of mice and men.

   ~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
vous voyez ce gars, celui qui s'asseyait toujours au fond de la salle et qui n'écoutait le cours que d'une seule oreille ? celui qui n'avait pas froid aux yeux, oui, le seul qui osait répondre aux professeurs ? celui qui passait la journée à glander sur les bancs de l'école mais qui s'en sortait malgré tout aux examens ? non, pas l'associable de service, l'autre, le jeune avec la clope au bec. celui qui avait tout le temps le mot pour rire, mais également une parole de trop. il savait toujours comment faire chier son monde, que ce soit ses amis ou ses parents. il savait s'y faire avec les filles, lui. oui, c'était un vrai don juan un brin charmeur et gamin sur les bords. d'ailleurs, il était toujours très bien entouré que ce soit par ses vrais amis ou par des personnes peu fréquentables. pourtant, vous l'aimiez ce gars là. oui, vous l'aimiez, parce qu'il savait vous faire sentir spécial et exceptionnel, il savait repousser ses limites, ainsi que les vôtres, à chaque instant, à chaque moment. ouai, bingo, ce gars là, c'était moi, et il me manque.


   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
j'en sais trop rien. oui ou non, peut importe la réponse, au fond ça revient au même. j'aime pas ma vie. pourtant, je suis là, à répondre à cette stupide question, donc peut-être que je ne me sens pas si mal que ça au final. et puis, c'est quoi le bonheur ? vous auriez pu donner une définition, hein. moi j'pense que le bonheur c'est simple. une fête, des sourires, une bande de pote, des éclats de rire, une famille, un baiser, une copine, une bouteille, de l'argent. en gros c'est ça. et disons que j'en possède 50%. ouai, pour l'argent on repassera mais c'est pas la notion la plus importante dans cette succession de mot. j'pense que le plus important, c'est la famille, et ça... ben c'est plus compliqué. j'ai perdu ma mère à l'âge de dix-sept ans. ensuite je suis partie de chez moi à ma majorité, ne gardant que très peu contact avec mon père. puis c'est limite si j'arrive à avoir mon petit frère à l'autre bout du fil une fois par semaine. donc, disons que pour l'instant je compte sur mes amis et mes clopes pour être heureux.


   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
ici, ou là-bas. nul part et partout à la fois. j'pense qu'on est tous prédestinés à vivre certaines choses dans notre vie, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. puis à nous d'assumer ces expériences. mais on a tous notre vie entre nos mains, après tout. alors on peut écrire de nouvelles pages, tracer de nouveaux traits, gommer, effacer, recommencer et même tout redémarrer. et c'est ce que j’espère au fond, pouvoir tout redémarrer, recommencer à zéro. c'est d’ailleurs la raison principale pour laquelle je suis venue ici. mais c'est plus facile à dire qu'à faire. oui, je suis le genre de personne qui s'accable sur sa vie, qui s’apitoie sur son sort, qui ressasse le passé. alors penser au futur, pour moi, c'est trop. trop loin, trop dur, trop flou. bien que je fasse des études, je ne sais toujours pas quel métier j'exercerai plus tard. je ne sais même pas ce que je vais faire ce weekend, alors dans dix ans. la seule chose dont je suis certain, c'est que l'inconnu ne m'effraie pas. alors peu importe ce qui m'attend demain, la mort ou l'amour, je suis prêt.

- « Allô, Monsieur Hilson ? C'est Joe à l'appareil. Euh... l'ami de votre fils. Oui c'est ça, Joe... oui, le garçon qui vient souvent chez vous, oui. En fait j'appelle parce je voulais simplement vous prévenir que Keith est chez moi, au cas où vous vous inquiétiez... oui, Keith. Oui, il est chez moi. Non, chez moi... il est...

- Putain, pourquoi il a fallu que ce soit lui qui décroche ? Je parie qu'il est encore bourré.

- Tais-toi j'entends plus rien. Ah si, attends... ah, bonjour Madame Hilson. Euh, oui bonsoir. Non non, aucun problème. Oui, justement j'appelais à propos de Keith... non, mais c'est pas la peine de vous mettre dans cet état madame, tout va bien, il est chez moi. Il a juste besoin de souffler un peu ces temps ci je crois. Mais je vais l'héberger quelques temps, vous en faites pas. Apparemment ça va pas trop avec son père, et puis... il est pas vraiment au top de sa forme. Non non c'est bon, mes parents sont d'accords. Oui voilà, le temps qu'il se change un peu les idées. Oui. Oui, je pense aussi. Ouep. Ok. Pas de souci, c'est normal. Merci Madame Hilson. Au revoir. Bonne nuit à vous aussi. »

La jeune homme raccrocha son téléphone portable avant de lancer un regard désapprobateur à son ami. « Alors ils ont dit quoi ? » questionna ce dernier d'un ton grave, ignorant l'air renfermé du brun. « Alors, qu'est-ce-que tu veux que je te dise ? Comme d'hab', ton père qui pète un câble et ta mère qui pleure. Sérieux mec, plus jamais tu me demandes de faire ça. » répondit-il. Keith passa alors une main sur son visage, visiblement las de tout ces événements. « Ouai... mais tu sais que j'te l'aurais pas demandé si... » « Si ça n'avait pas été une question de vie ou de mort, ouai je sais. » dit Joe, en se relevant de la chaise sur laquelle il était assis. Allongé sur le lit de la chambre de son ami, Keith prononça un sincère « merci », tout en grattant machinalement quelques cordes de sa guitare. Guitare, qui lui a d'ailleurs été offerte par sa mère. « Bon, c'est pas tout mais j'ai faim moi. J'reviens j'vais jeter un coup d’œil à ce que mes parents ont laissé au frigo. » lança-t-il par delà son épaule avant de sortir de sa chambre. Parfois il enviait la famille de Joe, Keith. Ils n'étaient certes, pas des anges non plus, pas bien riches d'ailleurs, mais au moins le fils avait deux parents, lui. Pas une mère qui se crevait le sang au travail, et qui ne rentrait qu'à des heures tardives. Pas un père dont l'activité principal se résumait à vider des bouteilles de vins, faisant simplement office de géniteur sur les papiers. Une vraie famille. Oui, il aurait souhaité naître dans une autre famille, Keith. Mais au fond, même si il aurait tout donné pour changer de famille, il sait qu'il ne le voulait pas vraiment, Keith. Peut-être que tout ce qu'il souhaitait c'était une vie normale. Il ferma délicatement ses paupières après avoir reposé sa guitare contre le mur le plus proche. Puis, l'image de son petit frère lui vint à l’esprit. Ses yeux bouffis, et ses joues rougies par les larmes étaient encrés dans sa mémoire. Il l'avait vu. Oui ce-dernier avait aperçu son grand-frère se faire battre dans la matinée. Ce n'était pas la première fois, mais à chaque fois que cela se produisait, le petit garçon s'enfouissait plus bas que terre. Heureusement, son père n'avait encore jamais levé la main sur lui, et c'était surement ça le plus grand souhait de Keith.

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Ses yeux étaient gonflés. Il regardait le plafond de la pièce d'un air absent, Keith. C'est étrange, il ne reconnaissait pas cette chambre qu'il se disait. Il était totalement épuisé, et sentait son mal de crane se propager de plus en plus. Pourtant, il avait envie d'ouvrir la fenêtre, ou pas d'ailleurs, qu'importe, il avait surtout envie de fumer une clope comme il le faisait toujours lorsque cette envie lui démangeait l'estomac. Mais non, il ne bougeait pas. Il se sentait trop mal, Keith. Tiens, ça commence à bouger à côté de lui, ce qui arrache son attention du plafond. Ah non, ça change juste de position. Depuis qu'il avait ouvert les yeux il avait aperçu cette fille endormie comme une loque à ses côtés. Il ne la connaissait pas cette fille mais il s'en fichait pas mal après tout. Oui, Keith, il se souvenait simplement qu'ils avaient passé la nuit ensemble pour finalement s'endormir côte à côte. Et même si le temps lui semblait passer beaucoup plus longuement, cela faisait maintenant une bonne heure qu'il était là, Keith, à ressasser ses idées noires dans sa tête, le cerveau totalement hors service, imbibé de sa gueule de bois. Réalisant enfin qu'il était peut-être temps de rentrer chez lui, sa main tâta la table de nuit à sa droite, et plaça son téléphone portable face à sa tête, projetant ainsi une violente lumière sur son visage. Lumière qui lui défonça d'ailleurs les yeux, le forçant à cligner des paupières plusieurs fois de suite avant que l'image ne devienne nette. Huit heure et demi du matin. Un dernier soupir puis il sortit du lit, et enfila rapidement ses vêtements qui jonchaient le sol. Il avait l'impression que le monde tournait, en réalité c'était plutôt tout son corps qui tanguait. Il vérifia alors une dernière fois qu'il n'avait rien oublié en jetant un coup d’œil au sol puis déambula dans les couloirs de cette grande maison. Dans sa recherche de sortie, il tomba sur la salle de bain et y fit un rapide tour -pourquoi se gênerait- il?- avant de finalement trouver la porte d'entrée. Dehors le froid de White Oak Station frappa son visage de plein fouet, comme une violente claque qui eu le don d'accentuer son mal de tète. Pourtant Keith, il n'en prit pas compte et sortit son téléphone portable de sa poche. Il composa machinalement un numéro qu'il connaissait sur le bout des doigts maintenant, mais se heurta malheureusement à la messagerie de son correspondant. Encore. Voilà maintenant trois bonnes semaines qu'il n'avait plus de nouvelles de son jeune frère, celui-ci déclinant systématiquement chacun de ses appels. Plusieurs années que leur tendre mère avait perdu la vie sous la fatalité d'une dépression. Plusieurs années que Keith avait déménagé, abandonnant par la même occasion son jeune frère auprès de leur géniteur. Et voilà que le jeune homme avait dernièrement décidé de ne plus adresser mot à son grand frère comme ça, sans aucune raison apparente. Qu'est-ce-que c'est stupide un adolescent. Keith laissa alors échapper un soupir, et enfouit les mains dans ses poches avant d'y ressortir un paquet de cigarette et un briquet. Il alluma rapidement sa clope et tira sans attendre plus longtemps une longue taffe sur celle-ci. Il est temps de rentrer dans ton petit appartement, Keith. Il est temps de travailler un peu, ton boulot et tes études t'attendent, tu sais. L'argent ne tombe pas du ciel, et Keith, c'est le premier à le savoir. Pourtant, lorsqu'il voit cette jeune fille, il ne peut s’empêcher de croire que l'argent pousse parfois sur les arbres. Il lui avait d'ailleurs donné rendez-vous ce soir, Keith. À elle, cette fille à papa capricieuse. Depuis qu'il l'avait rencontrée, il ressentait ce besoin de se venger. Leur mère avait perdu la vie par sa faute. Elle avait travaillé dans l'enseigne de ce grand entrepreneur, possesseur des industries Black, et c'est ce travail qui l'a tuée. Alors la première fois qu'il rencontra la jeune fille de ce pdg, Keith, un violent sentiment apparut au fond de son estomac. Oui, il voulait la faire souffrir, comme sa mère avait souffert. Alors pour ça, il devra réduire son cœur en morceau. Et quelle merveilleuse chose que l'amour pour parvenir à ses fins.