Tu levais les yeux au ciel en constatant que la stagiaire qui était censée te suivre pendant un certain temps pour ses études, arrivait aujourd’hui. Pourquoi tu étais son maitre de stage ? Pourquoi ça n’était pas ton associé ? Tu avais tenté de négocier, tentant de trouver un subterfuge pour ne pas devoir être son maitre de stage mais ton supérieur voulait que ça soit toi et personne d’autre. Au fond, tu prenais ça pour un compliment sachant que cela voulait dire qu’il y avait une confiance – presque aveugle – pour toi et qu’il croyait en ton travail et ton expérience. Tu avais fini par accepter, bien qu’un peu obligé et tu redoutais un peu le jour J. Néanmoins, tu te dis que tu allais faire un effort. Tu allais donner des conseils à cette jeune inconnue dont tu n’avais même pas pris la peine de demander son nom, tu allais lui donner les clefs pour qu’elle s’en sorte. Même si tu détestais être expié, être observé dans tes moindres faits et gestes, tu allais faire un effort. Pour la fille. Parce que toi aussi on t’avait donné la chance de découvrir le métier d’architecte et qu’aujourd’hui, tu te plaisais vraiment grâce à celui qui fut ton maitre de stage.

Fin prêt pour ta journée de travail, tu pris ta voiture et te dirigeais à l’entreprise. Tu n’avais même pas pris le temps de passer pour prendre un café, ayant pris du retard ce matin en cherchant les plans que tu avais élaboré hier soir pour ton client. Tu arrivas au bureau, les plans sous ton bras et saluas tes collègues, déjà arrivés et sur le pied de guerre. Tu te dirigeais vers la réceptionniste qui te salua et te montra le siège où se trouvait la jeune femme. Quel con. Tu ne savais même pas son prénom, n’ayant daigné demander des informations à ton supérieur. Comment allais-tu le saluer ? Tandis que tu élaborais tout un stratagème, la jeune fille qui te fit face se leva et tu te trouvas con. Parce que cette fille, tu ne la connaissais que trop bien. Abigail. Tu tentas de masquer ta surprise et surtout ton étonnement et la saluas d’un geste de main cordial, pour ne pas éveiller de soupçons. Tu étais gêné. Gêné parce que cette fille, tu l’avais embrassée avant qu’elle ne t’avoue qu’elle n’avait que dix-neuf ans, la différence d’âge t’ayant très fortement repoussée. Et là, elle se pointait à ton cabinet. Là tu apprenais qu’elle était ta stagiaire. Tu te raclas la gorge avant de passer une main dans tes cheveux. « Rhys Norwood.  » Tu tentais de jouer la comédie, tu pouvais exceller dans ce domaine. Tu finis par reprendre tes esprits, du moins, tu tentais et fis un signe de tête à la réceptionniste avant de reporter ton attention sur la jeune Abigail. « Si vous voulez bien me suivre, je vais déposer mes plans à mon bureau puis je vous ferai une visite des locaux plus tard. » Tu finis par te diriger à ton bureau, suivi de près par la jeune femme. Ta mâchoire se crispa tandis que tu atteignis enfin ton bureau. Tu refermas la porte derrière la jeune femme, regardant si personne ne trainait pas là le temps que vous vous expliquiez un peu. Manquerait plus qu’une oreille mal attentionnée colporte des ragots sur ton dos. Tu lui fis signe de prendre place, de prendre ses aises tandis que tu rangeas tes plans avant de faire face à la jeune femme. « Tu m’expliques Abigail ? C’est quoi le délire ?»  Tu voulais qu’on t’explique. Qu’on te explique ce qui t’arrivait. «Tu le savais toi que j’allais être ton maître de stage ?   » Tu espérais qu’elle n’ait pas tout fait pour que ça soit toi qui soit son maitre de stage, tu espérais que ça ne soit pas un coup monté. Sinon ça serait vraiment tordu de sa part.

Flirter avec une fille qui était de dix ans ta cadette n’était pas une chose que tu avais l’habitude de faire. Tu n’étais pas du genre à être intéressé par ‘des gamines’ et tu étais le premier à blâmer les types de ton âge qui s’intéressaient à cette catégorie de filles. Tu trouvais ça malsain, déplacé, surtout qu’il y avait autant de filles de votre âge dans les parages que de jeunes filles cherchant à conquérir des hommes plus âgés. Tu trouvais ça puéril de la part de ces jeunes femmes de chercher un homme plus expérimenté que les garçons qu’elles avaient l’habitude de côtoyer au lycée ou à la fac. Mais fallait croire qu’il t’arrivait de déroger à tes principes, à tes questions de moralité. Fallait croire que tu n’étais pas aussi insensible à la jeunesse. Que tu n’étais pas aussi infaillible que tu ne le laissais prétendre. Après tout, tu n’étais que humain.  Et c’est comme ça que tu t’es laissé charmer par la jeune Abigail. Tu n’avais même pas pris la peine de lui poser les questions que tu avais l’habitude de poser aux jeunes femmes que tu rencontrais. Tu avais été capté par son regard, sa façon d’être, de te parler. Elle t’avait parue plutôt mature, assez sûre d’elle si bien que tu n’avais même pas pris la peine de lui demander son âge. Probablement envoûté par la jeune femme. Puis, dans un éclat de lucidité, tu lui demandais son âge, après quelques baisers échangés. Et lorsqu’elle t’avoua qu’elle avait dix-neuf ans, tu ouvris de grands yeux, un peu stupéfait, abasourdi avant de prendre tes distances. Tu regrettais bien vite vos baisers, tes gestes tendres à son égard. Tu te rappellais d’être rentré chez toi et t’être traité de tous les noms, priant pour ne plus retomber sur la jeune femme et te promettant de poser les questions habituelles lorsque tu rencontrais des jeunes femmes. Et d’être plus prudent.

Et il avait fallu que ta stagiaire, celle qui allait te suivre pendant quelques temps, soit Abigail. Tu n’eus pas de mal à la reconnaître. Tu te retins de faire un scandale devant tous tes collègues, n’ayant pas très envie que cette histoire s’ébruite. Tu te contentais d’être simplement courtois avec la jeune demoiselle, tandis que tu répondis à sa poignée de main, sans même te démonter devant la réceptionniste. Tu passais finalement une main dans tes cheveux tandis que tu avançais vers ton bureau. Ta mâchoire se crispait tandis que vous vous approchiez de l’endroit dans lequel tu travaillais et ouvris la porte, laissant passer la jeune femme avant toi. Tu retirais ton manteau que tu balançais sur le porte manteau, rangeais tes croquis et commenças à demander des comptes à la jeune femme. A ta plus grande surprise et pour ton plus grand bonheur, elle semblait aussi surprise que tu sois son maitre de stage. Néanmoins tu ne décolérais pas et tu tentais vainement de reprendre ton calme tandis que tu posais une main sur ta bouche pour t’éviter de dire quelque chose que tu regretterais. Tu te maudissais à cet instant précis et tu maudissais surtout la terre entière pour être tombé sur la fille que tu aurais préféré ne pas recroiser. « Je suis même plus sur si je devrais te croire. »  Fis-tu remarquer, fronçant légèrement les sourcils avant de soupirer. Tu aurais du la confier à ton confrère, tu aurais du refuser de jouer les maitres de stage. Surtout que tu détestais que l’on te suive dans tes moindres faits et gestes mais tu n’avais pas vraiment eu le choix d’accepter. C’était soit ça, soit tu risquerais de t’attirer les foudres ton patron, que tu maudissais également. Tu portais son regard sur la jeune femme tandis qu’elle s’était approchée de toi, clamant clairement que tu devrais heureux d’être tombé sur elle. Tu riais. Nerveusement. Ironiquement. « J’espère que tu plaisantes Abigail ?»  Le pire, c’est qu’elle semblait être sérieuse. Tu te reculais, n’aimant pas cette proximité, comme si tu étais mal à l’aise. « De toute manière, je n’ai pas vraiment le choix. »  C’était plus une remarque pour toi, que tu fis tout haut. Tu finis par te lever, tes mains dans les poches tandis que tu pris un air un peu plus sérieux. « C’est ici que tu travailleras. Quand tu ne pourras pas venir avec moi, tu seras ici. »  Tu ne prêtais pas vraiment à son regard, n’ayant pas envie te perdre dans son regard enivrant comme dans lequel tu étais tombé, idiotement, la première fois que tu l’avais rencontrée. « Je te fais une visite des locaux, suis-moi. » Tu ouvris la porte du bureau, la laissas sortir la première et tandis que vous marchiez cote à cote, tu ne pus t’empêcher de lui demander : « Tu es donc dans ta première année d’architecture, c’est ça ? » Tu déglutissais, intérieurement à ta question. Comment tu avais pu te laisser charmer pour une fille de son âge et comment tu pouvais être encore sous charme ?