| (#) Sujet: la nuit nous rend beaux (sid,terry) Ven 10 Oct - 23:16 | |
|
la nuit nous rend beaux« J'y vais, mémé ! » La vieille femme me regarde avec des yeux attendris alors que je sors du manoir. Elle a tenu à rester éveillée jusqu'à ce que je parte, comme si elle ne m'avait pas cru quand je lui ai dis un peu plus tôt au repas que j'étais de sortie, ce soir. Je ne peux que la comprendre, en réalité. C'est encore très rare – et tout nouveau pour moi. La première fois que je suis allée à l'un de ces rendez-vous, c'était il y a peut-être une semaine et demi, deux au grand maximum. J'y suis retourné une autre fois, depuis : ce soir est la troisième. « Amuses-toi bien, Terry ! » Elle me crie depuis le perron. Je hoche la tête dans la pénombre et lève la main, pour la remercier. Je rentre dans ma voiture et mets le contact. Dix minutes de route de campagne plus tard, je suis garé devant la gare de White Oak Station. C'est ici qu'ils ont décidé de se retrouver, aujourd'hui. Je ne sais pas encore bien à quelle fréquence ils se voient, mais toujours est-il que je ne me rends pas à chaque rencontre. Il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, non plus. La solitude m'est encore très précieuse – elle fait partie de moi depuis quinze ans à présent, je ne vais pas lui dire adieu tout de suite. Je sors de mon épave et verrouille la porte conducteur. J'aperçois une blonde au loin, que j'identifie rapidement comme étant Sid. Je n'en reviens toujours pas vraiment, d'ailleurs. Non pas qu'elle soit blonde, ni qu'elle s'appelle Sid. Non – c'est son amour pour les voitures qui me surprend encore. J'en ai vu plusieurs des filles pas bêtes, qui savaient à peu près comment fonctionne une voiture, ou même qui étaient intéressées par la mécanique ; mais alors des filles qui aiment leur voiture plus que je n'aime la mienne, qui les bichonnent autant, et qui en plus de ça organisent des courses à la nuit tombée, des filles comme ça, je n'en avais encore jamais croisé. C'est elle, Sid, qui m'avait tendu un petit tract home-made, quand elle était venue récupérer sa voiture en réparation au garage. Je l'avais pris machinalement, dans l'optique de le jeter une fois qu'elle serait partie ; et puis, d'une façon ou d'une autre il attiré mon attention et je m'étais retrouvé le soir même, à l'orée de la forêt, au milieu de quelques autres amateurs de voitures prêts à faire la course. Je m'étais juste contenté de les regarder et d'échanger trois mots avec Sid, qui m'avait alors donné un deuxième tract. Puis un troisième, qui m'a mené jusqu'ici. « Salut » je lâche brièvement alors qu'elle s'approche de moi. En toute honnêteté, je ne pensais pas que ce premier bout de papier qu'elle m'a donné trois semaines plus tôt m'aurait amené jusque là. Je ne pensais pas que retrouver toutes ces personnes me plairait vraiment. Enfin, plaire est un bien grand mot. Disons que leur présence ne me dérangeait pas. Comme on dit si bien, la nuit, tous les chats sont gris. Voilà ce que nous sommes. Des chats. Gris, dans la nuit. Tous égaux. C'est peut-être pour ça, que je suis revenu une deuxième fois, puis une troisième. Parce qu'ils ne me jugeront pas. Je crois qu'on est tous un peu pareil, ici. Des âmes égarées. Oui, c'est ça. Des âmes égarées qui se sont retrouvées. |
|