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 ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel)

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Azel Novak

Azel Novak
lost souls in revelry

inscription : 24/06/2013
messages : 8363
points : 39
pseudo : vercors. (chloé)
avatar : cora keegan.
autres comptes : biddy la jolie.
crédit : ultraviolences, the vamps.
âge : vingt-trois ans.
statut civil : célibataire, mais son cœur bat de plus en plus fort pour son premier amour.
quartier : fairmount district.
occupation : couturière à hazelnut.

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Message(#) Sujet: ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) EmptySam 22 Fév - 18:00





ne m'aide pas, ça ira

Du soleil, un peu de nuages et une petite brise. Un gilet sur les épaules pour éviter le rhume. Le son des feuilles qui volent, qui tourbillonnent, au loin, dans le parc. Un petit reniflement, discret, plus par réflexe que par réelle nécessité. L'échéance est toute proche, deux semaines, peut-être moins. Peut-être un peu plus, mais ce serait étonnant. Bébé est déjà retourné, prêt à s'en aller. Je sais, je sens qu'il veut sortir. Me retrouver. J'espère. Retrouver le monde, ce beau monde. Une main sur le ventre, je fais des ronds, encore et comme souvent. C'est pour éviter l'angoisse, et j'angoisse régulièrement, surtout dernièrement. Là, c'est l'ascenseur. Ma grande peur de ces derniers jours. Et si je restais bloquée ? Si je restais bloquée alors que je devais accoucher ? Comment je ferais ? L'escalier n'est même plus une option à ce stade de la grossesse. Alors je fais des ronds, et j'attends, et la porte finit par s'ouvrir.

Le supermarché, tout prêt, alors le trajet se fait à pieds. Le bus est un peu oublié ces temps-ci, parce que tout le monde ne laisse pas sa place. Les gens doivent se dire que je suis jeune, alors je peux bien rester debout. Mais, à trente ou vingt ans, avoir un bébé est toujours épuisant.

Des légumes, presque que des légumes. Parce que, c'est bon, au goût, pour la santé, et pour le porte-monnaie. Un peu de jus de fruit, mais pas trop parce qu'après c'est lourd. Et cette boîte de céréales, tout là haut. Il me la faut. Sans sucres, au blé complet, vu à la télé. Parfait. Mais elle est tout là haut, et je suis petite, et trop grosse. Le panier d'un côté, qui déséquilibre un peu le tout. La main tendue, là haut, toujours trop loin. Je n'ai pas pensé à poser mon panier. Je n'ai pas pensé à demander de l'aide. Je n'ai pas pensé ou je n'ai pas voulu. Demander de l'aide, si difficile. Mais j'aurais dû, oublier cette soi-disant dignité, pour protéger bébé. Je me suis mise sur la pointe des pieds, j'ai tendu la main, et tout est tombé. Les céréales. Le panier. Les légumes, éparpillés. Et moi, déséquilibrée, les fesses à terre. Vite, les mains sur le ventre. Des petits coups qui me rassurent. Mais je suis là, par terre, avec mes courses autour de moi, et tous les clients qui me regardent. Je me mords la lèvre. Se relever seule, avec un gros ventre comme ça, je n'y suis encore jamais arrivée. Aujourd'hui n'est pas une exception. Alors j'essaie, je tente, je pousse de mes mains, mais mon postérieur ne veut pas quitter le sol. Et les autres, ils continuent de me regarder. Sans rien faire.
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Message(#) Sujet: Re: ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) EmptyMar 25 Fév - 11:40

the fault is not in our stars but in ourselves


Le futur avait perdu tout son sens. Depuis qu'il était môme, Ben avait l'habitude de voir en l'avenir des couleurs chatoyantes, une vraie fête éclatante, le bonheur de l'indépendance. Le rêve de tout môme de White Oak Station : foutre le camp d'ici. And here I am. Dix-neuf ans et enchaîné. Dix-neuf ans et désespéré. Dix-neuf ans et bientôt père. Il ne se faisait toujours pas à l'idée. Anna ne pouvait pas être enceinte. Ils ne pouvaient pas mettre au monde ce bébé alors qu'ils n'étaient encore que des enfants. Des gamins amoureux, inconscients. Comment avaient-ils pu commettre pareille erreur ? Comment avait-il pu laisser ses sentiments pour elle briser son avenir ? Il aurait pu partir d'ici et devenir quelqu'un. Il aurait eu un parcours universitaire jalonné de soirées étudiantes et de jolies filles, ses professeurs l'auraient apprécié et peut-être même aurait-il été exposé avant l'obtention d'un quelconque diplôme qu'il aurait abandonné ici ou là, sans le mettre dans un cadre. Il aurait acheté un loft, avec un emprunt ou après une grosse vente, et il aurait pu devenir quelqu'un. Pas quelqu'un d'important mais quelqu'un de vivant.

And here I am. Coincé dans la merdique petite bourgade de White Oak, lié à jamais à une fille dont il était, oui, foutrement amoureux mais qui lui bouffait toute son énergie. Futur père. Cette réalité le terrifiait. Il avait dû l'affronter lors de cette première échographie. Ses mains étaient devenues moites, son coeur avait manqué d'exploser à l'intérieur de sa cage thoracique et le sang lui battait tellement aux tempes que sa vision s'en était trouvée brouillée. Il avait dû s'asseoir. Futur père. Il ne voulait pas de ce môme, il ne pourrait pas s'en occuper. And yet, here I am. Anna l'avait attrapé, enchaîné et elle n'allait pas le relâcher. Et il ne s'enfuirait pas. Il ne tenterait pas de s'échapper parce qu'il avait beau être terrifié, il l'aimait. Il ne pouvait pas la laisser seule.

Alors il obéissait au moindre de ses ordres, au plus minuscule de ses désirs. Elle voulait dormir à la belle étoile ? Il installait matelas, coussins et couvertures sur le toit de leur immeuble pour lui offrir ce qu'elle voulait. Elle avait envie d'engloutir trois pizzas ? Il allait les lui chercher, fût-il quatre heures du matin. Elle exigeait de se refaire une garde-robe ? Il l'emmenait faire du shopping tout l'après-midi et allait même jusqu'à porter ses sacs et elle, sur son dos, lorsqu'elle commençait à avoir mal aux pieds.

Aujourd'hui, elle lui avait demandé une faveur, comme elle aimait à les appeler. Anna voulait qu'il cuisine. Docile, amoureux, il avait obtempéré. C'était elle qui s'était chargé de la liste de courses, comme elle s'occupait de tout le reste. C'était elle qui tenait les rênes. Elle l'avait donc envoyé refaire le plein de provisions et il avait obéit, sans broncher, en feignant même l'enthousiasme. Une fois parvenu au supermarché, la mine sombre, il s'était enfoncé dans les rayons sans faire attention aux regards curieux des uns et des autres qui l'avaient vu grandir et qui savaient très bien ce qui se passait. Tout le monde savait. Pas vingt ans et parents. Autant dire qu'il y avait eu quelques réflexions désobligeantes, quelques regards désapprobateurs et ô combien de chuchotements sur leur passage au début et même encore maintenant. Quelques vieilles bigotes étaient même allées jusqu'à leur faire part de leur point de vue, face à face. Anna s'était contentée d'arquer un sourcil et de balayer leurs réflexions d'un revers de la main. Benjamin, lui, avait encaissé. A quoi bon se battre ? Rares étaient les gens, de toute manière, qui les soutenaient et encore plus rares étaient ceux qui le comprenaient, lui. Ses parents étaient restés de marbre face à cette nouvelle et ses amis.. la plupart était parti à la fac, ailleurs. Lui était encore là.

Perdu devant l'étalage de gâteaux secs, Ben mit quelques secondes à comprendre qu'il s'était passé quelque chose. Les gens, autour de lui, parlaient à voix basse ou, en tout cas, pensaient parler à voix basse et ricanaient tout aussi discrètement. Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, sans vraiment regarder, avant de vérifier. Étalée sur le sol, cette petite blonde, enceinte jusqu'aux yeux.. Azel. Il l'avait rencontrée deux fois déjà, la première sans vraiment prêter attention à elle et la deuxième en tentant à tout prix d'échapper à cette colère que sa propre situation avait déclenché chez elle. Elle avait un point de vue qui différait de celui de Ben, c'était certain, et elle n'y était pas allée de main morte pour le lui faire comprendre. Il s'en souvenait encore. Fronçant les sourcils, il la contempla une seconde ou deux, comme un abruti, alors qu'elle peinait pour se remettre debout. « Poussez-vous ! » exigea-t-il à une mère et un adolescent qui se trouvaient sur son chemin. Étaient-ils tous stupides pour laisser une femme par terre, à plus forte raison une femme enceinte ? Si ça arrivait à Anna et qu'il n'était pas là... Frissonnant à cette idée, il tendit une main à la jeune femme. « Rien de cassé ? » s'enquit-il avec sollicitude. Il ne voulait pas d'un bébé, c'est vrai, mais ce petit être était bien là, au creux du ventre d'Anna et il voyait en Azel, une femme dont il ne connaissait au fond que le nom et l'état, celle que sa compagne allait devenir et les risques qu'elle allait courir. Il ne voulait pas du bébé mais il ne pouvait nier qu'il ne voulait pas le perdre. « Le bébé.. ça va ? » ajouta-t-il, maladroitement. Celui-là n'était pas le sien, il avait très certainement un père plus attentionné, plus affectueux, plus heureux à l'idée de sa venue. Une chance que n'avaient pas tous les mômes, d'ici ou d'ailleurs.


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Azel Novak

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Message(#) Sujet: Re: ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) EmptyMar 25 Fév - 18:26





ne m'aide pas, ça ira

Les regards, les murmures, j'ai envie de les frapper, tous autant qu'ils sont. Pas de violence en moi par rapport à ça, d'habitude. Mais là, c'est un surplus, la goutte d'eau qui fait déborder le vase de ma colère. J'ai souvent fait fi des remarques d'autrui, parce qu'honnêtement je m'en moque littéralement. Je suis trop jeune pour avoir un enfant ? C'est ce qu'ils disent. Certains parents sont plus âgés et n'éduquent pas mieux leur progéniture. Je suis heureuse, moi, avec mon bébé dans mon ventre. Alors peu importe si cela plaît aux autres ou non. Seulement, quand je suis les quatre fers en l'air au milieu du supermarché et qu'ils sont encore là à me critiquer, à me regarder les yeux comme deux ronds de flan, je ne trouve pas ça acceptable. Me critiquer, oui. Me regarder, oui. Me laisser seule, tombée, humiliée, non. J'aimerais leur crier quelque chose, mais rien ne sort. Je suis bloquée, muette, choquée, apeurée. « Poussez-vous ! » Une voix masculine, un espoir, le regard qui brille. Et une tête blonde qui s'échappe de cette foule mesquine, déjà croisée à plusieurs reprises. Comme nos chemins se recroisent. Les rouges, un peu honteuse au souvenir de notre dernière discussion. Ben, voilà comme il s'est présenté. Ben, tout jeune papa, plus jeune qu'elle, amoureux d'Anna. Mais Ben veut partir, ça se sent, je le sais. Je ne veux pas qu'il parte, il ne peut pas l'abandonner, pas une jeune maman. Un bébé ça se fait à deux, ça s'élève à deux. Et, peut-être que je me suis emportée. Je me revois encore, et je rougis davantage. Mais c'est vers moi qu'il vient, c'est sa main qu'il me tend. J'essuie un début de larme au creux de l'oeil et je l'attrape. « Merci. » Je murmure, tout bas. Je tire un peu sur son bras, et de mon autre main je pousse le sol. Pour la première fois, j'ai honte d'être grosse, d'être lourde. Pas honte de bébé, honte de moi. À cause d'eux, ses enfoirés, ses sans-âme. Je me redresse, tant bien que mal. Plus mal que bien, à vrai dire. J'ai peur d'emporter Ben dans ma chute, mes jambes tremblent, bébé est lourd pour mon corps si mince. Mais j'y arrive, à la une, à la deux, à la trois. Je suis debout, hébétée, encore. « Ils sont cons. » Je lâche sèchement, entre les dents. « Rien de cassé ? » Je secoue la tête. J'ai mal aux fesses, au coccyx, mais je crois qu'il est encore entier. J'espère. Je n'imagine pas mon accouchement autrement. Il paraît que c'est déjà très douloureux, mais si j'ai mal à cet endroit-là, je ne vois pas comment je pourrais surmonter la souffrance. En pensant à mon bébé. En pensant à Zoe, qui sera certainement à mes côtés. Peut-être en pensant à Augustin... à moins que ça ne me fasse plus de mal encore. « Ils m'ont simplement brisés le cœur. » Une moue dégoûtée, abusée. Un jour, peut-être que je répliquerais. J'aimerais bien la voir, la bonne femme avec sa jupe plissée, son châle et son caniche en laisse, par terre, le corps bloqué, sans possibilité de se relever. Et tout le monde qui la regarde, qui se moque, qui ne fait rien. Je suis certaine qu'elle aussi, elle serait bien embêtée. Elle ne se rappellerait certainement pas de moi, de cette fois-là dans le supermarché où une jeune blonde, enceinte jusqu'aux yeux, était tombée, et qu'elle l'a regardée, laissée, abandonnée. Elle ne serait même pas désolée.

« Le bébé.. ça va ? » Aussitôt, les deux mains au ventre. Bébé. Avec tout ça, à cause de ces idiots autour, j'avais oublié que le choc que j'ai reçu, il l'a reçu aussi. Peut-être plus fort. Un petit coup de pied et me voilà rassurée. Je souris. « Bébé va bien, merci. » Je répète un peu plus fort, en regardant les gens devant, qui n'ont pas bougé. Spectateurs de mon malheur. « Heureusement, mon bébé n'a rien. » Et ce n'est pas grâce à vous. Je caresse un peu mon ventre, pour le rassurer, bébé. Et mon coeur se serre, brusquement. S'il lui était arrivé quelque chose ? Si j'étais tombé en avant, ventre à terre ? Bébé aurait pu être blessé. Voire pire, tué. Et qu'est-ce qu'ils auraient dit ? Elle était trop jeune de toute façon. Tout ça me donne des frissons. Ma plus grosse peur est de le perdre, de le perdre trop tôt, de le perdre tout court. Un mois plus tôt, déjà j'ai eu cette peur, terrible, fiévreuse. Des contractions, peut-être qu'il sera prématuré madame. Non, non, non. Je sais bien ce que cela veut dire, beaucoup de soins pour une santé fragile, une couveuse, des perfusions, non. Et puis c'est passé, plus de peur que de mal. Bébé sera en bonne santé.

« Ils sont comme ça, avec toi, avec Anna ? » Je cligne des paupières. Et je regarde autour de moi. Toujours, ces badauds, les yeux écarquillés, en attendant quelque chose à se mettre sous la dent. Une fille enceinte tombée dans la journée, c'est peut-être suffisant ? Non ? Et tous ces légumes, survivants éparpillés au sol. Je ne peux même pas les ramasser. Je ne peux pas me pencher. « Je suis désolée, je... est-ce que tu pourrais m'aider ? » Voix basse, implorante presque, les yeux brillants. Dépendre des autres, quelle tare. Je n'y est jamais été habituée. À la ferme, je ne faisais pas grand chose, mais je le faisais seule. Depuis petite, toute petite. Mes parents et Grand-mère m'ont toujours aidée. Aidée, pas assistée.
La dignité que j'ai vainement tenté de préserver; bafouée.
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Message(#) Sujet: Re: ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) EmptyLun 3 Mar - 11:27

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Elle semblait fragile, si frêle sur ce sol. Comme un jouet délicat, un jouet qu'on aurait jeté délibérément pour le briser. « Merci » murmura-t-elle en se hissant tant bien que mal. C'était la première fois que Ben rencontrait cette expression-là sur le visage d'une femme enceinte. La honte, le chagrin, la crainte. Elle ne méritait pas ça, ce n'était pas à elle de porter ces émotions-là. Ou peut-être était-ce parce qu'il s'agissait de ses propres sentiments qu'il raisonnait ainsi ? « Ils sont cons » lâcha-t-elle, frappante de raideur. Il se souvenait encore de la passion, du feu avec lequel elle lui avait donné une leçon sur les responsabilités et le bonheur. Sa conception de ces choses-là n'était pas celle de Benjamin mais elle n'avait rien voulu entendre. Elle s'était presque battue pour lui faire entendre raison et aujourd'hui, elle paraissait froide. Le feu et la glace. Froide.

Ça n'empêcha pas le jeune homme de s'inquiéter. Avait-elle mal quelque part ? Se sentait-elle sur le point de défaillir ? S'était-elle blessée dans sa chute ? « Ils m'ont simplement brisés le cœur » répondit-elle. Était-il question des gens, de ces inconnus autour d'eux, qui les dévisageaient bizarrement ? Ou s'agissait-il d'autre chose ? Il arqua un sourcil puis décida qu'il valait mieux ne pas s'engager sur ce terrain-là. C'était égoïste mais il se savait incapable d'aider quelqu'un d'autre à gérer ses problèmes alors qu'il avait tant de mal à s'occuper des siens. Ce bébé qui allait arriver, ce bébé dont il ne voulait pas, ce bébé occupait toute la place. Et son bébé, à elle ? Il serra les dents, toujours pas habitué à cette petite voix pleine de bons sentiments qui se manifestait de temps à autre. La raison, la maturité ou peu importe ce que c'était. C'était probablement ce qui le poussait à se lever chaque matin, à prendre soin d'Anna et des autres aussi. C'est ce qui le poussa à s'inquiéter pour Azel et son bébé. « Bébé va bien, merci, fit-elle avant d'insister, plus fort, pour que la populace entendent et comprennent : heureusement, mon bébé n'a rien » Les têtes se tournèrent à nouveau, se détournèrent plutôt tandis qu'on reprenait son chemin. Bande d'abrutis. « Ils sont comme ça, avec toi, avec Anna ? » demanda-t-elle alors, le surprenant un peu. Il haussa les épaules, conscient de ce qui arriverait si on osait ignorer Anna ainsi. Elle hurlerait, crierait, pleurerait. Il lui fallait l'attention d'autrui. On ne pouvait pas ignorer Anna. « Non, répondit-il donc, pas encore.. peu de gens le savent » ajouta-t-il. Il fallait être bon observateur pour comprendre qu'Anna était enceinte et, dieu merci, elle affectionnait les pulls larges et les voilages. Benjamin n'était pas certain d'avoir envie que la nouvelle soit rendue publique. Se préparer à l'idée d'être père était déjà assez compliqué sans que la ville toute entière le sache.

« Je suis désolée, je... est-ce que tu pourrais m'aider ? » souffla-t-elle, semblant sur le point de pleurer. Il esquissa un sourire et acquiesça. Personne, autour d'eux, n'avait même pris le temps de ramasser les articles éparpillés dans sa chute. On contournait les légumes, prenant soin de ne pas les écraser mais sans même les regarder. Comme si ça n'était pas là. Comme si elle n'était pas là. Bande d'abrutis. Benjamin se baissa et un par un, remis les produits dans le panier d'Azel. « Ça va aller » lui dit-il, gardant le panier en main. De nouveau, il lui adressa un sourire. Elle n'avait peut-être pas compris sa propre situation mais il pouvait saisir la sienne. Était-elle vraiment seule, il n'en savait rien. Il ignorait si le père de ce bébé était là, quelque part, à attendre qu'elle rentre du supermarché ou si elle avait des parents qui s'inquiétaient de savoir où était leur fille enceinte mais ce dont il était certain, c'est qu'il était là, face à elle, et qu'il comprenait, même si ce n'était pas réciproque. « Tu prévoies une soupe ? » s'enquit-il en désignant tous les légumes d'un ton léger, dans un désir de détendre l'atmosphère. Il était jeune, oui, et pas préparé à devenir parent mais après tout, la vie ne s'arrêtait pas lorsqu'on devait la donner, pas vrai ? « Anna veut un gratin irlandais, ça fait trois jours qu'elle trépigne » reprit-il, avec un geste pour son propre panier, où s'entassaient pommes de terre, saumon, crème fraîche et autres ingrédients nécessaires à l'élaboration du plat, l'un des rares qu'il sache confectionner d'ailleurs. « Tu pourrais te joindre à nous.. peut-être ? » proposa-t-il, incertain. Ce n'était pas un ordre, ni une obligation. Il ne voulait pas qu'elle se sente contrainte de quoi que ce soit mais peut-être, oui peut-être, que les voir, lui et Anna, pourrait l'aider à oublier le regard des autres. Parce qu'au fond, ils étaient dans le même bateau.

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Message(#) Sujet: Re: ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) EmptyJeu 6 Mar - 17:56





ne m'aide pas, ça ira

Déstabilisée, un peu perdue. Être le centre de l’attention n’a jamais été une habitude pour moi, même si depuis que mon ventre a grossi, ça m’est devenu un peu plus commun. Contre mon gré. Je n’arrive toujours pas à comprendre ce que cela peut bien leur faire, que je sois enceinte. J’ai dit à bébé, de ne pas les écouter, les gens autour. Mais peut-être qu’au cœur de mon corps, ça le rend triste ? Je n’espère pas. J’aurais envie de lui faire un croche patte, à ce gros à moustache qui saute presque au-dessus des poireaux et des oignons, un sourire mesquin sur les lèvres. Malheureusement, ça risquerait de me faire tomber, moi, à nouveau. Parfois, je perds ma foi en l’humanité. Il y a des gens bien bas. Alors je laisse ce gros monsieur, en fronçant les sourcils, et il passe tout content de lui. Je repose mes yeux sur Benjamin et je lui souris, gentiment. « Non, pas encore… peu de gens le savent. » Et je me rappelle, alors, que lorsque je l’avais croisé rapidement avec Anna, chez le médecin, son ventre à elle n’était pas bien gros. Elle pouvait certainement facilement le cacher derrière un t-shirt bien large, ou faire croire à un petit embonpoint. Quelque chose qu’il n’était plus tellement possible pour moi. « J’espère que la populace l’apprendra le plus tard possible, alors. Ici, certains sont très gentils… mais d’autres sont juste vraiment désagréables. » Je dis ça tout doucement. Je fais une petite pause et je reprends, résignée. « Sûrement comme partout ailleurs, en fait. » Benjamin se penche pour ramasser tous mes produits et je le regarde, impuissante. Je secoue la tête, épuisée. « Ça va aller. » Je sais qu’il veut être gentil, et rassurant, mais sa remarque m’attire plutôt une grimace. Vraiment, est-ce que je vais aller mieux ? Comment ce serait possible ? Je ne me considère pas comme malheureuse, loin de là. J’ai un bébé, déjà, je pense que c’est le plus important. Et puis j’ai une boutique à moi, qui même si elle ne me rapporte pas beaucoup d’argent parce que je n’ai pas fixé les prix très haut, fonctionne très bien. J’ai un joli petit appartement et, le meilleur pour la fin, j’ai Zoe à mes côtés. Tous les jours, ou presque. Je n’ai pas une vie misérable, donc. Mais tous ces gens qui me regardent de travers depuis huit mois commencent à me peser. Et je n’ai toujours pas de nouvelles de lui. D’Augustin. J’arrive bientôt à terme et il n’est pas là. Pendant huit longs mois, j’ai espéré qu’il m’écrive, qu’il m’appelle. J’aurais pu lui dire qu’il était papa. Mais là ? J’ai envie de croire le blond devant moi. Que tout va s’arranger.

Je me tortille les doigts, gênée. J’aperçois la boîte de céréales que j’avais tant voulu attraper, juste derrière Benjamin. Je la tapote de mon pied, avec un petit sourire triste. « C’est elle, la fautive. » Au final, elle est toute cabossée et je ne suis plus sûre d’en avoir autant envie. Ça m’énerve quand ça me fait ça. Avoir envie de quelque chose au point de tout risquer, pour n’en avoir plus envie du tout la seconde d’après. Je crois que c’est ce qu’on appelle les caprices des femmes enceintes. Je n’aurais pas pensé que cela puisse m’arriver, à moi, mais je crois que personne n’y échappe finalement. Benjamin a toujours mon panier à la main, et j’hésite à lui reprendre. J’ai un peu honte d’être assistée de la sorte, mais d’un autre côté, j’ai peur de le faire tomber de nouveau. Et ça serait encore pire, il m’aurait aidé pour rien. Je me promets silencieusement de prendre un caddie à roulettes, la prochaine fois. Ou peut-être que la prochaine fois, Augustin sera là. Je me pince les lèvres et regarde en direction de l’endroit où se trouvait la foule agglutinée, quelques minutes plus tôt. Maintenant que l’attraction est terminée et que je ne risque plus de m’avachir au sol à nouveau, il n’y a plus personne. Je secoue la tête, encore une fois. « Tu prévoies une soupe ? » Il demande, me sortant un peu de mon état léthargique. Je souris, amusée. « Aucune idée. » Je rigole légèrement. Et c’est la réalité. J’ai pris tous ces légumes parce que je les aimais, ou alors parce qu’ils sont bons pour la santé. À la ferme je n’avais pas vraiment l’occasion de cuisiner, c’était plutôt ma mère ou grand-mère qui se chargeaient de tout ça. Généralement, les produits n’étaient pas bien variés. C’était ceux du jardin, ou alors des restes de ceux que mon père cultivait pour les vendre. Les mêmes repas revenaient donc souvent, pommes de terre sautées, pommes de terre à la vapeur, soupe de chou ou ragoût. Et puis des œufs au plat, des omelettes, ou des bons plats de viande. Pour ça, je ne pouvais vraiment pas me plaindre : dès qu’une vache à lait était trop vieille, c’était nous qui la mangions, et je crois que je n’ai jamais rien mangé d’aussi bon. Surtout quand c’était le voisin qui venait la cuire avec nous, au barbecue. Souvent, Augustin était là aussi. Comme presque toujours, en fait. Je cligne des yeux et me concentre à nouveau sur Benjamin. Depuis que je suis enceinte, je me suis donc mise à cuisiner, le plus équilibré possible. J’ai lu dans un magazine que tout ce que je mange, bébé le mange aussi. Et comme je voudrais qu’il ait la meilleure santé possible, eh bien, les plats préparés beaucoup trop salés et caloriques n’étaient même pas une option. Je finis par hausser les épaules. « Peut-être que je ferais une soupe, ou peut-être que je trouverais une recette originale sur internet. » J’attrape une mèche de mes cheveux, une du dessous, et je l’enroule autour du doigt. Je la relâche, pensive. Je commence à me remettre à marcher, pour sortir du rayon. Mine de rien, mes courses ne sont pas finies. « Anna veut un gratin irlandais, ça fait trois jours qu’elle trépigne. » Sa remarque m’arrache un gloussement. J’essaie de me représenter sa copine, avec le peu que j’ai vu d’elle. Brune, assez grande mais pas trop non plus, jolie comme tout. Je ne pensais pas qu’elle était capricieuse. En fait, je ne pensais pas grand-chose à son propos. Simplement qu’elle était la future maman d’un petit bébé, comme moi. « Tu ferais bien de ne pas trop traîner, alors. » Mon regard se penche sur mon panier et je tends la main pour le récupérer. Je me rends compte alors que je suis sûrement en train de le retarder, et qu’il a d’autres choses beaucoup plus intéressantes et nécessaires que de s’occuper de moi. Je me mords la lèvre, gênée. Je voulais lui dire que je suis désolée, mais il prend la parole à ce moment-là. Perplexe, je l’écoute me proposer de se joindre à eux, pour le repas. Aussitôt, mes mains deviennent plus moites. « Hum, je… c’est gentil… » J’imagine le gratin fumant, et c’est vrai que l’idée me fait envie. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, c’est la première fois que l’on me fait une invitation comme ça, depuis que je suis ici. Enfin, je suis déjà allée manger plusieurs fois chez Zoe ou Ellie, mais c’est différent. On s’invite mutuellement, aléatoirement chez l’une ou chez l’autre. Ce sont des amies proches et cela ne sonne pas vraiment pareil que l’invitation de quelqu’un que je ne connais pas beaucoup. Je regarde les rayons et attrape une boîte de petits pois en conserve. Je me retourne vers Benjamin et finis par répondre, reconnaissante. « J’aimerais beaucoup. Merci beaucoup de la proposition. » J’ai peur de gêner, mais en même temps je sais que cela ne pourra pas me faire de mal de voir d’autres personnes, un peu. En huit mois, on ne peut pas dire que je me sois fait beaucoup d’amis. Je m’arrête de marcher un instant, et plonge mon regard dans celui du blond. Je commence à parler, embarrassée. « Écoute, je suis désolée. » C’est peut-être ça, en fait, qui me gêne le plus dans cette invitation. Benjamin est si gentil, là avec moi, après la façon dont je lui ai parlé la dernière fois que nous nous sommes croisés. Je suis vraiment montée sur mes grands chevaux, à lui répéter inlassablement qu’il ne pouvait absolument pas abandonner Anna. Alors même que ce n’était certainement pas son intention… mais j’avais senti qu’il était un peu distant par rapport à tout ça. « Je n’aurais pas dû te parler comme ça la dernière fois, pardonnes-moi. » Je ne quitte pas ses yeux, la main qui ne tient pas mon panier posée sur le ventre. Je sens trois petits coups de pieds contre ma main
Et je me remets à marcher.
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Message(#) Sujet: Re: ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) EmptyDim 16 Mar - 16:59

the fault is not in our stars but in ourselves


Et qu'adviendrait-il d'eux lorsque les gens apprendraient pour Anna ? A la manière dont les badauds observaient Azel, Benjamin pouvait déjà en déduire que ce ne serait pas joli-joli. Ils étaient jeunes, ils étaient naïfs et ils avaient fait une erreur. Ne pourrait-on leur pardonner ? « J’espère que la populace l’apprendra le plus tard possible, alors. Ici, certains sont très gentils… mais d’autres sont juste vraiment désagréables » fit remarquer Azel, ce qui ne le rassurait pas du tout. Mais au moins, elle ne cherchait pas à lui cacher la vérité, elle ne tentait pas de dissimuler des faits établis. « Sûrement comme partout ailleurs, en fait » ajouta-t-elle d'un ton tout à fait résigné. Probablement avait-elle raison. L'existence n'était pas plus déplorable ici qu'ailleurs mais il aurait tellement aimé y être. Ailleurs. Loin de cette petite ville qui l'avait vu grandir, loin de ces rues qu'il connaissait par cœur, loin de ces visages si familiers, aux mines déçues. Qu'est-ce que ce serait lorsqu'ils apprendraient tous, pour Anna !

Alors mieux valait, pour l'heure, être encore innocent, être encore un peu un enfant et discuter de choses sans importance. De légumes, de courses et de recettes. D'Anna, aussi, un peu. De tout et de rien, comme si leurs vies à tous les deux n'avaient pas été chamboulé par le même genre d’événements. Benjamin appelait souvent ça, ce bébé, ce petit être qu'ils avaient conçu, sa copine et lui, un problème. C'était un problème, son problème et il avait décidé d'en assumer les conséquences. Il le savait, Azel n'avait pas la même approche. S'il était capable de le concevoir, il était, en revanche, incapable de le comprendre. Il ignorait tout de son histoire, de son passé et il se doutait qu'ils n'avaient pas reçu la même éducation. De là, peut-être, découlait cette différence. Ou peut-être qu'elle l'avait voulu, ce bébé, au final. Il n'en savait rien mais il ne comprenait toujours pas les mots, ces mots si durs, qu'elle avait eu pour lui, la dernière fois qu'ils s'étaient croisés. « Écoute, je suis désolée » lança-t-elle, alors qu'il venait de lui rendre son panier où une boîte de petits pois s'était ajoutée au reste de ses courses. Benjamin arqua un sourcil étonné, sans comprendre. « Je n’aurais pas dû te parler comme ça la dernière fois, pardonnes-moi » reprit-elle, devant son air d'incompréhension totale. Oh. Fuck, lisait-elle dans ses pensées ? L'idée était un peu flippante. Le concept lui avait déjà traversé l'esprit lorsqu'il était môme, vraiment môme. Et Benjamin Levy, du haut de ses huit ans, prêtait attention aux pensées qu'il formait dans sa tête, chaque fois que la télépathie se rappelait à son bon souvenir. C'était un peu idiot, quand on y réfléchissait bien. Il haussa donc les épaules, comme si ça n'était pas grand-chose, même si cette altercation l'avait bien secoué. N'aurait-il pas dû faire face à la furie d'Azel qu'il aurait peut-être fini par prendre ses jambes à son cou. Il aimait Anna, il l'aimait vraiment mais ce bébé lui coûtait déjà tant alors qu'il n'était pas encore né que Benjamin avait, oui, songé à fuir pendant deux minutes. Avant de croiser Azel. « Ne t'excuse pas, marmotta-t-il, j'avais sans doute d'un bon coup de pied aux fesses. C'était tellement... ça m'a fait mal d'apprendre qu'on allait... qu'on va... d'apprendre ça » Il n'était même pas foutu d'en parler correctement, damn. Offrant un faible sourire à Azel en guise d'excuses, il continua : « c'était pas ce que je voulais mais il est là maintenant » C'était faible, comme conclusion, et il savait fort bien qu'il n'avait toujours pas l'air très enthousiasme mais à quoi bon feindre ? Il n'était pas prêt et doutait de l'être avant la naissance du bébé. C'était comme ça, inutile de mentir ou de se mentir. Il n'y avait qu'à assumer. « Et sans Anna, je suis rien. Alors s'il faut que ce soit elle et le... le bébé, alors je les prends tous les deux » murmura-t-il, réalisant au moment où ces mots quittaient sa bouche à quel point ils étaient vrais.

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Azel Novak

Azel Novak
lost souls in revelry

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Message(#) Sujet: Re: ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) ne m'aide pas, ça ira (benjamin,azel) EmptyMar 18 Mar - 13:19





ne m'aide pas, ça ira

On passe dans le rayon des boissons, et je m'arrête quelques secondes pour fixer une bouteille de rosé. Je me demande si je devrais en prendre une pour ce soir. Pour le repas où j'ai été invité, chez Benjamin. Et puis je me rappelle que non seulement je suis enceinte et que je n'ai pas le droit à l'alcool, mais Anna non plus. J'ai hâte de la rencontrer. Je secoue la tête et je me remets à marcher, les jambes en canard avec ma main libre tantôt posée sur mon ventre, tantôt se balançant sur le côté pour trouver un brin d'équilibre. « Ne t'excuse pas, j'avais sans doute d'un bon coup de pied aux fesses. C'était tellement... ça m'a fait mal d'apprendre qu'on allait... qu'on va... d'apprendre ça » Mes yeux s'écarquillent, surprise. Moi, qui suis surprise, pas les yeux bien sûr. Je me tourne vers Benjamin et je souris, parce que j'aurais pensé qu'il serait en colère contre moi après la façon dont je lui ai parlé. Je ne regrette pas vraiment ce que j'ai fait, du moins pas ce que j'ai dis. Mais la façon dont les mots sont sortis, je m'en veux terriblement. Et puis, mes sourcils se froncent. Je repense à la fin de sa phrase, qui éclipse un peu le fait qu'il ne semble pas m'en vouloir. Mal. « Pourquoi mal ? » Je laisse échapper, un peu involontairement. Ce n'est vraiment pas le moment de repartir dans un débat comme la dernière fois, ou plutôt une dispute à sens unique. Mais je ne comprends pas. Vraiment pas. Comment cela peut-il être douloureux de donner la vie ? Du moins, surtout pour un homme. Parce que tout le monde sait bien que l'accouchement n'est pas ce qu'il y a de plus doux pour la femme. Mais ce n'est que physique, et ponctuel. Je fronce les sourcils jusqu'à ce qu'il se remette à parler. J'en oublis même de regarder les rayons. Pourtant il me manque des ingrédients, encore. « C'était pas ce que je voulais mais il est là maintenant » La gêne est perceptible dans sa voix, et même si je ne comprends toujours pas, j'essaie de me mettre à sa place.
Et ça fait mal.

Un jeune homme, amoureux. Qui pensait encore courir dans les champs main dans la main avec la femme de sa vie pendant quelques années. Qui voulait continuer de boire, fumer peut-être, s'amuser. Qui fait l'amour avec sa copine, comme il l'a toujours fait. Et voilà qu'un bébé arrive dans l'équation. Il n'y a plus de un plus un égal amour à deux. Voilà que le résultat est trois. Et pas n'importe quel troisième. Un bébé. Courir dans les champs n'est plus possible, le ventre est trop gros. Et ensuite, il y a bébé, bébé ne cours pas assez vite. Boire ? Non, parce que la copine ne peut pas boire tant qu'elle est enceinte. Et après, il ne faut pas montrer le mauvais exemple à bébé. Fumer, c'est pareil. Et s'amuser n'en parlons pas. Parce que bébé sera au centre de toutes les attentions, il faudra sans cesse le prendre en compte, dans tout ce que l'on fait. Il devient le centre du monde, par qui tout passe, vers qui tout converge. Je m'imagine à sa place, je m'imagine que je ne suis pas prête, je m'imagine que je ne veux pas de tout ça. Et ce n'est pas plaisant, du tout. Parce que moi, bébé, je le voulais. Quelque part. J'ai été surprise, je n'étais pas prête. Qui peut être prête, à vingt-et-un ans, alors que son meilleur ami et accessoirement père de son enfant vient de partir à l'autre bout du monde pour mourir au milieu des balles ? Mais voilà, Augustin est loin. Et ce bébé, c'était, c'est une manière d'avoir toujours un peu de lui auprès de moi. Plus que ça, c'est la vie. Une vie que j'ai créée. C'est un peu de moi, aussi. Un petit bébé que je vais aimer de tout mon cœur, et qui m'aimera peut être aussi. Je ne serais plus jamais seule. Plus jamais.

« Je crois que je commence à comprendre. » J'avoue, presque honteuse. Parce que Benjamin n'a rien voulu de tout ça. Il veut encore s'amuser, profiter d'Anna. Qui elle, est là. Auprès de lui. Il n'a pas besoin d'un bébé pour l'aimer, pour qu'elle l'aime, pour qu'ils soient connectés, reliés. Cette pensée me donne littéralement une claque en plein visage. Et si Augustin pensait pareil, quand il l'apprendrait ? Si cela lui faisait mal, à lui aussi ? Je crois que je ne pourrais pas le supporter. Je crois que j'en mourrais, s'il m'abandonnait, s'il abandonnait le bébé. C'est pour ça que j'étais si en colère contre Benjamin. Parce que je ne voulais pas qu'il fasse à Anna ce qu'Augustin pourrait me faire, et qui me briserait en un million de morceaux. J'attrape un paquet de pain de mie complet, machinalement. Je ne sais même pas si j'en ai besoin, mais il faut que je m'occupe l'esprit. « Et sans Anna, je suis rien. Alors s'il faut que ce soit elle et le... le bébé, alors je les prends tous les deux » Je virevolte sur mes talons, m'arrêtant au plein milieu du rayon. Je crois que la dame avec son caddie derrière n'a pas apprécié. Mais je m'en moque comme de l'an mille. Mon sourire ne pourrait pas être plus grand, et mes yeux sont brillants. Je crois qu'à cause des hormones je pourrais me mettre à pleurer, mais je me retiens. La phrase qu'il vient de dire me réchauffe le cœur, et le corps tout entier. Il ne va pas l'abandonner. Ce bébé aura une mère, et un père. Il ne sera pas seul.
Comme le mien.

J'attrape la main de Benjamin, sans vraiment me contrôler. Je ne sais pas si ça se fait, de prendre la main de quelqu'un qui est en couple et qui plus est avec une femme enceinte, mais mon geste vient du cœur. Je n'arrête pas de sourire et j'entends la femme derrière moi grogner. « Je suis contente de t'entendre dire ça. » Hrm, hrm. Je finis par me décaler et la dame passe, avec son caddie et ses deux bambins, qu'elle tire tant bien que mal par le bout de la main. « L'amour est toujours plus fort. Tu vas voir, tu vas l'aimer ce bébé. » Je lui serre la paume de la main avant de la relâcher. Je pense ce que je dis. Que ce soit dans quelques semaines, après avoir senti les premiers coups de pieds, ou dans plusieurs mois, quand il posera les yeux sur lui. Il finira par l'aimer.
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