♒ SATURN BOY ♒
- tu ronfles la nuit. - ouais mais toi tu marmonnes.

princesse, princesse agnès, pourquoi arpente-tu les couloirs? princesse, princesse, pourquoi tes yeux cherchent celui qui est le responsable de ton sourire dans le miroir? pourquoi lui, pourquoi pas un plus beau? pourquoi thybault?
la question semble si simple, stupide, enfantine. mais la réponse est compliquée, et tu n'as pas les mots pour expliquer ton cœur qui tambourine, seulement les lèvres pour te rappeler de ces doux baisers, que tu essaies d'oublier par d'autres baisers, plus torrides, moins sauvages. poupée, tu te soignes avec d'autres quand il tourne le dos.
ta cour se dirige doucement vers les classes, et toi tu cherches toujours tes fidèles amies, cloé et lexie. le portable en main, tu avances, déterminée. tu n'as aucune peine à te frayer un passage ; à la vue rougeâtre de ta chevelure sauvage, la route se dessine d'elle-même, petits soldats, petits gardiens qui font de toi, enfant brisée, la reine de ton palais factice, de ta merveilleux faculté. contre ta peau le son vulgaire du vibreur : lexie.

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lex

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( ne m'attends pas, je suis de sortie avec belle.
xoxo princesse.  

soupir incontrôlé, tu tapotes sur l'écran avec vitesse, continuant sur ta lancée. et quand tes yeux verts se détachent finalement de l'écran bleuté, ce que tu vois te fais reculer, prise d'un mal irraisonné.
ils se tiennent là, lui ne te regardant pas mais pourtant, il est là. bien face à toi. toute son attention est portée sur la chevelure bouclée de cloé, qui rit, qui rit. ton cœur se pince, tu serres la mâchoire, les dents grincent. et thybault qui la regarde comme ces hommes te regardent, avare d'une passion qu'ils connaissent trop bien déjà. thybault qui la regarde comme tu l'as secrètement rêvé, caché dans ton carnet doré, ce rêve couché sur papier.
finalement, ton amie lève les yeux vers toi. elle sourit, la naïve. elle sourit et l'épieu dans ton cœur s'enfonce encore plus profondément.
tu croises le regard d'oman, puis celui de blondie.
si seulement tu n'étais pas agnès gauthier, tu aurais pris tes jambes à ton cou. oh, si seulement.

♒ SATURN BOY ♒
light of my life ; fire of my loins.

on l'avait changé oman. elle l'avait changé. après tout, c'était bien de sa faute à la princesse insolente, ignorante.
y'avait eu ce festival. ce festival où l'on vous croyait amoureux. y'avait eu ces soirées, ces soirées où vous refaisiez le monde à deux. et puis y'avait eu la fête des amoureux. stupide dance. stupide mec.
détestable agnès.
royalement ignoré, le pauvre gamin qui était venu les yeux pétillants d'un bonheur irréel. il était venu pour elle simplement. uniquement pour elle. consumé par une folie sans merci, le cœur démantelé par cette douce hérésie.
et la poupée démoniaque s'était retrouvée dans les bras d'un autre.
un autre que lui.

le pauvre gamin était rentré penaud, les larmes aux yeux de cette douleur enfantine qui ne guérissait pas. il l'avait évité le reste du temps, laissant le mois de mars lui courir après.
il s'était jeté à bras le corps dans des occupations qui n'étaient là que pour occuper son esprit trop troublé. le vélo, le courrier, le matin avant le lever du soleil. et sa mère qui tentait de le retenir. thybault il est trop tôt. tu vas te tuer à la tâche. arrête un peu, reste dormir. mais le gamin ne dormait plus. le monde onirique ne lui suffisait plus. agnès n'était plus un astre inatteignable. elle était sur terre la comète, bien trop proche pour la laisser filer. bien trop loin pour se l'approprier.

alors il avait changé. il avait mis à profit cette suffocante hérésie, pour refermer ses blessure, pour effacer ses écorchures.
il s'était laissé apprivoiser, en quelques jours, par les regards détournés d'une autre poupée. des sourires entendus par dessus un café, des mouvements de pieds, sous une table, effleuré.
petit jeu grisant, brûlant. il attendait d'atteindre une cible. une princesse qu'il voulait voir choir.
il tanguait dangereusement vers un point de non retour. les mains sûres et expertes de cloé s'accaparant le col de sa chemise. des sourires suaves et des mots à peine audibles quémandant pour un coin plus tranquille.

du coin de l'oeil il l'avait aperçu. la tornade fauve qui se précipitait sur eux.
le glas de son agonie avait sonné.
agnès gauthier allait sombrer.

♒ SATURN BOY ♒
light of my life ; fire of my loins.

☆ elle aurait pu paraître belle dans sa jalousie cette poupée à la joue brisée, fendue par une larme. elle aurait pu être désirable dans sa nonchalance, dans sa méchanceté, dans sa puérilité. elle l'était depuis des siècles, depuis l'éternité pour ce bout de garçon qui tentait vainement d'attirer son attention. elle l'était tellement que ça l'avait bouffé, consumé, des soirées d'éternité.
mais il était un peu tard.
un peu tard agnès pour comprendre qu'il s'échappait l'arlequin de l'amour.

tu devrais la prendre par derrière oman. conseil d'amie. les regards convergèrent tous vers la princesse à la bouche écorchée par les obscénités. la pauvre cloé qui écopait de cette accusation injustifiée. après tout qu'étaient-ils en train de faire les deux adolescents ? épancher leur satiété de sexualité ? qui était-elle gauthier pour se permettre de juger ce qu'elle même s'était offert tout ce temps où il l'avait contemplé de loin, statue de marbre inatteignable. oeuvre d'art défendue.

il avait grandi le gamin. oman le marginal. se tournant vers son utopie détruite, il la dominait de sa carrure. il n'avait plus cet air de gosse fragile qui s'égratignait dans les arbres pour délivrer sa raiponce rousse coincée dans une branche. il n'était plus le serviteur de sa dame, l'esclave de ses sentiments.
il était pire que ça.
il les repoussait véhément pour ne pas trahir ce qu'il échafaudait depuis longtemps.

qui te dis qu'on est amis gauthier ? sa langue avait fourchée, sa bouche écorchée. il savait pertinement que tout le monde entendait ce qu'il se tramait dans ce coin de couloir. il savait pertinement qu'il voulait la rendre malade. malade d'amour. malade de jalousie.
malade de lui.
agonisante comme il l'avait été toute se vie depuis qu'elle était partie.
toi ? toi tu te dis ça ? pardonne moi mais ce mot n'est jamais, mais alors jamais sorti de ta bouche. et encore moins quand il s'agissait de moi. et ces mots aussi virulents que véridiques éraflaient son coeur comme ils entaillaient celui de sa poupée.

la métamorphose était remarquable. elle avait transformer oman en monstre.
en arracheur de coeur.

♒ SATURN BOY ♒
light of my life ; fire of my loins.

il se fait aigre. méprisant thybault face à ce petit bout de femme n'a rien fait d'autre que de causer son malheur. il voudrait lui faire croire qu'elle est la faute, la raison de sa déperdition. alors il la démonte l'enfant il la fait ramper à ses pieds devant sa cour même de princesse déchu.
et elle ne se rebelle pas la poupée. elle ne dément pas comme il aimerait qu'elle le fasse.
elle les précipite inexorablement vers une chute sans fond.
tu as raison thybault. nous étions plus. nous étions des gosses perdus, attachés l'un à l'autre sans même s'en douter. nous étions le soleil et la lune. et quand je t'ai laissé, tu n'as pas arrêter de le penser, que nous serions ensemble, quoi qu'il en coûte, n'est-ce pas? il déglutit pris dans un piège. un piège qui lui pèse. il se braque un peu plus le petit prince qui prétend au trône. il s'avance d'un pas vers l'âme éplorée au visage dévasté par la tristesse et la dureté de ces mots inappropriés. il s'avance pas pour la consoler mais parce qu'il refuse la véracité de ses mots.
mais je t'ai retrouvé. j'ai lutté, tu sais? j'ai lutté pour ne plus être le soleil. ton soleil. mais c'était impossible. alors je m'y suis faite. j'ai commencé à rayonner pour toi. nuit et jour. mais tu m'avais tourné le dos.
partant d'un rire nerveux le gosse n'est plus le même. il attend la fin du discours de la reine. cette fin qui tarde qu'elle met un point d'honneur à repousser.
qu'elle repousse tant que ses mots éclatent comme une bombe.
tu as raison. nous n'étions pas amis. mais maintenant, nous ne sommes plus rien. plus rien du tout.
ses doigts se crispent dans cette sentence. il est prêt à la gifler à la frapper pour détruire ses traits trop beaux pour être vrais. mais il n'est pas de ce bord là thybault.
il est encore trop bon. trop con.
moi j'ai toujours cru qu'on finirait ensemble ? ouais. putain ouais agnès je l'ai cru jusqu'à hier encore. mais j'en ai marre de t'attendre. j'en ai marre de jouer les pots de fleurs de la reine. j'en ai marre de jouer les bons amis qu'on prend puis qu'on remet sur le côté. et laisse moi rire. t'as rien lutté du tout princesse. tu t'es laissée porter.
il fait comme si les mots fleuris ne l'avaient pas meurtri.
mais là dedans ça saigne.
ça saigne comme une fin qui n'a pas commencé.
si on n'est pas amis. alors arrête d'interférer dans ma vie. il me semble que moi je l'ai jamais fait pour toi.
féroce il défie la fauve. d'un regard noir il se détourne, prenant le bras de cloé.
considérant que tout est fini.
bien fini.

♒ SATURN BOY ♒
light of my life ; fire of my loins.

elle s'époumone la poupée de cristal. elle s'époumone à se briser, à s'éparpiller. son corps en lambeaux et son son coeur en mille morceaux.
alors qu'est ce qu'il attend oman. qu'est ce qu'il attend pour consoler la princesse brisée.
il n'attend rien.
il n'attend plus rien.
il veut juste voir sa fin.
la déchéance d'une princesse méprisante et méprisable. la fin d'un règne.
il attend de la voir s'échouer à ses pieds, comme lui autrefois. lui qui combien de fois a rampé, à s’érafler les joues, à s'égratigner les poings, pour la sauver.
dans les arbres il a grimpé, pour aller cueillir cette fleur, cette rose empoisonnée.
de leur cime il a chuté, pour terminer brisé, défoncé. esclave d'une reine oubliée.
aujourd'hui c'est au tour de sa majesté de s'incliner.
arrête de mentir !
ses yeux se voilent d'une fureur inconnue. il est en colère le môme amoureux au palpitant défectueux.
arrête de tout voir en victime agnès. je n'ai j a m a i s été dans ta vie. depuis ce putain d'jour où tu t'es barrée. sans rien dire, sans même essayer de revenir. tu t'es laissée porter par le courant. c'était tellement plus simple ouais. et moi j'étais où pendant tout c'temps ? j'étais où agnès à ton avis ? tu l'sais pas parce que t'as jamais fait attention. t'as jamais fait attention qu'à toi, à ta vie de princesse, de poupée dorée. tu sais rien d'moi. la preuve, t'étais même pas au courant pour ce putain de poumon !
il la fusille du regard, ses prunelles chocolats presque irréelles tant la colère du monde suinte de ce gosse perdu.
il a encore tant à dire mais ça reste coincée dans sa gorge. mots trop amers, mots trop sévères. il supporte pas d'la voir comme ça.
il voudrait tout réconcilier, lui demander de tout réparer. d'un simple mot. mot gangrène, hantise du je t'aime.
il sait qu'il se passe quelque chose thybault, qu'il met en route un avenir sans marche arrière.
il sait qu'il va tout faire merder, tout faire foirer.
mais il est conscient aussi que les mots qu'ils escomptent ne franchiront jamais la frontière de ses lèvres convoitées.
t'as que c'que tu mérites. si j'te tue c'est parce que t'as tiré un malin plaisir à l'faire avant moi. j'suis déjà mort agnès. autant physiquement que sentimentalement.
le palpitant brisé. le poumon déchiré.
il ment pas thybault.
il crache l'insolente vérité.