Aimée venait tout juste de rentrer au Canada. Sa décision de revenir au pays avait été prise aussi rapidement que celle de partir. À dix-huit ans, elle était avide de découverte, de réponses à ses questions. Maintenant qu'elle avait su tout ce qu'elle voulait savoir, elle pouvait rentrer en paix. Elle était arrivée à White Oak Station hier dans la journée et s'était tout de suite organisée pour se trouver une chambre d'hôtel ou un truc comme ça. Elle n'avait pas envie de rentrer chez ses parents. Ce serait trop facile et elle, elle n'aime pas la simplicité. Après avoir passé une longue nuit de sommeil réparateur, elle décida de prendre sa vie en main et explorer la ville à la recherche de quelque chose à faire. C'est avec son pack-sac sur le dos qu'elle déambulait dans les rues, ne sachant pas trop sur quoi elle tomberait au prochain coin de rue. Plusieurs minutes s'écoulèrent, si bien que la jeune brune commença à mourir de faim. Elle entra donc dans le premier café qu'elle croisa sur son chemin. En entrant, elle alla se mettre en fil et fouilla le fond de ses poches à la recherche d'un ou deux dollars. Ouais, il faudrait bien qu'elle pense à se prendre un job si elle voulait pouvoir continuer à voler de ses propres ailes...

La vie c'est quelque chose de si abstrait. Tellement qu'on ne sait pas du tout de quoi sera fait demain. Et même si on le sait, on ne le sait pas vraiment. Tout peut basculer d'une seconde à l'autre, tout ce que l'on pensait savoir de notre vie, de notre futur, s'effondre. C'est probablement une réalité que plusieurs décident d'oublier, mais pour Aimée, c'était sa réalité. Elle avait vécut le tiers de sa vie en ne sachant pas vraiment qui elle était, d'où elle venait et pourquoi elle était là, sur Terre. Aujourd'hui, elle sait d'où elle vient, mais elle ignore encore pourquoi elle est là et surtout, qui elle est. Le choses bougent trop vite, les gens changent trop facilement... À quoi bon se définir comme étant comme-ci ou comme-ça alors que rien n'est fondé et qu'on a parfaitement le droit de changer du tout au tout en cours de route ? Bref, la jeune Nolin avait ce genre de réflexion plusieurs fois depuis son retour de Floride, hier. Encore aujourd'hui, ça l'a travaillait énormément. Elle n'avait pas besoin d'être encore plus perdue dans ses pensées qu'elle ne l'était avant de quitter, il y a un an... C'est un peu pour ça qu'elle avait décidé de sortir, aujourd'hui. Redécouvrir cette ville, réapprendre à apprécier un décor connu...

Alors qu'elle faisait la file pour commander un simple café - parce que c'est tout ce qu'elle pouvait s'offrir avec le dollar et demi qu'elle venait de trouver dans le fond de sa poche -, elle entendit une voix près d'elle. Qui cela pouvait-il bien être ? Personne n'était au courant de son retour, pas même ses propres parents. « Aimée ? » La grande brune tourna la tête vers son interlocutrice et un grand sourire s'afficha sur les traits de son visage. « Bah ça alors ! Nina ! » s’exclamât-elle, le sourire maintenant fendu jusqu'aux oreilles. « C'est fou, jamais je n'aurais pensée que tu serais encore ici après un an ! » Bah quoi ? D'entre elles deux, Nina était sans doute celle qui avait l'avenir le plus brillant devant elle... Aimée n'a jamais vraiment travaillé pour se bâti un futur - sans doute en lien avec sa théorie sur la vie. C'était tout de même cocasse de revoir sa meilleure amie après tout ce temps. Nolin jeta un petit coup d'oeil par dessus l'épaule de Nina et reconnue aussitôt la bande du lycée. « Certaines choses n'ont pas changés, à ce que je vois ? » dit-elle avec un grand sourire. Elle ne disait pas ça méchamment, loin de là. Elle faisait juste une constatation... ~

Ton regard était posé sur Nina, tu refusais de regarder ailleurs. C'était si imprévu, inattendu, de la revoir là, dans ce lieu si commun. Elle avait tellement de potentiel, tellement de possibilités, et pourtant elle était encore à White Oak Station. Une partie de toi en était déçue, mais l'autre était soulagée. Tu étais soulagée, heureuse de la revoir. Tu lui fis part de ta surprise quant au fait qu'elle était encore ici, ce à quoi elle répondit plutôt rapidement. « Figure-toi que j'habite ici depuis que je suis née » Tu ne pus t'empêcher de rire doucement avant de hocher la tête d'un simple coup. Elle avait beau habiter ici depuis la naissance, rien ne l'enchaînait. Elle n'était quand même pas un arbre avec des racines si longues et si profondes qu'il ne pourrait jamais bouger. Elle pouvait, si elle le voulait... Peut-être qu'elle ne le voulait pas, au fond ? Ce n'est pas tout le monde qui est comme toi, en fait... Et ça, tu avais quelques fois de la difficulté à t'en souvenir. « Ce serait plutôt à moi d'être étonnée de te voir là ! Et je le suis, d'ailleurs » Ton sourire devint un peu moins prononcé, jusqu'à ce qu'il s'estompe légèrement. Tu repensais à la façon dont tu étais partie... Si rapidement, sans laisser de trace. Évidemment, tu n'avais pas coupé les ponts complètement, mais on sait tous que la distance peut être nocive pour une relation. C'est ce qui s'est précisément produit dans votre cas. Tu changeas donc rapidement de sujet, histoire de ne pas tomber dans le mélodrame et les justifications. Tu regarda par dessus l'épaule de Nina et reconnu cette bande de filles de l'internet. Tu ne pus t'empêcher de rire. Tu fis la remarque à Nina que certaines choses, contrairement à d'autres, n'ont pas vraiment changées en un an. « C'est difficile de changer, tu sais. » Tu n'eus pas le temps de répondre que ton ami te prit par le bras et t'amena un peu plus à l'écart. Elle se justifia en disant qu'elle ne voulait pas faire d'histoires, du moins pas maintenant. Tant pis... Tu n'étais tout de même pas revenue ici pour foutre la merde alors voilà, tu respectais son choix - comme avant, en fait. Après vous êtres installées à une table, elle te demanda la question qui devait sûrement lui brûler les lèvres depuis ton retour. « Pourquoi tu es revenue ? » Tu haussas les épaules tout bonnement. Tu fis mine de réfléchir un instant alors qu'en fait, il n'y avait pas vraiment de raison... Oh, enfin... une seule... « Bah j'ai su tout ce que j'avais à savoir, j'ai vu tout ce que j'avais à voir... Alors je suis revenue. Ce n'est pas plus compliqué. » lanças-tu après un moment de silence considérable. Tu pris une grande inspiration et croisa tes bras contre ta poitrine, te recalant dans ta chaise. « Et toi ? Pourquoi es-tu restée ? Tu vaux tellement mieux que de rester ici. » demandas-tu. Parce que oui, sa propre question pouvait vraisemblablement lui être retournée d'une façon un peu différente. Mais au fond, c'était du pareil au même... ~

« Qu'est-ce que tu as appris ? Qu'est-ce que tu as vu ? Tu... tu es allée où ? » Tu souris, amusée, devant son éternelle curiosité. Tu pris une grande inspiration avant de poser les coudes sur la table, joignant les doigts sous ton menton. Tu plongeas ton regard dans le sien, rendant l'ambiance un peu plus saisissante. « En Floride. » Petite pause théâtrale. « J'ai retracé mes origines. J'ai retrouvé ma famille biologique. Du moins, ce qu'il en restait. Mon défunt père était un ivrogne batteur d'enfants et le reste de ma famille, des sans-cervelles. Du coup, quand j'ai su tout ça et qu'il n'y avait plus rien de bon pour moi là-bas, je suis revenue. » Silence. Après ton long récit, le sujet en revint à la jolie blonde. Tu te questionnais à savoir pourquoi elle, elle était restée ici. Tu l'écoutas doucement, un petit sourire en coin dessiné sur ton visage. Elle avait rencontré un garçon, vraiment ? Eh bien ça, effectivement, ça valait le coup de rester ! Tu secouas doucement la tête parce qu'au fond, tu ne trouvais pas que c'était un point à prendre en considération dans la décision de rester ou partir. Les gens viennent et partent comme ils le souhaitent, il ne faut donc pas baser notre futur sur ces gens-là - qui peuvent à tout moment nous faire faux bonds. Il faut vivre pour soi et pour personne d'autre. Tu trouvais donc, encore une fois, que Nina n'était pas encore assez... ouverte à la vie ? « Nina. C'est très bien que tu sois restée à White Oak. Honnêtement, tu n'as pas besoin de te justifier à moi, après tout. C'est ton choix, c'est toi qui voit, mais... Entre toi et moi, tu serais bien mieux ailleurs, peu importe les milles et une bonnes raisons que tu viens de me nommer. » dis-tu avec un grand sourire sincère, alors que tu te recalas dans le dossier de ta chaise. Tu n'as jamais jugé la jeune femme à tort. Tu as toujours attendu d'avoir toutes les informations en ta possession pour émettre une quelconque opinion sur le sujet. Là, tu ne faisais que donner ton avis, ton opinion. En aucun cas tu la jugeais d'être restée ici plutôt que d'être partie. Tu essais juste de lui faire comprendre qu'à tes yeux, elle vaut mieux qu'être ici, c'est tout. Tu as énormément d'estime pour elle. « Tu veux te commander un café ? » Tu fis un grand signe de la tête, marquant bien ton envie de boire un bon café. Tu lui fis signe de t'attendre là et passa à la caisse. C'était plus rapide que tout à l'heure cette fois, si bien que tu reviens en moins de deux minutes. Une fois à nouveau assise en face de ton amie, tu posas ta boisson chaude sur la table. « Comment tu t'en sors ? » demandas-tu doucement. Et par " comment tu t'en sors " tu voulais évidemment dire " comment tu vas depuis le temps ". ~

« Je suis désolée Aim'. J'aurais aimé que tu y trouves une famille aimante. » Tu soupiras doucement. Eh bien si déjà à la base tu avais été adoptée, c'est forcément parce que ta famille biologique n'était pas aimante... Tu haussas les épaules, marquant un peu ton indifférence. Tu avais fait ton deuil de la petite famille modèle et parfaite depuis bien longtemps. Cette réalité ne fut pas un réel choc, mais bien plus la confirmation de ce que tu croyais au plus profond de toi. Rien n'arrive pour rien et ton adoption en était la preuve. « Comment tu as fait, pour parcourir tout ce chemin ? Ça a dû te prendre des lustres ! » ~ « J'ai pris un billet d'avion pour aller et au retour, je l'ai fait en bus. » Oui, le trajet du retour avait été beaucoup plus éprouvant que l'allée. Surtout parce que tu ne cessais pas de te retourner tout ces films en boucle dans ta tête. Après un an passé en Floride, c'est plutôt difficile d'oublier ce qu'on y a vécu. Même si tu sembles avoir l'air au-dessus de tout ça aujourd'hui, il n'en demeure pas moins qu'il y a quelques jours, tu étais encore très ébranlée par tes aventures là-bas. « Tu as revu tes parents » Pourquoi posait-elle tant de questions, d'un coup ? « depuis que tu es revenue ici ? » Tu secouas la tête. « Non, je viens tout juste de rentrer. » répondis-tu doucement. Le sujet revint alors un peu plus sur Nina ce qui te fit plaisir puisque, avouons-le, tu n'aimais pas être le centre d'intérêt d'une conversation. « Peut-être que je serais mieux ailleurs ; et un jour, j'irais. Ailleurs. Je ne passerais pas ma vie à White Oak Station, je le sais. Je rêve de liberté, de visiter le monde entier. Mais pour l'instant, je ne suis pas encore prête. Je ne suis pas prête à quitter mes amis, à quitter mes parents, à quitter mon frère, à quitter ma vie ici. Mais je le ferais un jour, c'est sûr. » Tu clignas des yeux avant de sourire. « D'accord. ». Un simple mot qui voulait pourtant dire bien plus. Tu respectais ses choix. Tu allas commander une boisson chaude et en revenant à la table, tu demandas à la jeune blonde comment elle s'en sortait. « Je m'en sors comme une étudiante en deuxième année de fac » Tu souris. C'était une réponse pourtant si simple, mais efficace. « Et puis... » Silence. « Je me suis mise à chanter. À l'Old Pub. Mes textes. » Tes yeux s'ouvrirent très grand. Là, tu étais énormément fière ! « Oh mon dieu ! Si tu savais comment ça me fait plaisir d'entendre ça ! Depuis quand ? Et comment va ton succès ?! Je suis siiii heureuse ! » ~

Tu n'avais plus envie de penser à ce qui s'était passé durant les précédents mois. Ce qui était fait avait été fait; ce qui avait été dit avait été dit. Tu voulais focuser sur le présent, sur le futur même - sans trop y penser non plus, parce que ça ne sert à rien de tout prévoir quand le lendemain, tout peut s'écrouler. Ton langage non-verbal ainsi que tes phrases courtes semblaient clairement montrer à ton amie que tu te désintéressais de la conversation. Elle ne prit pas de temps pour changer de sujet et au final, celui-ci était cent fois plus excitant que les péripéties de ta vie. Elle t'annonçait qu'elle s'était mise à chanter devant un public et ça, c'était une petite victoire pour toi. Tu lui demandas depuis quand, elle ne prit que quelques instants à te répondre. Tes yeux pétillaient, tu étais tellement heureuse pour elle. Tu l'écoutas avec attention pendant qu'elle répondait à tes questions. Tu soupiras doucement, baissant les yeux vers ton cup de café qui refroidissait sûrement déjà. Elle t'avoua que c'était grâce à toi et qu'elle aurait aimé que tu sois là... Tu secouas la tête avant de relever les yeux vers la blonde, l'air indigné. « Comment j'ai pu manquer ça, Nina ? Je suis désolée... » dis-tu sur un ton de confession. Parce que oui, admettre que tu es désolée est une chose que tu fais très rarement, mais auprès de ton amie, c'est une toute autre chose. Tu es capable d'admettre des torts et là, c'était le cas. Tu n'avais pas assurée. Tu avais été égoïste... Ou du moins, tu avais été négligente auprès de tes amies. « Tu voudrais bien me faire un petit concert privé, un jour ? Je suis sûre que tu as pris de l'assurance depuis le temps où je t'ai entendu. » Tu la regardais toujours avec ce pétillement dans les yeux. Tu pris de grande respiration, appréciant ce petit moment de silence, puis reprit. Tant qu'à se mettre à nue, aussi bien le faire pour de vrai. « Je suis désolée pour tout, sincèrement. J'aurais voulu être à la hauteur... J'avais besoin de ce moment de vide pour en savoir un peu plus sur moi, pour faire le point sur ma vie. J'avais besoin de réponses, de savoir... » Tu t'égarais légèrement. Tu te raclas la gorge et repris. « J'ai fait la paix avec mon passé pour pouvoir mieux vivre mon présent. Mon futur est encore flou et je n'aime pas prévoir à l'avance, mais là... J'ai envie que tu en fasses partie. » Tu avais besoin de cette amie, de cette alliée à tes côtés. Tu ne voulais plus la laisser derrière. Pas comme tu l'avais fait durant la dernière année... ~