Premier jour de travail depuis les olympiades de White Oak Station et à dire vrai, tu n'avais pas vraiment eu envie d'enfiler ta chemise ce matin. Mauvais pressentiment ou juste de la paresse, va savoir... La journée commença donc d'un pas plutôt lent. Ton fidèle partner et toi avez arpenté les rues de la ville dans l’attente de votre premier appel. Celui-ci n'eut lieu qu'à midi et quart, en plein milieu de votre pause déjeunée. Tout pour faire chier... Arrivés sur les lieux, vous vous êtes rendu compte que ce n’était finalement rien de grave. Le reste de l’après-midi se passa aussi calmement que la matinée. Vous vous emmerdiez tellement, ton collègue et toi, que vous avez même commencé à compter les voitures rouges dans les rues. C’était vraiment une journée merdique.

Puis à dix-sept heure et vingt, un deuxième appel. Celui-ci paraissait déjà bien plus grave et urgent que celui du matin. Il n’y avait donc pas une seule seconde à perdre. Une fois sur place, tu eus de la difficulté à croire ce que tu étais en train de voir. C’était le plus gros accident de voiture que tu n’avais jamais vu. Tu n’as pas perdu de temps avant de te rendre vers la voiture la plus accidentée. Le jeune homme perdait déjà beaucoup de sang et le sortir de là fut une tâche ardue. Il ne fallait pas aggraver ses blessures, tout de même. Sous l’effet de l’adrénaline, le reste des manoeuvres s’effectuèrent rapidement. En moins de vingt minutes, vous furent en direction de l’hôpital, les gyrophares en marche. Ton partenaire conduisait et toi tu étais à l’arrière, t’occupant du patient. Son était loin d’être stable et rien ne s’arrangea lorsque tu entendis le petit bip signalant une perte de pouls. Tu commenças le massage cardiaque, sans succès. Après une quinzaine de minutes - dont environ huit à le masser - vous arriviez enfin à l’hôpital. Le docteur vous accueillant à l’entrée n’eut pas grand-chose à faire à part déclarer l’heure du décès. C’était déjà trop tard. La tête basse, tu te rendis à la salle de pause où tu te fis couler un café sans prêter attention aux gens déjà présents.

Ton café coulait à une vitesse terriblement lente. Tellement lente que tu aurais pu t'endormir en le regardant couler dans ton gobelet. Seulement, l'adrénaline des dernières minutes persistait et tu étais encore sous le choc. Tu adorais ton job. Pour rien au monde tu voudrais changer d'emploi... Or, tu n'étais pas à l'abri de ce genre de cas. Les blessés qui meurent dans l'ambulance avant même de se rendre à l'hôpital sont fréquents, mais cette fois-ci, tu aurais voulu pouvoir faire plus. Beaucoup plus. Malgré que tu aies déjà fait tout ce que tu aurais pu faire. Une voix s'éleva ensuite près de toi. Tu pris un bon deux secondes avant de comprendre que c'était bien à toi qu'il s'adressait. « Dure journée ? » dit la voix. Tu hochas la tête machinalement en récupérant ton café noir mi-tiède. « Je viens de passer du temps avec la famille d’une jeune victime décédée dans un accident de voiture. C’est affreux de se rendre compte que le malheur peut arriver si vite et frapper au hasard. » ajouta-t-il ensuite. Sur le coup, tu eus enfin de lui encastrer ton poing dans la figure. Va savoir pourquoi, tu avais ce sentiment qu'il parlait du patient qui était mort sous ta responsabilité. « Il est mort avant même d'être arrivé à l'hôpital. » dis-tu d'une voix rauque, désemparée. « Dans mon ambulance. » rajoutas-tu comme pour essayer de lui faire comprendre que sa journée passée avec la famille du défunt était moins pire que la tienne, passée à essayer de sauver cette vie tout en te rendant compte qu'il était déjà trop tard. Tu pris une gorgée de café, n'osant même pas lever les yeux vers ton interlocuteur. Après une bonne minute, tu finis par soupirer. « Excuse-moi. » dis-tu simplement, doucement. T'excuser ainsi te faisait piler sur ton orgueil, mais comme tu n'es pas un méchant type, tu préfères tout de suite rectifier le tir plutôt que de passer pour le tyran de la place. « Oui, ce fut une assez dure journée. » finis-tu par dire, en faisant référence à sa toute première phrase. Celle que tu avais accueillis par un simple hochement de tête... Oui, c'était une vraie journée merdique. Une où l'on aurait mieux fait de ne pas du tout se lever; rester au lit à glander. Malheureusement, la vie n'est pas aussi facile et ça, tu t'en rendais bien compte à chacune des fois où des patients mourraient dans ton ambulance. ~