blind cooking

Nina toqua à la porte, excitée. Elle avait rendez-vous avec son petit ami, Soan, pour lui apprendre à cuisiner. Elle s'était dit que c'était beaucoup plus pratique qu'ils se rendent chez lui, parce qu'au moins il connaissait parfaitement son environnement, et il se sentirait moins déstabilisé. Si, en plus d'essayer de manipuler couteau, râpe et fouet, il devait réfléchir où se trouvait chaque meuble, ça serait beaucoup trop prise de tête pour lui. Il était certes déjà venu chez Nina plusieurs fois, mais pas assez pour savoir par cœur et naturellement où se trouvait chaque obstacle. La blonde serra sa main autour de la hanse d'un grand panier en osier, où se trouvait toutes les provisions dont ils allaient avoir besoin pour leur soirée culinaire. Elle avait déjà préparé le menu de A à Z – elle espérait d'ailleurs qu'il plairait à Soan – et s'était donc naturellement occupé de faire les courses. Elle ne lui avait même pas demandé de participer, parce que ses parents lui avaient fait un virement de cent euros supplémentaires à partir du moment où ils avaient eu vent de son projet. Elle avait secoué la tête, car c'était une somme beaucoup trop importante pour ce qu'elle avait réellement besoin, mais une fois au supermarché elle en avait profité pour acheter une belle bouteille de champagne. C'était peut-être un peu idiot ou un peu niais, mais cela faisait presque six mois que les deux amoureux étaient en couple, et Nina avait envie de fêter ça. Après tout, c'était son premier petit ami, ce n'était pas rien. Elle était heureuse d'ailleurs qu'ils soient toujours ensemble, alors qu'elle avait entendu beaucoup de ses amies dire qu'elles avaient rompu, parfois, au bout de seulement quelques semaines. Nina ne comprenait pas bien comment c'était possible de se quitter après si peu de temps quand on s'aimait, mais à vrai dire elle s'en fichait. Tout ce qui l'importait, c'était qu'elle se sentait bien avec Soan. Elle se rappelait encore de leur première rencontre. C'était à l'université, un jour de mars assez ensoleillé. Le jeune homme n'avait vraisemblablement pas pu le voir, mais elle était certaine qu'il avait pu sentir un peu de la chaleur du soleil de ce mois de printemps. En fait, Nina avait d'abord remarqué le chien qui l'accompagnait. Elle adorait les bêtes à poils et c'était naturellement arrêté pour le caresser. Après quelques grattouilles derrière les oreilles, elle avait relevé la tête pour voir à qui il appartenait, et c'est à ce moment qu'elle croisa le regard de Soan. On ne peut pas dire qu'elle ait eu un vrai coup de foudre, mais elle l'avait trouvé mignon, c'est sûr. Elle lui avait sourit, sans penser qu'il ne la verrait pas. Elle baissa de nouveau la tête en direction du chien, la releva une nouvelle fois et pouffa. « Je suis bête ! » Avait-elle lâché, innocemment. « Je n'avais pas fait attention que… tu ne voyais pas » avait-elle presque murmuré, avant de continuer « du coup je souriais bêtement dans le vide. » Cela ne l'empêcha pas de sourire une deuxième fois. « Je m'appelle Nina, au fait. » Elle avait tendu la main et l'avait glissé un peu timidement dans celle de l'étudiant. À ce moment précis, elle ne pensait certainement pas qu'elle serait en couple avec lui un mois plus tard. Ils avaient parlé une petite demi-heure ensemble après cette rencontre, avant que Nina parte rejoindre ses copines pour se rendre à leur prochain cours. Ils s'étaient seulement échangés leur prénom, et rien ne présageait qu'ils se reverraient une autre fois, puis une autre encore. Mais, hasard ou destin, la blonde avait croisé Soan dans un couloir de l'université le lendemain, et elle avait abandonné ses amies pour aller lui parler. Ils s'étaient recroisés plusieurs fois, avant de se voir en dehors des cours. Nina s'était de plus en plus attachée à lui au fur et à mesure de leurs rencontres et de leurs discussions, et elle avait alors commencé à avoir des papillons dans le ventre. Une ou deux de ses amies l'avait mis en garde, comme quoi ça ne devait certainement pas être facile de sortir avec un aveugle – « en plus, il sait même pas à quoi tu ressembles » – mais à vrai dire Nina s'en fichait éperdument. Qu'il soit aveugle, ou avec un bras en moins, du moment qu'ils s'entendaient bien, qu'ils avaient des points communs et qu'ils rigolaient ensemble, elle ne voyait vraiment pas où était le problème. De fil en aiguille, les deux s'étaient rapprochés et le premier baiser était arrivé. Nina avait confié à Soan qu'elle n'avait encore jamais eu de petit copain et qu'elle gardait un très mauvais souvenir de sa première fois, et il avait été très compréhensif. En fait, Nina n'aurait pas pu rêver comme premier petit ami – comme petit ami tout court.

La porte finit par s'ouvrir sur un Soan rayonnant. « Devine qui c'est ! » lança Nina joyeusement, de sa voix cristalline. Elle lui faisait régulièrement cette blague et ne s'en lassait pas. Ce n'était aucunement pour se moquer et son copain le savait ; elle disait exactement la même chose à ses autres amis, sauf qu'avec eux elle était obligée de cacher leurs yeux de ses mains, et c'était quand même beaucoup moins pratique. Elle s'avança et glissa sa main – celle qui ne tenait pas le panier – dans celle de Soan, avant de déposer ses lèvres contre les siennes. « Tu vas bien ? » Demanda-t-elle affectueusement en entrant dans l'appartement. Elle le connaissait un peu, maintenant, mais elle n'osait jamais prendre trop ses aises. Elle était comme ça, Nina. Toujours un peu dans le retrait.