De la nécessité de survivre...

   ~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
Pour tout avouer, cette période a été très compliquée pour moi. J'ai passé ces années seule. Ma vie n'était qu'une suite d'ennuis, et je me renfermais dans ces problèmes bien trop lourds à porter pour moi. Je n'avais pas vraiment d'amis, et ça tombait plutôt bien car je n'en voulais pas. Mais malgré tout, j'arrivais à ramener de bons résultats à la maison, ce qui ne rendait heureuse que moi...  

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Je pense que le bonheur est partout. Il est là, souvent caché, mais jamais bien loin. Il ne faut pas s’apitoyer sur son sort en se demandant s'il arrivera un jour. Alors oui, je pense être heureuse. Je pense profiter assez de la vie pour prétendre toucher le bonheur du doigt. La vie nous donne des épreuves, qui nous rendent tels que nous sommes aujourd'hui. J'ai vécu des moments difficiles. Trop difficiles. Mais s'ils n'avaient pas été là, je ne serais certainement pas la personne que je suis aujourd'hui. Ma façon de vivre, de papillonner, de ne pas devoir choisir ne me rend pas forcément épanouie, mais je profite. Je m’amuse. Alors, à moins que je ne me voile la face, je pense être heureuse.  

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
En voilà une drôle de question ! J'y pense parfois. Et j'en viens surtout à me dire que j'aimerais être l'opposer de ce que je suis aujourd'hui. Je voudrais pouvoir fonder ma propre famille. Une vrai famille. Avec un mari fidèle, de superbes enfants, un travail stable, des vacances à l'étranger et tout se qui compose les rêves des petites filles. Mais quand je me regarde aujourd'hui, j'ai l'impression que cet avenir est impossible. Trop de blessures ancrées, trop de préjugés sur l'amour, trop de peurs.

Tout a commencé un matin de Mars en 1991. La neige tombait dehors, tellement fort que les gens étaient restés cloîtrés chez eux. D'autres avaient prit la route et étaient restés bloqué. C’est à 9h43 que mon premier cri retenti. Premier cri de douleur, de fatigue, de libération. Je savais maintenant... La vie, ça fait mal.
J’ai eu une enfance tranquille  dans l’ensemble. Les sorties en famille avec Papa et Maman, les cadeaux à Noël, les longues soirées d’hiver devant la cheminée blottis dans le canapé... J’étais leur seule fille, la prunelle de leurs yeux. Ils auraient fait n’importe quoi pour moi. La vie était belle, douce, tranquille...
Mais voilà. Le bonheur est éphémère, tout le monde le sait. Deux catastrophes ont ruinées ma vie, mon cœur, mon esprit. Je suis aujourd’hui brisée par mon passé. Je ne sais pas si je me relèverais vraiment de tout ça.
Au collège, je suis tombée amoureuse pour la première fois. Le vrai amour. Pure et innocent. Il était mon âme sœur, l’amour de ma vie. Ses yeux bleus me rendaient folle. Mon cœur faisait des bons dans ma poitrine rien qu’en entendant sa voix. On était bien tous les deux. On riait tout le temps, on ne se disputait jamais. On était vraiment fait l’un pour l’autre. Puis vint le premier grand drame de ma vie. Il avait l’air heureux, mais tout cela n’était qu’une façade. Un soir d’été, ma mère vint me chercher dans ma chambre alors que je lisais. Elle était livide. Gênée. Triste. Puis elle sortit ces simples mots, comme ça, comme un pansement qu’on enlève : « Il s’est suicidé. Jessy est partit. »
Vous imaginez l’impact de cette malheureuse phrase dans l’esprit d’une adolescente. Il était partit. Mon seul et unique amour. Pourquoi ? Personne ne le savait. Personne n’avait jamais remarqué ses tendances à la dépression, pas même moi, qui pourtant, pensais le connaître par cœur.
Ce jour là, j’en était sûre... La vie est injuste.
Il fallait que je remonte la pente. Que je comprenne que c’était fini, que ça passerait avec le temps. Mais la vie ne m’aidait pas. Mes parents se disputaient sans cesse, au sujet de l’argent, du travail, de broutilles, ou bien, à cause de moi, évidemment. Je semais la zizanie rien que par ma simple présence. Ma mine défaite, mes cernes, leur renvoyait une image de mauvais parents qu’ils n’arrivaient pas à supporter. Comment des adultes censés, pouvaient croire que mon malheur venait d’eux ? J’étais brisée par la mort de mon amour. En aucun cas ils étaient responsable de quoi que se soit. C’est pour cette raison qu’un soir, alors qu’ils étaient calme tous les deux, j’allais leur parler.
«Vous pensez qu’à treize ans on ne tombe pas amoureux. Moi je pense qu’au contraire, à treize ans, on tombe amoureux comme jamais on ne le sera plus tard. On était bien tous les deux. Il était mon tout, mon univers, et il est partit. Je suis triste. Des fois, je ne sais même pas pourquoi je me bat. Quand je vous vois vous engueuler pour tout et n’importe quoi, je me dis... Profitez au lieu de vous gueuler dessus. En aucun cas mon mal être est de votre faute. J’ai mal c’est tout. Mais ça passera parce que je ne veux pas partir, et parce que je vous aime beaucoup trop pour vous faire autant de mal.»
Les mots étaient dit. Pour une ado qui souffre, j’étais sympa avec mes parents. Ils n’y étaient pour rien, et cette histoire m’avait fait grandir.
Après cette discussion, ils ont commencés à faire attention. Petit à petit, les rires revenaient. On faisait des sorties, on mangeait ensemble... Ils ne se disputaient plus pour un oui ou pour un non, ou alors, ils avaient décidé de faire ça là où je ne pouvais pas les entendre. C’était tant mieux.
Puis c’est au tour du deuxième grand drame de ma vie. Ça faisait un an que tout allait pour le mieux. La disparition de Jessy était toujours douloureuse, mais je me faisais à son absence.
On était redevenu une famille soudée. Puis un matin, je me suis disputée avec mon père... Le pire, c’est que je ne me souviens même pas pourquoi. C’est flou. C’était anodin, parce que sinon je m’en rappellerais.
On s’est quitté sur un claquement de porte. Il a prit sa voiture pour aller chercher des courses. Et il a eu un accident. Mort sur le coup. Un connard bourré roulait à contre sens beaucoup trop vite. Il s’est prit en pleine face la voiture de mon père. Sauf que ce mec, qui a tué mon père, il n’est pas mort. Je ne peux pas m’attarder sur ce sujet. C’est beaucoup trop dur. Il est parti comme ça. Et mes derniers mots avaient été négatifs.
Ma mère, qui avait toujours été folle amoureuse de mon père malgré quelques moments difficiles dans leur vie, était effondrée. Nous partagions toutes les deux la perte d’un être aimé. J’avais perdu les deux hommes de ma vie en un an de temps. Maman buvait beaucoup depuis la mort de mon père, et je devais lui faire remonter la pente. Je me devais de la ramener parmi nous, donc je n’avais pas le droit de me laisser faire par mon chagrin.
Et pourtant dans mon esprit, ça ne faisait aucun doute. Dès que la vie m’offrait une chance d’aller bien, dès que je me rapprochait des gens que j’aimais, ils tombaient comme des mouches. J’avais le sentiment, et je l’ai toujours, que dès que quelqu’un rentrait trop dans mon intimité, il lui arrivait quelque chose de dramatique. Et je payais les conséquences de ce rapprochement, accusant le coup de la perte de ces personnes si chères à mon cœur.

Aujourd’hui, je collectionne les amourettes d’un soir, les histoires de cul sans importance. Je ne laisse pas les sentiments se réveiller parce que ça me fait trop peur. Ma mère va mieux, mais elle sera toujours victime du départ de son grand amour. Ces hommes me manquent. Et ils me manqueront toujours. J’ai des amis, mais je ne les laisse pas trop entrer dans ma vie. J’ai trop peur qu’il leur arrive quoi que se soit. Et je n’ai plus la force d’assumer autant de douleur. Mais je ne suis pas malheureuse. J’aimerais que ma vie avance, simplement. Mais pour le moment, ça me va bien comme ça. J’espère guérir vraiment un jour, mais je n’y crois pas tellement.