I can barely breathe
   CHAPTER ZERO

« Je » - souffle qui s'échappe, des lèvres qu'il pince, une grimace avalant la moitié de son visage, le regard se planque derrière le voile des  paupières, Aston ressent un poids , là, qui lui comprime le torse. L'coeur lâche, bat à cent à l'heure, le sang pulse dans les tempes. Le rythme est soutenu, ses tympans, eux, plient sous un son particuliers. Signal d'alarme d'une crise qui se profile et qui débarque toujours sans crier gare. Aux plus mauvais moments, une piqûre de rappel, douloureuse. Il déglutit, change de main, il s'appuie sur le plan de travail. Il ouvre les paupières. « vais bien » - finit-il, d'une voix qu'il croit assez convaincante et qui est certainement bien plus empreinte d'hésitation qu'il ne faudrait. « Tu vas bien, hein ? Tu ne bernes personne, Aston. Certainement pas moi, où est-ce que tu es, bon sang ?! » - à l'autre bout du fil, le ton monte, sa mère est au bord du gouffre, le désespoir s'étend. « Quelque part » - plus vague, il n'y a pas. Mais, il veut la solitude, relative. Il recherche la rédemption et il ne sait toujours pas où la trouver. En attendant, il fait du pain, des viennoiseries. Il n'est pas sourd, il fait une hypoacousie sévère. Il entend seulement lorsqu'il veut bien porter son appareil. Autrement dit, presque jamais. Aston s'est affranchi des sons, il ressent les vibrations et lit sur les lèvres. Ça lui suffit. « Il va bien falloir qu'un jour tu reviennes » - ouais, peut-être. Il retire son appareil et le fourre dans sa poche, raccrochant , par la même occasion. Il ne reviendra qu'à partir du moment où. Et il ne sait toujours pas comment il va mettre la main sur le « moment où ». Ou s'il veut, finalement. Ce qu'il sait, c'est qu'il se réveille encore en sueur, huit ans après l'accident, en criant le nom de son meilleur pote. Il revoit ses traits, clairement, son visage couvert de sang et son regard fixant le sien, éteint. Il se souvient de l'odeur de rouille mêlée à celle de l'essence et ne se souvient d'aucun son, mis à part celui de son palpitant frappant sa cage thoracique sous la panique. Il se rappelle avoir hurlé à en avoir mal aux cordes vocales et avoir perdu espoir. Juste avant de perdre connaissance. Et avant de se réveiller dans une chambre d’hôpital. Il a perdu pas mal de choses, cette nuit-là. Mais, son ouïe n'est rien comparée à la perte d'estime qui a suivi. Jan Alvarez, Paul Schmidt, Tyrese Knowles, Aston Castendijk. Ils sont tous les quatre morts sur cette route quelques heures avant l'aube. Il en a pas vraiment fait le deuil jusqu'ici.

Elle s'appuie sur le comptoir, s'immobilise, là, sous son regard azur. « Hey, ça doit bien faire dix minutes que je vous parle » - ses traits fins sont crispés, une grimace écrabouille son faciès et elle plante ses yeux dans les siens, fronçant les sourcils. Aston lève ses mirettes au ciel avant de les reporter sur la nouvelle venue. C'est la première fois qu'il la voit et il n'est pas du genre à oublier un visage. « Alors quoi , vous avez perdu vot' langue, vous n'comptez même pas vous excuser? » - elle penche la tête sur le coté, orientant l'angle de son regard , expectative. Il sourit, secoue sa tête, elle débarque d'où, celle-là ? Il désigne ses oreilles, d'un vague geste de la main. Il observe silencieusement les rouages de son cerveau de blonde s'activer furieusement et la satisfaction explose lorsqu'elle finit par comprendre son erreur. « Putain » - souffle-t-elle. « Je crois que » - il n'a pas le temps de rajouter une couche, elle prend ses jambes à son cou et s'éloigne, sort de la boulangerie aussi vite qu'elle y est entrée. « Qu'est-ce qu'elle a, tu lui as fait peur ?» - lance le vieux Alpert, arquant un sourcil.  Il la recroisera et sans qu'il ne s'en rende compte, elle deviendra sa rodeuse attitrée. 

Bienvenue!