~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
Je n'ai pas énormément de souvenirs de cette période là. Enfin, du lycée précisément. J'étais un gamin bagarreur, qui ne tenait pas en place et qui était bien trop paumé pour pouvoir faire attention aux théorèmes de mathématiques ou bien à la guerre froide. En plus, mon anglais n'était pas très bon et j'avais du mal à suivre, ce qui me donnait encore moins envie de m'accrocher ; je me sentais débile à cause de cette foutue barrière de la langue. J'ai fini par abandonner et comme mon père ne gagnait pas grand chose, il fallait mettre les mains dans le cambouis. En tant qu'aîné, je m'y suis dévoué : j'ai appris la mécanique dans un garage, je faisais ce qu'on voulait bien me laisser faire - qui embauche un gamin de quatorze ans ? - et commettais quelques larcins.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
A vrai dire j'en sais rien. J'évite de me poser ce genre de question, tout ce qu'il faut c'est continuer d'avancer, un jour après l'autre, un pas après l'autre, c'est comme ça depuis des années maintenant, et je m'y suis habitué. Je n'aime pas beaucoup penser à avant, il y a eu trop d'ombres à un tableau qui aurait pu être éclairé et coloré, trop de douleur, de regrets. Ma mère nous a quitté quand j'avais dix ans et ça a été le début de la fin de notre famille ; ce qu'il en reste maintenant, ce sont des photos que je ne peux plus regarder, des souvenirs dont je ne sais quoi faire et bien sûr, elle, Arevik. Vik. Ma soeur, l'une des deux femmes pour lesquelles je serais prêt à tout. 

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Je ne me projette pas aussi loin. A bientôt quarante ans, les gens normaux se marient, fondent une famille. Sans que je sache vraiment pourquoi, toutes ces choses ne me paraissent pas pour moi, pas envisageables. Aimer quelqu'un au point de lier ma vie à la sienne, je ne sais pas si je saurais faire, ou du moins, pas de la façon que tout le monde imagine. Elever des enfants ? Comment pourrais-je leur inculquer ce qui est bien ou mal si la limite est déjà tellement floue pour moi ? Non, tout ça n'est pas pour moi.

PRÉNOM ET/OU PSEUDO: scarborough fair / emma ÂGE: 24 y.o PAYS: france PRÉSENCE: quotidienne COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? via bazzart je crois  PERSONNAGE INVENTÉ OU SCÉNARIO? scénario de la belle Livy. AUTRE CHOSE À AJOUTER?   

Tu vides ton verre d’une traite, sans penser, laissant simplement la brûlure de cet ambre d’emporter. Tu traces une ligne sur le comptoir de ce bar miteux ; la clé est là, au bout de tes doigts, tu peux presque sentir le tourbillon qui va te transporter, l’espace d’un moment, vers cet ailleurs mystérieux qui te fait tout oublier. C’est une course contre la montre, ça ne dure qu’un temps, mais tu trouves que ça en vaut la peine, parce que ça te sort de ton quotidien chaotique ; ces bouts de vie que tu essaies tant de recoller, comme les éclats d’un miroir brisé. La sublime jeune femme à côté de toi ne t’intéresse plus, il n’y a plus que toi, ce paradis artificiel et toi. Même la musique a disparu, tu flottes, et tes muscles endoloris se détendent. Quand as-tu découvert cette étrange clé des champs, précieuse poudre qui te libère mais t’assomme à la fois quand elle te délaisse, tu n’en sais plus rien. Ou plutôt si, mais tu ne veux pas y penser parce que ça fait mal. Que tu le veuilles ou non, tu t’en souviens comme si c’était hier, cet après midi d’août, le dernier après midi ensoleillé où ta fratrie était complète. Tu n’avais que seize ans, le chef de clan en toi était déjà né, tu savais qu’il te fallait endosser ce rôle parce que personne d’autre n’était là pour le faire, certainement pas ton père, au fond de sa bouteille de Raki. Tu ne l’avais jamais vu ainsi, le regard perdu, hagard ; il avait si longtemps été ton modèle, solide et capable de résister à tout. Il s’était effondré, il ne restait plus rien du roc que tu avais connu autrefois, et tu as mis du temps à le comprendre. Tu lui en as longtemps voulu de n’avoir pas su rebondir, de vous avoir lâchés, elle et toi, après les tragédies qui s’étaient abattues sur vous. Tu avais espéré qu’il saurait, qu’il aurait cette force, mais ça n’a pas été le cas.  

◈  ◈

Tu frappes, encore et encore, sans pouvoir t’arrêter. Ces luttes clandestines, ces règlements de compte, toute cette spirale qui t’emprisonne, ça a commencé avec cette sournoise petite poudre blanche. Le garage n’a pas suffi, le salaire ne couvrait pas toutes les dépenses courantes et ces petits suppléments que tu t’offrais. Tu avais déjà des ecchymoses, un peu plus ou un peu moins, quelle différence ça pouvait bien faire ? Tu es devenu un voyou, un malfrat. Ce type que tu es en train de tabasser, il ne t’avait rien fait, il s’était juste trouvé là, ce soir, au milieu de ces autres vermines,  parier sur celui qui maîtrisera l’autre. Et puis la colère et la souffrance que tu gardes en toi, enfouie, depuis trop longtemps remonte à la surface, déferlante dévastatrice, tu en perds la raison. Tu es devenu un volcan, crachant sans cesse de la lave, tu exorcises comme tu peux, parce que tu as oublié comment faire autrement. L’autre soir, avec Sonia.. Ou Sasha, tu ne sais plus, c’était pareil, l’animal blessé, terré au fond de sa cage, s’exprimait. Elle n’est pas en ville, tu ne la vois plus, alors tu cherches, mais tu ne trouves pas. Aucune autre ne t’avait encore fait cet effet là. Tu l’as croisée à plusieurs reprises, dans les rues, dans les bars, elle consommait régulièrement. Sans savoir pourquoi, tu l’as voulue, plus encore, tu éprouvé ce besoin de la posséder, de la faire tienne. Ça te rend fou, cette sensation inconnue, puissante, cuisante, qui te brûle de l’intérieur. Tu rues, te cabres, tu es pire qu’un étalon qui n’a jamais connu le harnais, sauvage et indompté. Tu essaies de te sevrer, de l’oublier, parce qu’après tout, elle est partie, elle aussi, et ton échec ne fait que jeter l’huile sur le feu.