublier ses problème un instant.

Pourtant, plus les effets de l'alcool se faisaient ressentir et plus Ellie s'apitoyait sur son sort. Elle se sentait seule, impuissante et surtout, pathétique. C'est alors que, comme ça, sans raison particulière, elle se mit à penser à Drew Samuels. À son sourire si parfait. Sans réfléchir à ce qu'elle faisait, elle attrapa son téléphone portable et composa son numéro. La première sonnerie se fit retentir et Ellie réalisa ce qu'elle était en train de faire. Qu'est-ce qu'elle comptait bien lui dire? Deuxième sonnerie. Elle se mit à espérer qu'il ne répondrait pas. Troisième sonn... «Oui allo?» Et merde. Il était trop tard, désormais. «Euh, salut... C'est Ellie.» Elle se demanda s'il allait se rendre compte de son état. «Voilà, je sais qu'il est un peu tard mais j'avais bien envie de te voir...» À chaque seconde qui passait, Ellie se sentait de plus en plus stupide.

Vous étiez tous les deux assis un en face de l'autre. Tu piquais ta salade silencieusement quand elle reprit la parole. « Je ne comprends pas ce qui te fâche là-dedans, Drew. C'est même très normal qu'à notre âge, on envisage le fait d'avoir des enfants. C'est même étonnant que nous n'en ayons pas déjà un ou deux. ». Tu secoua légèrement la tête, le regard fixé sur ta laitue déjà ramollie par la vinaigrette italienne. Et puis quoi encore ? Déjà qu'elle a fait pression pour le mariage, si elle plus il faut qu'elle t'oblige à avoir des enfants alors que pour toi, ça peut attendre, on va penser que tu n'es pas capable de tenir ton bout. « Regarde-moi quand je te parles, Jayden ! Tu sais très bien que je déteste quand tu agis ainsi ! ». Tu lâcha ta fourchette, qui cogna contre l'assiette dans un bruit fracassant. « Arrête ! J'ai le droit d'avoir mon propre opinion sur la chose ! Veux-tu bien me respecter pour une fois ? ». Tu leva la tête, plongeant enfin ton regard dans le sien. Ça ressemblait quasiment à une provocation, tout ça. Est-ce que c'est de cette façon que ça doit marcher dans un couple ? Celui qui cri le plus fort gagne ? « T'es qu'un égoïste, après tout ! » dit-elle, avant de se lever. Sa chaise recula d'au moins un mètre, tellement elle l'avait poussé violemment. Elle quitta la salle à manger, monta à l'étage - ses pas d'éléphant dans l'escalier le témoignait - et claqua la porte de la chambre. Tu leva les yeux au ciel, reprenant ta fourchette pour finir ton assiette. Et ça, ce n'était qu'une infirme partie des querelles habituelles. Tu sentis alors ton téléphone vibrer au fond de ta poche. Tu avala ta salive avant même de le retirer de là. Tu ne voulais pas que ta voix tremble lorsque tu répondrais. Sans regarder l'afficheur, tu décrocha. « Oui allô ? ». La voix à l'autre bout du fil fut comme un baume sur ton coeur. C'était Ellie. La raison te son appel te fit d'autant plus sourire. «Voilà, je sais qu'il est un peu tard mais j'avais bien envie de te voir...». Tu avais quasiment envie de lui dire qu'il n'était jamais trop tard pour la voir, mais tu te retint. Tu aurais l'air de quoi ? « Donne-moi ton adresse et j'arrive quand tu veux. ».

Au grand étonnement d'Ellie, Drew accepta son invitation. Elle lui indiqua l'adresse de son appartement, le coeur battant. Depuis le tout début, la jeune fille évitait de se faire des idées quand à lui et leur "relation", pourtant, cette fois, difficile de ne pas le faire. Quel homme marié et heureux avec sa femme quitterait sa maison en plein soir de semaine pour rejoindre une autre jeune fille? Malgré le fait que ses idées étaient un peu confuses à cause de l'alcool, Ellie savait très bien qu'elle s'engageait sur une pente dangereuse. Elle se promis qu'elle ne ferait rien pour nuire à leur couple, qu'elle avait simplement besoin de quelqu'un pour lui remonter le moral.

Dès qu'elle eut raccroché, Ellie se rendit à la salle de bain. Elle avait beaucoup pleuré, durant la dernière heure, donc forcément, elle avait une mine atroce. Alors qu'elle tentait de le cacher sans grand succès, on cogna à la porte. Encore légèrement affectée par les deux ou trois shots qu'elle avait pris plus tôt, elle trébucha en allait lui ouvrir. Elle se sentit stupide, puis, comme à toutes les fois, dès qu'elle aperçut le sourire du jeune homme, elle oublia tout l'espace d'une seconde. Il était là, pour elle. « C'est gentil d'être venu. » Elle lui sourit et recula pour le laisser entrer, se demandant ce qu'il serait approprié de dire ou de faire.

Lorsque tu te planta devant la porte d'entrée de la jeune femme, d'abord tu eus un doute. Mais qu'étais-tu en train de faire ? Était-ce une bonne idée d'avoir laissé Constance seule à la maison ? Elle aurait sûrement préféré que tu ailles la rejoindre à l'étage et que tu lui flattes le dos en lui donnant raison, mais hélas, pour une fois tu n'étais pas prêt à te plier à ses exigences. Bon dieu ! On parle d'avoir des enfants... C'est un allé simple vers le long terme, ça. Ce n'est pas le genre de truc qui te plaise et si ça te bloque tant que ça, c'est peut-être parce qu'un partie de toi-même sait que ce n'est pas avec ta femme que tu en veux. Ou du moins, ce n'est pas avec elle que tu te vois en avoir... Tu toqua à la porte, encore un peu incertain de la vraie raison de ta présence. Seulement, Ellie t'avait semblé quelque peu embêtée au téléphone et comme tu la considère comme une bonne amie - oui, parce que tu t'es vite attaché à elle - tu ne voulais pas la laisser dans seule dans ce moment de blues. Et puis, sortir de chez toi ne te ferait pas de tord, après tout... La jeune blonde ouvrit enfin la porte et c'est avec un immense sourire que tu te présenta à elle. Tu remarqua quand même un truc un peu bizarre, chez elle. Ses joues rosies la trahissais déjà, mais lorsqu'elle prit la parole pour te dire « C'est gentil d'être venu. », tu reconnus l'odeur de fond de bouteille dans l'haleine d'Ellie. Ton sourire glissa légèrement et se transforma en compassion. Pauvre elle. « Ça fait plaisir, Ellie. C'est quand tu veux. » répondis-tu finalement à son commentaire. Tu pénétra dans l'appartement, un peu nerveux d'y être. C'était quand même une première et ça t'angoissait un peu. Tu balaya la pièce du regard et aperçu la bouteille sur la table basse. « C'est si pire que ça ? » demandas-tu à la jeune femme, un ton amusé et un sourire en coin tracé sur les lèvres. Tu connais ces moments où l'on croit que la bouteille est notre meilleure amie. En fait, c'est l'inverse. C'est notre pire ennemie... Mais ça, ce soir, Ellie n'est pas obligé de le savoir. Si ça peut l'aider à oublier quoi que ce soit, c'est tant mieux. Qui plus est, tu es là pour ne pas la laisser boire toute seule - autrement dit, tu es là pour l'aider -. Et puis advienne qu'elle tombe dans les pommes, elle est quand même en sécurité avec toi. - tu es ambulancier, après tout. -

Dès que Drew fut entré, Ellie voulut le mettre à l'aise et lui proposa: « Tu voudrais quelque chose à boire? ». Au même moment, elle s'aperçut que son regard était posé sur la bouteille qu'elle avait laissé sortie dans le salon. Ce n'était pas ce qu'elle avait voulu dire par boire. Elle s'apprêtait à le lui préciser, pour ne pas qu'il se fasse trop d'idées à son sujet, mais il la devança: « C'est si pire que ça ? ». La jeune fille ne savait pas quoi lui répondre... Elle aurait voulu faire comme si elle allait bien, mais apparemment, il s'était rendu compte qu'elle n'avait pas tellement le moral et également qu'elle avait tenté d'oublier à l'aide de l'alcool. Son coeur se serra et Ellie sentit les larmes remonter. Elle ne voulait surtout pas qu'il la voit dans cet état, pourtant, elle aurait dû s'y attendre en l'invitant... « Non, t'inquiètes, ça va.  » Elle tenta de confirmer ce qu'elle disait en souriant, mais ses yeux la trahissaient. Ils la trahissaient toujours lorsqu'elle tentait de mentir. Elle ressentit alors le besoin de se blottir dans ses bras, seulement pour sentir sa présence, pour la rassurer. Mais elle savait bien que c'était impossible et elle resta plutôt plantée là, se demandant ce qu'ils pourraient bien faire. « Tu veux t'asseoir? » Lui dit-elle, en pointant le canapé qui se trouvait un peu plus loin.

Te retrouver chez Ellie te faisait étrange, mais d'un sens, tu t'y sentais bien. Déjà beaucoup mieux que chez toi, à dire vrai. Il faut dire que l'ambiance à la maison n'était pas vraiment difficile à battre. Quelques fois, tu te dis que ce serait sûrement plus facile de tout plaquer, de vivre seul. Et c'est à ce moment que la réalité te rattrape et que tu te rend compte que tu aurais beaucoup trop à perdre. Devoir tout recommencer en étant seul, ce serait bien pire pour toi que d'être seulement mal accompagné. « Tu voudrais quelque chose à boire? » te demanda-t-elle gentiment, avant que tu vois la bouteille qui trainait sur la table. Tu lui demanda alors si c'était si pire que ça et elle te répondu, après un certain délais, « Non, t'inquiètes, ça va. ». Évidemment, tu n'en croyais pas un mot puisque lorsqu'elle t'avait appelé, tu avais bien vue dans sa voix qu'elle était découragée, voire même désespérée. « Tu veux t'asseoir? » proposa-t-elle, en pointant le canapé du bout du doigt. « Certainement ! » dis-tu avant de prendre place. Elle vint s'asseoir près de toi et cette proximité te fit plaisir. C'était tellement différent que lorsque vous étiez sur le perron, quelques années plus tôt. Là, vous étiez tous les deux des adultes et vous étiez matures. Vous aviez fait votre bout de chemin et, aussi incroyable que cela puisse paraître, vos chemins convergeaient à nouveau. C'était tant mieux. Peut-être n'était-ce que le hasard, mais tu aimais croire que rien n'arrive pour rien dans de telles situations. « Je veux bien t'aider à finir la bouteille, oui. » finis-tu par répondre en repensant à la question qu'elle t'avait posé, il y a quelques minutes. Boire de l'alcool, chose que tu n'avais pas faite depuis un très long moment. Faute de temps, sûrement... Mais surtout faute de droits. Constance détestait l'alcool. Et comme un bon mari respectueux, tu n'en buvais donc plus à la maison.

Sans tarder, Drew et Ellie se retrouvèrent assis l'un à côté de l'autre, sur le sofa. Cela fit un grand bien à Ellie, puisqu'elle était légèrement étourdie par les quelques verres qu'elle avait pris plus tôt. Il faut dire que la jeune fille ne résistait pas très bien à l'alcool... Ses émotions se mélangeait: elle était plus qu'heureuse que Drew soit venu pour elle, pourtant, elle sentait encore qu'elle pourrait fondre en larme à n'importe quel moment. Alors qu'elle posa la tête sur le sofa, Drew proposa: « Je veux bien t'aider à finir la bouteille, oui. » C'était une idée qui plaisait bien à Ellie. Elle devait avoir l'air plutôt idiote en ce moment, aux yeux du jeune homme, alors que si lui aussi était dans le même état, ce serait bien moins pire. Rapidement - et non sans perdre l'équilibre à quelques reprises -, Ellie alla chercher un deuxième verre à la cuisine et le posa sur la table. « Tu voudrais jouer à un jeu? » proposa-t-elle, d'un coup. « Oh mon dieu, ça fait une éternité que je n'ai pas fait ça! » Elle se mit à rire, puis espéra que Drew ne trouverait pas cela trop gamin. Mais bon, ça ne pouvait pas faire de mal d'agir comme si on avait encore seize ans, de temps en temps. Ellie prit la bouteille et versa un peu de Jack dans les deux verres, en attendant la réponse de Drew.

En t'installant sur le canapé, tu eus comme un moment de recule. Mais que faisais-tu là ? Était-ce légal ou même saint ? Advienne que cette sortie viennent aux oreilles de Constance, comment le prendrait-elle ? Ferait-elle de ta vie un enfer ? Ou alors allait-elle claquer la porte et partir à tout jamais ? Trop y penser te donnait la nausée. Eh puis... ça ne pouvait pas être plus pire que ce l'était déjà non ? Elle filtrait ta vie comme si tu étais du thé qu'on infuse dans une tasse d'eau chaude. Tu ne pouvais vivre que lorsqu'elle avait le dos tourné. Alors ce soir, aussi bien en profiter, non ? Elle avait déclenchée une guerre froide sur l'heure du souper, alors tu pouvais bien te consoler en passant du temps avec ce que tu considères être une nouvelle - ancienne - amie. Tu retrouvas tes esprits lorsque tu entendis Ellie se lever. Tu la suivis du regard, histoire de prévenir une chute éventuelle et lorsqu'elle revint vers toi avec un verre vide, tu fus étrangement soulagée qu'elle s'installe à nouveau près de toi. La voir se blesser sous tes yeux serait trop dommage. « Tu voudrais jouer à un jeu? ». Tu souris face à son enthousiasme et ne pu t'empêcher de laisser un petit gloussement s'échapper. Jouer à un jeu avec de l'alcool ? Ça datait tellement du temps où tu étais encore au lycée ! Et pourtant, ça te manquait quasiment ! « Oh mon dieu, ça fait une éternité que je n'ai pas fait ça! » renchérit-elle. Tu la trouva alors adorable. « Bien sûr que ça me tente ! Tu veux jouer à quoi ? » demanda-tu, le sourire fendu jusqu'aux oreilles.

L'idée d'un jeu d'alcool sembla plaire à Drew, ce qui soulagea légèrement Ellie. « Bien sûr que ça me tente ! Tu veux jouer à quoi ? » Elle n'y avait pas vraiment réfléchi et se demandait quel jeu serait approprié, dans cette situation.  « Hum... pourquoi pas Je n'ai jamais? » Cela lui semblait être une bonne option: mis à part peut-être apprendre des secrets gênants sur l'autre, il n'y avait pas vraiment de risque.  « Tu commences! » dit-elle en souriant. Ellie était curieuse de voir à quoi ressemblerait le jeune homme avec un peu d'alcool dans le sang. Elle tenta de se rappeller si elle l'avait déjà vu saoul, à l'époque où il fréquentait sa soeur, mais il lui semblait que non. Elle alluma la télévision, en guise de bruit de fond. C'était une habitude qu'elle avait développé depuis qu'elle s'était installée dans son premier appartement, détestant le silence. Finalement, elle remonta ses jambes vers elle et s'assit en tailleur sur le sofa, face à Drew. Elle avait encore de la difficulté à réaliser qu'il se trouvait ici, dans son salon, plutôt que chez lui avec sa femme. Son coeur ne pouvait s'empêcher d'accélérer chaque fois qu'elle y pensait. C'était si rare que quelqu'un se préoccupe d'elle comme cela.

« Hum... pourquoi pas Je n'ai jamais? » Tu souris et hocha la tête. Tu ne pouvait pas les voir, mais à cet instant précis, tu jura avoir des étincelles dans les yeux. Toi qui avait passé un réveil merdique, une journée merdique et un repas merdique, tu n'allais sûrement pas passer une soirée merdique. C'était quand même assez étrange de voir les choses ainsi. Avec ta femme, c'était le chaos. Ça n'allait jamais bien et ce depuis votre mariage, en fait. Tu avais posé le genou au sol en espérant que ce geste vous unirait davantage, vous relierait d'une certaine façon et au contraire, tu te retrouve dans de beaux draps et tu ne sais juste plus par quelle issue en sortir. Tu as souvent eu envie de partir sans dire un mot, mais ce n'est pas toi. Ce n'est plus dans tes cordes que de jouer le rôle de celui qui part, de celui qui fait de la peine... Quand au final, c'est sûrement toi qui en a bien plus que Constance. Tu cligna des yeux pour éteindre ces pensées moroses. Ça n'allait quand même pas gâcher ta soirée auprès d'Ellie. Et ça aussi, d'un sens, tu trouvait ça complètement absurde de te retrouver près d'elle, alors que plusieurs années auparavant, tu aurais pu être assis près de sa soeur aînée. Il faut croire que les choses changent et c'est bien le cas de le dire ! « Tu commences! ». Tu pris ton verre entre les doigts de ta main droite, histoire de te préparer à le lever si jamais... « Bon... Alors une petite facile pour commencer... Je n'ai jamais envié quelqu'un au point d'en être mal dans ma peau. ». Ouais, bon... Pour un début, c'était assez corsé. Tu levas donc ton verre et en pris une gorgée, regardant la belle blonde qui se tenait assise près de toi, question de voir si elle levrait le coude ou pas.

Drew ne perdit pas de temps et lança la première phrase.  « Bon... Alors une petite facile pour commencer... Je n'ai jamais envié quelqu'un au point d'en être mal dans ma peau. » Instantanément, Ellie pensa à sa soeur. Elle se rappela à quel point elle avait rêvé pendant si longtemps d'être un peu plus comme elle. Elle se rappela toutes ces soirées qu'elle avait passée seule dans sa chambre, à entendre Marilou et ses amies s'amuser dans la pièce d'à côté. C'était même pour lui ressembler un peu plus qu'Ellie avait décidé de se teindre les cheveux en blonds, lorsqu'elle avait à peine douze ans. Pourtant, malgré tout cela, jamais Ellie ne s'était sentie à la hauteur de sa soeur aînée.  Sentant la tristesse qu'elle avait éprouvée plus tôt remonter, elle s'empressa de prendre une gorgée dans son verre. « L'histoire de ma vie, quoi... » Elle remarqua que Drew avait prit une gorgée, lui aussi. Cela la surprit, lui qui avait toujours semblé si sûr de lui. Elle aurait bien eu envie de lui demander qui est-ce qu'il avait bien pu envier, mais s'abstint et réfléchit plutôt à la prochaine phrase. «Je n'ai jamais eu le coeur brisé. » Ellie prit une gorgée, puis observa Drew afin de voir s'il boirait lui aussi.

Ce petit jeu était l'une des façons les plus faciles qui pouvait bien exister pour être capable de sous-tirer de l'information chez une personne de laquelle nous ne sommes pas particulièrement proche. C'est une façon plutôt amusante d'apprendre à se connaître, sans toutefois entrer dans les détails indécents ou dramatiques. À ta précédente question, Ellie leva son verre et en pris une gorgée. Tu te sentis alors un peu mal d'avoir posé cette question. Envier quelqu'un au point d'en être mal dans sa propre peau, c'est quelque chose d'aller lourd à porter. Tu le savais mieux que quiconque. Et ça te rappelait une part de ton adolescence que tu voudrais oublié... Ta compagne prit la parole et posa à son tour une question. «Je n'ai jamais eu le coeur brisé. ». Facile ! Tu leva ton verre en même temps qu'elle, ce qui te surpris un peu. De ce que tu pouvais te souvenir des mois passés auprès de la famille Cartwright, tu n'as jamais vue Ellie en peine d'amour... Bon, elle était jeune, mais quand même... Il n'y a pas d'âge pour souffrir de ce genre de chose. Et peu importe l'âge à laquelle ça nous arrive, la douleur reste toujours la même. Tu jugeas quand même bon de préciser un truc suite à la question. « J'ai déjà eu le coeur brisé une fois. Par contre, c'était de ma faute et je l'avais largement mérité... ». Tu espérais qu'Ellie puisse comprendre que tu parlais là de ta relation avec Marilou, sa soeur aînée. Oui, tu l'avais trompé, mais n'empêche que les remords étaient bien présents et qu'encore aujourd'hui, tu aurais voulu pouvoir changer la donne. « Je n'ai jamais été saoul au point de faire des choses complètement folles. » dis-tu, en guise de troisième question. Ton coude se leva et une nouvelle gorgée tu pris. À ce rythme, vous finirez saoul dans le temps de le dire.

Alors qu'Ellie reposait son verre suite à sa question, des souvenirs de sa première et seule vraie peine d'amour lui revinrent en tête. Elle avait quinze ans à l'époque et était sortie avec un garçon durant quelques mois. Ce n'était rien de bien sérieux, pourtant, Ellie était très amoureuse de lui et était convaincue que c'était réciproque. C'est pourquoi elle avait accepté de perdre sa virginité avec lui. Quelques jours plus tard, le jeune homme l'avait laissé tomber, sans aucune explication. Ellie avait eu beaucoup de difficulté à s'en remettre, particulièrement car elle n'avait personne à qui en parlait à ce moment et avait donc tout gardé pour elle. Elle chassa ces pensées lorsque Drew mentionna qu'il avait eu le coeur brisé une fois, mais qu'il l'avait mérité. Faisait-il allusion à Marilou? Bien sûr, il avait pu avoir plusieurs autres copines depuis, pourtant, quelque chose lui disait qu'il parlait bel et bien de sa soeur. Encore une fois, Ellie avait envie de l'interroger à propos de la question, pourtant, il y avait quelque chose d'assez excitant à répondre sans développer plus. Drew posa ensuite la prochaine question: « Je n'ai jamais été saoul au point de faire des choses complètement folles. » Ellie réfléchit un moment, mais rien ne lui venait en tête et elle ne pris donc aucune gorgée cette fois-ci. Malgré tout, les deux gorgées précédentes se faisaient de plus en plus sentir et la tension qu'elle éprouvait chaque fois qu'elle se trouvait en la présence de Drew disparaissait peu à peu. « Je n'ai jamais été infidèle. » Bien sûr, elle savait déjà la réponse, pourtant, elle n'avait pas pu s'empêcher de poser cette question. Et puis, elle était déjà beaucoup trop saoule comparée à lui, il fallait donc le faire boire un peu... 

Ellie ne but pas à ta question. Tu ne pus t'empêcher de sourire. Ça te faisait quand même plaisir de penser qu'elle pouvait être sage à ce niveau-là. Rare ne sont pas les filles qui boivent comme un trou et qui font des conneries monumentales sans s'en souvenir le lendemain matin. Tu était donc plutôt heureux qu'Ellie ne fasse pas partie de ce genre de personne. Ou du moins, tu aimais croire qu'elle n'en faisait pas partie. « Je n'ai jamais été infidèle. » Tu leva les yeux au ciel, un petit sourire en coin vint agiter tes lèvres. Quelle question ! Elle voulait te faire boire à coup sûr ? Eh bah tu leva ton verre et, tes yeux dans ceux d'Ellie, tu pris une gorgée. Quant à elle, elle ne but pas. Ça ne t'étonna pas. Même que d'un sens, tu accepterais bien de jouer à ce genre de jeu. « Je n'ai jamais été propriétaire d'une boutique ! » dis-tu, posant ton verre sur la table, sachant très bien qu'elle seule pourrait boire.

En prenant sa gorgée, Drew regarda Ellie dans les yeux. Elle tenta de soutenir son regard mais finit par le détourner, en éclatant de rire. Il semblait avoir compris ce qu'elle avait essayé de faire avec sa question, puisqu'il lui retourna la pareille. « Je n'ai jamais été propriétaire d'une boutique ! » Bien sûr, Ellie fut la seule à lever son verre. Après sa gorgée, elle réalisa qu'il était déjà vide. Elle le remplit, non sans en verser partout à côté, et fit de même avec celui de Drew, qui était presque vide lui aussi. C'était à son tour de poser une question. Je n'ai jamais eu envie d'embrasser un homme marié. Évidemment, elle ne pouvait le dire à voix haute, pourtant, elle le pensait très fort. Depuis quelques minutes, il arborait un léger sourire en coin qui faisait complètement craquer Ellie. Elle savait très bien qu'elle jouait à un jeu dangereux en ce moment, qu'elle ferait mieux de mettre le plus de distance possible entre eux et de chasser toutes ces pensées, mais son désir pour lui ne cessait de grandir. Finalement, elle opta pour une question très simple, à laquelle elle savait qu'elle ne devrait pas boire: « Je n'ai jamais pris l'avion. »

« Je n'ai jamais pris l'avion. ». Tu souris légèrement avant de boire une gorgée de ton verre nouvellement plein. Ellie, quant à elle, laissa le sien sur la table. Ça t'étonnait un peu qu'elle n'ait jamais voyagé. En fait, tu ne comprenais pas ces gens qui n'avait jamais mis les pieds ailleurs. Bon, tu ne peux pas vraiment la juger, compte tenu le fait qu'il puisse y avoir toutes sortes de raisons pour laquelle elle n'aurait jamais pris l'avion... Et puis ce n'est pas tout le monde qui aime l'avion ou les voyages... Elle a peut-être le mal de l'altitude ou... Tu secoua légèrement la tête, voulant chasser toutes ces pensées inutiles qui t'habitaient présentement. L'acool, oh douce drogue qui te fait perdre la carte... Tu pris une nouvelle gorgée, histoire de bien faire descendre la première. Tu reposas ton verre sur la table basse et replongea ton regard dans celui d'Ellie. Ça t'amusait d'être ici, ce soir. De toutes les choses les plus improbables qui pouvait t'arriver dans ta vie, celle-ci était sans doute la plus surprenante et la plus agréable qui soit. Passer une soirée avec la belle blonde, c'était comme un baume sur ton coeur de mari meurtri. Et oui, peut-être que tu jouais avec le feu ce soir, mais tant pis. Nous n'avons qu'une seule vie à vivre et à ce que je sache, jouer à « je n'ai jamais » n'est pas un crime passible de mort. « Je n'ai jamais été si près de commettre une faute. » Tes idées étaient de moins en moins claires - ou de plus en plus, tout dépend de quel sens on voit les choses - et cette question était totalement mal structurée. En gros, ce que tu aurais voulu dire c'est « je n'ai jamais été si proche d'embrasser une personne alors que je suis marié. » Mais dit ainsi, Ellie aurait sans doute pris peur et elle se serait enfuit... Oui, elle se serait enfuit de chez elle... Assez stupide, tes pensées...

Même si elle paniquerait probablement à prendre un avion, Ellie aurait bien aimé boire à cette question. Elle ne ressentait pas particulièrement le besoin de faire le tour de la planète et de tout savoir à propos des autres cultures comme certaines personnes, mais malgré tout, à vingt-trois ans, cela l'attristait de se dire qu'elle n'avait jamais vu autre chose que son bon vieux Canada. L'effervescence de New York ou les plages paradisiaques du Sud, voilà ce qu'elle voulait découvrir. Elle remarqua que Drew but suite à la question. Deux fois même. Est-ce qu'il avait pris l'avion si souvent, ou avait-il seulement envie de boire? Ellie remarqua que l'alcool semblait commencer à faire son effet sur lui aussi, ce qui l'amusa. Elle s'étira, posant les pieds sur la table basse du salon, et ferma les yeux quelques instants. Sa tête commençait réellement à tourner, mais elle était bien. Drew posa ensuite la prochaine question: « Je n'ai jamais été si près de commettre une faute. » Qu'est-ce qu'il voulait bien dire par là? Le coeur d'Ellie se mit à battre un peu plus rapidement. Est-ce que c'était elle qui se faisait des idées ou il pensait vraiment à la meme chose? Pourtant, il n'y avait pas dix milles explications... Ils étaient tous les deux, seuls et de plus en plus saouls: Quelle faute pouvait-il commettre à part... ça. Ellie ne savait pas quoi faire. Elle posa sa main sur son verre puis fixa Drew, droit dans les yeux, attendant de voir ce qu'il ferait. S'il buvait, elle le ferait également. Sinon, elle le reposerait. Pourtant, ce n'est pas le type de question qu'on pose comme ça, sans avoir quelque chose en tête. Toutes ces pensées qui se bousculaient dans la tête d'Ellie l'épuisaient. Elle ne voulait même pas imaginer dans quel état cette situation la mettrait en temps normal.

Toi et tes questions idiotes... Seulement, vous étiez en train de jouer à un jeu et comme tu n'étais pas un mauvais perdant, tu pris une gorgée de ton verre. En toute honnêteté, tu n'avais plus grand chose à cacher à Ellie. Elle savait déjà mieux que quiconque à quel point ta vie amoureuse est un vrai chaos alors aussi bien admettre que tu as un peu envie de commettre une faute. Tu reposa ton verre et fixa Ellie. Elle avait le sien entre les doigts et... Après une certaine hésitation, elle en but une gorgée à son tour. Des petits papillons vinrent danser dans le creux de ton estomac et si tu avais été à l'aube de tes vingt ans - seul, évidemment -, tu aurais tout de suite sauté sur l'occasion et Dieu seul sait ce que tu aurais fait. Cela étant dit, tu n'étais pas seul. Tu étais même bien loin de l'être. Et même si ce n'était plus vraiment l'amour qui te faisait rester avec Constance, tu n'osais quand même pas la laisser... Tu secoua la tête nerveusement, reprenant un peu conscience de ce que tu étais en train de faire. « Ellie, je peux pas... » dis-tu, nerveux. Nerveux de quoi ? De te laisser aller à tes désirs ? « Je suis marié... J'ai... J'ai une femme qui m'attends... ». Tu plaqua ton visage entre tes mains et soupira. L'alcool commençait à te donner mal à la tête. Tu continuas à parler entre tes doigts, à peine audible. « C'est pas l'envie qui manque, tu sais. Depuis qu'on s'est revus, je n'arrête pas de penser à toi... À nous. À ce qu'on pourrait être. Mais... Je veux pas jouer le rôle du méchant... » Un silence lourd pesait alors sur vous, alors que tu cessas de parler.

Finalement, il prit bel et bien une gorgée. Ellie l'imita donc, ne réalisant pas encore tout à fait ce que tout cela signifiait. Elle observait toujours Drew, tentant de mettre de l'ordre dans les pensées qui la submergaient. C'est à ce moment qu'il se mit à parler. C'est pas l'envie qui manque, tu sais... Je n'arrête pas de penser à toi... Même si elle n'avait pas voulu se l'avouer, même si elle savait qu'il ne valait mieux pas, Ellie avait désiré plus que tout entendre cela. Pourtant, cela ne la rendrait pas heureuse comme elle aurait pu l'imaginer. Au contraire, cela lui faisait mal. Avant, elle se rassurait en se disant que tout ça était dans sa tête, qu'elle se faisait simplement des idées car elle était seule depuis longtemps. Mais maintenant, la situation était devenue réelle, il n'y avait plus aucun doute. Il y avait bel et bien quelque chose entre elle et lui, quelque chose qui n'aurait jamais dû exister. Je suis marié... J'ai une femme qui m'attends... Ces mots résonnaient dans l'esprit d'Ellie. Sa gorge se serra et elle dut lutter très fort pour contenir les larmes qui remontaient. « Je suis vraiment désolée, je n'ai jamais voulu ça... » Elle avait honte d'elle: elle avait été égoïste en l'invitant ici. Jusqu'ici, elle n'avait pas voulu voir la vérité telle qu'elle l'était, pourtant, elle n'avait plus le choix maintenant. Elle ne voulait surtout pas briser un mariage. « C'était une mauvaise idée de t'appeler, je m'excuse. » Ellie s'efforca de regarder ailleurs. Elle ne voulait pas qu'il voit dans quel état la situation la mettait, elle ne voulait pas qu'il ait pitié d'elle car elle ne le méritait pas. Le mieux pour tous serait qu'il rentre chez lui et qu'ils cessent de penser l'un à l'autre. Malheureusement, il était déjà trop tard. Ellie savait très bien qu'elle ne l'oublierait pas.

Tes mots avaient dépassés ta pensées. Ou du moins, ils avaient sans doute mal été interprétés. Lorsqu'Ellie prit la parole, tu eus envie de la prendre dans tes bras et la serrer très fort, pour la sentir près de toi. « Je suis vraiment désolée, je n'ai jamais voulu ça... ». Jamais au grand jamais tu lui aurais reproché quoi que ce soit. C'est toi qui a accepté son invitation. C'est toi qui a mit les pieds dans cet appartement et qui a commencé à jouer à ce jeu. C'est toi et seulement toi. En aucun cas tu as été forcé pour le faire. « C'était une mauvaise idée de t'appeler, je m'excuse. » dit-elle, en détournant le regard. Tu avais du mal à la sentir coupable. Tu n'avais pas envie qu'elle se sente ainsi... Et en une fraction de seconde, tout s'enchaîna. Tu étiras ton bras et le passa autour des épaules d'Ellie, l'attirant plus près de toi. Sur un ton d'aveux, tu murmura « C'est pas toi. Au contraire. Mais je dois me rendre à l'évidence. Quand je suis avec elle, mon coeur est ailleurs. Et ça, depuis déjà longtemps. » Il est vrai que ton couple a toujours battu de l'aile. Le fait de se marier n'a rien régler, contrairement à vos croyances. Cela dit, là tu avais envie de te réveiller. Si tu ne faisais rien, tu te retrouverais très vite emprisonné dans une vie qui ne te ressemble pas... Tandis qu'avec Ellie, tu ose imaginer que votre ta vie serait meilleure.

La dernière chose qu'Ellie avait envie, en ce moment, c'était que Drew la voie pleurer, pourtant, elle savait bien que cela se voyait dans son visage. Toute cette situation la mettait mal à l'aise. Elle qui rêvait depuis si longtemps qu'un homme la regarde comme lui le faisait présentement, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine joie à l'idée que les sentiments qu'elle avait développé pour lui soient partagés. Cependant, cela ne changeait pas le fait qu'il était marié et, même si son mariage n'allait pas très bien, il avait une femme qui l'aimait chez lui et elle ne méritait certainement pas cela. Soudain, avant même qu'Ellie n'ait le temps de le réaliser, Drew avait déposé un bras autour d'elle et l'attirait vers lui. La meilleure chose à faire aurait probablement été de s'éloigner, pourtant, ce geste avait quelque chose de si réconfortant qu'Ellie ne put se défaire de cette étreinte. Puis, tout bas, il lui expliqua que lorsqu'il était avec sa femme, son coeur était ailleurs. Au bout d'un moment, Ellie répondit: « C'est seulement que... j'ai pas envie d'être ce genre de fille, tu vois. Ce n'est pas moi ça. » Puis, levant la tête pour finalement croiser son regard, après de nombreuses minutes à l'avoir évité, elle ajouta: « Et puis, qu'est-ce qui te dit que ce n'est pas qu'une passe... Peut-être que tu as seulement besoin de quelqu'un pour te changer les idées, en attendant que les choses s'arrangent avec elle. » Malgré elle, Ellie ne put s'empêcher de repenser à quel genre d'homme il avait été, auparavant. Il y avait toujours cette possibilité qu'il n'ait pas réellement changé et qu'elle ait simplement été naïve...

« C'est seulement que... j'ai pas envie d'être ce genre de fille, tu vois. Ce n'est pas moi ça. » finit-elle par dire. Tu préférais de loin l'entendre parler que de la voir se taire. Tu avais besoin de l'entendre raisonner à voix haute parce qu'au moins, ça allait te donner l'impression de ne pas être seul dans cette situation. Tu soupiras légèrement, tenant toujours Ellie près de toi. Tu espérais qu'elle lâche prise et qu'elle se livre à toi, qu'elle cesse de battre et que vous puissiez être ensemble. Malheureusement, c'était l'homme à moitié saoul qui pensait présentement. « Et puis, qu'est-ce qui te dit que ce n'est pas qu'une passe... Peut-être que tu as seulement besoin de quelqu'un pour te changer les idées, en attendant que les choses s'arrangent avec elle. » Et voilà, le coup de couteau était parti tout seul. Tu humecta tes lèvres, cherchant proprement les mots que tu pourraient employé pour mettre correctement les fonds de tes pensées de l'avant sans trop faire de dégât. Tu préféras de loin les gestes, parce qu'en ce moment, tes mots ne pourraient suffire. Du bout des doigts, tu caressa la joue de la jeune femme et tu réussit à être assez près d'elle pour lui faire croire que tu allais l'embrasser. « Tu vois, là, tout de suite, j'aurais toutes les raisons de pouvoir t'embrasser... Et j'ai envie. Mais je ne le ferai pas. Parce que je suis quelqu'un de bien. Je suis devenu quelqu'un de bien. Et tromper, ce n'est pas mon genre. Mais sache que ce que je ressens dans mon coeur depuis que je t'ai recroisé à la boutique, c'est vrai et c'est sincère. Mon couple était voué à l'échec la seconde où j'ai eu la bague autour de mon bras. Tu n'es pas ma bouée de sauvetage, tu n'es pas ma porte de sortie. Tu es juste celle que j'ai rencontré à temps avant qu'il ne soit trop tard. C'est pas avec deux bébés et des dettes par dessus la tête que je pourrais quitter ma femme. Tandis que là... » Tu t'arrêta net et posa tes yeux dans ceux d'Ellie. Pour un mec qui n'avait pas envie de parler, tu te débrouillais plutôt bien... Seulement, tu ne devais pas avoir les idées suffisamment clair puisqu'en une fraction de seconde - et sans que tu ne t'en rende compte réellement - tes lèvres se posèrent délicatement sur celle de la jeune femme. Lentement. Doucement. Tu te reculas de quelques centimètres pour pouvoir observer l'ensemble du visage d'Ellie, histoire de pouvoir discerner la moindre expression... La baffe ? Les insultes... Qu'est-ce qui t'attendait...

Peut-être que tu as seulement besoin de quelqu'un pour te changer les idées, en attendant que les choses s'arrangent avec elle. Plus Ellie y pensait et plus cela semblait faire de sens. L'hisoitre typique: le mari s'ennuie, il s'amuse quelques temps avec une jeune fille puis réalise que la vie de couple, ce n'est pas si mal finalement donc il retourne avec sa femme, comme si rien ne s'était jamais passé. Dire qu'Ellie avait failli se laisser prendre à son jeu... C'était clair dans sa tête maintenant: pas question d'aller plus loin. Elle s'apprêtait à se dégager de son étreinte et lui dire une bonne fois pour toute que c'était une mauvaise idée et qu'il devrait partir immédiatement... lorsqu'elle croisa son regard. Impossible alors de détourner les yeux. Il semblait réfléchir, chercher les bons mots. Puis il s'approcha, doucement, sa main effleurant la joue de la jeune fille. À ce moment précis, elle crut qu'il allait l'embrasser, pourtant, il s'arrêta juste avant et prit plutôt la parole. La tête d'Ellie s'était remise à tourner et les mots se bousculèrent dans son esprit sans qu'elle n'en saisisse parfaitement le sens, pourtant, elle comprit parfaitement la dernière phrase qu'il prononça: « C'est pas avec deux bébés et des dettes par dessus la tête que je pourrais quitter ma femme. » Toutes les pensées qu'avaient eues Ellie quelques minutes plus tôt s'envolèrent complètement. Il parlait de la quitter. Réellement. Pour être avec elle? Cela semblait si irréel. Ellie ferma les yeux quelques instants, dans l'espoir de calmer les pensées qui allaient et venaient sans arrête quand soudainement, les lèvres de Drew vinrent se poser sur les siennes et il l'embrassa, pour vrai cette fois. Il recula presqu'aussitôt, pourtant, cela eu un effet presque magique sur Ellie. Soudain, elle ne voulait plus penser à rien. Toutes ces questions l'épuisaient et elle ne voulait plus qu'une seule chose: oublier tout le reste et profiter de cet instant avec lui. Elle se releva pour s'appuyer sur ses genous puis se rapprocha de Drew pour l'embrasser de nouveau. C'était la seule et unique chose qui comptait à présent: l'embrasser, encore et encore, ne jamais quitter le confort de ses bras.

Ellie Cartwright, la soeur cadette d'une de tes conquêtes de jeunesse. Qui l'eut cru. Et pourtant, c'était bien vrai. Si la vie t'avait apprise une chose, c'est que les sentiments, ce n'est pas un truc à prendre à la légère. Si par le passé tu as été un parfait emmerdeur, un fauteur de trouble et un coureur de jupon sans regret, aujourd'hui tu es beaucoup plus terre à terre et honnête envers toi-même et les autres lorsque vient le temps d'exprimer un quelconque sentiment. Lorsque tu avais rencontré Constance, tu avais tout de suite su que tu en apprendrais davantage sur l'Amour avec un grand A. Et puis les choses se sont complexifiées et voilà que le chemin d'Ellie avait à nouveau croisé le tien. C'est à ce moment que tu ressentis ce... ce coup de foudre. Cette étincelle, ce petit crépitement au fond de l'estomac. Celui qui nous coupe le souffle, même quand on essaie de toutes nos forces de lutter. L'Amour, ça part et ça revient. C'est complexe, certes. Mais une chose est sûre : lorsqu'on trouve l'amour, peu importe avec qui, il faut saisir sa chance avant que le train passe. Et c'est ce que tu avais envie de faire avec Ellie ce soir. Oui, tu avais quelques verres dans le nez et probablement que quand tu vas y repenser demain, tu vas te trouver minable, voire même complètement honteux, mais ce soir, oui, ce soir, tu sens que tout est possible, même l'impossible. Tant pis pour Constance, tant pis pour le mariage, tant pis pour... Pour tout. Tout ce qui comptait, là tout de suite, c'était la possible histoire entre Ellie et toi. Tes lèvres s'étaient posées délicatement sur les siennes. Doucement, tranquillement. Sans rien brusquer. Et ce baiser ne dura que quelques secondes, mais fut assez long pour qu'il te fasse de l'effet jusqu'à l'échine. Silencieux, tu plongeas ton regard dans les yeux de la belle blonde qui siégeait près de toi. Secrètement, tu essayais de lire dans ses pensées. Avait-elle appréciée ? Étais-tu allé trop loin ? Une chose est sûr, son silence te rassurait. Si elle avait trouvé ton geste déplacé, elle te l'aurait fait savoir d'une quelconque façon. Alors que là, elle te dévorait des yeux, littéralement. Toujours près d'elle, tu posas délicatement le bout des doigts sur sa joue, la caressant doucement. Tu ne voulais pas briser ce silence avec des mots, mais... « Je t'aime. ».

Je t'aime. Une phrase toute simple qui a pourtant autant de significations différentes que de personnes qui peuvent la prononcer. Certaines personnes l'utilisent à tout va, pour témoigner leur affection à leurs amis ou pour remercier un inconnu qui leur a rendu service. D'autres s'en servent pour arriver à leurs fins, sans aucuns réels sentiments derrières. Et finalement, d'autres accordent à ces mots une importance capitale et ne les prononceraient jamais, à moins d'être réellement sûr d'être amoureux de la personne. Avec toutes ces possibilités, difficile de savoir réellement ce qu'elle signifie lorsqu'on l'entend. C'est pourquoi, lorsqu'Ellie entendit Drew prononcer ces trois petits mots, elle figea. Tout ce qui s'était passé depuis le début de cette soirée semblait complètement irréel: quelques heures plus tôt, elle n'osait même pas s'avouer qu'elle avait des sentiments pour Drew et là, elle se retrouvait à quelques centimètres de son visage, avec un taux d'alcool dans le sang beaucoup trop élevé et lui qui lui disait qu'il l'aimait... Ça allait beaucoup trop vite et Ellie avait peur que tout cela dérape. Elle avait besoin de réfléchir à tout ce qui venait de se passer une fois qu'elle aurait les idées plus claires, une fois qu'elle aurait discuté avec quelqu'un qui l'aiderait à comprendre ce qu'elle devait faire. Sinon, la situation risquait de déraper et elle n'avait surtout pas envie de coucher avec un homme marié, du moins, pas tant qu'elle serait certaine que leur mariage était voué à l'échec et qu'elle et Drew avaient au moins la possibilité d'avoir un futur ensemble. C'est pourquoi, bien que tout son corps lui disait le contraire, elle s'éloigner de Drew et lui dit: « Je crois que tu devrais partir...» Elle se leva du sofa, doucement afin de ne pas perdre l'équilibre et commença à se diriger vers la porte d'entrée. « C'est le mieux à faire. »