LE DÉPART ▲ « On s'en va. » Notre père sort cette phrase, alors qu'il nous a invités quelque minute plus tôt à nous asseoir sur le canapé pour une réunion de famille.
« Comment cela on s'en va ? » Maxym semble loin d'être ravie de cette situation et je la comprends. Toute notre vie est à Londres et tout d'un coup, les parents décident de partir.
« J'ai été muté au Canada, on déménage dans deux semaines. » Deux semaines ? C'est vraiment court je trouve. Ma soeur semble du même avis, car sans attendre, elle part en vitesse dans sa chambre.
« Je vais aller voir si elle va bien. » Je monte les marches deux par deux. Une fois arrivé devant la porte de sa chambre, je cogne et j'entre sans attendre sa réponse. J'ai toujours fait ainsi et je le ferais toujours, nous n'avons aucun secret l'un pour l'autre.
« Non mais tu te rends compte ! On ne peut pas partir dans deux semaines ... » Je ne dis rien et m'approche d'elle pour la prendre dans mes bras.
« Ça va aller Maxym, ne pleure pas. » Je ne la vois pas, mais je sens petit à petit mon T-Shirt s'humidifier.
« Ce n'est qu'un petit changement dans nos vies, qui se fait peut-être à plus de 5000 kilomètres, mais les choses seront les mêmes. » Ces paroles sont sorties pour la rassurer, mais je n'y crois pas moi-même. Nous avons vécu toute notre enfance et la moitié de notre adolescence ici. Et maintenant, ils nous demandent de dire au revoir à tout cela en seulement deux semaines.
« Et puis, je pense que papa n’a pas vraiment le choix. »LE NOUVEAU▲ « Bon ! Tu fais quoi ? Je t'attends depuis dix minutes là ! » Je me tiens debout, dans l'embrasure de porte de chambre de Maxym.
« Désolé, j'ai raté mon réveil. » Je rigole légèrement, les milliers de kilomètres que l'on a parcouru ne l'ont pas changé.
« Je t'attends en bas, il te reste moins de cinq minutes. » Ma soeur ronchonne un peu, mais elle n'a pas vraiment le choix, car aujourd'hui, c'est notre premier jour dans notre nouveau lycée. En descendant, je passe par la cuisine pour prendre quelque chose à grignoter et je continue mon chemin jusqu'à la porte d'entrée, où j'attends ma soeur. Après quelques minutes d'attente, je vois Maxym arriver à grands pas.
« Tu es prête ? » « Oui, c'est bon. Allons-y. » Je l'écoute et nous partons en direction de l'arrêt de bus. Cette rentrée semble une réelle épreuve. Nous n'avons jamais eu l'habitude de changer d'amis, depuis la maternelle, nous avons toujours côtoyé les mêmes personnes.
N'étant pas du même âge, nous sommes obligés de nous séparer. Je fais un peu mon mouton et je suis mes camarades, tout ça sans me faire remarquer, car je ne suis pas là pour ça.
« Psst ... Tu es nouveau ? » Je me retourne vers la voix.
« Oui. Je viens d'arriver de Londres. » « J'adore l'Europe, c'est trop cool je trouve. » Je rigole doucement, oui, il manquerait plus que je me fasse remarqué lors de mon premier jour.
« Je m'appelle Louys. » « Moi c'est Aaron. Après le cours, viens avec moi, je te présenterais mes amies. Elles vont t'adorer, j'en suis sûr. » Je souris au jeune homme. La journée commence bien.
NEW YORK ▲ « Il faut que tu arrêtes de me laisser parler à ta messagerie, j'ai l'impression de plus lui causer qu'à toi ! » La jeune femme laisse un petit silence avant de poursuivre.
« Bref, rejoins-moi au restaurant italien qui se trouve à deux rues de chez moi. »Je rigole en entendant ce message. Il s’agit de Juliette, une jeune étudiante que j’ai rencontrée en traînant dans les rues de la ville. Nous avons pris l’habitude de nous voir chaque soir, pour découvrir les surprises que nous réserve New York. Aujourd’hui, elle me propose de manger italien. Je ne peux pas refuser, je suis complètement fan de la nourriture Européenne. Je me dirige vers le métro, que je commence à connaitre après presque un mois de stage et je prends la direction de chez elle. Après plusieurs minutes dans les transports en commun, je franchis les dernières portes qui vont me ramener à l'air naturel. Mes pas s'enchaînent rapidement et très vite j'aperçois la jeune femme qui semble m'attendre depuis longtemps.
« Il n'est pas trop tôt, j'ai cru que tu me posais un lapin. » Je rigole légèrement, alors que je m'approche d'elle pour lui faire la bise.
« Sois patiente un peu. Ce n'est pas parce que tu es en vacances, que tout le monde l'est. » « Je te propose qu’on prenne à emporter et qu’on aille se poser chez moi, ça va nous changer un peu. » J’hoche la tête et la suit quand elle commence à se diriger vers le restaurant. Nous ne perdons pas de temps pour commander et nous repartons avec la nourriture en direction de chez elle.
Notre soirée se passe très bien et comme à mon habitude, je m’éternise un peu. Passer mon temps avec elle rend mes soirées beaucoup moins longues et surtout, beaucoup plus agréables. Je retarde donc le moment où je vais devoir retourner dans mon petit logement prêté par mon lieu de stage.
« Il va falloir que je parte, je n’aurais jamais le dernier métro sinon. » Elle me regarde sans rien dire et je me perds presque dans ses magnifiques yeux.
« Où sinon, tu pourrais rester dormir ici ? » L’ambiance semble doucement changer.
« Et je vais dormir où ? Ton canapé ne se déplie même pas. » Je pose cette question, mais elle semble déjà avoir la réponse. Juliette coupe la télé et m’attrape par la main. Je me lève et la suit, sans broncher. Je ne dis plus rien, je ne fais que la regarder. Je crois comprendre où elle veut en venir et surtout je comprends où je vais dormir. Je tire sur la main de la jeune femme et la rapproche de moi. Ma deuxième main vient se blottir dans son dos. Juliette réduit l’écart qui nous sépare et nous échangeons notre premier baiser, le premier d’une longue série.
LA PERTE ▲ « Deux semaines. Tu te rends compte ! Ils ont encore attendu qu'il reste deux semaines avant de nous en parler. » Je donne un grand coup de poing dans le mur qui se trouve en face de moi. Aujourd'hui, nous enterrons notre père, qui était malade depuis plusieurs mois. Mais nos parents ont décidé de nous le dire il y a seulement deux semaines, sentant que son état était en train de s'aggraver et qu'il n'y survivrait certainement pas.
« Deux putain de semaines … » Une larme s’échappe de mes yeux et coule le long de mes joues. Une main se pose sur mon épaule. Il s’agit de Maxym. C’est la seule personne que j’ai autorisé à entrer dans ma chambre. C’est d’ailleurs la seule qui le fait depuis deux semaines. Je suis devenu muet quand mes parents étaient, j’avais comme une envie de les punir de nous avoir caché ça. Mais maintenant je le regrette et j’ai beau me repasser toute cette histoire dans la tête, je ne peux plus faire marche arrière maintenant.
« Je n’ai pas vu tes amis, ils sont où ? » Ma sœur cherche mon regard, alors que je fuis le sien.
« Ils ne viendront pas, je ne leur ai pas dit. » Elle hausse légèrement la voix, elle cherche à me sermonner.
« Tu sais, je ne pense pas que ce soit la meilleure solution de garder ça pour toi. » Je hausse les épaules. Si seulement je connaissais la meilleure solution, je n’aurais peut-être pas fait la connerie de fuir mon père dans les derniers moments de sa vie.