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| les étoiles dans nos bras. (camille) | |
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| (#) Sujet: les étoiles dans nos bras. (camille) Lun 2 Sep - 0:21 | |
| Il me regarde, le grand homme, crucifié à son bois. Ses yeux sont vides et semblent pourtant contenir le malheur du monde entier. De ces hommes, de ces femmes, qui, sans cesse, viennent le supplier. Lui demander des miracles. Mon corps s'affaisse, minuscule, déjà abîmé, sur l'un de ces bancs inconfortables. Sourire aux lèvres, je le fixe, le bon dieu, sans rien lui prier. J'ai les pensées vides, déjà heureuses, presque comblées. Et la seule, un peu trop mélancolique, est destinée à ma mère. Cette douce femme dont je ne connais même pas le nom. Il m'arrive parfois, dans la nuit, d'aller hurler son prénom inventé à la lune. Comme pour la faire revenir plus vite, questionner le ciel de son existence, parce que le ciel il sait tout, il voit, il entend tout. Mais les nuages ne me répondent pas, ils restent muet à mes supplications. C'est un peu à cause de ce silence que je me suis retrouvé ici, dans cette petite église, dans l'espoir naïf d'y trouver une réponse. Un je ne sais quoi susceptible de me prouver que je ne cherche pas dans le vide. Mes genoux ensanglantées par une chute passée se cale contre mon menton, délicatement retenu par mes bras pâles. De vieilles dames entrent dans l'église. Leurs pas résonnent au sol, au rythme des battements de mon cœur. Un faible sourire se dessine sur mes lèvres lorsque l'une d'entre elle me salue. L'autre, plus âgée encore me tend un gâteau. Et je lui souris, encore plus, en attrapant de mes doigts crasseux ce biscuit sec. Il est dimanche, la messe va commencer, la présence du tout puissant est demandée et je me sens soudain de trop.
Et la petite âme de trop, elle se fraie un chemin entre les croyants.
Je me retrouve à nouveau sur les marches de l'église. Retour à la case départ, sauf que cette fois, je n'ai pas de panier en osier pour me soutenir, ni même de petit mot pour m'accompagner. Il ne me reste plus que ce gâteau, délicieux rien qu'à le regarder. Mon estomac se tord de douleur. Je le fixe avec une telle intensité que je ne fais même plus attention au monde. À cette petite fourmilière dessinée sous un soleil encore pâle par la nuit précédente. Et soudain, mes yeux se lèvent, comme si mon corps venait à ressentir à l'avance une quelconque collision. Mon regard vert rencontre un visage. Un joli visage, qu'il reconnaît immédiatement. Comme si le temps n'avait rien changé. Je ne remarque même pas ses jambes mortes, à la jolie, non, mon regard reste figé sur ses tâches de rousseurs. Je lui souris, enfantin, naïf. Le gâteau manque même de tomber par terre. « Dîtes moi que je rêve ! Camille ! » Je suis essoufflé, déjà, à la simple joie de la revoir. Ses traits sont les mêmes, plus fatigués peut-être mais qu'importe, mon cœur s'emballe. La pensée de Dieu s'évapore, en même temps que celle de ma mère. Peut-être suis-je fou. Mais elle paraît si réelle, Camille, qu'on pourrait la couvrir de tendresse. |
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) Lun 2 Sep - 11:35 | |
| allez je saute j'en peux plus et que les goélands m'emmènent
elle ferme les yeux pour qu'ils contiennent les larmes. mais elle tient pas longtemps, Camille, et bientôt, ses yeux explosent de larmes. Camille, elle dégouline de larmes, soudain. elles font la course sur ses joues, ça dévale, vite vite vite, ça sprinte et ça galope. c'est le déluge. elle serait pas plus mouillée si elle se tenait sous une pluie démentielle. les larmes viennent s'écraser sur ses cuisses, serrées dans un short, les chatouiller. ces cuisses qui ne sentent plus rien. elle pleure, un, deux, trois litres de larmes et se demande, par dessus son malheur, si notre réserve de larmes, ça s'épuise.
la prochaine fois que je pleurerai, je ferai tomber les larmes dans un bocal, puis je les boirai, comme ça le stock de larmes sera toujours plein.
oh, pas sûr qu'il y ait une prochaine fois. Camille ne pleure plus et les larmes sèchent sur ses joues. ça fait des traces, c'est l'infirmière qui les nettoie quand elle vient. elle dit à Camille que ça va pas, son poids va pas - trop maigre. mais Camille ne veut plus manger ni vivre, c'est évident non ? l'infirmière, kate, elle s'en va, un peu mal à l'aise. comment on redonne de la vie à un corps qui est à moitié mort ? Isaias fait son entrée. il est tout plein de colère le demi-frère, quand il parle à Camille. ça a le mérite de retenir son attention. elle le regarde droit dans les yeux quand il lui parle. tout le monde devrait lui crier dessus, ça la réveillerait, mais les psychiatres disent que non. - tu vas mourir si tu restes ici dans la chambre sans bouger. t'as déjà l'air d'avoir trente ans. si tu t'en fichais, allez, pourquoi pas, mais je sais PAS si tu t'en fiches, tu parles pas ! sors, Camille. va rouler dans la rue, emmène le papillon avec toi, va saluer les oiseaux un peu, merde. t'y allais tout le temps, dehors, avant. allez, je te pousse jusqu'à la porte d'entrée. sors, va où tu veux. Camille se laisse rouler. à la porte, elle ouvre les lèvres. - baleine, qu'elle dit. la voix est trop rauque, trop morte, mais c'est la sienne pourtant, c'est juste qu'elle a pas servi depuis longtemps. c'est une voix rouillée qui a besoin d'un peu d'huiler, d'un peu d'entretien. Isaias, il est sur le cul, métaphoriquement. il regarde Camille comme un bébé qui viendrait de dire son premier mot. comme un enfant prodige. mais surtout, Isaias, il comprend. ce qu'elle veut dire par baleine. il saisit les mots qu'elle a pas la force ou l'envie de dire. je veux bien sortir, mais je veux ma baleine. et ses désirs sont des ordres. Camille, avec le doudou baleine sur les genoux, elle part en balade. elle en revient même pas. elle roule, pendant des heures et des heures, ou alors juste des minutes, elle sait pas, elle a oublié le temps. elle sait plus ce que c'est que le temps. le temps qui passe trop lentement à l'école et trop vite avec Camille et Ollie. elle a oublié. et elle a oublié Dieu aussi, elle aimait bien Dieu, ils parlaient politique ensembles, dans le temps. ça lui revient tout brusquement quand elle passe devant l'église et qu'elle voit tous les gens qui en sortent. elle se souvient de Dieu. elle se s ... - Dîtes moi que je rêve ! Camille ! ce sont là les mots qui coupent la parole de ses pensées. elle fait pivoter ses roues vers la voix. c'est un garçon. un homme en devenir, mais pas encore. le garçon, il a l'air secoué, trop heureux pour son petit corps maigre. elle a les yeux vides d'intérêt, Camille, quand elle regarde les choses et les gens, mais là, il y a quelque chose qui s'allume. très très loin, derrière son nerf optique. il faut le temps que ça aille jusqu'aux prunelles. ça viendra peut-être, si jamais elle reconnaît le visage. et pour l'instant, elle le reconnaît pas. elle a tout perdu, Camille, toutes ses passions, ses relations, ses pensées, et même quelques souvenirs. elle a perdu Camille, alors que Camille, il était tout récent. laissez-lui un peu le temps de retrouver ce visage-là. - qui ? pas la force de dire plus, de former une phrase avec un verbe et un nom, lever la voix à la fin du mot pour avoir l'air de poser une question l'a déjà assez achevée. espérons que son interlocuteur comprenne la question sous-entendue. à savoir : qui êtes-vous ? allons bon Camille, tu le reconnais pas, ton Merle ?
Dernière édition par Camille Cholmondeley le Sam 7 Sep - 20:45, édité 2 fois |
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) Mar 3 Sep - 0:48 | |
| L'excitation redescend d'un cran, laisse place au silence. Ce silence qui mange mes mots, les digère pour aller les vomir un peu plus loin. Camille ne me reconnaît pas. Bah oui, au fond, je m'attendais à quoi ? C'est pas comme dans les films, oh non. Le temps est passé et, ça, tout le monde le comprend, à chaque seconde. La poussière de Dieu tombe même sur mes épaules. J'ai pu la voir, assit sur mon banc, recouvrir les siennes, aussi. Ça doit faire des générations qu'il veille sur les dames désespérées. Parce que les hommes, ils viennent plus trop à sa rencontre, ils laissent place à leur femme, certainement parce qu'elles y croient un peu plus. J'ai peut-être été une fille, dans une autre vie. Je me souviens de tout, moi, dans les moindres détails et des années après, j'y crois encore, à toutes ces choses : comme retrouver ma mère, puis Symeon, un peu. J'y crois et c'est pour ça que je vis encore, bercé par l'espoir. L'espoir que beaucoup pointent du doigt en se moquant. Et pourtant, aujourd'hui, en retrouvant Camille il ne fait que s'agrandir, soudainement. Je le sens remuer à moi, il est en train de rire. Ce rire joyeux, enfantin. Mon cœur sourit à la jeune fille, aussi. Mais elle ne doit pas le voir ou le comprendre. Parce que Camille, elle ne sait même plus qui je suis.
Au moins, ça me laisse le temps de comprendre les choses, d'examiner la situation. De retomber de mon petit nuage, même s'il me retient, de ses bras invisibles. Mes yeux caressent le fauteuil roulant et, doucement, sans réellement l'accepter, mon cerveau fait le lien. J'ai le cœur qui se serre, à cette découverte. Un peu comme une grande claque dans ma figure enfantine, heureuse. Dans la tristesse du moment, mon âme parvient encore à puiser un peu de bonheur. Et une dose incroyable de nostalgie. Ma main sale et libre se dirige vers Camille. Les larmes se battent, sous mes paupières, des larmes de joie. Plus chaudes que le soleil encore. Elles bataillent pour s'échouer sur mes joues humides par la transpiration. Mon index se déploie, accuse la baleine en peluche. Elle est la seule de nous trois à ne pas avoir changé d'un poil. Camille, toujours aussi belle mais un peu détruite. Puis moi, crasseux mais heureux. De ma voix souriante, j'entame le récit de mon enfance. De notre enfance. Ce petit bout de chemin réalisé tous les deux. « C'est moi, ly-Merle. » Brise d'espoir, dans ce prénom qui m'infecte la bouche. « J'étais au foyer avant, parce que j'avais pas de famille. J'avais rien du tout. Puis je t'ai eu, à toi, Camille. Tu te souviens ? Je fuguais toujours pour te retrouver parce qu'avec toi j'étais heureux. Parfois, je dormais dans ton garage, quand il faisait trop froid dehors et que les adultes me cherchaient. Mais à la fin … à la fin, ils savaient toujours que j'étais avec toi alors tu venais me voir, à travers le grillage. On s'amusait avec n'importe quoi : un feuille, des bâtons et des cailloux. On disait souvent que la feuille était un bateau et les cailloux … les cailloux oui ! C'était des hommes, qui rêvaient de découvrir la mer parce qu'ils en avaient marre de la terre. Puis les bâtons, ils représentaient des dauphins qui les accompagnaient dans leur voyage mais je me souviens plus du prénom des deux dauphins. » Je m'en souviens, comme si c'était hier. Je me rappelle ce bonheur entre nous, il vibre encore dans mon cœur.
Un sourire hante toujours mes lèvres, comme pour l'inciter à se souvenir avec moi. Peut-être que je lui en demande trop, j'en sais rien, mais je continue, encore un peu, dans un dernier espoir. « Et madame baleine, je te l'avais confiée, pour que tu prennes soin d'elle. » Je marque une pause, lui souris, tout doucement. « Elle a l'air en bonne santé et contente d'être avec toi. Elle me l'a dit, t'as pas entendu ? » Mes paroles reflètent plutôt bien mes pensées, perdues, là, au dessus de nos têtes, dans les nuages. Des ailes imaginaires sont même encore attachées à mon dos, personne ne les a brûlées, à moi. Mais Camille, elle, c'est un ange déchu. On lui a enlevées, sauvagement. Elle a plus le droit de voler comme un oiseau. Son corps est cloué sur un fauteuil. Ça me brise le cœur, de la voir comme ça, la jolie. J'ai cette horrible impression de lui avoir volée son énergie, à travers les paysages, même avec les kilomètres qui nous séparaient. C'est à peine supportable, ça. Je savais pas, Camille, qu'on pouvait détruire à distance. |
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) Mar 3 Sep - 18:34 | |
| ça brille de larmes dans les yeux du garçon, et dans ceux de Camille, toujours rien, on guette pourtant l'étincelle aperçue plutôt, celle qui est en train de voyager jusqu'à ses iris pour leur donner un semblant de vie.
Camille était heureuse. Camille fut heureuse. on aurait du pouvoir conjuguer cette phrase à tous les temps, mais la fortune, ou quoi qu'est-ce, a supprimé à Camille son présent et son futur. et maintenant Camille il lui reste plus que Baleine. Baleine a jamais eu de nom, Baleine était, est et sera toujours Baleine. c'était une baleine, alors elle s’appellerait Baleine. Merle, il montre Baleine du doigt. sa baleine, en fait. un cadeau d'adieu à Camille il y a quelques éternités de cela. Merle ouvre la bouche. c'est moi, dit-il, comme une grand évidence. il ajoute son prénom à ses mots, son beau prénom d'oiseau. mais sa voix a grandi depuis tout le temps. alors Camille elle comprend toujours pas. pourtant il n'y a pas trente-six Camille et Merle sur cette terre. Camille écoute Merle qui parle, un joli monologue pour faire retrouver la mémoire à Camille. tout pleins de mots qui s'entrechoquent et qui se promènent dans la tête de Camille, elle essaie d'y mettre un sens : foyer, famille, garage, grillage, feuille, bâton, cailloux, rêvaient, mer, dauphins. allez Camille. dis que tu te souviens. tu te souviens des branches d'arbres et des cailloux, des pommes de pain aussi. tu te souviens des dodos dans le garage, Merle et toi contre le béton, et des bisous d'au revoir au travers de la grille de l'orphelinat. tu te souviens de Merle, allez. - Elle a l'air en bonne santé et contente d'être avec toi. Elle me l'a dit, t'as pas entendu ? si, dans les premiers jours. elle entendait Baleine, elle entendait Merle, elle voyait Merle, Merle qui retrouvait sa maman et qui vivait une vraie vie enfin, avec une moitié de famille. elle voyait les yeux verts de Merle, son visage de héros de conte fantastique, et elle le voit maintenant, devant elle, comme dans un souvenir. un souvenir d'enfance. elle agite la tête, Camille, de haut en bas, comme pour se dire, oui, je me souviens, de Merle. effort surhumain : elle ouvre les lèvres, oh, ça fait craquer la peau de son visage trop immobile, la peau trop fine. elle a mal Camille quand elle essaie de parler, mais elle le fait quand même, c'est important : - dauphins. Merlin et Robin. c'est un souffle. rauque, ça fait peine à entendre. une voix qu'on aurait enterré et déterrées après cent ans de sommeil, la voix d'un fumeur compulsif, une voix morte. et Camille, elle accompagnerait la remarque, les mots balbutiés d'un sourire, mais ça suffit pour le moment. juste une dernière chose : - roule moi. et fais-moi retrouver le bonheur de nos jeunes années. |
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) Mer 4 Sep - 15:17 | |
| Tais-toi, Lyokha, tu parles trop, elle doit même plus t'écouter. Qu'elle me murmure, cette voix, là, logée à l'intérieur de mon crâne. Elle est forte, je n'entends plus qu'elle. Et sur le moment, je parviens à me taire, à me rendre compte de mon récit un peu trop long. Mais les mots se sont dérobés de mes lèvres sans que je ne puisse les retenir. Comme si, je n'attendais que ça depuis des années, parler de Camille à qui le voudrait. Mais jusqu'ici, personne n'en avait eu le courage, de m'écouter. Alors, oui, parfois, je parlais de la jolie à la nature. Que ce soit une fleur, ou bien un lièvre. Ils ne me répondaient pas mais au moins, ils m'écoutaient. M'écouter, c'est ça, l'essentiel. Et Camille, elle me regarde, comme ça, de son air perdu. Elle semble ne pas m'ignorer et ça, ça me réchauffe le cœur. Pourtant, le vent, il donnerait n'importe quoi pour gober mes paroles et les emporter avec lui, ailleurs.
dauphins. Merlin et Robin. Explosion, là, au fond du cœur. Des milliers de petits morceaux s'échouent sur mes entrailles. L'organe vital explose et c'est comme un artifice. Elle se souvient ! Le sourire s'agrandit, pour compenser l'absence du sien. Les choses ont changées, et je ne peux m'empêcher de ressentir un énorme trou dans la poitrine à la voir comme ça. C'est même pas de la pitié, juste une profonde … tristesse. D'avoir perdu une partie de ma Camille. De sa vivacité à la voir courir dans les rues en hurlant à qui voulait l'entendre que nous vivions. roule moi. Ses paroles n'ont pas le temps d'arriver à moi que je dépose le biscuit sec sur la peluche. « Tu peux le manger mais si t'en veux pas, c'est pas grave, on le donnera aux oiseaux. Ils adorent ça, les oiseaux. » ça m'étonnerait, qu'elle veuille y toucher à mon gâteau, suffit de voir la couleur de mes doigts pour le comprendre. Mais c'est pas grave, parce que les oiseaux adorent ça. Et le bonheur des oiseaux, il passe avant tout, même avant mon ventre tordu à l'extrême. De toute façon, je n'ai plus faim depuis Camille, je n'ai plus faim parce que je suis trop occupé à contempler la beauté de son visage.
« T'es toujours aussi belle, Camille. Tes yeux, on dirait une biche. Tu sais, les biches, elles sont précieuses. Quand on en voit, on a le souffle coupé, c'est pareil avec toi. » Elle représente tout un roman, la jolie brune pour moi. Et si je la complimente c'est certainement parce que les filles, elles aiment ça, les compliments. Mais là, c'est sincère, ça vient du fond du cœur. C'est plein d'amour et de tendresse, toujours aussi enfantin. Parce que j'ai pas tellement évolué depuis la dernière fois. Y a juste mon corps, qui se retrouve différent. L'intérieur, il est identique. Il sonne encore la naïveté enfantine. Mes doigts s'accrochent au fauteuil pour commencer à le rouler, là, peut-être trop rapidement. Qui sait, si je le pousse assez fort, nous finirons par nous envoler tous les deux. Mais j'ai peur de la faire tomber alors, je freine un peu, je me calme, pressé de rattraper un peu du temps perdu. « Tu veux aller où ? » Oui, j'ai même pas été fichu de lui demander, à elle, ce qu'elle voulait vraiment. À en être trop heureux, tu finis par en oubliant la politesse, Lyokha. |
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) Dim 8 Sep - 21:09 | |
| Merle est devenu Camille et Camille est devenue Merle. elle avait le bonheur, lui le malheur, ils ont juste échangé, il était temps de tourner, un peu. que ce soit pas toujours les mêmes. mais l'intérêt pour les Heureux c'est d'aller distribuer un peu de leur Joie, aux gens comme Camille. c'est ça Merle. c'est une apparition divine tombée du ciel, pour sauver Camille. c'est juste la vie qui a inversé les rôles. c'est juste le moment pour Merle de rendre à Camille ce qu'elle a essayé de lui donner. Merle qui guide Camille dans la vie. elle l'a pas remarqué, Camille, le biscuit entre les doigts fins de Merle, elle a déjà les yeux qui tournent, rien qu'à retrouver un fantôme de son passé. le biscuit, alors, il rejoint Baleine, comme si Merle voulait la nourrir. Camille fronce les sourcils.
je m'en occupe bien, de Baleine. j'ai arrêté de m'occuper de moi, même de Camille, et d'Isaias, des parents, du reste du monde, mais pas de Baleine, jamais, Baleine a tous les biscuits dont elle a envie et même du coca.
- Tu peux le manger mais si t'en veux pas, c'est pas grave, on le donnera aux oiseaux. Ils adorent ça, les oiseaux. des oiseaux, ils en étaient, avant. c'est Camille la première qui a appris à voler à Merle, peu importe qui a embelli sa vie. c'est Camille, qui lui a expliqué le système des ailes, et comment appeler le vent pour qu'il vienne souffler dessus et les envoyer loin, haut, ailleurs. - T'es toujours aussi belle, Camille. Tes yeux, on dirait une biche. Tu sais, les biches, elles sont précieuses. Quand on en voit, on a le souffle coupé, c'est pareil avec toi. elle cache quelques larmes honteuses, Camille, dans la manche d'un pull trop grand - mais c'est peut-être Camille qui est trop petite pour le pull. aussi. c'est belle, qu'elle n'a pas digéré, c'est resté bloqué dans ses oreilles, ça a fait serrer sa gorge et monter, puis descendre, les larmes. non Camille n'est pas, plus, belle. car Camille n'a plus les jambes ni la vie, les deux sont parties ensembles. et Camille n'a plus Camille. Camille écrase les larmes dans la laine du pull, mais ce qu'elle voudrait, c'est s'y fondre toute entière, ne plus être visible et laide aux yeux de Merle, tellement beau. Merle, elle l'imagine, parce qu'elle ne peut pas le voir, trottiner joliment derrière la chaise qu'il fait rouler, et il est si joli. - Tu veux aller où ? elle aurait voulu ne plus avoir à parler, à dire quoi que ce soit, l'écouter parler et répondre aux questions qu'elle n'a pas la force de poser - qui, où, quoi, comment, depuis combien de temps, pourquoi, maman. mais ton Merle, Camille, n'est pas le spécialiste des monologues, et bientôt tu devras parler, l'aider à construire une conversation, ça te fait un bon entraînement pour l'avenir tu vas voir, ta voix va s'adoucir, tes lèvres se ré-habituer à chérir les mots, sourire peut-être. et ensuite tu iras voir Camille et vous parlerez, vous sourirez, vous roulerez, vous vous embrasserez puisqu'il t'aime encore si fort, tu pourras sortir Ollie et aider Isaias dans, non, stop. oh. il faut y aller tout doucement avec Camille. Camille aussi, y va doucement, avec ce tout petit mot. - ailleurs. elle y allait souvent, avant, là-bas. tout le temps, en fait. elle restait jamais ici, sur la terre ferme, avec les gens de la vie et de la ville, elle partait, avec Ollie, avec Camille, ou toute seule, ailleurs. parce qu'ici c'était trop moche pour elle. maintenant que c'est pire, et maintenant qu'elle a Merle pour guide, c'est de nouveau d'actualité. AILLEURS. elle fait aveuglément confiance à Merle pour la faire rêver terriblement fort, elle lui a soigneusement appris toutes les ficelles du métier de rêveur. et parce qu'elle pourrait aussi bien avancer toute seule, la chaise roulante, dans cette rue descendante, Camille, elle renverse la tête difficilement pour apercevoir un bout de Merle. c'est son menton qu'elle rencontre, et même lui il sourit. même son menton. c'est comme si Merle était devenu Camille, avec tout ce qu'il faut pour être heureux : et l'amour, et l'amitié, et la paix, et la stabilité, et la pureté intérieure.
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) Jeu 19 Sep - 15:40 | |
| On sait même plus pourquoi il est heureux ce gamin. C'est un peu comme si son sourire était resté figé, comme ça, contre ses lèvres rouges. Il a toujours cet air d'enfant plongé dans le bonheur. Comme si rien ne lui était jamais arrivé. Protégé par les ailes d'un ange, peut-être. Il doit y avoir quelque chose, c'est obligé. Mais personne ne l'a encore jamais découvert, ce que pouvait être son secret, au gamin. Le monde est bien trop occupé à l'envier ou à se soucier de ses propres désespoirs pour s'attarder sur lui. Lui et son sourire délicat, qu'on écraserait bien à coup de pieds dans la figure. D'une caresse un peu trop brusque. Son cœur, aussi beau et précieux que le reste de son âme s'ouvre si facilement qu'on y cherche un vice caché. Une imperfection. Une réalité effrayante. Mais y a rien. Rien du tout, même. C'est lui, c'est ça, Lyokha, qui vous sourit. Juste parce qu'il en a envie, juste ça, sans arrières pensées.
Mes doigts tremblants se resserrent un peu plus sur les poignées du fauteuil, par peur de le laisser s'échapper. Le laisser s'enfuir et à nouveau m'enlever Camille. La douce Camille. Même muette, elle reste la plus jolie des histoires. La parole est d'argent mais le silence est d'or, disent les autres. Et puis qu'importe, je me fiche, moi, du son de sa voix. Son regard est suffisant, on peut y capter tout, tout et n'importe quoi, dans ses pupilles infinies. Les siennes sont peut-être plus vides qu'elles ne le devraient mais il y a un cœur, là, qui bat, à l'intérieur de cette nuit effrayante. Suffit seulement de tendre un peu la main pour sentir ses vibrations. Camille est vivante. On s'en fiche, du reste. Elle respire. Le vent caresse mon visage, ce léger vent, agréable, qui vous fait sentir un peu plus heureux encore. Celui qui s'insinue jusqu'à votre âme. Oui, c'est ce vent là qui nous emporte , à tous les deux, dans cette rue trop grande et trop peuplée. Mais sur le moment, je ne vois plus qu'elle, la jolie brune, enfin retrouvée. Je laisse de côté, un peu égoïste, le reste du monde. Une grosse parenthèse juste pour elle, juste pour Camille et nos souvenirs d'enfance. L'odeur des crêpes du dimanche après midi me revient même entre les narines. Et puis Baleine, elle semble sourire, elle aussi, à nous revoir tous les deux.
Ailleurs.
C'est ce qui résonne, à mes tympans. Le sourire renaît, de plus belle, il montre au monde entier mes dents du bonheur. Du bonheur. C'est un peu comme si la nature avait prévue les choses, avant même ma naissance. Elle s'est décidée à réunir toutes les beautés du monde en une seule et unique âme. Mes pas s'accélèrent à cette pensée. Camille veut aller ailleurs alors, allons ailleurs, tout de suite. Allons respirer un peu plus loin mais pas ici. Parce qu'ici, les gens dévorent toute l'oxygène et marchent d'un pas trop rapide. Mais le temps, il presse plus, maintenant que nous sommes à nouveau tous les deux. Elle tourne même son visage, la jolie, un peu, comme ça, curieuse. Mon regard croise son profil tandis que nous entrons dans une rue un peu plus petite, un peu plus étroite et surtout, déserte. Mon cœur rate un battement lorsque je me penche, vers elle, sans cesse d'avancer. Mon doigt, lui, se plante vers l'horizon. « Après cette rue, tu verras, y a plus de bâtiment. Plus rien. Juste un magnifique paysage et la liberté au bout des doigts. C'est difficile à croire comme ça, mais tu verras. C'est magique. » De la magie, c'est ce dont elle a besoin. Pour faire renaître les étoiles dans ses yeux, contre sa peau, dans son sourire. Tout le monde aime la magie, surtout les gamins. Et même les grands, ils osent juste pas le dire, à voix haute. Ils en ont peut-être même un peu honte. Qu'importe, Camille, aujourd'hui, elle aura de la magie. Et puis pour les jours à venir aussi. C'est ce que je maîtrise encore un peu. Le fauteuil tremble, sursaute.
Il sursaute, sur le chemin de terre, à présent sous nos pieds. C'est l'entrée d'un paradis.
Mes mains lâchent enfin le fauteuil, c'est le moment de la pause. Des explications. D'une mise en situation. Le premier acte, ou quelque chose comme ça. La première couverture d'un livre. Peut-être aussi. Mon corps se retrouve face à Camille pendant que mes doigts, sales, cueillent une fleur pour la mettre derrière son oreille. « Ici, Camille, c'est plus comme là-bas. Suffit que tu fermes les yeux pour entendre le chant des oiseaux, le souffle du vent dans tes cheveux. Ici, c'est beau. Y a pas à avoir peur, ou à être triste. Personne te fera de mal. Les arbres nous préservent de la douleur. Ferme les yeux et imagine toi être l'animal que tu veux, là, perdu au milieu de ce paysage grandiose. Tu verras. » Emporté dans mon récit, je ne me suis même pas rendu compte que mes yeux sont déjà fermés et mon esprit ailleurs. L'une des mains, brûlantes et passionnées se posent délicatement contre la sienne, comme pour lui donner un peu de mon énergie. Tu n'as plus qu'un oiseau devant toi, Camille. Entends donc ses ailes se déployer. Rejoins, le. |
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) Sam 21 Sep - 21:58 | |
| Camille est allée partout, elle a retourné la Terre entière pour son cher plaisir. elle a tout vu, Camille, tout ce qu'il y a de plus beau. elle cherchait le must. le plus bel endroit du monde. et elle l'a trouvé si près d'elle, finalement. deux fois. Merle, puis Camille. avant de les perdre. tous les deux, chacun leur tour. Camille est allée partout, c'est marqué dans son cœur. Merle aussi il semblerait, ça a littéralement sali ses mains. et ces deux voyageurs, les voilà réunis pour partir ensembles à nouveau.
est-ce que tu souris là derrière moi ? est-ce que tu te souviens qu'ailleurs, avant, c'était notre principale destination ? ailleurs, toujours, encore, on y allait tous les jours. emmène-moi ailleurs encore. moi je sais plus faire, j'ai oublié.
entrée dans une minuscule petite rue, vide de gens, pleines de maisons sur le bord. des maisons montées les unes sur les autres. ils respirent comment, les gens, ici ? Camille, elle y étouffe. et Merle, qui dit, en poussant, en roulant, en montrant du doigt le ailleurs, au loin : - Après cette rue, tu verras, y a plus de bâtiment. Plus rien. Juste un magnifique paysage et la liberté au bout des doigts. C'est difficile à croire comme ça, mais tu verras. C'est magique. c'est sûrement difficile à croire, il a raison, Merle. mais Camille, elle sait mieux que personne qu'on peut passer du moche, comme cette rue sans vie, au sublime, superbe. c'est le désert d'abord. du rien à perte de vue. et déjà Camille respire mieux. l'effet Merle combiné avec l'effet vide. la joie tranquille ajoutée à l'absence de regards indiscrets, fixés sur la chaise de Camille. ces regards qu'elle rencontre tous les jours. elle sait qu'ils existent encore, plus loin. dans l'autre monde. celui qui est laid. celui sans Merle, sans jambes, sans Camille. ici, ce n'est qu'eux. le silence. et Baleine. et la terre, qui empêche Camille d'avancer. mais qui s'y intéresse ? ils sont au pays des vivants. le vrai. là où c'est beau et vivant par la beauté. au monde des vivants, au contraire, les vivants ne sont pas des êtres humains vides spirituellement. ce sont les arbres, les nuages au dessus, là, et la terre, qui bloque Camille. c'est ça, les vivants. ils ont de quoi se sentir minuscules ici. Merle, tout beau face à Camille, il fleurit l'oreille de son amie. elle est bien comme ça, toute florale. elle essaie de sourire, elle échoue. tant pis. ils ont tout le temps du monde. ici, les horloges ne tournent plus. elle n'existent même pas. c'est les arbres qui font le temps comme il leur chante, mais souvent, les arbres, ils dorment. le temps somnole alors aussi beaucoup. tu vois Camille, t'en as du temps, pour réapprendre à sourire. - Ici, Camille, c'est plus comme là-bas. Suffit que tu fermes les yeux pour entendre le chant des oiseaux, le souffle du vent dans tes cheveux. Ici, c'est beau. Y a pas à avoir peur, ou à être triste. Personne te fera de mal. Les arbres nous préservent de la douleur. Ferme les yeux et imagine toi être l'animal que tu veux, là, perdu au milieu de ce paysage grandiose. Tu verras. Merle est l'Oiseau. c'est comme une évidence, elle se dit, Camille. il a tout le matériel qu'il faut pour s'élever dans les airs. et il y est déjà. il slalome entre les nuages, avec le vent qui le pousse, par dessous ses ailes. attends-moi, j'arrive. pas si vite, laisse le temps à la petite Camille de se construire un habit d'animal. et elle sait déjà exactement lequel. papillon, c'est comme une grosse évidence. elle sourit, Camille. ça se voit à peine, elle sourit surtout des yeux. qu'elle a fermés pour mieux rêver avec Merle, pour mieux voler à ses côtés, oiseau avec papillon. et elle se réchauffe doucement. c'est son cœur, d'abord. il bat un peu plus vite, un peu plus normalement. pas encore comme quand il y avait Camille. faut pas exagérer. ses mains se colorent aussi, stimulées par la chaleur de Merle. elle vient poser sa main libre sur celle de Merle, ça fait un petit tas de mains. elle vole encore un peu, passe au travers des nuages juste pour le plaisir, juste pour ça. et puis elle revient. elle repartira mais elle doit revenir. elle a quelque chose à dire, et cette fois, elle va le dire. ça tient en un mot, alors ça ira. - longtemps. et même elle, elle ne sait pas trop ce qu'elle veut dire par longtemps. ça fait longtemps que j'ai pas souri ? que j'ai pas volé ? que je me suis pas sentie aussi bien ? qu'on a pas vagabondé dans les cieux ensembles ? ça fait longtemps, c'est tout. - merci. |
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| (#) Sujet: Re: les étoiles dans nos bras. (camille) | |
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