~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
plus ou moins normale. mais elle restait l'étape qui avait détruit skylar. pas la sky que tout le monde connait, non. plutôt la nocturne, qui sort en boite, qui fume des joints, qui sniffe du crack, qui boit comme un trou, qui couche avec tout ce qui bouge. contrairement - et heureusement - à d'autres asiatiques, elle avait eu la chance de ne pas se faire harceler. peut être était-ce à cause de son charisme débordant de toute part de son être. les garçons la suivaient partout, les filles la jalousaient essayaient de l'intimider, ce qui ne réussissait jamais. personne n'avait découvert qu'elle avait des parents homosexuels, ce qui l'arrangea fortement. elle avait de très bons résultats sans pour autant faire d'efforts. son quotient intellectuel était plutôt élevé. les conneries qu'elle se tapait n'avaient eu - presque - aucun impact sur son intelligence. effacée et silencieuse en cours - enfin, lorsqu'elle prenait la peine de s'y rendre -, les profs appréciaient sa présence, la considérant comme étant l'élève modèle, qui n'insulte pas à tout bout de champ et qui reste respectueuse en toute circonstance. s'ils savaient, les pauvres cons, s'ils savaient.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
non. tout simplement non. elle survit grâce à ses études qui la passionnent plus que tout - et est bien l'une des rares personnes qui se lèvent avec plaisir pour aller en cours -. en dehors de ça, elle hait tout ce qui est en rapport avec la vie. sky vit, sort en boîte, se défonce à fond avant de vieillir, mais au fond, elle fait ça sans réelle conviction. pour essayer de supprimer l'amertume que lui avait laissée la vie au bout de sa langue durant son enfance.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
skylar se voit morte. oui, morte. de toutes les façons possibles. à chaque fois qu'elle ferme les yeux, elle imagine sa mort, son enterrement. si on oublie ce côté obscur de ses pensées, elle aimerait bien - rêverait - de devenir criminologue reconnue dans le monde entier. mais ce rêve lui parait si lointain, si impossible à réaliser, que si une voix lui murmurait de tout abandonner, elle le ferait avec grand plaisir.

« on se demande parfois si la vie a un sens, et puis on rencontre des êtres qui donnent un sens à la vie. » elle relit avec mépris ces mots qui lui avaient donné jadis un semblant d'espoir, un semblant de fil auquel elle s'était accrochée en vain, puis se met à rire. un rire amer, aussi amer que le goût que lui avait laissé la vie.
✰

??/??/??

il fait froid. très froid, trop froid. j'ai mal, trop mal pour pouvoir réfléchir. il nous a encore maltraités. ma mère, elle pleure, elle pleure, elle pleure encore. cette fois, c'est grave, vraiment. il y a des éclats de verre un peu partout dans le salon. papa a un peu trop bu. enfin, comme d'habitude, quoi. comment j'arrive à l'appeler "papa". je suis ignoble, comme petite fille.

??/??/??

quelque chose d'horrible s'est passé. ce soir, lorsque ma mère est rentrée du travail, il y avait un mot accroché au réfrigérateur. je ne l'ai pas lu, mais je sais quand même que c'est quelque chose d'insupportable. il demande le divorce. ah d'accord. je me suis dirigée vers ma mère,et, naturellement, je suis venue me loger entre ses bras. ses sanglots étouffés, je les entends bien. je me mets à pleurer, à mon tour. on reste comme ça, longtemps. étrangement, ça me fait du bien, beaucoup de bien.

05/12/08

les professeurs m'aiment bien. on me catégorise comme étant la petite asiatique du coin, la silencieuse, la réservée, l'intelligente de la classe, qui ne suit pas vraiment, mais qui arrive quand même à avoir de très bons résultats, la bien trop mature pour son  âge. à quatorze ans, c'est bizarre, pour eux. je suis juste casanière. je n'ai le temps à n'accorder pour personne. je ne veux me lier avec personne. et ces petits voyous qui me tournaient autour l'ont très vite compris. un regard, et ils sont tous à mes pieds. un regard, et tout le monde me respecte. même les filles, ces populaires qui essayaient de se frotter à moi, de me rabaisser à cause de mes origines, n'osaient pas m'approcher. il n'y a qu'une seule personne qui compte pour moi. une personne qui me blesse, mais que j'aime de tout mon être. celle qui me berçait le soir, lorsque j'étais petite. celle qui me couvrait de baisers malgré les coups de poignards dont elle était victime à cause de l'autre. parce que ma mère, après le départ de l'autre, a sombré dans la dépression, l'alcool et les regrets. j'ai grandi, certes, je ne connais presque rien à la vie, mais j'ai compris. j'ai compris que l'amour que je lui portais n'était qu'une illusion, qu'un bonheur éphémère. ma mère boit comme un trou. ma mère m'insulte souvent en me disant que tout est de ma faute, qu'avant ma mise au monde, tout allait bien, ils vivaient dans une bulle,des adolescents vivant dans un rêve. elle me gifle, me griffe, mais je tiens bon. je sais qu'elle n'est pas dans son état normal. je l'aime, quand même. c'est ma mère. la seule personne qui me reste. j'ai peur qu'elle disparaisse, j'ai peur qu'elle fasse quelque chose de mal, j'ai peur pour elle, j'ai peur pour moi.

06/04/10

ces derniers temps, ma mère a l'air heureuse. elle chante, elle sifflote, elle mange, elle ne boit plus trop, je me demande vraiment ce qui s'est passé, ces derniers temps. elle reprend soin d'elle, mais n'a aucune idée de ce qu'elle a pu me faire subir. mais moi aussi, je ne dis rien. la voir sourire me suffit. l'image que j'ai eue d'elle plus jeune m'aveugle, je n'arrive pas à lui en vouloir, je l'aime juste à la folie, c'est de l'adoration. je suis pathétique.

24/06/10

je pleure. dans ma chambre, je pleure.silencieusement, mais je pleure. d'ailleurs, avec mes yeux brouillés de larmes qui se déversent sur mon journal, j'ai du mal à écrire. j'ai du mal à ressentir. est ce que j'ai déjà connu le mot "sentiments", dans ma vie? non. je ne sais pas qu'est ce que c'est. je le mérite, mon surnom de princesse des glaces. mais là, la glace fond. elle fond, encore et encore, laissant place à un sentiment nouveau. de la...jalousie? peut être. ma mère est en couple. avec une femme. amoureuse. d'une femme.je dérape. cela fait quelques heures que je le sais, mais depuis ces quelques heures, j'ai perdu le contrôle de moi même. une femme, putain. c'est un femme qui la rendait heureuse.et moi qui pensais servir à quelque chose. la façon dont elle me l'a annoncée...je ne sais pas qui est le pire, dans tout ça. ma future deuxième mère, ou son sourire béat. mais putain, ça me dégoûte, ça brise mes rêves, ça les ruine, ça les écrase. et ça écrase mon coeur par la même occasion.

30/03/11

aidez moi. aidez moi. aidez moi. j'ai pété les plombs. tout s'est enchaîné. moi même, je ne comprends plus rien.tout le respect que j'avais envers elle s'est envolé. elle est de plus en plus distante. non, je dois rectifier. je suis de plus en plus distante. je désobéis, je ne respecte pas le couvre feu, je régresse, je passe mes nuits en boite, je me lie d' "amitié" avec des gens plus ou moins louches. je suis devenue l'aimant à problèmes. moi qui m'étais résolue à détester la cigarette, l'alcool et toutes les conneries qui allaient avec, je m'en retrouve dépendante. j'ai essayé d'oublier, je suis sortie, j'ai erré, un garçon m'a accostée, comme une sotte, je l'ai suivie. j'ai dansé, j'ai dansé, j'ai bu, j'ai fumé, puis j'ai fini dans son lit. une première fois, dans l'arrière d'une boite de nuit, quoi de plus classe, n'est ce pas? décelez l'ironie.

et puis, chaque soir, c'était la même chose.
✰
elle se remet à rire, mais cette fois, c'est surtout à cause de sa naïveté passée. comme si le passé allait changer, de toutes les façons. elle avait réussi à avoir son diplôme, mais à ses yeux, ce n'était qu'un vulgaire bout de papier qu'elle n'hésiterait pas à déchirer. tel un ange déchu, elle avait atterri à la white oak station. elle cherchait un endroit plus calme que la bouillante new york, où elle avait passé toute sa vie, mais en particulier, les années folles de la jeunesse, qui lui coûte maintenant tous ces regrets qu'elle traîne avec elle. sky regrette d'avoir été fermée d'esprit,intolérante. sky regrette d'avoir donné sa confiance au premier connard venu. sky regrette d'être devenue une de ces filles de la nuit qu'elle regrettait tant, mais surtout, sky regrettait d'avoir posé les pieds sur terre.

oh, petite yun hee, où te trouves-tu? oh, douce yun hee, où te caches-tu? oh, souriante yun hee, ne regrettes-tu pas d'avoir disparu bien trop tôt? reviens, petite yun hee, parce que je suis sûre qu'au fond, tu es malheureuse de voir la pauvre catin que skylar est devenue.