C’est beau la couleur ambrée du whisky. C’est une promesse de Soleil, de bonheur. Tu faisais tourner le liquide dans son verre, trouvant que son coloris était bien menteur. Sans réfléchir, tu portais le récipient à tes lèvres et fermais les yeux en penchant la tête en arrière. Cul sec ! La boisson se fraya un passage jusqu’à ton estomac, brûlant par la même occasion ta chair intérieur. Un sillon de feu alluma ton gosier pour finir par embraser ton cœur bien meurtri. Tu n’étais pas très alcool fort et ce dernier t’arracha une vaste grimace, très peu féminine. « Alors mam’zelle, pas habituée ? » Un mec approchant la trentaine s’installa sur le tabouret laissé vide à tes côtés. Tu tournas un regard oblique vers lui. « Sûrement plus que toi vu le costard que tu portes ! » Tu n te laissai pas démonter par son look BCBG. Ces gens la ne côtoyaient les bars que très rarement lorsque, par exemple, un contrat venait de leur passer sous la main. « Remets en deux s’teuplaît ! » Puis dirigeant son regard vers toi. « Je vous invite. » D'un sourire glacial et faux, tu penchais la tête sur le côté. « C’est vraiment trop aimable. » Tu soupirais et trinquais avec ce dirigeant en pensant que tu t’étais fourrée dans une belle merde. Il ne te lâcherait surement pas de si peu. Et c’et donc ainsi que vous enchaînez les verres. Lui pour oublier et toi, pour montrer que tu n’étais pas fragile. Peut-être bien qu’il finirait par partir à force de voir qu’une fille pouvait lui tenir tête ? Mais non et plus le temps passait, plus tout te devenait étranger. Les vapeurs de l’alcool s’étaient insinuées dans ton esprit pour mélanger tes sentiments et tes idées. Oubliés les coups portés par Zadig – ce que tu espérais d’ailleurs que l’alcool ferait – oubliée cette rencontre désastreuse avec ton ex et les souvenirs qu’il avait fait revenir à la surface. Mais, très vite, un SMS reçu te fit revenir sur Terre. T’es où ? J’t’attends ! Zadig, toujours si poli. Retenant un hoquet, tu te tournais vers ton pote de beuverie. « J’dois y aller, merci pour les verres ! »Difficilement, tu posais les pieds au sol et te dirigeais d’un pas mal assuré vers la sortie. « Hey laisse-moi te raccompagner ! » Le gros lourd ne semblait pas disposé à te laisser partir. Il t’attrapa par le bras, ravivant les quelques traces de brûlures que ton copain t’avait infligé. « Vous me faites mal, lâchez moi ! » Mais plus tu te dégageais et plus il resserrait son étreinte. Bientôt, la rugosité du mur de l’établissement se présenta derrière ton dos, t’écorchant tes épaules dénudées. Tes coups ne portèrent pas jusqu’à cet homme beaucoup plus puissant. « C’est tellement facile d’avoir des filles dans ton genre. Suffit de les faire boire ! » Sa main se promena sur ta cuisse que ta petite robe noire en dentelle ne cachait plus. Tu laissais échapper un cri presqu’inhumain mais les passant ne daignaient pas s’arrêter. Sa main se plaqua sur ta bouche et tu fermas les yeux pour ne plus rien voir, des larmes brillants au coin de tes paupières. Pitié, venez moi en aide !

C’est fou comme le Monde peut sembler irrécupérable lorsque l’on se retrouve comme cela, acculée contre un mur sans rien pouvoir faire pour se dépêtrer de là. Déjà que t’aimais pas trop vivre dans cet endroit mais là, c’est le pompon. Tu étais partie pour noyer tes problèmes et te voilà avec d’autres choses sur les bras. « Mais putain, va te faire voir ! » Habituellement, la grossièreté n’est pas trop ton genre mais à ce moment précis, tu exploses. Tu n’en peux plus. Tu as crié. Tu as frappé. Tu as pleuré mais rien. T’es qu’un sextoy en fait. L’humain ne pense jamais au malheur qu’il fait, il se contente de le semer à travers ses différentes victimes, se repaissant de ses pêchés.  Le Mal est partout alentours et tes pensées se tournent déjà vers lui. Prends mon âme, prends ma vie et, en échange, je te serais éternelle. Oui, tu te tournerais directement vers la magie noire si elle se trouvait être ta seule échappatoire. La souffrance, la douleur et la tristesse sont des sentiments qui se nourrissent de ta joie et ta gaieté pour t’arracher toute envie de lutter. Je suis fatiguée. Tu es usée. Nous sommes terminés …
Tu voyais le ciel au-dessus de ta tête comme une libération. Lèvres pincées, yeux levés, tu adressais une prière muette aux étoiles qui brillaient alors sur le firmament. Aidez-moi, envoyez quelqu’un. Je ne veux pas finir comme ça.  Mais elles ne te répondaient pas, continuant à te regarder lutter contre un monstre. Un profiteur. Mais ce qui était, semble-t-il, les étoiles, n’étaient en fait que tes larmes qui faisaient briller les lumières de la salle plus que nécessaire. Fermant les yeux, tu laissais finalement le mal arriver. Tu étais le fantôme succombant à l’appel de ténèbres. Démon tu deviendras. Mais, d’un seul coup, la lumière réapparu et plus rien ne venait agresser ta peau. Les paupières relevées, tu restais bouche bée devant l’agressivité d’Emrys, ne sachant que faire. Il était venu à ton secours, lui qui t’avait regardé avec tant de haine quelques jours plus tôt. Quel était la probabilité de se retrouver dans un même lieu à cette heure tardive ? Très peu, sûrement. « Tu vas bien ? » Ses yeux étaient rivés sur toi et ce n’était plus la peur qui faisait battre ton cœur mais l’amour toujours enfoui au fond de toi. D’une main tremblante, tu redescendis le tissu sur tes jambes et essuya quelques larmes encore présentes sur ta peau. « Je … Oui. Je crois. » Tu ne voulais pas le regarder. A nouveau, tu le fuyais, comme la dernière fois. « Merci. » Tu daignais enfin placer la fenêtre de ton âme sur lui, montrant encore toute la peur qui brille au fond de tes paupières. « Comment puis-je te … Te remercier ? » Ta main gagna ton bras et tu la laissas monter et descendre sur ta peau, signe d’apaisement ou de tension ? Tu ne le savais même pas toi-même.

Dis-moi pourquoi j’étais là, un jour au mauvais endroit. Les cafés, les cinémas, je n’y retournerai pas. Ma vie s’est arrêtée là, un jour au mauvais endroit. C’est bien ainsi que tu voyais ta position à cet instant bien précis. Acculée, entravée et sûrement en jolie fin de vie. Qui te disait que ce mec n’avait pas un couteau dans sa poche et qu’il ne te poignardera pas juste après ? Vu tout ce que l’on voit à la télé de toute façon … C’est tellement facile de voir la fin arriver mais ça devient compliqué de déterminer ce qu’il se passera lorsque tu seras passée de l’autre côté. Qui viendra à ton enterrement ? Qui jouer l’hypocrite et qui se montrera sincère ? Dès que l’on est mort, l’on devient la personne la plus respectable au monde, la plus gentille, la plus serviable même si tout ceci n’est que boniment pour gagner le concours de « l’ami » le plus fidèle. Ah ! Quel monde de con ! Mais il faut bien une exception qui confirme la règle. Et cette dernière, c’était Emrys. Il t’a libérée des ténèbres et ses yeux bleus t’ont alors happée vers un monde meilleur. Seulement, les tremblements de ton corps et la chair de poule qui recouvrait encore ta peau prouvait que la noirceur continuait à entourer ton être. Un pâle sourire étira tes lèvres boudeuses lorsqu’il mentionna l’outil de défense. « Peut-être, oui, mais elle serait vite utilisée. » Tu vrillais ton regard sur la porte de l’établissement. S’il savait toutes les choses qui s’étaient passées entre temps … Mais sa question te désarçonna complètement. Toi qui pensais qu’il avait poursuivre son chemin, tu t’étais mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Ta bouche s’ouvrit et se referma. Tu aurais sûrement été sur la première marche du Podium pour être élue Miss Carpe. Cependant, la vie n’était jamais aussi clémente. « Zadig … La vie est difficile avec lui … » Tes dents viennent à l’encontre de ta lèvre inférieure que tu te mets légèrement à mordiller. Bientôt, un long soupir vient remplir l’espace entre vous. « Il aime la violence si l’on peut dire. » Tu en as déjà trop dit. Il faudrait l'orienter vers quelque chose d'autre et vite. « Mais merci de te rappeler que je n'ai pas tout fait de travers dans le passé. » Quitte à le faire changer de conversation, autant l'énerver hein !

L’on se demande parfois si la vie nous laissera une chance. Est-ce que l’on repassera par la case départ comme au Monopoly ou irons-nous directement en prison sans passer par la banque ? C’est une multitude de questions pour des choix conséquents. Ici, tout ceci ne se posait même pas. Il semblerait bien que tu devais payer pour les erreurs commises dans le passé et, même s’il s’était porté à ton secours, Emrys n’en demeurait pas moins méchant. Ses piques étaient toujours aussi bien achées derrière ses mots et toi, tu te contentais juste de les recevoir, encore et encore. Le combat n’était pas encore terminé, vous n’en étiez qu’au premier round … Il va falloir te battre plus durement pour remporter la bataille petite poupée au cœur dévasté. Tes épaules e sont levées puis rabaissées. A nouveau, ton regard est redevenu e glace, comme la première fois. Si l’on ne te connaissait pas, l’on aurait très bien pu croire que tu te trouvais être une lunatique, une fille qui passe d’un extrême à l’autre. Mais lorsque l’on creuse, lorsque l’on te connaît, on sait. Ils savent juste que tu caches tes sentiments derrière ta dureté. Que les mots blessants, les phrases réfléchis et les regards assassins ne cachent qu’une âme en peine, une amie du Diable qui a déjà tout perdu et tout vendu pour récupérer ce qui lui es dû. « Comment pourrais-je faire autrement, j’ai les pieds et mains liés. » Tu pris une grande inspiration avant de bloquer l’air dans tes poumons comme pour arrêter le temps. Si seulement c’était possible ! De tout stopper et de partir sans rien avoir à donner. Malheureusement, ce n’était pas le cas et tu devais affronter encore et encore cet homme qui te donnait bien du fil à retordre autant mentalement que sentimentalement. Il avait déjà eu droit à la gifle et autant ne pas te faire détester entièrement. Alors, avec un sourire ironique, tu penchas la tête sur le côté, ne pensant qu’à une seule autre possibilité. « Je t’emmerde Emrys ! » Ce n’était pas réfléchi et ce n’était sûrement pas correct mais qu’est-ce que tu en avais à faire après tout ? Tu l’avais déjà perdu depuis belle lurette. Tu pris alors une cigarette dans ta bouche pour cacher la grimace qui apparu sur ton visage. Tu savais que ces paroles allaient te coûter chères mais comment faire autrement ? Tu trouvas ton paquet de cigarettes et en mis une au coin de la bouche. « Encore merci mais si c’est pour m’envoyer encore plus bas que terre, je n’ai pas besoin de toi ! Le mec aurait pu finir son sale boulot. » Tu le percutas légèrement en passant à son côté avant de sortir dans la nuit noire et e laisser la flamme du briquet éclairer les ténèbres. Les yeux fermés, tu laissais couler une énième larme avant de t’appuyer au mur, acceptant avec bonheur le calme que te procurait la nicotine.