la cigarette s'écrase au sol en crépitant et keenan l'écrase du bout de sa chaussure, observant avec une sorte d'émerveillement les cendres rougeoyer puis s'éteindre. il s'émerveille facilement, c'est l'avantage avec lui. mais ça a une certaine beauté, les cendres. bon, il préfère regarder la flamme de son briquet danser lorsqu'il allume ses cigarettes, mais ça c'est pas mal non plus. abandonnant donc sa clope à son triste sort de mégot écrabouillé sur le trottoir, il se balade à la recherche d'autres sources d'ébahissement. ça ne devrait pas être très compliqué, il aime tant de choses...
la musique un peu trop forte qui s'échappe par la fenêtre ouverte d'une maison, l'odeur de la ville, le chant des oiseaux lorsqu'il pénètre dans le parc, le sourire qu'une vieille lui adresse et le rire d'un enfant qui en éclabousse un autre près de la fontaine; ça suffit à le réjouir, keenan. c'est un homme de plaisirs simples, nul besoin d'en faire trop pour lui tirer un sourire. ni pour l'énerver, à vrai dire, mais c'est une autre histoire.
son regard tombe sur une rouquine penchée sur une feuille de dessin, crayonnant, ce qui l'intrigue beaucoup. keen adore le dessin. il adore l'art, il adore... beaucoup de choses, vraiment. ce qu'elle est en train de faire l'intéresse énormément, lui qui n'a rien d'autre à faire que de se balader et d'aborder quelqu'un, il s'avance en sifflotant.
il s'installe à côté d'elle, sans lui demander la permission, sans s'intéresser ne serais-ce qu'une seule seconde à ce qu'elle en pensera, sans considérer le fait qu'elle attend peut-être quelqu'un. en fait, toutes les possibilités lui passent par la tête, mais ça va très vite, parce qu'au fond il s'en fout un peu. keenan c'est pas le genre à se préoccuper de ce que les autres pensent, en particulier à son sujet. c'est sa façon d'être, de vivre. freestyle.
« c'est très joli ce que tu fais. tu dessines depuis longtemps ? » il a beau être spécial et parfois antipathique, il est très souvent sociable. pas forcément parce qu'il aime les gens, mais pour ce qu'ils ont à offrir. parler, découvrir, s'ouvrir à d'autres horizons, à de nouvelles personnes, il adore ça. il sait pas trop pourquoi. depuis que cela lui a permis de rencontrer agnès et liv, il ne se pose plus vraiment la question, il prend les choses comme elles viennent, les rencontres aussi. pourquoi cette petite dessinatrice ne pourrait-elle pas devenir une aussi bonne amie qu'agnès l'est ? bon, en moins bien, forcément, car personne n'arrive à la cheville de sa princesse agnès, mais ça peut tout de même donner quelque chose.

si ce début de matinée n'a pas été des plus divertissants, keenan a finalement trouvé de quoi s'occuper. de quoi, ou plutôt de qui. son regard, attiré par l'art, s'est naturellement posé sur une dessinatrice dans un coin du parc et ce serait mal le connaître que de penser qu'il ne l'abordera pas. il n'est pas gêné, il n'a pas peur de déranger, la plus simple réflexion qui soit mène au fait qu'il n'y a pas de rencontres sans premier pas. ce pas, keenan est le genre de personne à le faire tout le temps, partout, n'importe où. et surtout n'importe comment. c'est un personnage singulier, un type un peu bizarre, parfois flippant, mais il est attachant. à sa manière.
il s'avance donc, sûr de lui, d'un pas un peu lent et en sifflotant une mélodie dont il ne parvient pas à retrouver le nom. c'est préoccupé par ce fameux titre qu'il prend place à côté de la rouquine, avant de se pencher sur ce qu'elle fait sans lui demander son avis. il a cessé de siffler, cessé même d'y penser. il observe attentivement les traits, puis se met à chercher le modèle dans la foule qui traverse manning place. lorsqu'il l'aperçoit, ses lèvres s'étirent en un sourire ravi et il reporte son attention sur le papier pour constater de la ressemblance.
« c'est indécent de vous demander votre âge ? » interroge-t-il sans détour après qu'elle lui ait annoncé dessiner depuis ses treize ans. quoi, il n'est pas devin, pour lui savoir qu'elle dessine depuis qu'elle a treize ans ne l'amène a rien, ça ne lui dit pas combien de temps ça fait. moins d'une dizaine d'années en tout cas, c'est certain.
« vous dessinez, vous aussi ? » il manque de s'étrangler, sourit, et se retient si fort de rire qu'il a mal aux zygomatiques. il est un peu artiste, certes, un peu à part aussi. il dessine parfois, il tag beaucoup, mais ce n'est en rien comparable à ce que fait la demoiselle.
« on peut dire ça... » il hausse vaguement les épaules. « mais mon truc c'est plutôt la musique. » sur ses lèvres, toujours le même sourire. lui et la musique, une grande histoire d'amour, une passion qui, pour tout dire, et un peu sa vie. il respire pour ça.
« moi c'est keenan. » il ne lui tend pas la main, il ne la regarde même pas, toujours concentré sur l'analyse de ce qu'elle a dessiné. il ne fait que l'informer d'une partie de son identité, parce que, apparemment, c'est ce qui se fait. encore une fois, c'est sa façon d'être, il ne suit pas vraiment les convention sociales à la lettre, se contentant du minimum de politesse. et puis il y a les fois où il ne fait même pas l'effort d'être un tant soit peu poli, ce qui lui attire régulièrement des problèmes. il n'a pas peur des problèmes, il n'a pas de souci avec sa personnalité ni avec son mode de vie et c'est aux autres d’accepter ou de dégager, c'est comme ça. il faut savoir rester soi-même, et si ça déplaît qu'est-ce qu'il en a à foutre ?

« j'ai vingt et un ans » le calcul est simple, elle dessine depuis à peu près huit ans maintenant. ça parait logique, elle est très douée. loin d'être jaloux envieux, il est plutôt admiratif. à chacun son domaine, il est très doué en musique, elle en dessin. ce que lui dessine n'a rien de passionnant, rien d'éblouissant. souvent, c'est même assez sombre et déprimant. ça ne veut jamais rien dire, du moins pour un regard extérieur. sauf la fois où il a dessiné sa mère, sauf qu'il l'a ensuite recouverte de peinture noire et de gribouillages. il ne peut la représenter, il n'y arrive pas, pas encore.
« vingt huit, comme ça on est quitte. » c'est une annonce nonchalante, sans vraiment de ton (ni d'importance). il ne sait pas lui même pourquoi il lui dit son âge, mais c'est ainsi. il évoque la musique, ce qui intéresse visiblement beaucoup la rouquine, qui li prête désormais toute son attention. keenan sourit, elle lui plait de plus en plus.
« guitare, piano, violon et batterie. en fait j'ai pas de batterie mais j'en ai joué dans un groupe. sinon je suis autodidacte et j'ai l'oreille absolue, dooonc je crois que je peux jouer de n'importe quel instrument. » il ne se veut pas prétentieux, seulement réaliste. il a appris à jouer de quatre instruments par lui même, reproduisant des morceaux sans avoir la moindre notion de solfège ni de musique. aujourd'hui, il s'y connait, c'est encore plus simple. dernièrement, il s'est essayé à l'harmonica. il a maîtrisé en quelques jours.
« et toi ? » ce n'est pas une façon de faire la conversation -il déteste retourner des questions stupides juste pour parler- il s'agit là d'un véritable intérêt artistique et musical. musicalement artistique. bref.

les sujets bateaux n'intéressent pas keenan, il ne s'attarde ni sur l'identité des gens, ni sur ce qu'ils font de leur vie et de leurs journées. il n'est intéressé que par les choses que tout le monde ne fait pas, par l'art, et par ce qui peut le rapprocher des autres. de certains autres, évidemment pas de tous. ceux qui peuvent lui apprendre quelque chose, que ce soit sur la vie ou dans un domaine précis, l'intéressent tout particulièrement. il est opportuniste, si on veut.
« j'ai commencé au lycée, à vrai dire je ne sais plus exactement ni quand ni comment... » disons que cette époque est un peu floue, il s'est passé tant de choses. c'était avant le canada, c'est tout ce qu'il saurait en dire. à l'époque où il s'est découvert une passion pour les animaux, en parallèle de la musique. les animaux, il déplore aujourd'hui de posséder uniquement un perroquet, anonyme qui plus est car il n'est pas foutu de lui trouver un nom. mais il a conscience qu'élever une ménagerie dans son appartement n'est pas l'idée du siècle, d’autant qu'il n'est jamais chez lui et qu'il aurait une flemme monstre de sortir un cabot. il est trop égoïste pour ça.
« "que du piano" c'est très bien. tu joues quoi ? » fait-il, intéressé, lorsqu'elle répond à sa question. ils ont sans doute plus en commun qu'il n'y paraît. au premier abord, ils sont opposés. totalement. déjà par le sexe et l'âge, mais il y a aussi une évidente différence de mode de vie, de situation, bref tout semble les opposer. keenan a cette manie d'aller vers des gens diamétralement opposés à lui, sans doute car les gens comme lui n'existent pas. et que, si un type aussi horripilant qu'il l'est existait, il lui mettrait son poing dans le visage à leur première rencontre. des fois, il en vient à vouloir se frapper lui-même tant il est invivable. de plus, des personnes qui ne lui ressemblent pas peuvent tant lui apporter.