| (#) Sujet: une goutte d'eau en enfer. (cale) Mer 7 Aoû - 22:51 | |
| Ce soir elle n'est pas là. Cela fait des jours, même, qu'elle n'est plus à mes côtés. Dans mon cœur, dans mes veines, dans mes rêves. C'est ignoble de la savoir si loin. De l'entendre faire rire d'autres que moi. Parce que moi aussi, j'en ai besoin, de sa beauté. De sa grandiose. J'ai envie de m'envoler ailleurs, pour mieux respirer. J'ai beau retourner les tiroirs, il ne reste que des traces de son absence. Et son absence, elle grignote chaque parcelle de mon corps dans une agonie insupportable. Je me sens si seul, perdu dans les couloirs de la ville que même les étoiles parviennent à m'étouffer. J'ai le cœur qui saigne. Les yeux trop rouges de l'avoir espéré dans le vide. Clope entre les lèvres, le bâton de nicotine ne peut même pas combler sa perte. Les mains tremblent. Les dernières traces de lucidité hurlent au désespoir. Je peux l'entendre, me dire comme je ne suis qu'un pauvre gars accro. Ça sert plus à rien de se voiler la face. Oui, c'est possible. Sinon, j'serais pas à sa poursuite, elle, ô douce héroïne. Femme parfaite, au cœur infini.
L'âme errante dans les rues malfamées, le manque semble être plus fort que tout. Alors, perdu dans cette hémisphère agonisante, mon esprit divague vers des futilités. Je me dis que l'hiver est passé. Pourtant, sur mes mains moites se dessinent déjà l'été. Le temps passe sans que je ne m'en rende compte. C'est un peu comme si les minutes dévalaient à vive allure, sournoisement. Si mon cœur s'emballe au milieu des prostituées, ce n'est pas pour les cuisses qu'elles écartent pour quelques billets. Non, s'il bat si vite, ce n'est que pour lui, adossé à un mur. Perdu dans la misère de ce moment orageux, le dealer sourit à la vue du bourge. Le costard trop cher n'est qu'illusion. Une façade si peu crédible qu'il en éprouve de la pitié, lui, l'inconnu aux poches d'or. Son regard se plante dans le mien. Il n'est plus question d'avocat ou de fierté. Y a plus que le manque. Et c'est ce foutu manque qui m'a guidé jusqu'ici. Qui m'emporte avec lui en enfer. J'ai l'âme noire, poisseuse. Elle pue la fatalité si fermement que les mains du dealer ne tardent pas à réclamer leurs billets. Ce connard prend son temps. C'est tellement drôle de jouer avec les petits êtres fragiles. Tellement grisant. Mâchoire serrée à l'extrême je me retiens de lui lancer quoi que ce soit d'indélicat. Mes dents retiennent ma langue, ne m'autorisent pas à lui dire d'aller plus vite. Allez mec, fais pas chier, passe la cam et me regarde pas. Le ciel entend même mes prières résignées. Et le sachet tombe entre mes doigts. Bouffée d'oxygène. Renaître, tu vas pouvoir renaître, Julian.
Des chiottes, quelle gloire. Quel pathétique. C'est au fond d'une cabine à toilettes que je me suis perdu pour oublier ce qui pouvait m'attendre dehors. Dans la précipitation, j'ai même pas pris le temps de fermer la porte à double tours derrière moi. Parce que je crois, qu'au final, je n'en ai plus rien à faire d'être dérangé par un flic. J'ai plus la force d'espérer quoi que ce soit du monde. Alors, ce soir, j'ai le faible espoir d'être seul. En tête à tête avec la beauté héroïne. Les instruments nécessaire à ma survie sont dissimulés dans une sacoche en désaccord total avec le reste de ma tenue. On pourrait presque penser que je l'ai volé dans un coin de rue, au premier sdf qui me passait sous la main. Sauf que pour le moment, ce pauvre sdf comme vous dîtes, c'est moi. Là, assit sur la cuvette des WC à sourire aux molécules illégales.
C'est dans ce moment parfait, indestructible, celui des retrouvailles que des bruits de pas résonnent à mes tympans. Ce simple claquement sur le sol parvient à dévisager mon visage d'une grimace nonchalante. Surpris par cette apparition, les accessoires s'écrasent au sol. La colère monte d'un cran, se mélange à l'indésirable manque. Mon cœur rate même un battement à la vue de Cale. Son visage n'est même plus recouvert de bleus. Preuve que le temps s'échappe laborieusement entre mes doigts glacés. Le maillon faible se relève vivement, comme coupable de sa propre existence. Mon regard sombre se perd dans le sien. Il semble respirer encore la violence de notre dernière entrevue. Le sang dans mes veines s'épaissit Mon âme est aussi crade que ces chiottes. « Cherche pas, j'ai pas d'héro, va crever plus loin. J'suis sûr qu'un connard acceptera de te passer ce que tu veux contre une pipe. » Qu'il aille crever comme j'aurai du lui prendre la vie quelques semaines plus tôt. Dégage Cale, tu me donnerais presque de la haine. |
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