cinq heures de l’après-midi.
l’appartement dans lequel tu vivais étais méconnaissable, tu avais installé tout ton nécessaire d’artiste au salon. c’était le chaos, un bordel sans nom, heureusement qu’Agnès n’était pas là. le canapé n’était même plus visible tant il y avait d’ustensiles qui traînaient dessus ; des pots de peinture, des toiles, des pinceaux. ton chevalet trônait au milieu du salon tandis que tu avais installé un petit tabouret en face de ce dernier destiné à accueillir ta prochaine muse.
thybault.
après avoir insisté pendant au moins une semaine, avoir pesé le pour et le contre, il avait enfin fini par accepter ta proposition. tu n’en revenais toujours pas d’ailleurs, au vu du personnage tu pensais qu’il n’allait jamais se décider à le faire. bon il faut avouer que tu lui avais un peu forcé la main aussi, tu ne l’aurais pas lâché avec ça tant qu’il n’aurait pas posé pour toi. cependant tu espérais qu’il n’allait pas revenir sur sa décision en pénétrant dans ton appartement.
tu observais le petit tabouret et souriais déjà en imaginant thybault complètement nu et les joues rouges de gêne sur celui-ci.
tu remuais encore un peu ton bordel organisé, réarrangeant encore quelques détails en attendant ton invité, qui était d’ailleurs légèrement en retard. tu fis la moue en espérant toujours qu’il n’allait pas faire son trouillard et se défiler.
il en était capable, pourtant tu l’avais déjà entrainé dans des expériences pire que celles-ci. il a toujours été plus ou moins réticent à tes idées mais tu as toujours réussi à le tirer avec toi pour qu’il te rejoigne dans ta folie.
la sonnette retentissait enfin, douce mélodie qui signait le début de ton œuvre. tu jubilais déjà alors que tu ouvrais la porte de l’appartement d’un coup laissant apparaître la silhouette de thybault qui attendait gentiment sur le pallier.
enfin, c’est pas trop tôt ! j’ai cru que t’allais jamais te pointer. tu affichais un léger rictus aux coins des lèvres tout en te reculant pour laisser thybault pénétrer dans l’appartement et admirer le lieu de sa futur torture qui se dressait face à lui.
la tête de ta muse se décomposa un peu plus alors que tu affichais un sourire de satisfaction et de victoire sur ton visage.
et maintenant… à poil ! dans un autre contexte cette phrase aurait sonné un peu crue. tu n’y allais pas par quatre chemins, tu ne voulais pas perdre de temps tu étais toute excitée à l’idée que quelqu’un de ta connaissance veuille enfin poser pour toi, et le plus inattendu dans tout ça, c’était que cette personne était thybault.
tu observais thybault en souriant, les bras croisés sur ta poitrine, en attendant qu'il exécute ta demande.

tu t'étais promis de ne pas flancher. pour une fois dans ta vie de foncer tête baissée dans l'inconnu, dans quelque chose d'excitant. et comme toujours c'est anaë, la petite australienne qui t'entraînait dans sa connerie. mais comme à chaque fois tu cédais à son caprice. comme à chaque fois, tu te disais qu'elle avait raison de te pousser hors de tes limites comme ça. qu'elle était ta fusée de décollage car sans elle, tu n'irais pas bien loin dans le monde.

marchant vers donwtown area, les mains au creux de tes poches, tâtonnant une pièce qui gisait là, au fond de ton pantalon, tu la retournais entre tes doigts, pesant le pour et le contre. exactement comme tu l'avais fait. toute la semaine durant. mais aujourd'hui tu ne pouvais plus refuser. tu souhaitais tenir ta promesse auprès d'anaë. et puis c'était quoi au fond ? une simple peinture ? une peinture de toi. nu. ouais nu. là était tout le problème. tu ne t'étais pas souvent retrouvé nu devant une demoiselle. très rarement pour être honnête. et même si il s'agissait d'anaë, tu ne pouvais t'empêcher de rougir rien qu'en y pensant. t'étais pas mal foutu, loin de là. tu t'en sortais pas mal, le sport ça te convenait bien. mais la perspective d'avoir le regard d'une fille, dardé sur toi, scrutant les moindres détails de ta peau, ça ça te faisait littéralement flipper.

grimpant les étages qui te séparaient de la séance de torture, tu te rongeais les sangs. incapable de faire demi-tour, la curiosité étant trop grande, mais tout aussi incapable de poser le doigt sur la sonnette. combien de temps t'es resté comme ça ? scotché, sur le palier d'anaë. une demi heure. au moins. finalement, ta volonté l'a emporté, ton petit doigt magique s'est posé sur le bouton et un sourire chaleureux et presque soulagé t'as ouvert. « enfin, c’est pas trop tôt ! j’ai cru que t’allais jamais te pointer. » te massant la nuque tu bredouilles une excuse minable - le linge de ta mère ouais - et tu pénètres dans la pièce, les yeux rivés sur l'étalage qui se dresse devant tes yeux. putain c'est quoi ça ?! tu te décomposes au fur et à mesure, tes yeux s'arrêtant sur le tabouret. sur ton tabouret. ton siège de modèle. et la tu trembles. tu bredouilles alors qu'anaë en rit presque. « j'peux pas garder mon caleçon au moins ? » question ridicule thybault. tu sais très bien ce que ça signifie. alors toujours aussi gêné, tu retires un à un ton sweat, ton t-shirt, découvrant les quelques muscles et abdominaux que tu possèdes. tu défais ta ceinture, tes chaussures, laissant glisser ton pantalon sur tes jambes, les yeux rivés au sol pour ne pas flancher. et enfin la pièce fatidique. tu détournes ton corps pudique des yeux d'anaë, les lèvres pincées et les joues rouges de honte, tu t'assieds prestement sur le tabouret, tentant de masquer ta gêne. « fais vite l'artiste. avant que je change d'avis. » tu grommelles un peu mais dans le fond, la situation t'amuses un peu. et si tout ça faisait un déclic chez toi thybault ? si poser nu devant une demoiselle te permettait d'affronter le monde entier ensuite ?

Spoiler:

thybault venait-il vraiment de te demander s’il pouvait garder son caleçon ?
oui il l’avait bien fait. peut-être devrais tu lui expliquer ce que signifiait à poil. tu ne pris même pas la peine de répondre à sa question, et vint enfouir ta tête dans tes mains tout en la secouant de droite à gauche tant tu trouvais sa questions futile. tu laissas tout de même échapper un petit rire par la suite, son innocence te faisais toujours sourire.
tes yeux vinrent se poser sur le jeune homme alors qu’il enlevait un a un ses vêtements, légèrement hésitant. bordel, il était vraiment entrain de le faire. il était vraiment entrain de se jeter à l’eau. un sentiment de fierté vint t’effleurer, t’étais fière, ouais, qu’il réussisse à prendre son courage à deux mains et à se dévêtir devant tes yeux ébahis.
qui aurait cru qu’un tel corps se cachait sous tout ces vêtements. comme si il n’était déjà pas assez rouge de honte comme ça, toi t’enfonçais encore un peu plus le clou. et c’était bien ton but, alors que lui était gêné, toi tu riais de la situation.
thybault alla enfin se réfugier sur le tabouret que tu lui avais préparé au milieu de la pièce. tu veux bien te mettre un peu plus sur la droite ? et enlève tes mains, met les un peu plus sur le côté pour que je puisse voir tous les détails. la séance allait enfin pouvoir commencer, tu allais enfin pouvoir laisser s’exprimer ton talent. tu pris une toile vierge du bout de tes doigts pour venir la placer délicatement sur le chevalet.
mais un dernier détail te gênais encore.
détends toi oman ! on dirait que tu vas passer un entretien ! tu le fusillais presque du regard, mais tu voyais qu’il commençait tout de même à se sentir un peu plus à l’aise. tes doigts vinrent saisir un des pinceaux qui se trouvaient à côté de toi et, après l’avoir trempé dans la couleur, du bout des doigts tu vins assener le premier coup de pinceau à la toile. tes lèvres étaient pincées, tu étais plus concentrée que tu ne l’avais jamais été. tu ne tenais pas vraiment à te louper, ni à déformer thybault sur la peinture. tu imaginais déjà ô combien il allait mal le prendre si par mégarde tu venais à peindre son engin plus petit qu’il ne l’était en réalité.
tes yeux se posaient sur son corps, tu scrutais chaque détail, observait chaque centimètre de sa peau nue devant toi, et tu continuais toujours à donner des coups de pinceau sur ta toile. reste bien en position, et arrête de gigoter. tu voyais que le brun commençait légèrement à s’impatienter, et le pire était encore à venir pourtant. tu n’étais qu’au début de ton œuvre. monsieur n’allait pas tarder à avoir des crampes et tu l’entendais déjà râler d’ici et réclamer une pause.
tu décollas quelques instants le nez de ta toile afin de prendre un peu de distance et de pouvoir vérifier que ce que tu avais fait pour le moment correspondait bien à la réalité.
parfait.

Spoiler:

c'était pas une habitude chez toi d'exposer ton corps - qui plus est nu - à une femme. et la petite australienne se payait bien ta poire alors forcément t'en devenait ronchon. maintes fois t'as failli te rhabiller pour fuir loin de ses petits yeux perçants d'artiste, maintes fois tu aurais voulu lui dire d'arrêter de te fixer avec autant d'attention, mais c'était tout simplement trop tard. tu ne revenais pas sur ta parole et tu avais promis à anaë de poser pour elle. suivant ses instructions tu t'es placé comme bon lui semblait sur le tabouret. un parfait petit soldat. néanmoins, impossible de te décrisper. soufflant longuement tout l'air que tu pouvais, tu finis tout de même par avoir l'air moins coincé, le dos droit, tu suivais des yeux les moindres mouvement de ta persécutrice. concentrée comme jamais, la petite brune s'activait à la tâche, remplissant la toile qui se dérobait à tes yeux. impossible de voir ce qu'elle trafiquait, impossible de savoir à quoi tu ressemblais là, derrière le chevalet. alors tu patientais, tes yeux passant de son visage crispé par la concentration, à ses mains habiles qui voltigeaient sur la toile, la parsemant de pigments colorés.

esquissant un sourire tu regardais anaë à la tâche, faisant totalement abstraction du fait que tu te trouvais nu devant elle. songeant à tout autre chose, tu te remémorais ton voyage vers le pays de la jeune fille. ton voyage vers l'australie et les bons souvenirs que tu gardais de ton séjour. peut-être était-ce grâce à anaë que tu ne sombrais pas dans les tréfonds de toi même. peut-être que c'est elle qui t'avait tiré de ta torpeur, essayant de te faire oublier le visage de ta rouquine perdue. alors tu sourirais doucement, te souvenant de toutes les bêtises dans lesquelles elle t'avait entraîné, mais de tout les fous rires que cela avait provoqué. c'était une fille bien anaë, peut-être et certainement la seule que tu connaisses.

ton immobilité durable commençait à se faire ressentir, te donnant des crampes dans certains muscles mais tu n'osais pas te plaindre. tu n'osais pas déranger l'artiste dans son travail. parcourant des yeux la pièce, tu essayais au maximum de rester immobile, mais c'était un peu trop demander pour toi thybault. toi qui aime à vagabonder un peu partout. toi qui est en mouvement constant, comme un satellite autour de notre planète, tu gravites autour du monde.

et tu regardes le monde. mais le monde ne te regardes pas.

pourtant. aujourd'hui c'est anaë qui te regarde, tel que tu es. et qui semble bien s'en accommoder. t'hésites un peu. indécis. peureux de ce qu'elle pourrait te dire. puis te lance. parce qu'elle est la seule en qui tu puisses avoir une pleine confiance. elles sont peu les demoiselles à qui tu oses faire confiance. mais anaë c'est différent. alors tu la déranges, dans son travail acharné. tant pis. toi aussi tu as besoin d'aide en retour. « dis ana. de toi à moi comme ça. tu m'trouves comment ? » aucun sous entendu ne filtre dans ta question. tu as juste besoin de savoir. juste besoin d'avoir un avis. besoin d'être rassuré un peu.

tu observais ta toile.
une explosion de couleur apparu devant tes yeux tandis que le corps de ton ami commençait tout doucement à prendre forme sur la toile. cela te paraissait satisfaisant pour le moment. tu ne l’avais pas loupé, ni déformé.
même si tu en rigoles bien, tu comprends tout de même le fait que thybault puisse paraître gêné. il est nu, quand même. complètement nu. totalement exposé à tes petits yeux perçants. il n’a rien pour se cacher, non. il est simplement devant toi, nu, et presque vulnérable.
le mieux dans tout ça, c’est qu’il ait accepté de s’exposer comme ça devant toi, sans contrepartie. à sa place tu aurais demandé quelque chose en échange pour avoir subi, ce qui devait être pour lui, un moment extrêmement gênant.
t’étais concentrée sur ton œuvre. la peinture révélait chez toi un trait de caractère qui n’intervenait pas dans ta vie de tous les jours : ton perfectionnisme. d’habitude tu es tout l’inverse un peu je-m’en-foutiste sur les bords, si ce n’est pas parfait, tu t’en fous royalement tant que c’est fait. mais la peinture c’est une autre histoire, quand tu peins, tu te transformes, tu deviens sérieuse, appliquée, presque autoritaire.
et pour l’instant, le silence, juste le silence. que thybault vint enfin briser. dis ana. de toi à moi comme ça. tu m'trouves comment ? soudain tu te stoppas, complètement. le pinceau qui se trouvait dans ta main s’arrêta de virevolter dans tous les sens, comme ça, d’un coup. ton regard se décolla de ton œuvre et tout en gardant le pinceau en main, ton regard vint se poser à nouveau sur thybault. tu étais intriguée par sa question si soudaine.
pourquoi te posait-il cette question ?
tu l’avais mis à nu, peut-être voulait-il que tu te mettes à nu également ? pas littéralement, pas toi, mais tes pensées. peut-être n’avait-il pas assez confiance en lui ? il devrait avoir confiance en lui. il est génial thybault. mais il ne le remarquait pas c’est tout. et tu souhaitais de toutes tes forces qu’il trouve un jour la personne qui arriverait à le faire se sentir génial. parce qu’il le méritait thybault. c’était un mec bien, unique. un mec comme on en trouve pas deux.
un large sourire vint se dessiner sur ton visage, d’un coup, tes traits devinrent moins autoritaires, beaucoup plus doux. tu es très bien ne t’inquiètes pas. t’essayais de le rassurer comme tu pouvais, c’était pas trop ton truc les compliments, même si t’en pensais pas moins. t’étais même étonnée de voir thybault sous cet angle, jamais tu n’y aurais pensé. tu savais qu’il n’était pas mal foutu, qu’il avait une bonne carrure, ça se voyait ça, à travers ses vêtements. mais jamais t’aurais pu penser qu’il avait ces quelques abdominaux si bien dessinés.
dans tous les cas, je ne suis vraiment pas déçue de mon choix de modèle. et c’était vrai. t’essayais de le rassurer un peu plus, parce que tu te rendais bien compte que ta première phrase n’était pas totalement convaincante.
puis si tu te promenais comme ça dans la rue, t’en ferais tomber plus d’une ! et maintenant tu tentais l’humour, génial. un petit rire que tu laissas s’échapper retentissait mélodieusement dans la pièce.

il aurait peut-être mieux valu que tu fermes ta belle gueule d'ange. déjà tu sentais que tu regrettais tes paroles. tes interrogations tu pouvais les garder pour toi. mais c'était anaë. anaë ta petite correspondante australienne. et c'est là que ce trouvait la différence avec tes copains de white oak station. anaë elle venait pas d'ici. anaë elle t'avait accueilli dans son pays sans une once de jugement, simplement une envie de tirer un petit garçon de son quotidien de canadien coincé. anaë c'était un peu comme ta meilleure amie, sauf qu'elle était jamais près de toi, mais toujours à des kilomètres. alors avec elle tu vois pas vraiment ce qui pourrait être tabou. c'est peut-être pour ça que tu tiens nu devant elle, à réaliser ce qu'elle attend depuis longtemps. c'est peut-être aussi pour ça que tu oses lui demander ce que tu ne peux demander à personne d'autre. et tu sais que l'australienne sera aussi franche que possible. ça la déroute un peu ta question, tu le sens bien. c'est rare aussi que vous parliez de ça. mais elle s'arrête. elle se stoppe dans ce travail auquel elle tient tant, dans lequel elle met tant de cœur. elle te détaille comme elle le fait depuis le début, puis s'exprime enfin. « tu es très bien ne t’inquiètes pas. » son ton est doux. rassurant. alors forcément tu penses que c'est faux. qu'elle essaie juste de te faire plaisir. elle ajouta néanmoins ne pas être déçu de son modèle. et termina par quelque chose qui te donna forcément le sourire. « puis si tu te promenais comme ça dans la rue, t’en ferais tomber plus d’une ! » elle te connaissait bien anaë, pour savoir que c'était ce genre de compliment voilé qui te ferait plaisir. qui te redonnerait un peu de confiance en toi. te faisant même rire un peu. « j'vais rentrer à pied comme ça alors. » tu ajoutais avec le même humour. au fond t'es peut-être bien en dessous de la vérité thybault. tu te sous estimes surement trop. t'es bourré de qualités mais tu les vois pas. tu les caches.

souriant un peu plus et reprenant une belle allure, tu te tenais bien droit sur le tabouret, pour faire plaisir à anaë. pour l'aider dans son petit bout de rêve. y participer un peu. tu te sentais bien finalement, oubliant que ta peau était mise à nue. tu te disais que dans le fond t'étais peut-être beau. et que tu le serais encore plus grâce à ton artiste australienne. tu te disais tout ça thybault, tu grimpais les échelons de ta confiance en toi.

et d'un coup tu dégringolas. une clé tourna. la porte grinça. et juste devant toi, comme dans le plus honteux des cauchemars, c'est agnès qui pénétra dans la pièce.

 

isn't that weird ?

début de soirée. agnès, sur tes talons, tu marches dans la rue. tu l'avoueras à personne, mais t'as passer ton après-midi à bouquiner. quelque chose te chiffonnait. peut-être la dernière note, un peu plus basse que tu avais eue, où l'actualité, qui ne semblait pas si belle. ou encore les nouvelles des recherches sur ta mère.
mais tu savais, dans le fond, que c'était pas ça. non, c'était tout autre. c'était thybault. depuis vos retrouvailles, il était là, campé dans ta tête. et ses mots, ses mots qui tournaient comme des girouettes, se répétaient inlassablement, t'accablant d'être partie.
de t'être lâchement enfuie.
agnès, à cause de lui, même le latin, t'as pas pu l'avaler. alors, abbatue et résignée, tu as refermée le bouquin et tu l'as emprunté, malgré l'avoir déjà fini. franchement, ton intellect parfois te désespérais.
une fois sortie du bâtiment municipal, tu prenais le chemin de chez toi, te remémorant ce qu'il y avait dans le frigo.
sûrement plus grand chose. tu avais un peu d'argent sur toi, et comme tu avais décidée de te changer les idées en compagnie d'anaë, de gré ou de force, tu achetais de quoi la faire succomber : de la glace. (et un pack de bière, chut). tu en profitais aussi pour vous réapprovisionner en un peu tout, café, steack haché, salade, bref, un peu tout quoi. une fois à la caisse, tu paya tous tes achats et retour case départ : l'appartement.
tes pas t'y menent, à travers la foule, à ton cocon douillet. tu t'y diriges, avec la certitude d'être à l'abri.
peut-être même que, dans les bras de ton amie, tu pourras te réconforter, et lui avouer. elle qui te connaît si bien.
mais au moment où tu sors ta clé et déverrouille la porte, prête à te sentir loin de toute menace extérieure, la porte s'ouvre. « hey je suis de retour ! et j'ai de la... »
elle s'ouvre sur thybault.
thybault. il est assis sur un tabouret, et anaë est devant sa toile.
sauf que thybault, il est nu. même pas en caleçon. il n'a rien. « oh. »
tu écarquilles les yeux avant de vite les détourner, les joues rouges de honte.
voilà exactement celui qui hantait tes pensées, qui arrive dans ta bulle et l'éclate sans pitié.

ta petite touche d’humour avait fait mouche, t’avais réussi à le rassurer comme tu pouvais, même si tu n’étais pas la plus douée dans ce domaine. même si ça t’arracherait la langue de balancer deux ou trois compliments, parce que t’es pas trop comme ça toi.
t’aimes dire ce que tu penses, mais dans une moindre mesure.
thybault répondais à ton humour.
t’étais contente, qu’il finisse par se détendre finalement, par prendre confiance en lui. c’est vrai qu’il n’était pas vraiment en position de force actuellement mais on dirait bien que la situation commençais à lui convenir. peut-être même qu’il y prendrait goût et qu’il voudrait retenter l’expérience ?
non ana, là tu prends un peu trop tes rêves pour des réalités quand même.
sauf que l’harmonie qui c’était désormais crée n’allait pas tarder à être rompue. quelque chose ou plutôt quelqu’un fit basculer toute la situation.
le son de la clé qui tournait dans la serrure résonna dans la pièce. tu voyais les traits de thybault se décomposer lorsque la porte d’entrée de l’appartement s’ouvrit et qu’une longue chevelure rousse apparut dans l’entrebâillement.
c’était agnès.
ta colocataire.
t’avais quelque peu négligé ce petit détail. t’avais tendance à oublier de temps en temps que tu vivais en colocation et que les filles pouvaient débarquer dans la pièce à n’importe quel moment. il faudrait que tu te mettes ça dans le crâne une bonne fois pour toute.
tu imaginais thybault, qui devait être dans tous ses états alors que son visage avait viré au rouge tomate.
les yeux écarquillés d’agnès laissais également apparaître l’effet de surprise sur son visage alors qu’elle s’était empressée de détourner les yeux du corps, nu, de thybault qui se dressait devant elle.
et toi, tu devais être la seule qui, une fois l’effet de surprise passée, se mit tout simplement à rire. il est vrai que, la situation, quand on ne se trouve ni à la place de thybault, ni à la place d’agnès, était plus ou moins comique.
toi, tu observais la situation de l’extérieur alors forcément, ça te faisait beaucoup rire.
oh tu as ramené de la bière, génial ! tu romps le silence avec cette simple phrase. comme si la situation était banale, comme s’il n’y avait rien de gênant la dedans. t’aimais bien faire ça toi, faire comme si de rien était.
tu observais les deux autres, qui ne s’étaient toujours pas remis de leurs émotions. bon, je pense qu’on peut faire une pause. ouais, c’était le moment idéal pour faire une pause. tu posas alors ton pinceau sur le chevalet après l’avoir nettoyé.

t'aurais voulu creuser ta propre tombe.

quand agnès, fragile poupée de porcelaine aux cheveux roux, s'est avancée dans la pièce, t'as d'abord cru à un mirage. puis à une mascarade. puis à un énorme piège à lapins dans lequel on t'avait fourré. depuis quand ton australienne passait-elle sa vie avec ta méprisante agnès ? pourquoi t'étais pas au courant. pourquoi t'étais toujours hors des clous ? rejeté de tout ce qui te concernait. son visage rougit de honte se détourna rapidement de ton corps nu, laissant échapper un énorme sentiment de gêne dans toute la pièce. te prenant la tête dans les mains, te rongeant les ongles à ne plus en avoir, tu ne savais plus où te mettre. et anaë qui dans tout ça fit résonner son rire cristallin. écho presque irréel dans cette scène digne d'un quiproquo de théâtre dramatique. tu pouvais d'ici entendre les différentes pensées d'agnès se répercuter dans ton crâne. à quoi joue-t-il ? qu'est ce qu'ils ont bien pu faire ensemble ? thybault le puceau ? tu étais sûr qu'agnès avait entendu parler de ces histoires à la con. histoire sans fondement qui n'étaient plus d'actualités mais qui t'avait suivit durant toute ta scolarité.

c'est anaë qui brisa le silence pesant. se remettant de son fou rire, elle considéra qu'il était temps de prendre une pause. tu cachais ton soulagement, bondissant sur tes jambes, tu attrapais tes affaires qui traînaient là, éparpillées sur le sol, cachant du mieux que tu pouvais ton bas ventre à ses dames. « ana ta salle de bain ? c'est où ? » tes mots se déformaient dans ta bouche. tu bredouillais tout en scrutant ton seul point d'ancrage, essayant de ne pas penser à agnès, qui se tenait là dans l'entrée.

t'indiquant le lieu, tu pris la direction donnée, et t'enfermais à double tour, loin des regards des deux jeunes demoiselles. t'asseyant contre la baignoire, tu retenais un cri, te mordant la lèvre pour ne pas pleurer de honte. merde. agnès quoi. elle qui te voyait comme son souvenir d'enfance, le petit garçon à la bicyclette. qu'allait-elle donc penser de toi et de tout ce cirque. pourvu qu'anaë arrange les choses comme elle avait toujours eu le don de le faire avec toi. penser tes blessures. recoudre ta douleur. et te faire repartir de plus belle.

 

isn't that weird ?

c'est terriblement gênant.
il était là, assis sur son tabouret, et, anaë, pas le moins du monde perturbée, face à sa toile, à le peindre. t'en lâcherais presque la pack de bière à terre, quitte à devoir tout nettoyer. mais là, c'était... ça. alors vite, agnès, tu détournes le regard, intimidée, gênée. franchement, c'était pas dans les plans de ta journée, que de voir thybault... à poil !
bon, ça l'était pas non plus de rentrer aussi tôt. t'aurais du prévenir, pour éviter ce genre de surprise, hein ? c'est ce que tu te hurles, mais ça ne change rien. ça ne change pas le rouge sur ton visage, ton regard fuyant, et la gêne de ton ami.
et encore moins le rire d'anaë, qui fuse.
à ce moment précis, tu as juste envie de la tuer. tu la détestes. pourquoi a t-elle choisi thybault, pourquoi pas quelqu'un d'autre ? le destin t'acharne sur toi, jolie agnès.
heureusement, ta colocataire met fin à cette mascarade, prétextant à une pause. tu lâches un soupir de soulagement, tandis que thybault demande où se trouve la salle d'eau. ton amie lui indique brièvement, et, évitant de croiser sa silhouette, tu attends qu'il disparaisse avant de t'indigner, rouge de honte. « putain anaë ! »
tu te prends la tête entre les mains, avant de poser tes courses sur la table. « j-je... c'est thybault, quoi ! »
tu es désespérée.
et pire que tout, tout ça te dépasse. tu savais pas qu'anaë connaissait thybault, et puis, pas aussi intimement pour le peindre nu.
soudain, une idée te traverse le crâne ; et si ils avaient couchés ensemble ? si ils étaient plus que des amis ? une pointe de jalousie te touche le cœur, tandis que tu te pinces les lèvres, mimant juste de la gêne.
mais dans quel pétrin t'es-tu mise, agnès ?

ton bras se leva machinalement.
tu pointais du doigt l’endroit où se trouvait la salle de bain afin que thybault puisse y prendre congé et se retrouver un peu seul. finalement, la situation ne te faisait plus vraiment rire en voyant la réaction de ta colocataire et pire, tu imaginais la gêne que pouvais ressentir ton ami, qui avait osé. il avait osé se mettre à poil devant toi thybault, pour que tu puisses réaliser ton œuvre. et tout se passait très bien, mais là, à cet instant, à l’instant où tout a basculé, t’étais persuadée qu’il regrettait déjà son choix.
mais c’était pas prévu, non, agnès n’était pas censé rentrer aussi tôt. elle n’était pas censé voir thybault dans cette position si inconfortable pour lui. et là, anaë, tu te sens mal. mal pour tes deux amis. et tu sais pas comment arranger la situation, t’entends juste les mots d’agnès, son ton plein de reproche qui vint fuser à travers la pièce après que thybault soit parti s’isoler dans la salle d’eau.
t’imaginais la détresse de ta colocataire, toutes les questions qui pouvaient se bousculer dans sa tête et le pire dans tout ça, c’est que tu savais même pas comment te justifier, parce que t’avais pas l’impression d’avoir fait quelque chose de mal, toi. mais tu savais qu’à ses yeux, tout cela pouvait être mal interprété.
mais agnès bordel, qu’est-ce que tu fais ici ? t’étais pas censé rentrer avant au moins une heure… tu la fixais droit dans les yeux. mais merde agnès t’aurais pas pu appeler ? tu voulais pas qu’elle croit que tu rejetais la faute sur elle. tu te rendais compte que tu avais ta part de responsabilité dans cette histoire. mais c’est tout ce que t’avais trouvé pour te défendre sur le moment. puis c’était vrai, elle aurait au moins pu t’envoyer un texto agnès, t’aurais pu éviter toute cette mascarade. t’aurais pu dire à thybault de se rhabiller avant que la rousse ne franchisse le pas de la porte.
t’essayes de prendre un air plus décontracté, pour essayer de calmer le jeu. écoute agnès… ta voix est douce et réconfortante, t’imagines que c’est de ça dont elle a besoin agnès, à ce moment précis. t’avais fais une pause, t’étais venue te mettre à ses côtés. je sais de quoi ça à l’air, mais je te promets que c’est pas ce que tu crois. je… fais moi confiance ok ?
tu repensais soudain à thybault, qui était toujours enfermé dans la salle de bain, tu savais pas si tu devais le laisser tranquille ou si tu devais aller vérifier s’il allait bien. non, anaë, bien sûr qu’il n’allait pas bien qu’est-ce que tu crois ? sombre idiote que tu es.
tu délaissais tout de même agnès quelques instant pour te rapprocher de la porte de la salle de bain, où thybault était allé se réfugier. thybault, tu… t’as besoin de quelque chose ? tu parlais à travers la porte, t’avais rapproché ta tête pour être sûre que tes paroles, hésitantes, soient bien audible de l’autre côté.

Spoiler:

réfugié dans la petite salle de bain de la colocation, tu te sens trop à l'étroit thybault, tandis que t'enfiles comme tu peux ton pantalon, reboutonnant de tes mains maladroites ce bouton qui t'échappes. tes doigts trop fébriles qui glissent ton t-shirt au dessus de ta tête, ton coeur qui bat la chamade, incapable de reprendre un rythme régulier. agnès. agnès qui t'a vu, nu. t'arrive pas à y croire. tétanisé, tu te repasses en boucle son arrivée. ta descente au enfer, droit dans les flammes de hadès. tu t'adosses à la porte, cherchant à recouvrer ton calme, les yeux clos, le souffle court. comme au sortir d'un marathon. ton marathon éternel thybault, ta fuite des sentiments qui te poussent vers agnès. tes sentiments inavouables. agnès elle ne saura jamais. et anaë qui ne se doute même pas de ce qui se trame en coulisse. de ce que tu peux ressentir de plus qu'une honte farouche, une rougeur passagère sur les joues. non là c'est pire. c'est catastrophique.

doucement les petits pas de l'artiste revienne vers toi. penaude elle demande : « thybault, tu… t’as besoin de quelque chose ? » tu réponds rien. les mains plaquées sur le visage pour faire baisser la tension. t'attends quelques minutes encore, dans un silence incertain, puis finalement tu ouvres à la petite australienne. livide, tu l'observes. « un retourneur de temps t'aurais ça en magasin ? » tu grinces des dents, regardant ailleurs. comment lui dire à la petite brune, ce qui se déroule dans sa tête. le même schéma qui se dessine dans l'esprit d'agnès sûrement. « p'tain ana. je... t'sais agnès c'est... » tu t'embrouilles, tu sais plus comment faire. « c'est la fille dont je t'avais parlé. » c'est tout ce que tu peux lui dire. et t'espère qu'elle se souvient que déjà en australie t'étais venu la voir, un peu ailleurs, un peu amoureux, d'un certaine rouquine qui te faisait tourner la tête. mais que cette rouquine elle préférait les kings. pas les mecs comme toi quoi. t'espère juste qu'elle se rappelle de tout ce que tu lui confiais, de tout ce qu'elle te disait pour t'enlever cette demoiselle de la tête. à l'époque déjà. et aujourd'hui c'est toujours la même.

 

isn't that weird ?

thybault il s'enfuit dans la salle de bain, une fois la direction de celle-ci indiquée. il vous laisse en plein face à face avec anaë, qui ouvre enfin les yeux sur ce qui se passe vraiment. et tu le lui reproches, alors que ce n'est la faute à personne. juste un mauvais timing. mais tu lâches quand même la bombe. c'est thybault. a t-elle besoin d'un dessin, d'un tableau pour comprendre que thybault n'est pas tout le monde ? nageant en plein désespoir, finalement, ta colocataire ouvre la bouche. « mais agnès bordel, qu’est-ce que tu fais ici ? t’étais pas censé rentrer avant au moins une heure… » touché. tu n'as même pas vu l'heure, bien trop accaparée à essayer de justement arrêter de penser à tout ce monde. mais en même temps, poupée, comment t'aurais pu deviner ? comment t'aurais su que derrière les rideaux de cette pièce tordue se cachaient thybault, chez toi ? « mais merde agnès t’aurais pas pu appeler ? » tu pinces les lèvres. à son tour elle te reproche ta venue soudaine, à son tour elle se défends. et elle n'a pas tort, l’australienne. tu ne trouves rien à dire, alors tu restes muette, incapable de soutenir son regard.
t'es trop embrumée, trop perdue, dans l'vague pour ça. alors anaë, elle te tente de réparer les pots cassés, avec son sourire réconfortant. « écoute agnès… » tu déglutis, les yeux enfin relevés vers elle, et elle à tes côtés. tu l'écoutes, pas certaine de vraiment vouloir savoir ce qui s'apprête à dépasser la barrière de ses lèvres. « je sais de quoi ça à l’air, mais je te promets que c’est pas ce que tu crois. je… fais moi confiance ok ? » incapable de parler, tu hoches la tête, sombre gamine. et la blondinette s'éloigne en direction de la salle de bain, rejoindre thybault.
thybault. tu secoues la tête, avant de finalement ranger les courses, pour, une fois la tâche finie, te poser lourdement sur une chaise, avec l'impression dérangeante d'avoir tout foirer.
encore.