mia & louys

Hier, la soirée a été longue. Il manquait plusieurs serveurs au restaurant et le patron est venu embaucher pour un seul soir. Bien sûr, qui était volontaire ? Moi. Tous les moyens sont bons pour se faire de l'argent. Mais si j'avais su que j'allais autant piétiner et que je finirais aussi tard, je ne l'aurais certainement pas fait. Rentré à trois heures du matin, je me suis immédiatement couché sans même savoir si Julian était là. J'entends du bruit, alors que j'ai l'impression d'avoir fermé les yeux depuis quelques secondes. Le temps de décomater un peu et je comprends qu'on tape à la porte. Je maudis la personne qui est en train de faire ça, car ma nuit a été beaucoup trop courte. J'attrape l'oreiller qui se trouve à côté de moi et je le plaque sur ma tête, en espérant que le bruit s'en aille. Mais non, ça persiste. Je décide de me lever, j'enfile rapidement un T-Shirt, en plus du caleçon que j'ai déjà. « Qu'est-ce qu'il se passe ? Il y a une urgence ? » J'ouvre la porte et vois Mia avec un large sourire. « Non, non, non. » Je laisse tomber ma tête en arrière. J'aurais pu dormir plus longtemps. « Et Jésus lui dit ''lève-toi et marche''... C'est le jour du seigneur, où sont tes habits du dimanche ? » Je tourne ma tête vers l'intérieur de l'appartement et j'observe une horloge. Moins de dix heures, elle se moque de moi. « Ça fait longtemps que je n'y vais plus, surtout depuis que j'ai compris que je pouvais dormir plus longtemps. » Je lui fais un large sourire pour comprendre que j'aimerais tellement être dans mon lit à cet instant. « Je sais ce que tu vas dire ''Oh Mia t'es chiante, on est dimanche et j'bosse pas aujourd'hui, j'aurai pu dormir jusqu'à midi et blababla'' Mais j'ai apporté le petit dej'. Donc je suis pardonnée ? » Je jette un rapide coup d'oeil au sac qu'elle tient dans les mains, elle ne ment pas, elle a bien le petit déjeuner. « Vas-y entre. » Elle sait très bien ce qu'il faut faire pour me faire céder. Elle fait quelques pas à l'intérieur et je referme la porte derrière elle. « Allons manger dans ma chambre, je ne voudrais pas que Julian en profite. Il m'a laissé faire la vaisselle hier. » C'est également un moyen pour moi d'aller me recoucher. Elle m'écoute et se dirige vers ma chambre. Une fois cette porte franchit, je m'écroule de nouveau sur mon lit.

mia & louys

Ma tête oscille de gauche à droite en l'entendant parler. Mia est prête à trouver n'importe quelle excuse pour que je l'invite à entrer. « N'importe quoi. » En passant à côté de moi, elle me dépose un baiser sur la joue et ça me fait instantanément sourire, mon premier sourire de la journée est pour elle. Connaissant très bien l'appartement, elle n'hésite pas une seconde pour prendre le chemin de ma chambre. Je ne tarde pas à me recoucher une fois arrivé dans ma pièce, après tout j'ai bien le droit. Je sens que Mia s'installe à mes côtés, elle reste pour le moment silencieuse, c'est très étrange, ce n'est pas dans ses habitudes. D'ailleurs, elle ne tarde pas à briser le silence. « Bon je vais te poser une question banale, la question que tout le monde pose et je sais qu'il est trop tôt pour les petits discours mais je veux une vraie réponse. J'ai l'impression de ne pas t'avoir vu depuis des lustres, tu es... ailleurs peut-être, je sais pas. Je suis chiante, je le sais, mais tu es mon meilleur ami et je m'inquiète pour toi. Alors, est-ce que tu vas bien ? » Je la laisse parler, gardant ma tête enfoncée dans mon oreiller. Lui faire croire que je viens de me rendormir n'est peut-être pas une si mauvaise idée, après tout, elle ne pourrait pas m'en vouloir. Mais tout ça m'intrigue. J'ai pourtant essayé d'être de discret, de ne pas changer, de sourire, j'ai essayé de garder ma vie telle qu'elle était malgré la perte de mon père. Je relève doucement la tête et je plante mon regard dans celui de ma meilleure amie. « Là ? Actuellement ? Je peux pas trop dire ça ... » Je la laisse attendre quelques secondes avant de poursuivre. « Parce que tu vois ... Une nuit parfaite m'attendait ! Elle se serait terminée vers midi ou treize heures, puis j'aurais traîné un peu dans mon lit pour finalement me mettre devant la télé. Mais toi ! Petite chieuse à la tête trop mignonne, tu as décidé de briser mes rêves. » Je rigole un court instant et me redresse pour lui faire face. Très vite, je reprends mon air sérieux, celui que je prends généralement qu'à l'école ou au boulot. « Pourquoi est-ce que tu dis ça ? » Au fond de moi, j'ai cette petite voix qui me dit de parler, de dire enfin à quelqu'un ce que je cache depuis sept mois maintenant. Mais d'un autre côté, j'ai ce truc qui me stoppe. Je ne sais pas pourquoi, ni comment, mais c'est plus fort que moi. Aucun son ne sort de ma bouche quand je dois évoquer ce sujet.

Spoiler:

mia & louys

C'est tout à fait Mia, elle s'inquiète pour nous. Quand on la regarde, on le sait. C'est le genre de personnes que tu veux serrer dans tes bras, que tu veux consoler quand elle pleure, mais au final c'est elle qui fait cela avec toi. Elle lit en toi comme dans un livre ouvert. C'est la joie incarnée, malgré ce qu'elle a eu à traverser quand elle était plus petite. Je l'ai toujours connu joyeuse, souriante, drôle. C'est peut-être ça qui m'a empêché de parler à mes meilleurs amis, de leur raconter ce qui me rendait triste. Je ne voulais pas enlever cette joie qu'elle partage avec nous, qu'elle prend tant de plaisir à offrir. Je ne voulais pas lui faire croire qu'elle n'avait plus cet effet sur moi, mais aujourd'hui, j'ai bien peur qu'elle me fasse parler. « C'est ton regard et plein d'autre petites choses… Tu as le droit de pas avoir envie de m'en parler, de vouloir garder ça pour toi, mais quoi que ce soit tu peux m'en parler, tu sais que je ne te jugerai pas. Je voulais juste te rappeler que j'étais là, même à 9heure du matin un dimanche. A quoi je sers sinon ? A part illuminer tes journées bien sûr et non briser tes rêves. » Elle me sourit, elle essaye de me rassurer, de me donner du courage pour que je puisse enfin parler. « Tu te rappelles, il y a sept mois j'ai pris ce logement avec Julian et j'ai aussi été embauché au café ? » Elle hoche la tête pour que je puisse poursuivre ma phrase. « J'avais besoin de faire ça pour m'éloigner de mes parents, pour quitter la maison familiale. » Je m'arrête une nouvelle fois. J'ai cette boule dans le ventre qui m'empêche de continuer. Alors oui, je viens de commencer mon histoire, mais pour le moment tout ce que je viens de dire elle le sait déjà. Ce qu'elle veut savoir c'est pourquoi j'ai voulu faire ça, pourquoi j'ai pris autant de distance. Je m'assois un peu mieux et je croise mes jambes. J'essaye de gagner du temps, je m'en rends compte.  « Ils nous ont caché quelque chose, à Maxym et à moi. Un truc qui a changé nos vies. » Et qui m’avait littéralement changé. Je ne suis plus le même depuis ces sept mois et j’en suis conscient. Je n’arrive pas à faire mon deuil, car leur annonce de la maladie de mon père s’est faite beaucoup trop tard et il est impossible pour moi de me faire à l’idée que je ne le reverrais plus jamais. « Mon … Mon père est décédé. » J’ai été direct pour rendre le moment moins blessant. Son regard m’effraie, elle ne s’attendait pas à ça. C’est tout à fait normal, on ne peut pas imaginer que notre meilleur ami nous cache la mort de son père depuis sept mois. Je me racle la gorge avant de reprendre la parole, je dois changer de sujet. « Qu’est-ce que tu nous as amené pour le petit déjeuner. J’ai faim. » Oui, n’oublions pas que je l’ai faite rentrer, car elle m’a promis le petit déjeuner.

mia & louys

J’ai appris la maladie de mon père seulement deux semaines avant sa mort et cela ne m’a pas aidé à faire mon deuil. Je ne suis même pas sûr de l’avoir fait. Me renfermer sur moi-même, garder ce secret a enfoncé ce mal-être un peu trop profondément. Maintenant, c’est un peu dur de relever la tête, de faire comme si tout allait bien. C’est d’ailleurs ça qui a dû mettre la puce à l’oreille de ma meilleure amie. Je suis différent, je suis triste. Les choses ne sont plus les mêmes et elles ne le seront plus jamais. Mon père était absent, plusieurs fois par semaine, mais ça ne m’empêchait pas de l’aimer, de vouloir devenir comme lui. C’est donc tout à fait normal que je sois triste. J’ai fait l’erreur de ne rien raconter, de garder ma tristesse pour moi. Je n’aurais pas dû le faire, j’aurais dû me confier. J'essaye de faire diversion, de changer de sujet en lui demandant ce qu'elle a amené de bon. Ça marche, elle ne tarde pas à me répondre. « Des croissants et des trucs remplis de chocolat et de sucre et des donuts, y a de quoi nourrir un régiment mais il me fallait des armes de persuasion. » J'ai envie de me servir, de commencer à manger pour que cette discussion ne soit que du passer. Mais je n'ai pas le temps. Alors que ma main se dirige vers le sac que Mia a apporté, elle s'approche de moi et passe ses bras autour de moi. « Bon sang Louys... Sept mois. Je suis tellement désolée. Pourquoi garder tout ça pour toi. » Je ne suis pas certain de vraiment savoir pourquoi. Il me fallait du temps pour digérer la nouvelle, c'est vrai, mais de là à garder le silence pendant sept mois, c'était beaucoup. « Je ne voulais pas de votre pitié. » Mes bras viennent doucement entourer ma meilleure amie. Maintenant que l'annonce est faite, je peux parler librement. « Vous étiez pour moi le seul moyen de m'évader un peu, de penser à autre chose. Alors j'ai voulu garder ça pour moi. Puis les jours sont passés et c'est devenu plus compliqué de vous le dire, de vous avouer que j'avais caché ça. Je suis désolé.» Tout ce que je viens de dire est honnête, ce ne sont pas juste des paroles dites dans le but de lui faire plaisir. En faisant acte de silence, je ne voulais pas blesser mes meilleurs amis, surtout pas Mia, la bonne humeur du groupe. Nous nous séparons et nous reprenons tous les deux un peu de distance. « Je ne voulais pas vous blesser en gardant le silence, je voulais simplement faire mon deuil. » Un mince sourire se dessine sur mon visage. Je prends de nouveau son sachet dans mes mains et j'en sors un donuts. « On partage ? » Je n'ai pas envie de m'éterniser sur la mort de mon père, alors j'essaye de couper court à la conversation, une nouvelle fois.