SOON, I'll SIXTY YEARS OLD
remember life and then your life becomes a better one.

« T’es conscient que j’ai tout quitté pour venir vivre ici avec toi ? » Emmanuelle était proche de l’explosion. Son cher et tendre mari lui tapait sur les nerfs depuis tellement longtemps qu’elle n’arrivait même plus à faire bonne figure. Elle était de ces personnes faciles à vivre et sympathiques qui prenaient beaucoup sur elles. Elle s’énervait très peu et faisait preuve d’une patience à toutes épreuves. Elle trouvait des circonstances atténuantes à tout le monde et cherchait toujours le « bon côté » des choses. Mais là… Là, vraiment, même avec toute la bonne volonté du monde, elle n’y parvenait plus. Il n’y avait plus rien à sauver dans son mariage. Absolument plus rien. Si elle avait su, sept ans plus tôt, que l’homme qu’elle s’apprêtait à épouser était aussi égoïste et insupportable, elle n’aurait jamais dit ces trois foutues lettres qui avaient gâché sa vie entière. O U I. Qui aurait cru qu’un simple petit mot de rien du tout pouvait foutre en l’air tellement de choses ? « Et alors ? Personne t’a obligé à le faire. Je t’ai jamais rien demandé, moi !» Emma planta son regard consterné dans celui de son mari. Qu’est-ce qu’elle avait bien pu lui trouver, à ce type ? Il était beau, ça, elle ne pouvait pas le lui enlever. Mais elle n’avait jamais été du genre à s’attarder sur l’apparence physique. Un beau mec avec une coquille vide à la place de la cervelle, très peu pour elle ! Elle aimait les garçons intelligents, drôles, bienveillants… Les personnes avec qui elle pouvait avoir de vraies conversations. Si Maxwell avait un jour été le garçon parfait à ses yeux, le prince charmant s’était mué en crapaud répugnant au fil des années. Un vieux couple aigri et désabusé, voilà ce qu’ils étaient devenus. « Si. Tu m’as demandé de t’épouser. » Elle avait dit cela calmement, sans le quitter des yeux. Parfois, elle espérait qu’il allait redevenir le gars sympa qu’elle avait rencontré douze ans plus tôt. Qu’il allait s’excuser, lui demander pardon et essayer d’arranger ses conneries. Mais généralement, elle tombait de haut. Elle ne savait même pas pourquoi elle continuait à espérer qu’il change. « Ouais, j’ai fait une belle connerie ce jour-là d’ailleurs ! » Emmanuelle laissa échapper un rire nerveux. La situation était tellement irréelle qu’elle se demandait si elle n’était pas en train de rêver. Elle venait d’apprendre qu’il l’avait trompée avec l’une de ses collègues de bureau et au lieu de se faire tout petit, il trouvait encore le moyen de l’ouvrir. Il finirait par la rendre dingue. Au sens littéral du terme. Si elle restait plus longtemps avec lui, elle allait finir folle. Envers et contre tout, il la connaissait mieux que personne et il savait parfaitement comment jouer avec ses nerfs. « T’es désespérant, Maxwell. Con et désespérant. » Elle n’avait même pas la force de s’énerver. Elle était blasée. Lasse de se battre pour une relation qui n’en valait pas la peine, éreintée de s’accrocher à l’infime espoir qu’il puisse redevenir celui qu’il était au début de leur histoire, fatiguée de sourire à tout le monde et de faire comme si tout allait bien alors que la troisième guerre mondiale avait fait éclater leur foyer en morceaux. Si elle l’aimait toujours ? Oui. Et parfois, elle se détestait d'avoir toujours des sentiments pour cet abruti fini. N'importe quel homme aurait montré un peu de compassion à son égard. Mais lui... Lui jouait son rôle de parfait connard jusqu'au bout. « Tu sais quoi ? T'as gagné. Je jette l'éponge. » Elle marqua une pause, fixant son mari d'un œil déterminé. Elle voulait qu'il imprime ce moment dans son crâne et qu'il s'en souvienne pour le restant de ses jours. « Je vais demander le divorce. » Elle savait qu'il ne la prendrait pas au sérieux. Il ne prenait jamais rien au sérieux - sauf lui-même. Maxwell Jenkins était l'homme le plus prétentieux du cosmos et malheureusement, Emmanuelle l'avait remarqué trop tard. Les erreurs de jeunesse, hein... Maxwell la gratifia d'un de ses sourires amusés, à la fois horripilant et charmant. Il n'avait pas besoin de parler pour qu'elle sache ce qu'il pensait. Il la croyait incapable d'aller jusqu'au bout. Elle lui avait dit qu'elle comptait divorcer une bonne dizaine de fois en sept ans de mariage mais elle avait toujours abandonné. Parce qu'elle lui cherchait des excuses. Et parce qu'elle l'aimait aussi, même si elle ignorait pourquoi. Mais cette fois-ci, il avait dépassé les bornes. Il prenait leur histoire pour un jeu et il venait de perdre la partie. Purement et simplement. Elle pouvait passer sur les engueulades, les coups bas et les crises d'égocentrisme aigu. Elle acceptait - non sans mal - qu'il charme toutes les filles qu'il croise pour se prouver qu'il pouvait plaire. Mais l'adultère, non. C'était au-dessus de ses forces.  

* * * *

Maxwell était tranquillement en train de boire son café dans la cuisine, tasse dans une main, journal dans l'autre. C'était un matin parmi tant d'autres : ils étaient tous les deux pressés et prenaient rarement le temps d'échanger plus de trois mots avant de partir travailler chacun de leur côté. Emma n'était pas sûre que c'était le moment idéal pour aborder le sujet mais elle voulait en finir une bonne fois pour toute. Aussi fit-elle glisser quelques feuilles de papiers devant son mari, l'air de rien. Maxwell leva les yeux vers elle. « C'est quoi ? » Emma se motiva mentalement pour aller jusqu'au bout de sa démarche. Elle avait du mal à réaliser qu'elle allait réellement mettre fin à douze ans de relation mais la coupe était pleine. Elle souhaitait bonne chance à la prochaine femme qui tomberait dans les filets de Maxwell ; elle n'allait pas être déçue du voyage ! « Les papiers pour le divorce. Si tu pouvais les lire et les signer rapidement, ça m'arrangerait. » Elle parlait d'un ton cordial, comme si elle s'adressait à l'un de ses collègues de travail. Elle essayait de prendre sur elle pour avoir l'air parfaitement à l'aise alors qu'au fond, elle sentait son cœur se morceler. Max ne tenait peut-être pas à leur mariage mais elle avait fait d'énormes sacrifices pour lui. Quitter sa famille, ses amis, son pays et tout ce qu'on a toujours connu à dix-huit ans pour s'installer à l'autre bout du monde avec un garçon qu'on vient de rencontrer, ce n'était pas la chose la plus facile qui soit. Mais elle l'avait fait sans hésiter parce qu'elle était tombée amoureuse. Maxwell avait eu raison de toutes ses illusions sur l'amour. Elle avait réalisé que les "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" n'étaient valables que dans les livres et que les belles histoires romantiques étaient simplement destinées à faire rêver les adolescentes naïves. Le mariage n'était pas un long fleuve tranquille. Elle préférait abandonner la partie maintenant plutôt que de rester avec lui par habitude - ou pire, par dépit. Elle avait fait des efforts. Elle avait tout essayé pour "entretenir la flamme" comme lui conseillait sa mère, mais elle n'avait obtenu aucun résultat. Alors elle abandonnait. Peut-être que c'était lâche, peut-être que c'était courageux. Elle s'en fichait royalement. Elle pensait juste à elle, pour une fois. Elle avait fait passer Maxwell avant tout pendant plus de dix ans et aujourd'hui, elle retrouvait sa liberté. « Faut que j'y aille, j'ai un cours dans une demi-heure. Je vais vivre chez Amanda le temps qu'on finisse de régler tout ça, je passerai prendre mes affaires dans la journée - avant que tu rentres. Appelle-moi quand t'as lu les documents, okay ? »  Elle termina sa tasse de café d'une seule traite, attrapa sa veste posée sur le dossier d'une chaise et fila dans l'entrée pour prendre son sac et ses clés. Elle sortit de la maison qu'ils partageaient depuis plusieurs années avec un pincement au cœur, prenant sur elle pour ne pas se retourner. Elle espérait que l'avenir serait meilleur et qu'elle pourrait rapidement en finir avec toute cette histoire.

je t'ajoute tout de suite à ton groupe.

et bienvenue en retard aussi. l'admin à la ramasse.