cassie & terrence
but i ain't done much healing
Boum boum. Boum boum. Boum boum. Des paupières qui s'ouvrent doucement, difficilement. Qui se referment presque aussitôt, la lumière étant trop éblouissante. Elles se rouvrent de nouveau, à plusieurs reprises, ne s'ouvrent jamais complètement en grand et se referment systématiquement. Il finit par se passer le revers des mains sur les yeux, pour tenter d'y voir plus clair. Il se redresse sur ses coudes, avec de la difficulté une fois encore. Et puis, soudainement, pris de panique, sa respiration s'accélère.

Terrence regarda tout autour de lui, ses pupilles se posèrent un quart de seconde sur chaque élément de la pièce, sa respiration ne cessait d'accélérer alors que son cœur se déchaînait dans sa poitrine. Il n'était pas chez lui, c'était clair et net. Il savait très bien où il se trouvait, cependant ; sa mémoire ne lui faisait pas défaut à ce point-là. Il était chez Cassie. La question qu'il se posait, c'était : pourquoi ? Pourquoi était-il chez elle ? Comment était-il arrivé là ? Il n'en avait pas le moindre souvenir, et cela ne fit qu'empirer l'état dans lequel il était. Il rejeta vivement le drap qui le recouvrait et se prit la tête entre les mains, frissonnant de panique. De panique ? Ou de... ou d'autre chose ? L'idée avait à peine germé dans son esprit que l'angoisse de Terry redoubla d'intensité. Oh non. Non, ce n'était pas possible. Pas après tous les efforts qu'il avait faits... Pitié, pitié mon dieu si tu existes, ait pitié de moi je t'en supplie. Il ne pouvait pas être retombé si bas, pas alors qu'il était clean depuis plus de deux ans maintenant. Tout mais pas ça. Il préférait encore replonger dans l'alcool, même si ce n'était pas dans ses projets et qu'il ne le voulait aucunement, c'était toujours mieux que de retomber dans la drogue. Son toxicologue avait été plus que clair : une dose d'héroïne de plus, et c'était la fin pour lui. Le corps de Terrence n'était pas capable de supporter davantage. Son moral non plus, d'ailleurs. Il n'aurait pas la force de repartir de zéro. Comment avait-il pu commettre l'erreur ? Alors même qu'il aidait des gamins au centre de désintoxication, qu'il les aidait à s'en sortir et à ne pas céder de nouveau à la tentation ? Comment avait-il pu replonger aussi facilement ? Et où était Cassie, bordel ?!
« Cassie ? » appela-t-il fermement, la voix forte, rauque, cassée.
Terrence porta ses mains devant lui. Elles tremblaient légèrement. Oh mon dieu. Il ferma les yeux. Est-ce qu'il ressentait les effets de la drogue ? Bien sûr que non, ils avaient dû s'atténuer pendant la nuit. Et pour ce qu'il savait de l'heure, cela pouvait très bien être le milieu de l'après-midi. Ressentait-il le manque ? ... Pas encore. Pas vraiment. Mais ses mains tremblaient. Son corps grelottait. Sa tête était lourde... Peut-être qu'il commençait à le ressentir, oui.
« Cassie ?! » cria-t-il de nouveau, au bord du désespoir, la voix brisée.
Sa colocataire n'était-elle pas là non plus ? Où étaient-elles passées, pour l'amour de dieu ? Pourquoi était-il tout seul dans cette baraque ? Terrence finit par se lever et tituba sur quelques mètres. Il avait la tête qui tournait, il ne se sentait pas très bien. Il essaya de prendre des grandes inspirations pour se calmer, mais rien n'y faisait. La panique le submergeait complètement. Où était-il hier soir ? Qu'avait-il fait ? Il se rappelait avoir retrouvé Cassie à l'Eagle... il se rappelait avoir bu sa menthe à l'eau accoudé au bar, il se rappelait la tête du fameux Nolan, ce trou du cul... et puis... il se rappelait avoir quitté le bar avec Cassie... mais où étaient-ils allés ? Pas chez elle. Il se souvenait au moins de ça. Depuis qu'ils s'étaient imposés de ne plus coucher ensemble, ils évitaient de se rendre chez l'un ou chez l'autre. Non pas que Cassie soit venue bien souvent au manoir ; c'était trop loin, pas très pratique, assez flippant pour une fille comme elle, pas assez isolé. Terrence ne l'avait jamais invitée chez lui pour passer la nuit. Cassie y était venue une ou deux fois, en journée, mais c'était tout. Par contre, l'appartement de la brune les avait accueillis à de nombreuses reprises, et l'électricité qu'il y avait entre eux y était décuplée. Après tout, c'était là qu'ils s'étaient envoyés en l'air... et pour ce qui était de Terry, il ne pouvait pas mettre un pied dans l'appartement sans y penser. À part en ce moment-même, bien sûr. Mais s'ils n'étaient pas venus ici, où s'étaient-ils rendus ? Pourquoi n'arrivait-il pas à s'en souvenir ? Terrence se traîna non sans mal jusqu'à la salle de bain, dans l'optique de se passer de l'eau sur le visage. Peut-être qu'il y verrait plus clair ensuite. Mais ce qu'il y trouva fut loin de le rassurer... il se laissa tomber au sol, sur les genoux. Il se pencha et passa son doigt dans la flaque rouge qui s'étendait sur le carrelage. Rouge sang. Terry se sentit faillir. Oh non. Qu'est-ce qu'il avait fait ? Que c'était-il passé ?! La gorge de Terrence se serra et il sentit les larmes lui monter aux yeux. Il était fini. Complètement. Il se passa les mains dans les cheveux puis sur son visage. Un sanglot s'étouffa dans sa poitrine. Il resta une dizaine de minutes comme ça, refoulant de violents sanglots au fond de lui, retenant les larmes du mieux qu'il le pouvait. Et puis, n'en pouvant plus, il explosa. Il éclata en pleurs, les canaux lacrymaux s'ouvrirent en grand et sa poitrine se souleva frénétiquement aux rythmes des nombreux sanglots qui faisait chavirer Terry. C'était la première fois qu'il pleurait de la sorte depuis bien des années. Il ne savait plus quoi faire. Il ne cessait de fixer la flaque de sang et les quelques traces qu'il y avait au mur, ressentant toute la peine et la culpabilité du monde. Il aurait tout donné pour se rappeler. Savoir ce qui lui avait pris, ce qu'il s'était passé. Il aurait voulu que tout ça ne soit jamais arrivé.

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La respiration de Terrence était bien trop rapide pour en être à sa vitesse normale, bien trop rapide pour que celui qui respirait soit calme. Et présentement Terry était tout, sauf calme. Les larmes coulaient le long de ses joues en cascade et ils ne pouvaient pas les retenir. Son cœur était compressé, sa tête tournait et lui semblait compressée à la fois, elle aussi ; en fait, il avait l'impression que son corps entier était coincé entre deux étaux qui se rétrécissaient de plus en plus. Il sentait la pression, le poids de la culpabilité le comprimer, et bientôt il serait réduit en bouillie ; il le savait. Il entendait déjà les sirènes de la police, bientôt suivies de celles des pompiers. Bien sûr, il se lèverait les mains en l'air, sans protester. Il dirait tout ce qu'il savait, tout ce dont il se souvenait. Mais pourquoi ne se souvenait-il pas de tout ? Il dirait tout. Tout ce qu'il pouvait. Il se rendrait à la justice sans broncher. Il purgerait sa peine. Toute sa vie, s'il le fallait. Oui, toute sa vie. Terrence se voyait déjà derrière les barreaux quand il entendit la porte s'ouvrir. Ils ont là, c'est bon, pensa-t-il. Mais, avait-il entendu les sirènes ? Non, pas à sa connaissance. Peut-être avait-il été trop absorbé ? Peut-être patientaient-ils depuis longtemps derrière la porte, attendant le meilleur moment pour le surprendre ? Depuis combien de temps était-il réveillé ? Depuis... depuis trois minutes, peut-être. Trois minuscules minutes et il se voyait déjà enfermé dans une prison, dans une chambre de sept mètres carrés sans fenêtre, dans le bâtiment le plus sécurisé, réservés aux assassins. Une voix féminine se fit retentir, l'appelant par son surnom. Ce surnom, pendant longtemps la seule manière de l'appeler qu'il avait autorisé, refusant d'entendre son prénom complet. Mais la police connaissait-elle son surnom ? Et pourquoi prenait-on la peine de l'appeler ? Ne devaient-ils pas être avec leurs pistolets, à fouiller la maison à sa recherche ? Son prénom retentit une deuxième fois. Oh non. C'était la fois de Cassie. Voilà qu'il hallucinait, maintenant... En réalité, Terrence délirait complètement. Vraiment, sérieusement. Ne pouvait-il pas penser l'espace d'un instant que Cassie était bel et bien vivante ? Apparemment non. Une main se posa sur l'épaule de Terry, mais il ne releva pas. Il ne réalisait pas. Il était ailleurs, très loin. Et puis, un visage entouré d'une chevelure brune se détacha dans son champ de vision... Il releva la tête, papillonna des paupières, ses yeux s'éclairant à mesure qu'il se rendait compte de la personne qui se trouvait devant lui.
« Cassie ! » s'écria-t-il avec la plus grande des surprises.
Instinctivement, il se jeta dans ses bras et la serra contre elle du plus fort qu'il pouvait. Elle était vivante. Oh mon dieu, elle est vivante.
« Tu... tu n'es pas... »
Malgré tout, des sanglots continuaient de soulever sa poitrine. Il se détacha de la jeune femme et la fixa, éberlué, les larmes continuant de dégouliner le long de son visage. Les larmes de tristesse et de peur se mêlaient maintenant à des larmes de soulagement et de joie. Les sanglots continuaient de se manifester, violemment, comme s'ils extériorisaient six ans d'émotions refoulées. Six ans, oui ; six longues années depuis le décès de ses parents. Il avait beaucoup pleuré ce jour-là, de rage principalement, refoulant la tristesse au plus profond de lui. Tout ressortait aujourd'hui. Il avait beau tenter, Terry n'arrivait pas à se calmer. Le contact rassurant de Cassie n'y fit rien, et il fut incapable de lui répondre quoi que ce soit. Il se laissa faire, se releva difficilement, se raccrocha à sa main comme si sa vie en dépendait. Il la suivit, traînant le pas, la tête encore en plein coton. Son amie l'emmena jusqu'à la cuisine, où il s'avachit sur une chaise. Il se prit la tête entre les mains, aussitôt. Ses mains, qui tremblaient avec une violence rare. Pire encore, il lui semblait, que lorsqu'il était en manque. L'était-il, en manque ? Il n'avait pas tué Cassie, il en avait la preuve, mais qu'en était-il de la drogue ? En avait-il pris ?
« Je... »
Sa gorge était sèche, et il avait du mal à parler.
« Est-ce que je pourrais avoir à boire ? S'il-te-plaît... »
Il avait besoin de s'hydrater, rapidement. Il se sentait tourner de l’œil, il se sentait partir. Il n'avait malheureusement pas la force de se déplacer jusqu'à l'évier. Quand il eut bu son verre d'une traite et remercié Cassie, il se passa la main sur le visage, pour sécher ses larmes. Il se pinça l'arête du nez alors que certaines larmes coulaient encore. Les sanglots se calmaient, peu à peu.
« Tu... tu n'es pas morte. Je ne t'ai pas tuée, » dit-il calmement, posément, pour bien se l'ancrer dans l'esprit.
« J'ai cru... tu n'étais pas là... et le sang dans la salle de bain, et je ne me souvenais de rien, je ne me souviens de rien et... »
Ses respirations s'accélérèrent de nouveau alors que l'éventualité qu'il ait pu retomber dans l'héroïne le hantait. Il releva la tête, doucement, et planta son regard dans celui de Cassie.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé, Cass' ? Je... qu'est-ce que j'ai fait ? »
Lui aussi, il avait besoin d'en savoir plus.

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Terry secoua la tête de droite à gauche. Pourquoi l'aurait-il tuée, n'est-ce pas ? La question valait la peine d'être posée. Maintenant qu'il y pensait lui-même, il trouvait ça terriblement débile. Débile d'avoir réagi de la sorte, de s'être mis à pleurer comme un faible, d'avoir cédé à la panique alors qu'il n'y avait vraiment pas de quoi. Il trouvait ça débile, oui, mais l'angoisse qui lui avait serré le cœur quelques instants plus tôt n'était toujours pas complètement partie, cette angoisse d'avoir peut-être commis l'irréparable. C'était un sentiment étrange que de penser que l'on était capable de l'avoir fait, que l'on pouvait être un monstre. Mais, Terrence, il en avait vécu des choses. Il avait eu des crises de colère, et pas des moindres. Pendant longtemps, il n'avait pas su gérer ses réactions. Il se mettait à gueuler sur des passants innocents parce qu'il pensait qu'on le regardait de travers, il avait frappé des mecs de la banlieue qui avaient osé hausser le ton contre lui. Il avait à l'époque une rage débordante et, même s'il était arrivé à la canaliser depuis grâce à l'aide de sa grand-mère et, par la suite, grâce à son toxicologue, qui pouvait dire qu'elle n'était pas tapie dans l'ombre, dans un recoin de lui-même ? Qui pouvait dire qu'elle ne ressortirait jamais ? Il se sentait calme, bien sûr, mais pouvait-il être sûr qu'il resterait maître de lui-même en toute situation ? Qui savait ce dont il pouvait être capable s'il ne se contrôlait plus, et que toute cette rage qu'il cachait depuis quatre ans resurgissait d'un seul coup ? Il se faisait trop de souci, bien sûr. Terrence n'était pas capable de ça. Même quelqu'un l'ayant connu à son état le plus mal aurait pu l'assurer. Mais, Terry, lui, ne se voyait pas comme les autres le voyaient. Il s'imaginait toujours plus mal, plus mauvais. « Tu n'étais plus là. Et il y avait du sang Cassie, du sang... » répéta-t-il pour la deuxième fois, n'apportant pas davantage de précision à son amie. Il avait accentué le dernier mot, pour essayer de lui faire comprendre ce qui lui était passé par la tête. Que son absence ajoutée à un peu de sang dans la salle de bain ne lui avait pas fait penser, comme à n'importe quelle autre personne, qu'elle s'était légèrement blessée puis était partie faire une course, mais qu'elle signifiait qu'un meurtre avait été commis. Il n'y avait rien de raisonnable là-dedans... mais c'était la réalité de Terrence. Quand il aperçu les écorchures sur le bras de Cassie, il soupira légèrement entre ses lèvres serrées. Elle s'était juste blessée. Ce n'était rien de grave. Du moins, rien de vital. Il finit par hausser les épaules, capitulant. Il s'était inquiété pour rien. Il prit néanmoins une grande inspiration et se resservit un verre d'eau, qu'il but de nouveau d'une traite. Ses mains tremblaient toujours, et il ne comprenait pas bien pourquoi. Il n'avait pas tué Cassie, soit, mais qu'en était-il de la drogue ? Cependant, il n'osait pas lui demander. Elle l'aurait pris pour un fou, plus encore que ce qu'elle pouvait penser à présent. Il était quasiment sûr de ne lui avoir jamais parlé de son passé obscur, et l'aborder maintenant n'était peut-être pas une bonne idée. Avoir affaire à un ex-alcoolique couplé d'ex-héroïnomane n'avait rien de rassurant, c'était une chose qu'il pouvait admettre. Terrence secoua de nouveau la tête, en réponse à la question de la brune. « Du tout. Le noir total... » Cassie lui indiqua donc ce qu'ils avaient fait, à savoir pas grand chose. Ils avaient bu un verre, marché dans les rues de White Oak. Rien de dramatique jusque là. Terry se souvenait de la première partie, à vrai dire. Et des trois premières minutes de la deuxième. « Je me sentais pas bien ? C'est tout ? J'avais quoi... mal à la tête ? » C'était dingue quand même de ne pas se souvenir à ce point, non ? Comment était-ce possible ? « Et c'est tout ? Je ne me sentais pas bien, tu m'as amené chez toi, j'ai dormi ? C'est tout ? » Ses questions se faisaient plus pressantes, à mesure que l'inquiétude grandissait. Il était conscient qu'il s'inquiétait peut-être une nouvelle fois pour rien, mais le fait qu'il soit retombé dans la drogue était malheureusement bien plus probable que le fait qu'il ait tué Cassie. Terrence écarquilla les yeux alors que cette dernière reprenait la parole. « Quoi ?! » Il se frappa le visage de la main, et glissa ses doigts avec lenteur jusqu'à atteindre son menton. « Oh non, la honte... » Il adorait Cassandra et... et oui, elle lui faisait énormément d'effet il ne pouvait pas le nier, mais lui montrer ouvertement qu'elle l'attirait alors même qu'ils s'étaient promis de ne plus se comporter autrement qu'en amis ? C'était ridicule. Et alors même qu'il avait bu ? ... « J'ai bu ?! » demanda-t-il alors qu'il faisait le lien mentalement, paniqué. « Du genre, pas sobre comme dans "bourré" ? Comme dans "j'ai bu trop d'alcool" ? » Il se redressa sur la chaise, les poings crispés. Il n'était pas retombé dans la drogue. Il était tout bêtement retombé dans l'alcool. Un peu moins dramatique, mais tout aussi grave. Deux ans qui partaient en fumée. Plus de quatre ans d'efforts en tout, ça faisait mal au cœur. Il se rappelait avoir bu un verre, mais il était plus que persuadé qu'il n'y avait que de l'eau et du sirop dedans. De la limonade, peut-être. « Et tu ne m'as pas stoppé ? » Mais lui avait-il dit qu'il était alcoolique ? Quelques minutes plus tôt, il était persuadé que non. Mais à y repenser, il était obligé de lui avoir dit. Après tous ces moments passés au bar sans boire une goutte d'alcool, bien sûr qu'il le lui avait dit. Il n'avait jamais eu besoin de mentionner la petite poudre blanche, mais l'alcool, il n'aurait pas pu y échapper. « Oh la la... » Terry était au bord du gouffre. Honteux. « Je t'ai vraiment draguée ? Comme je devais être pathétique... » Il se prit la tête entre les mains, ne sachant s'il devait rire de son immense ridicule, ou pleurer de la déception qu'il était. « C'est du gâchis, un beau gâchis... » Il releva la tête, l'air dépité. « Je suis désolé Cass'. Ça craint. »