Sous la douche, Maël chantonne une chanson du groupe Bastille qui passe sur le poste de radio poser en équilibre précaire sur l’évier. Le jeune homme chante très souvent lorsqu’il est dans sa salle de bain, mais il n’est pas pour autant un chanteur hors pair. C’est même tout le contraire pour être franc. Il ne sait pas du tout chanter, mais il s’en fiche totalement. Cela l’amuse même. Il est en train de se préparer pour passer sa soirée avec Koda, rien ne peut le rendre plus heureux. Depuis quelques semaines, ils passent beaucoup de temps ensembles. Cela n’aide pas vraiment Maël avec ses sentiments, mais bon… Il est vraiment heureux de pouvoir passer ses soirées avec la jeune femme. Il a constamment se besoin  d’être à ses côtés. Il veut toujours s’assurer qu’elle aille bien. En réalité, Maël à peur de voir son amie être malheureuse. Alors il est prêt à tout et n’importe quoi pour la faire sourire, pour l’entendre rire. Il est devenu un professionnel dans l’art de faire le pitre. Cela le maintient également. L’empêche de tout dévoiler sur un coup de tête. Maël est amoureux de la jolie Koda depuis des années, mais il ne trouve jamais le courage de lui avouer. Il ne veut pas la perdre. Alors il se tait. Il enfoui ses sentiments, il les cultive juste pour lui et c’est très bien comme cela. Enfin, c’est ce qu’il croit. Dans le fond, il se fait du mal tout seul. Il pourrait tout avouer. Tout lui dire, d’un seul coup, comme quand on arrache un pansement. D’un coup sec. Enfin. Le jeune homme soupire en regardant son reflet dans le miroir de la salle de bain. Non il n’est pas prêt de faire cela. Ce soir, il va juste s’occuper de sa meilleure amie. Il sait parfaitement qu’aujourd’hui elle est allé s’asseoir sur ce banc en face de la prison et qu’elle est resté là pendant des heures en se demandant si elle doit entrer ou pas. Lui l’as fait une seule fois. Il c’est aussi assis sur ce banc, il a hésité, mais pas longtemps. Il est entré dans ce bâtiment et il est allé foutre une raclée au père de Koda. Juste pour lui faire comprendre à quel point il avait fait mal à sa fille. Depuis il n’y est jamais retourné et il n’ira plus jamais. Maël aimerait juste que Koda fasse la même chose, qu’elle n’y aille plus du tout. Bref. Il lui en parlerait ce soir après tout.

Quelques heures plus tard, bien habillé, mais mal coiffé comme à son habitude, Maël finit par quitter son appartement. Une bouteille du vin préféré de Koda dans son sac à dos, les mains enfoncées dans les poches de son jean, il prend le chemin qui le mènera à l’appartement de la jolie blonde. Koda n’habite pas très loin de chez lui et il y arrive en quelques minutes seulement. Comme à chaque fois, le beau brun se regarde dans la porte vitrée de l’immeuble. Juste pour s’assurer qu’il est présentable. Il sait parfaitement qu’il n’as pas besoin d’impressionner Koda, mais c’est plus fort que lui. Maël espère qu’un jour la jeune femme prendra conscience par elle-même qu’il est complètement dingue d’elle. Ce n’est pas prêt d’arriver, mais bon… L’espoir fait vivre. Maël sonne et entre sans attendre. Comme toujours.

« Koda t’es décente, je peux entrer ? »

On ne sait jamais, il ne voudrait pas la voir en sous vêtements. Bon c’est déjà arriver, mais il ne préfère pas voir cela maintenant. Il n’arriverait pas à en dormir pendant des jours. Enfin. Koda apparaît dans son champ de vision et il s’approche d’elle pour déposer un doux baiser sur sa joue.

« Je t’ai ramené une bouteille. Ton préférer. »

La journée était banale. Comme toutes les autres. Elle avait travaillé, usant de ses mains pour satisfaire des clients exigeants, demandeurs, précis. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. Et elle ne voulait que la perfection. Elle le savait, c'était plus fort qu'elle. Elle cherchait trop à approfondir, perdant du temps. On le lui reprochait souvent, sans pour autant s'en plaindre souvent. Cette journée lui avait paru longue, tant l'attente de passer la soirée avec Maël avait été forte. Maël était son meilleur ami depuis des années. Toujours, pour ainsi dire. Il avait toujours été là. Elle lui en était reconnaissante. Et elle s'était empressée de passer au vidéo-club en sortant du travail pour préparer cette soirée en perspective. Elle avait prévu son temps, elle n'avait pas de minutes à perdre. Elle devait se dépêcher. Sous la douche, chantonnant un air d'un groupe qu'elle aimait, elle réfléchissait. Elle rêvait. Elle divaguait. Jusqu'à sentir ses doigts la faire souffrir à force d'être rester sous l'eau, elle s'était laissée emporter, loin. Loin de sa vie. Loin de son monde. La descente vers la réalité fut dur. Trop sans doute. Elle finit par s'habiller d'un simple jean slim et d'un débardeur noir, rien d'extravagant, rien de trop choquant. Ce n'était pas un rendez-vous. Et dans une synchronisation parfaite, la sonnerie hurla dans l'appartement. « Tu peux venir. » Prête depuis longtemps, elle connaissait les habitudes de son meilleur ami. Il entrait après avoir sonné, sans attendre de savoir si elle était là. Il connaissait Adélaïde, c'est vrai. Ils s'entendaient plutôt bien, même tous les deux. Mais généralement, lorsqu'il passait la porte de l'appartement, ce n'était que pour la voir elle. Qu'importe, elle était habillée, prête à passer la soirée avec son meilleur ami. Allant à sa rencontre, elle ne prit même pas la peine d'observer son reflet dans le miroir. Elle se trouvait terne depuis longtemps, elle évitait son reflet  lorsqu'elle le pouvait. Elle rougit, lorsque ses lèvres qu'elle imagine douce se pose sur sa joue. Ses joues s'empourprent, elle sourit malgré tout. Elle l'observe, le regarde. Comme d'habitude, il est beau, comme il l'a toujours été. Ses cheveux sont mal coiffés, elle a l'habitude. Ses doigts fins s'y perdent pour tenter d'y remettre de l'ordre. Indomptable, elle n'y arrive pas. « Tes cheveux sont déconcertants, tu sais. » Elle laisse s'échappait un léger rire. Un rire que lui seul connait, avec sa sœur. « Merci. » avait-elle dit en voyant la bouteille de vin. « Ce n'est pas très raisonnable, si je bois trop, notre soirée sera gâchée. » Elle ne buvait que rarement. Elle n'était pas de ces filles, qui, pour impressionner les hommes, boivent dans l'espoir de tenir le choc face à certains, habitués au levé de verres. Rares étaient les fois où elle laissait l'alcool l'enivrer au point d'oublier. De ne plus rien contrôler. Elle avait tout de même à son tour embrasser sa joue, à la fois pour le remercier et pour le saluer. « J'ai loué quelques films et Adèle a cuisiné, il en reste assez pour trois personnes, au moins. Au cas où. » Koda était particulièrement nulle lorsqu'il s'agissait de se mettre derrière les fourneaux. Même le plus simple des plats ne lui réussissait pas. Elle avait rapidement abandonnée, se rendant compte qu'elle finirait par envoyer ceux qui osaient mettre le nez dans sa cuisine à l'hôpital. Et là n'était pas son but. Elle préférait laisser sa sœur cuisinait, elle se débrouillait mieux qu'elle, de toute manière.

Le jeune homme est vraiment impatient de passer la soirée en compagnie de sa meilleure amie. C’est comme devenu un rituel entre eux. Ils passent au moins une fois par semaine la soirée ensemble. Maël et Koda se connaissent depuis toujours et il a toujours été là pour elle. Il a besoin de la voir régulièrement. Juste pour s’assurer qu’elle va bien. La blondinette ne lui dira jamais de vive voix qu’elle ne va pas bien, mais il y aura toujours un signe pour lui faire comprendre. Maël est doué pour reconnaître les signes. Sans doute grâce aux nombreuses années qu’il a passé en compagnie de la jeune femme. Enfin. Ce soir, il va avant tout profiter. Il sait qu’il va pouvoir observer la beauté de la jeune femme. Comme toujours elle ne remarquera rien. Il restera peut être dormir avec elle et finira par rentrer chez lui, plus frustré que jamais. C’est nerveusement qu’il passe une main dans ses cheveux avant de frapper à la porte de son amie. Comme toujours il entre sans attendre une réponse. C’est devenu une habitude même si Koda vit avec sa sœur. Elle lui dit d’entrer. Le jeune homme entre un peu plus dans l’appartement et croise enfin sa meilleure amie. Elle est sublime comme toujours. Il la dévisage un instant et finis par lui offrir un tendre sourire. Koda se rapproche de lui et passe une main dans ses cheveux. Sa remarque le fait sourire à nouveau. « Je sais, mais tu m’aime comme ça. » Il le pense vraiment, mais pour elle ce n’est que de l’amitié. Elle l’aime, il en est certain, mais elle l’aime comme une sœur aime son frère. Rien de plus. Sinon elle aurait déjà compris. Parce que pour lui c’est évident, les signes sont partout. Mais il ne faut pas qu’il se gâche la soirée avec cela. Vraiment pas. Alors pour faire abstractions il lui tend la bouteille de vin qu’il a ramené. Il sait que Koda n’aime pas spécialement boire, mais un verre n’as jamais tué personne après tout. « Juste un petit verre. On a rien a fêté je sais, mais bon… » Il lui sourit tendrement et la suit dans le salon. Elle lui explique que sa sœur à préparer un repas pour eux. « Ah ça me rassure. » Oui. Koda n’est pas vraiment douée pour la cuisine et Maël en a souvent fait les frais, malheureusement. Sans vraiment lui demander son avis, il se laisse lourdement tomber dans le canapé et lâche un long soupire. Alors que Koda passe devant lui, il l’attrape par le poignet pour la faire tomber a côté de lui. Il la prend doucement dans ses bras et dépose un baiser sur sa joue. « Tu m’as manqué cette semaine. Tu va bien ? » La question impliquais surtout un, tu es allé passer l’après-midi devant la prison ou pas ? Et elle le sait parfaitement.

Spoiler:

Passer une soirée avec Maël était un rituel, chaque semaine ils se retrouvaient chez l'un ou chez l'autre le temps de se raconter la semaine, regarder un ou deux films et manger n'importe quoi. C'était un moment de bonheur que Koda ne voulait pas sacrifier, elle y tenait trop. « Juste un verre alors, parce que c'est mon préféré. » Le vin était une boisson qu'avait su apprécié Koda très rapidement. Surtout celui que Maël lui tendait. Elle aimait le bon vin de qualité mais elle n'en buvait quasiment jamais de peur de faire des excès. L'alcool aidant à oublier, elle ne voulait pas tomber dedans. La peur de devenir un monstre, de faire des choses regrettables sous l'emprise de l'alcool était la cause de ce refus. Rares étaient les fois où elle s'autorisait un verre. Elle aurait voulu boire lors des trois ans d'horreur, lorsque son père abusait d'elle. Simplement pour ne pas se souvenir, pour ne rien sentir. Pour ne pas être une proie vivante, souffrante. Elle ne releva pas la petite remarque sur sa cuisine. Elle avait l'habitude des petites critiques, mais elle ne pouvait que les prendre à pleine main. Elle était nulle en cuisine et simplement pour ça, elle préférait laisser sa sœur faire. Elle se débrouillait bien mieux qu'elle. Elle ne ratait pas un plat de pâtes en tout cas,  contrairement à Koda qui les transformait en colle parfaitement immangeable. « Tu m'as manqué aussi. » Elle se laissa aller dans ses bras, se blottissant un peu plus pour retrouver le confort, la chaleur que lui offrait son meilleur ami. Maël était le seul garçon qu'elle laissait avoir ce genre de geste. Elle ne laissait personne avoir une proximité comme celle qu'il avait avec elle. A vrai dire, elle évitait toutes les relations masculines. Pendant un temps, simplement dans le but d'éviter Poppy, elle avait passé du temps avec les amis de Maël mais ils avaient tous eu un comportement protecteur avec elle. Comme si Maël les avait interdit d'en faire trop, d'être naturel. Elle ne sait d'ailleurs pas si elle devait le remercier pour ça. « Maël, tu ne devrais pas me poser la question, je sais très bien ce qu'elle sous-entend. » Elle s'écarta, le regard grave. Chaque fois, c'était la même chose. Elle devrait le savoir. « J'y suis allée, oui. » Elle marqua une légère pause. « Mais je ne suis pas restée. » Elle s'était assise, le temps de cinq minutes et son téléphone avait sonné. Elle 'était partie sans même attendre pour parler avec sa mère qui l'appelait du sud de l'Espagne. Elle téléphonait rarement, elle voyageait et les coups des appels étaient trop élevés pour le faire chaque semaine. Mais cette fois-ci, elle avait fait l'effort d'appeler ses deux filles. Les conversations à distance commençait à lasser. « Je ne veux pas qu'on parle de ça ! Tu le sais. » Elle s'installa dans le canapé, invitant Maël à faire de même. Installée en tailler, comme elle en avait l'habitude, elle saisit la télécommande pour baisser le son de la télévision. « Je vais bien, je te le promets. » Professionnellement, amicalement, tout allait bien. Physiquement, elle ne se connaissait aucun problème. Moralement, elle se relevait peu à peu, enfin. Elle allait bien, quoiqu'on puisse en penser. Tout simplement, elle choisissait ce qu'elle faisait sans avoir à demander. Elle se rendait compte qu'elle seule avait choisi de s'installer une fois par semaine devant la prison. « Je n'arrive simplement pas à renoncer à mon habitude. » Après tout, il s'agissait de son père. Ce n'était pas n'importe qui, ni le premier inconnu. Elle ressentait le besoin de s'asseoir devant la porte de cette prison. Simplement pour la regarder et se souvenir des mots, de la douleur, de l'horreur qu'elle avait subie. Ce comportement masochiste était un moyen pour elle de retrouver peu à peu une vie normale. En traitant intérieurement son paternel de monstre, elle perdait peu à peu la culpabilité, la honte et l'envie de fuir qui l'avait gagné ses dernières années. Elle voulait se sentir mieux. Retrouver la confiance qu'elle avait subitement perdu après ces trois ans de malheur. Maël ne cessait de s'inquiéter de ces visites, il ne le devrait pourtant pas. Koda ne supportait pas d'être constamment surveiller comme cela. Elle allait mieux à présent.