21 août 2015, 5am ; aéroport international de Sydney.
tu étais là, debout, au milieu de l’aéroport, au milieu de ce qu’étais devenu ta vie. t’avais l’impression de te tenir au milieu d’un champ de ruine, de te tenir là et de contempler la fumée, le tas de cendre qu’il restait désormais de ta vie. tu serrais la poignée de ta valise entre tes doigts, de plus en plus fort, comme si c’était la seule chose à laquelle tu pouvais te rattacher. tu contemplais le panneau d’affichage, il te restait une heure devant toi avant que ton avion ne parte. une heure… c’était pas seulement un avion pour toi, c’était une échappatoire, l’occasion de commencer une nouvelle vie, de tout recommencer, ouais, tout de A à Z. de partir à l’aventure, d’atterrir dans un nouvel endroit, un nouveau pays, un nouveau continent. là où personne ne te connaissait, là où tout était encore à construire. tu fixais le panneau d’affichage et tu hésitais, comme si tu n’osais pas te lancer, ou peut être attendais tu que quelqu’un te retienne ? qu’il débarque en te suppliant de rester, en te crachant à la gueule ô combien il te détestait mais également ô combien il ne pouvait se passer de toi. mais personne ne viendra, non, car tu étais seule désormais. seul tes parents étaient au courant de ton départ, personne d’autre, même pas tes amis. il ne pouvait plus venir te retenir… ta gorge était nouée, son visage apparaissait dans ton esprit, sa voix se faisait entendre en boucle dans tes pensées. tu ne pouvais pas te faire à l’idée que tu ne le reverrais plus, non plus jamais. tous les matins pourtant tu te réveillais en espérant revoir ses yeux en amande et ses traits tirés, comme si tu allais enfin te réveiller de ce cauchemars, et tu te rendais compte que non, tu ne te réveillerais jamais. puis tu repensais aux derniers mots qu’il t’avait dit et alors, c’était ça le pire, j’en ai marre que tu foutes toujours tout en l’air ana, il avait fait une pause avant de prononcer encore quelques mots, pour t’achever un peu plus, j’te hais putain. puis il c’était retourné et avait commencé à s’éloigner de toi. et là tu l’avais vu, tu avais vu cette voiture débouler de nulle part, t’aurais voulu crier, le mettre en garde, mais aucun son n’était sorti de ta bouche, tout c’était passé trop vite et il ne te restait plus que l’image de son corps inerte, sur la chaussée. il était ton tout, depuis toujours, ton double, ton frère, ton meilleur ami, c’était ton frère jumeau bordel. c’était comme si une partie de toi avait été arrachée, vous aviez toujours été deux et maintenant, te voilà seule, à jamais.  alors en repensant à tout ça tu n’hésitais plus, tout ce qu’il te restait à faire c’était partir, partir loin, à White Oak Station. tu ne pouvais plus vivre là-bas, à Sidney, chaque endroit te rappelais ton frère. tes doigts se crispaient un peu plus sur la poignée de ta valise, celle que tu traînais maintenant derrière toi comme un poids mort. tu partais putain, tu partais vraiment.


14 novembre 2015, 11pm ; université de White Oak Station, un bout d’enfer au paradis.

anaë a écrit:

tu me manques putain

échec d’envoie du message.

tu serrais ton téléphone portable entre les doigts, tu savais qu’il n’y avait plus rien à faire, pourtant tu persistais, t’espérait qu’il y ai marqué message envoyé, et qu’une réponse s’affiche enfin sur ton téléphone. t’étais bien ici, t’étais vraiment bien. tu oubliais tout, tu buvais, tu profitais de la vie, tu t’amusais. t’avais rencontré pleins de personnes géniales aussi. t’étais toujours de bonne humeur, t’étais enfin heureuse ouais, t’étais vraiment heureuse. t’avais l’impression de vivre dans un putain de rêve. et pourtant…  il y avait toujours une ombre au tableau, tu y pensais moins, mais tu y pensais toujours. tu trimballais toujours cette espèce de boule au ventre, comme un manque, comme si tu avais un énorme vide, là, dans cet organe si surprenant qu’était ton cœur. tu y pensais moins, parce que t’étais plus à Sidney, parce que tu buvais tout le temps, que tu étais constamment bourrée, constamment dans une soirée, où tu ne pouvais que t’amuser. la plaie s’était lentement refermée à l’intérieur de toi, pourtant tu trimballerais la cicatrice toute ta foutue vie. tu ne parlais pas de ton passé ici, personne n’était au courant et c’était mieux comme ça.


02 août 2016, 2am ; dans le flou artistique.
tout tournais autour de toi, les gens tournaient, le sol tournait, ta tête elle tournait aussi, même tes mains elles tournaient. le monde était devenu flou, complètement flou et tout était trop rapide pour toi. comme si autour de toi les gens vivaient à 4000km/h et que tu n’arrivais plus à suivre ce qui se passait. t’étais au milieu de la foule, tu te tenais debout et tu ne comprenais plus rien, les gens bougeaient autour de toi, sautaient dans tous les sens, te bousculaient. tu veux que ça ralentisse, t’étais toute seule au milieu d’une foule immense, des inconnus par milliers, et la musique résonnait dans ton crâne. t’as perdu tes amis avec lesquels t’avais atterri ici, tes vingt dollars , ton verre de whisky et une de tes boucles d’oreilles. tu t’étais même perdue toi même à ce stade là. t’essayais de te frayer un chemin à travers cette foule infernale en tentant par la même occasion de redescendre sur terre. tu te faisais bousculer, aspirer, te prenait des coups de pieds. tout s’emmêlait dans ta tête. tu parvins enfin à tituber jusqu’au bar et à te hisser sur un tabouret. enfin, tu étais sauvée, sauvée de cette marée humaine qui manquait d’avoir ta peau. mais le monde devant tes yeux continuait de valser beaucoup trop vite pour toi. t’essayes de te manifester auprès du barman, mais en vain, tu ne parvenais même pas à lever ta main, c’était déprimant. tu observais le mec à côté de toi. et puis merde tu n’avais rien à perdre.  tu veux pas m’payer un verre ? j’ai perdu mes potes dans la foule, mon frère dans la vie, et la tout de suite, je suis un peu fauchée.

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