The Starving Bear.
Deux jours après mon retour à WOS, j'étais venue dans ce restaurant que je connaissais bien, afin de voir avec le patron, Jim, si je pouvais être prise en apprentie afin de valider mes années d'études culinaires commencées à Miami. Il avait accepté sans rechigner, simplement parce qu'il me connaissait bien moi et mes parents et qu'il ne pouvait pas me laisser perdre mes 5 années d'études. J'étais heureuse. J'allais pouvoir travailler à nouveau, gagner de l'argent et surtout, finir mon année scolaire (il ne me restait plus que quelques mois). Le niveau de stress que j'avais emmagasiné depuis quelques temps avait chuté suite à l'annonce de cette nouvelle. Jim était un patron exceptionnel. Il me formait vraiment bien, me montrant le fonctionnement de son restaurant, me donnant des horaires convenables et puis surtout, si tout se passait bien, il me laisserait la toque du chef pour le dimanche. Je pourrai inscrire mes plats en Menus du jour et ça, c'était une grande nouvelle. Depuis cette grande nouvelle, j'étais donc bien mieux dans ma vie, beaucoup plus soulagée. Aussi peut être parce que je passais beaucoup de temps avec mon cousin Julian et qu'il avait été super avec moi. A mon arrivée, je lui avais expliquée les réelles raisons de mon retour. Il avait été très choqué, énervé et puis déçu que je ne lui en ai pas parlé mais en même temps, il n'aurait rien pu y faire.

En effet, lorsque je vivais à Miami, j'ai du vivre quelque chose de très étrange. Au départ, il s'agissait juste d'une ombre, d'une présence constante sur mes pas, sans jamais y trouver personne. J'avais l'impression de devenir folle, de croire qu'un fantôme était sur mes pas. Puis, quelques mois plus tard, commencèrent les appels silencieux chez moi, j'entendais une respiration grave et lente. Cela me filait les jetons, mais vivant en colocation, j'ignorais si c'était véritablement pour moi ou non. Au début, je n'en avais parlé à personne, car j'étais comme ça. Je ne me livrais jamais et je détestais mettre des gens dans des histoires qui ne les concernaient pas. Puis, quelques mois encore après, ça a prit une tournure bien plus dangereuse. Je retrouvais des objets déplacés dans ma chambre. Vivant en coloc, je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite -que quelque chose de bizarre se passait- mais quand je me suis rendue compte que des sous-vêtements à moi disparaissaient et qu'aucune de mes colocs n'étaient responsables, je n'ai pas perdue une minute.

Mes parents étant de grands peureux de la vie, à s'angoisser pour rien mais surtout, pour tout; ils m'ont toujours appris à me méfier des choses étranges, douteuses. Alors il faut croire que ça ne m'a pas quitté et j'ai fini par me rendre au Poste de Police le plus près de chez moi.

FLASH-BACK~

Il fait horriblement lourd et chaud aujourd'hui. Le soleil de floride nous surplombe, nous baignant dans une ambiance collante et poisseuse. J'ai pris le réfléxe de toujours sortir avec une bouteille d'eau, n'étant pas habituée aux fortes chaleurs, j'éviterai ainsi d'être déshydratée. Le poste de police n'est pas très loin de mon école, ni de la colocation, c'est d'ailleurs pour ça que je m'y suis rendue. Il est plutôt grand et pas mal de clochards et ivrognes trainent sur les marches de l'entrée, ainsi que des flics prenant leur service, ou le terminant. J'entre. Les ventilos sont en marche, de tous les côtés, brassant une odeur de transpiration très désagréable. Ca pue. On entend des gens crier, parler forts, dire des gros mots. Il y a des gens qui attendent, entassés sur des bancs. Des mines fatiguées, appeurées, impressionnées ou alors totalement blasées. Je me dirige dans la file d'attente pour l'accueil. Il y a beaucoup de monde, je ne me sens pas à l'aise. C'est la première fois que j'ai affaire à la Police. C'est assez impressionnant : l'uniforme, les armes, cet endroit. Je me sens stressée, je me demande même si c'est une bonne idée. Peut-être que je m'en fait pour rien, après tout. Et si c'était juste une mauvaise blague? Je leur ferai perdre leur temps. Une ville comme Miami n'a pas de temps à perdre. Je tourne sur moi même pour regarder la sortie, sans oser bouger, avant de me faire bousculer par un ivrogne, conduis dehors par un agent. L'agent s'excuse et me demande si tout va bien. Je bégais. J'ai l'air d'une idiote perdue, une tête blonde avec une petite robe à fleurs. Je sers mon sac contre moi, peut être par peur de me le faire voler mais soudain, une voix me tire de mes pensées. La femme de l'accueil, pas forcément très jolie, m'invite grossièrement à m'approcher. « Bonjour? » Pas très aimable, un bonjour qui signifie en gros "Qu'est-ce que tu veux?". J'avale ma salive et je fini par répondre, de ma voix douce « Bonjour, j'aimerai porter plainte... » « Contre qui et pour quels motifs? » Sa voix était blasée, alors qu'elle se saisissait de formulaires trainant à ses côtés. « A vrai dire, je ne sais pas... Je reçois des appels téléphoniques étranges et je crois qu'on s'est introduit chez moi et que l'on me suit » La femme avait alors relevé la tête pour me toiser. Un silence s'établit, je n'entendais plus que les ventilateurs qui tournaient sans s'arrêter. Avais-je dit un truc tellement idiot qu'elle n'aurait pas l'intention de me répondre? Ca devait sans doute être ça, je n'aurai pas du venir... « Venez avec moi Mademoiselle » Elle quitta sa cage pour quelques instants, afin de m'accompagner devant un bureau, me faisant traverser un long couloir. Il y avait des avocats, des policiers en civil et en uniforme. J'étais vraiment un peu appeurée d'être ici toute seule. Finalement, elle toqua sur la porte « Lieutenant S. M. Adkins ». J'entendis une voix masculine derrière la porte en bois, qui nous indiquait d'entrer. La femme passa devant moi, me cachant aux yeux du policier et lui lança « Il semblerait qu'il soit encore à Miami... » Un silence à nouveau s'installa avant qu'elle me laisse là, m'indiquant d'entrer dans le bureau.

Un homme s'approcha de moi, en uniforme. Il semblait jeune, il était assez imposant par sa carrure de sportif. Mais il avait aussi de très beaux yeux. Il m'invita à m'asseoir et c'est à ce moment là, que tout commença...

FIN FLASH-BACK~

Il était quinze heures, je venais de finir le service du midi au restaurant. Je m'étais concocté une salade bien fraîche et j'étais en train de la déguster quand mon patron s'approcha de moi. Il était en train de fumer devant le restaurant. « Lorah, il y a quelqu'un qui veut te voir, apparemment, c'est un ami de Miami à ce qu'il dit » Surprise, je pencha la tête pour voir de qui il s'agissait : un de mes colocs? Non. Cette carrure, même habillé en civil, je la reconnaissais. « Lieutenant Adkins? » Demandai-je alors. Il s'approcha de moi, un dossier en kraft dans les mains. Jim nous laissa et le lieutenant pris place en face de moi. « Mais qu'est-ce que vous faîtes là? »

Il s'était assis en face de moi. Cela me faisait bizarre de le voir habillé normalement, j'étais habituée à son uniforme et je l'avais toujours connue de cette façon là. Il n'avait pas changé, en même temps, la dernière fois que nous nous étions vu ne datait pas de plusieurs mois, mais plusieurs semaines. J'aurai pu être contente de revoir mes amis de Miami, mais lui... Il était rattaché à une sombre histoire, une histoire glauque qui me faisait peur et dont je voulais oublier toutes traces. Mais s'il avait fait le déplacement jusqu'ici, à des milliers de kilomètres, ce n'était certainement pas pour le plaisir. Vu l'enveloppe kraft dans sa main, ça ne présageait rien de bon. Je déposais mes couverts sur mon assiette à peine terminée et la décala afin qu'elle ne soit pas entre nous. Le lieutenant Adkins ne perdit pas plus de temps, avant de m'annoncer la raison de sa venue. « Je suis ici concernant la plainte que vous aviez déposé à Miami, je préfère être honnête avec vous, je ne viens pas vous voir avec de bonnes nouvelles. » Ca y'est. Je sens que mon coeur a raté un battement. Mon ventre se tord. Je sens la peur, ce souffle froid et inquiétant, m'envahir jusqu'au bout de mes ongles, me faisant tressaillir. Je n'aime ni l'intonation de sa voix, ni même ses mots. Je vérifie qu'il n'y a personne autour de nous. Que personne n'a les oreilles qui traînent. Jim est au comptoir avec deux clients qui ont prit une bière. Il ne reste qu'un couple qui termine leurs desserts et nous. La table sur laquelle je déjeunais est au fond de la salle, à l'abri des regards indiscrets. Je ne veux pas que cette histoire se sache. Il n'y a que Julian qui est au courant et c'est très bien comme ça. Mon visage doit mimer la surprise et la crainte effroyable. De quelles nouvelles parle t-il? Le lieutenant enquêtait sur le harcèlement dont j'étais victime à Miami. Il m'avait mise au courant du fait que je n'étais pas la première "victime" mais tout simplement, la suivante. Je pensais sincèrement que mon départ de Floride aurait mis un terme à toute cette histoire, mais il faut croire que non. Devrais-je retourner en Floride pour les besoins de l'enquête? Je n'en avais aucune envie et je ne voulais pas non plus quitter mon travail alors que je venais tout juste de le trouver. « De quelles nouvelles parlez-vous? Qu'est-ce qu'il s'est passé? » Forcément quelque chose de grave, étant donné que le lieutenant était venu jusqu'à moi. Mais pourquoi faire un si long voyage pour m'annoncer juste une nouvelle? Il aurait très bien pu me le faire savoir par mail ou téléphone. Il avait mes coordonnées. Et comment avait-il pu me retrouver jusqu'ici? Je travaillais ici depuis seulement quelques jours. J'oubliais qu'il était de la Police et qu'il avait sûrement les moyens pour savoir ce genre de choses, ce qui me faisait un peu peur. Mais le lieutenant avait ce charisme à la fois effrayant, par son grade, son métier, sa carrure, mais aussi ce côté rassurant. Malgré les traits durs de son visage, son regard était doux.

« Il a été aperçut il y a deux jours à l’aéroport de Miami. » Sur ses mots, mon corps frissonna entièrement. Mes yeux s'agrandirent d'un coup, pris par la surprise. Le lieutenant sorti alors une feuille de son dossier et me la plaça devant les yeux. J'eus un peu de mal à tout déchiffrer, il s'agissait d'un papier concernant une ligne d'avion américaine. Une ligne était surlignée en jaune fluo. Mon oeil fut attiré de suite et je pu y lire : Skyler. Le lieutenant m'avait déjà montré son visage, je connaissais son nom, au cas où je le croisais dans la rue. Et je crois que c'est pile à ce moment là, que je commença à ne pas me sentir bien du tout. La peur me tordait le ventre dans tous les sens. J'angoissais. « Et j’ai de bonne raison de croire que son départ est lié avec vous, la destination du vol était White Oak Station. » Sur ses paroles, mes yeux bleus remontèrent vers ceux du policier assis en face de moi. Je le fixais, sans même m'en rendre compte. Essayant de déceler si son information était véritablement réelle, mais bien sûr qu'elle l'était. Un lieutenant de police de Miami ne traverserait pas son pays tout entier pour une farce ! Alors la voilà la mauvaise nouvelle. Mon coeur se serra dans ma poitrine et ma gorge devint subitement affreusement sèche. Je sentais ma cuisse bouger toute seule, sous l'effet du stress. Mes mains, sur mes cuisses, s'entremêlaient. Je ne savais même pas quoi dire. Là, juste à ce moment là, à l'annonce de cette terrible nouvelle, j'avais juste envie de pleurer, de partir en courant quelque part, tentant d'échapper à tout ça, de fuir, de me cacher. Pourquoi ce malade m'en voulait il à ce point? Qu'est-ce que j'avais bien pu lui faire? Je ne le connaissais même pas, je ne l'avais jamais vu ni même parlé alors pourquoi s'en prenait il à moi? Pourquoi avait-il traversé tout le pays pour me retrouver, ici, dans ma famille. Soudain, mes yeux s'écarquillèrent davantage. Ma famille... étaient-ils en danger? Oui, absolument que oui, du moins mes parents. Je vivais chez eux depuis mon retour de Miami, si ce malade entrait chez nous, chez eux... Ils étaient en danger. Je ne pouvais pas les laisser comme ça. Je me rendis soudain compte que je n'avais toujours rien dit depuis que le lieutenant m'avait annoncé la nouvelle. Seulement, je ne savais pas quoi dire. Il n'était pas là pour me réconforter, me protéger. Il était là pour faire son enquête, pour travailler. Je ne pouvais pas lui dire que là, j'étais morte de trouille. Je sentais la peur partout en moi, dans les moindres endroits. « Je... Mon Dieu... » Ma voix tremblait et malgré mes envies, je ne pouvais pas camoufler ce que je ressentais après avoir appris cela. Mon coude se posa sur la table tandis que ma main passa sur mon front et la racine de mes cheveux blonds. Je sentais les larmes monter à mes yeux. Pourquoi moi? Pourquoi? Qu'est-ce que j'avais pu faire? Je voulais que ça s'arrête. Mon autre main rejoignit rapidement l'autre, passant alors sur mon visage, le camouflant au policier devant moi. « Il est ici? » Et dire que cet endroit était mon lieu de paix, de tranquilité, le seul endroit au monde où je pensais que rien ne pouvait m'atteindre. Etait-il déjà passé chez mes parents? Ici? Avait-il déjà vu Julian? M'avait-il déjà croisé? Je n'avais pas fait attention aux gens dans la rue, moi ici, je pensais avoir laissé cette histoire derrière moi. Maintenant, je repassais le film entier de mon retour dans ma tête, essayant de me rappeler si je l'avais déjà croisé ou non. « Vous... Je suis désolée je... » Je commençais à ne pas me sentir bien. Mes mains étaient près de mes lèvres et je ne perdis pas de temps pour inspecter les lieux autour de moi. Le couple qui attendait l'addition nous toisait. Pourquoi nous observaient-ils ainsi? Etaient-ils avec lui? Et les passants dehors? Il y a une place devant le restaurant, est-il assis là-bas à m'observer quand je travaille? « Mes parents... » Commençais-je par dire, avant de finalement reprendre « Je vis avec mes parents... Je ne peux pas leur dire, ils... ils angoisseraient beaucoup trop pour moi. Je... je ne veux pas les mettre en danger... Il faut que... il faut que je m'éloigne d'eux... le temps que... » Mais voilà. Combien de temps allait mettre l'enquête à être bouclée? Je ne pouvais pas demander à mes parents de partir pour une période indécise, sur un véritable coup de tête. A moins qu'ils ne gagnent un voyage surprise d'un mois de croisière, il n'y avait aucune chance qu'ils ne quittent leur maison. JE devais m'éloigner, partir. Il fallait que je me trouve un appartement, quelque part, où personne ne saurait où je me trouve. Mais je n'avais aucune envie de vivre comme une prisonnière, appeurée par un malade mental. Oui, mais la peur ne me laisserait pas le choix. Certainement pas.

Je devais prévenir Julian, car je ne referai jamais la même connerie deux fois, celle de ne pas tout lui dire. Et puis à présent, il était concerné, puisque ce malade était ici. Il fallait qu'il m'aide à m'éloigner de mes parents le temps de l'enquête et puis surtout, je ne voulais absolument pas rester seule. Je ne pouvais pas aller chez lui et mettre en péril la vie de Louys et son bébé. Je savais qu'il serait capable de les laisser, d'habiter avec moi quelque part, le temps que cette enquête se termine, mais et si cela prenait du temps... Je savais que les premières victimes remontaient à quelques années maintenant. Et il courrait toujours. Je ne pouvais pas lui demander de mettre sa vie entre parenthèses pour moi. Qu'est-ce que j'allais faire? Comment j'allais faire? J'étais totalement perdue, horrifiée, apeurée.

Adkins se faisait moins distant, comme s'il se sentait davantage concerné par cette affaire. Je m'en voulais pour lui aussi, il avait sûrement du quitter sa petite amie, son logement et sa famille pour une enquête dans laquelle j'étais liée, même si ce n'était pas de mon propre chef, je me sentais responsable de ça. Ce malade était en train de me tourmenter de l'intérieur, appuyant sur chacune de mes faiblesses, comme s'il les connaissait par coeur. Miami, ma peur de l'échec, le manque de confiance en moi, mes parents, ma fragilité. Ce type était un pervers froid et sordide et j'étais sur sa liste. Il n'y avait personne entre lui et moi, hormis le lieutenant bien évidemment, mais serait-il vraiment toujours là? Non. Si Skyler décide d'entrer chez moi en pleine nuit, il n'y aura rien entre lui et moi. Absolument rien. A cet instant, je pensais à une arme. C'était légal. J'en avais le droit, pour me rassurer et me défendre mais était-ce la bonne solution? N'était-ce pas une de ces manipulations perverses pour me faire tomber comme un vulgaire pion trop fragile qui se laissera avoir par sa peur, devenant ainsi lui-même, le bourreau? J'étais perdue, complètement. Comme si on venait de me pousser du haut d'un immense gouffre duquel je ne voyais pas la fin, où le noir, le froid et l'obscurité inquiétante m'enveloppait au fur et à mesure, sentant mon corps ailleurs, pétrifié, ne contrôlant plus rien et devant subir tout ce qu'il avait choisi de me faire. Je n'avais pas le choix. Ou bien alors, c'était trop dangereux. Je devais entrer dans ce jeu où je devenais la victime. Cela m'en rendait malade. « Lorah, on va trouver une solution pour vos parents, ils ne risqueront rien… Pour le moment concentrez-vous sur vous, prenez le temps de respirer doucement. » Il venait de prononcer ces quelques mots, après avoir déposer sa main sur mon bras. Il avait la main chaude et je me rendis compte que j'avais froid, car je ressentais activement sa chaleur. Ce geste me fit du bien, tout autant qu'il me mettait mal à l'aise. J'étais absolument pas tactile avec les gens que je connaissais alors avec des inconnus ! Je ne pouvais pas dire que je connaissais le lieutenant, nous ne nous étions vu que deux fois en tout. Et puis, c'était un flic, c'était son métier d'être comme ça. « J'pourrai pas penser à ma sécurité si je ne fais pas d'abord attention à la leur » Terminai-je alors. J'étais beaucoup trop centré sur les autres pour me faire passer en prioritaire. Davantage pour ce genre de situation. Je pensais à Julian, j'avais envie qu'il vienne nous rejoindre, qu'il sache en même temps que moi ce qu'il en était. Je savais qu'il me soutiendrait et nous trouverions rapidement des solutions, afin de soulager un peu ma peur oppressante. Adkins finit par se lever, retirant sa main chaude. Le voir s'éloigner m'inquiéta, pourquoi me laissait-il toute seule? Je compris rapidement qu'il allait simplement me chercher un verre d'eau, qu'il me ramena devant moi. Je l'en remerciais doucement, levant alors les yeux vers mon patron, Jim. Il nous observait du coin de l'oeil. Mes réactions devaient l'inquiéter. Il allait se douter qu'un truc n'allait pas et il en était hors de question. Je bu alors une gorgée de l'eau qui se trouvait devant moi, cela me fit du bien. J'en bu une autre. Je pris une longue respiration et commença à me calmer. Il fallait à tout prix que je me calme. « Je sais que ça ne va pas vous aider à être rassuré, mais je tiens à ce que vous sachiez que je ne repartirais pas d’ici sans l’avoir arrêté et si vous avez le moindre problème ou le moindre doute, vous pourrez m’appeler. » Je souris très faiblement à cette phrase. Cela me fit du bien, intérieurement, de savoir qu'il ne me laisserait pas. Mais il devrait mener son enquête, il y aurait forcément des moments où je serai seule. Il faudrait prendre sur moi et voilà tout. Arrêtez de compter sur les autres. « Si, ça aide. » Répondis-je à sa première remarque. Finalement, je fini par mettre mes cheveux en arrière et reprendre mon souffle, buvant à nouveau le verre d'eau. Ce n'était pas l'eau qui me calmait, mais tout simplement le fait de me focaliser sur autre chose, quelque chose de précis et réel qui était devant moi, plutôt qu'un truc fantasque et indescriptible, comme ce malade se baladant en pleine rue. « Comment vous allez faire pour le retrouver? Comment ça va se passer? » Devais-je lui demander pour l'arme? Je ne savais pas tirer mais... j'en savais rien. J'étais contre ce genre de méthode, ce n'était pas à moi de tenir le flingue. J'en avais aucune envie, ni même le mental, mais je voulais à tout prix me rassurer, sauf que j'ignorais totalement comment. « Je vais mettre mon cousin au courant. Il sait ce qu'il s'est passé à Miami et c'est le seul, avec nous deux. Je ne veux pas que ça se sache et... il pourra m'aider. » J'espérais juste que Adkins ne me dirait pas : Hum non, ça doit rester secret, pour votre sécurité. Parce que là, je serai vraiment très mal barrée. Si je ne pouvais pas en parler à Ju', je n'y arriverai jamais. J'avais trop besoin de lui. Je repensais à mes parents, espérant que Skyler n'était pas là-bas. « J'ai l'impression de devenir folle... » Marquant une pause, je fini par finir mon verre d'eau et jouer avec le verre glacé et vide. Le regardant lui et non plus mon interlocuteur, je repris « Et je suis désolée que vous ayez du quitter Miami pour cette histoire. Je me sens coupable. J'ai l'impression que le vice de ce type n'est pas seulement la chasse, mais tout ce qui va avec : la peur, la psychose, la paranoïa... le fait de se demander : pourquoi moi? Qu'est-ce que j'ai fait? Qu'est-ce qui va m'arriver? » Je me confiais à lui, naturellement. Chose que je ne faisais jamais, mais en même temps, c'était la première fois que j'étais devant une situation aussi horrible et incontrôlable.

Le lieutenant m'expliqua alors le déroulement des évènements. D'une voix calme, qui se voulait rassurante et qui fonctionna sur mes nerfs. « Une équipe sera sur cette enquête, il doit surement se douter qu'on est au courant de sa présence ici, je ne pense pas qu'il tente quoi que ce soit dans les jours à venir, il risque de chercher à se faire oublier. Je sais que ça ne sera pas des plus agréable pour vous tout ce qui est en train de se passer, mais vous devez savoir qu'il y aura toujours pas loin de vous, où un de mes hommes ou moi, le but est avant tout que vous soyez en danger le moins possible. » Cela me rassurait beaucoup que des hommes soient presque toujours disponibles. J'avais un peu l'impression d'être le Prince Charles, mais si cela était nécessaire pour coincer ce type. La mise en place n'était pas autant pour ma sécurité, mais plus pour trouver une faille, une cassure, pour le coincer lui. J'avais la sensation d'être un poisson, coincé dans les filets d'un prédateur, encerclé par des défenseurs, qui ne peuvent pas l'atteindre sans me toucher. Serait-ce la fin de cette histoire? Non, je ne devais pas penser à ça. C'était sombrer un peu plus dans son délire morbide et il en était hors de question.

Adkins accepta le fait que je parle de tout ça à mon cousin. Cela devait peut être lui paraître étange, que je préfère en parler à mon cousin, plutôt qu'à mes parents. Je savais pourquoi j'agissais ainsi. Si mes parents étaient au courant, ils barricaderaient la maison, achèteraient des armes et me forceraient à être enfermée. Je n'avais aucune envie de vivre comme ça, de nous infliger ça. Ils avaient suffisement peur pour toutes les choses de la vie, leur raconter cette histoire ne ferait que leur donner raison sur ma fragilité, sur le fait que je ne doive pas faire n'importe quoi, me garder auprès d'eux, en sécurité. Mais s'ils avaient raison? Après tout, je suis partie vivre seule à Miami et j'en ai ramené un fou furieux. Alors peut être que oui, ils ont raison sur toute la ligne et qu'à vouloir rêver d'indépendance, j'ai peut être attirer le loup dans la bergerie.

« Vous n’avez absolument rien fait, vous avez été au mauvais endroit au mauvais moment, mais ne cherchez pas à vous demander le pourquoi du comment, parce que je sais par avance que ses réponses n’existent pas… Le problème ce n’est pas ce que vous avez fait ou non, mais cet homme, vous vous n’y êtes pour rien, comme vous n’êtes pas coupable du fait que j’ai quitté Miami pour cette enquête. » Répondit-il a toutes mes questions sur ce qui m'arrivait à l'heure actuelle. Il avait le don de répondre juste ce qu'il fallait. Il faisait très bien son travail, celui de protéger, de servir et de rassurer les gens. En tout cas, cela fonctionnait avec moi, mais j'étais "tellement influençable" comme me disaient si souvent mes parents. Néanmoins, ça eu le don de me calmer encore un peu plus. J'avais retrouvé une allure à peu près normale, même si l'angoisse me hantait toujours grandement intérieurement. Il ne fallait pas sombrer, ça serait placer ma tête sur la guillotine de ce malade et l'autoriser à m'abattre. Je ne serai pas sa prochaine victime. Je n'en serai pas une. Je me l'interdisais. Le lieutenant avait sourit quand je lui avais demandé pardon pour en quelque sorte, le dérangement. Après tout, c'était idiot oui, il était payé pour ça. Tout autant que j'étais payée à préparer à manger pour des centaines de personnes chaque jours. Je lançais d'ailleurs un regard à mon assiette, la salade qui me faisait tellement envie depuis le début du rush, me dégoûtait plus qu'autre chose à présent. La perte d'appêtit va de paire avec la peur. Finalement, je revins à des sujets plus terre à terre. « Vous logez où le temps de l'enquête? » Je me doutais que les frais étaient pris en charge par la police elle-même, mais savoir où il se trouvait serait toujours bon à savoir, au cas où. Avait-il faim? J'en savais rien. J'osais pas lui demander. C'était un peu étrange. « Je crois que mon patron a un studio qu'il souhaite louer, au dessus du restaurant. Il m'en avait déjà parlé et cela m'intéressait. Je pense que je vais donc le prendre plus tôt que prévu. » Je pensais déjà à ce que j'allais dire à mes parents pour qu'ils ne posent pas de question. Je les entendais déjà : pourquoi payer un loyer alors qu'on est à 5 minutes? C'est vrai. Qu'allais-je pouvoir leur dire? J'en savais rien. Et puis je devrais limiter mes visites chez eux, pour éviter de les exposer. Ils ne comprendraient jamais une telle distance, surtout que je viens à peine de rentrer de Floride. Tellement de problème à l'horizon. Et ce malade, qui devait jouir de voir tout ce spectacle se jouer sous ses yeux. Tels un ballet de marionnettes, suspendu à ses fils étranges. Et son sourire carnassier, heureux de ses victoires. « Je reviens tout de suite » Je me levais alors de la table pour rejoindre Jim au comptoir. Autant régler cette affaire au plus vite. « Jim dis moi, ton appartement est toujours libre au dessus? » « Ah ? Tu te décides alors? Je croyais que tu voulais attendre? » « Pourquoi attendre, hein? » J'essayais de mimer un sourire presque réel, il y cru et c'était tout ce qui comptait. Il m'annonça que je pouvais emménager quand je voulais et que pour le premier loyer (étant donné que je n'avais toujours pas eu mon premier salaire) il attendrait sans souci. Je trouvais ça vraiment gentil et l'en remercia vivement. Voilà une bonne chose de faîte. Même si normalement, prendre un appartement et commencer à vivre véritablement seule doit être une joie et un moment de plaisir...