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 Douze oeufs et des hématomes (Dolfi)

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Message(#) Sujet: Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) EmptyJeu 18 Juil - 12:22

Le beurre était prêt à crépiter dans la poêle, le pain rassis soigneusement coupé en tranche attendait près de la gazinière et il ne manquait plus que la préparation. Seth faisait du pain perdu. Après une longue journée de travail, il était sans doute censé se délasser en buvant une bière devant un match de hockey et, parfois, c’était vrai, il faisait ce genre de choses, en bon mâle qu’il était, mais ce soir-là, ce qu’il voulait surtout, c’était du pain perdu et un bon roman — il faisait plus frais qu’à l’ordinaire dehors, et la chaleur sucrée d’un bon dessert et d’une tasse de chocolat l’emportaient du beaucoup sur le spectacle d’une vingtaine d’hommes à patiner sur la glace.

Hélas, cet agréable projet fut bientôt troublé par une horrible découverte. Seth poussa un soupir désespéré devant son frigo. Il y avait du crabe, il y avait des tomates, il y avait du jus de pamplemousse, mais il n’y avait pas d’œufs. Pas d’œufs, pas de préparation ; pas de préparation, pas de pain perdu ; pas de pain perdu, une soirée de gâchée. L’Américain jeta un coup d’œil vers la fenêtre de la cuisine : dehors, la pluie avait commencé à tomber, et l’idée de se rendre jusqu’au supermarché pour acheter une douzaine d’œufs était exposée au calcul complexe de sa rentabilité : valait-il bien la peine de faire tous ces efforts pour du pain perdu ?

D’ailleurs, Dolfi ne serait sans doute pas là. La pensée avait échappé à son esprit comme si de rien n’était, mais elle pesait lourd dans la balance. Après tout, à vingt-deux heures, il était peu probable que le jeune homme fût du service de nuit. Sans doute arrêtait-il de travailler vers dix-sept heures. À moins qu’il cherchât à faire des heures supplémentaires, mieux rémunérées… Bientôt, la question de savoir s’il valait la peine ou non de sortir sous la pluie pour acheter des œufs fut entièrement éclipsée par celle de savoir si Dolfi serait ou non à son poste, quand il faudrait payer les œufs en question.

Ah, Dolfi ! Dolfi, Dolfi, Dolfi. Bon, à vrai dire, Seth ne savait pas grand-chose sur lui, et il n’était pas entièrement certain de vouloir savoir quoi que ce fût. Il l’aimait bien, c’était tout : parce que c’était un caissier efficace. Objectivement. Et, oui, bon, aussi, peut-être, parce que Dolfi avait un joli sourire. Un joli visage. De jolies mains. Et euh… Seth secoua la tête. Il était rare qu’il se perdît dans des divagations à propos d’autres hommes. Il avait cessé de refouler ses désirs, plus ou moins, mais son rapport avec son orientation restait pour le moins conflictuel et puis, de toute façon, il n’aimait pas rêver à l’impossible.

Chassant Dolfi de sa tête, Seth referma le frigo, attrapa une veste, rabattit la capuche en avant, fourra les clés dans une poche et sortit enfin sous la pluie de plus en plus battante. Le supermarché, heureusement, n’était pas très loin. Seth n’était pas sûr qu’il fût le seul à proximité, mais il n’avait pas passé des heures, au moment de son installation, à faire la tournée des magasins : pour le peu qu’il en demandait, n’importe lequel faisait l’affaire, et depuis qu’il s’était rendu à celui-ci, il n’allait pas comparer les prix des yaourts dans d’autres rayonnages.

À vingt-deux heures, les rues des quartiers résidentiels de White Oak n’étaient pas très peuplées, particulièrement lorsqu’il pleuvait. Et de même, lorsque l’Américain pénétra dans le supermarché et que les battants vitrés de la porte automatique se refermèrent silencieusement derrière lui, il put constater que la foule ne se pressait pas sur la promotion du parmesan. Une seule caisse était ouverte, près de l’entrée, et à la caisse se tenait…

Dolfi.

Les yeux de Seth s’arrêtèrent un instant sur le jeune homme, avant de se détourner pudiquement, précipitamment même. Machinalement, il remarqua qu’il n’y avait pas de vigile de sécurité, mais n’en fit aucune réflexion et, passant le tourniquet du magasin, partit d’un bon pas vers le rayon des produits frais. Désert comme il l’était, le supermarché prenait un air fantomatique ; dans le silence des allées, les néons vrombissaient en diffusant une lumière électrique, les blocs réfrigérants accompagnaient le tout dans une atmosphère de plus en plus lugubre.

Alors que Seth comparait les différentes marques et les louanges que les éleveurs faisaient sur leurs poules, un courant d’air presque glacial ébouriffa ses cheveux. L’homme tourna la tête dans la direction, plissa les yeux et appela à tout hasard :

— Dolfi ?

Pas de réponse. Par réflexe, il sentit le soupçon monter en lui. Un courant d’air. Un supermarché désert. Pas de vigile. Mais Seth avait appris à se méfier de ses réflexes d’agent en s’installant à White Oak : s’ils étaient des plus utiles sur le terrain, un pistolet à la main, ils pouvaient vite devenir inadéquats dans la quiétude d’une petite ville de province. Incapable cependant de se raisonner entièrement, l’homme reposa sa douzaine d’œufs pour s’engager dans l’allée voisine, en direction du courant d’air.

L’immense rideau métallique qui fermait d’ordinaire l’accès à l’entrepôt de stockage était relevé. Dolfi était-il allé chercher quelque chose dans la réserve ? Mais pour quoi faire ? Seth doutait un peu que le jeune homme eût une subite envie de faire du rayonnage, si proche de la fermeture du magasin. Seth s’accroupit pour passer sous le rideau, se redressa de l’autre côté et essaya d’habituer ses yeux à l’obscurité. Il fit quelques pas à l’intérieur de l’entrepôt, avant de s’effondrer soudainement au sol. Assommé par un coup derrière la nuque.



Une dizaine de minutes plus tard, l’Américain rouvrit péniblement les yeux. Avant de gigoter. Sans succès. Les mains attachées dans le dos, les pieds liés aussi, jeté comme un vieux sac au coin d’une pièce obscure et avec un mal de tête épouvantable, il n’avait pas fière allure. Autour de lui, des piles de carton — sans doute une pièce annexe de l’entrepôt. De l’autre côté du mur, d’ailleurs, il entendait des hommes parler à voix basse, sans parvenir à distinguer leurs mots — des hommes qui déplaçaient, il en était presque certain, des cartons.

Seth se maudit intérieurement de n’avoir pas été plus prudent. Quelque chose ne tournait vraiment pas rond et il aurait dû s’en apercevoir. Tirant machinalement sur ses liens, sans grand succès cependant, il se remit à considérer la pièce, tandis qu’il voyait progressivement un peu plus clair. Et il ne tarda pas à découvrir non loin de lui, attaché comme il l’était, Dolfi, toujours inconscient — visiblement victime des mêmes agresseurs.

Seth sentit monter en lui une colère pas très rationnelle, à l’idée qu’on avait pu brutalement assommer un si charmant caissier, mais il s’empressa de refouler ce sentiment inutile, pour s’approcher tant bien que mal du jeune homme. Après avoir rampé jusqu’à lui, Seth entreprit de lui donner quelques coups d’épaule en murmurant :

— Dolfi. Dolfi. Réveillez-vous.
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Message(#) Sujet: Re: Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) EmptySam 20 Juil - 1:57

Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) Tumblr_lzs3k7IpyE1qfaq4io1_500

Dans une pose très saugrenu, certes, mais confortable, je restais allongé sur le canapé moelleux du salon. Ce canapé, si confortable qui me faisait penser à celui de mon enfance. J'étais crevé, sans aucune raison. Oh, si, peut-être une. J'avais passé la nuit à faire la fête avec mon frère, Ayden. Normal que je sois mort pendant toute l'après-midi. Mes yeux fixaient l'écran de la télé, mais d'une faiblesse flemmarde, je ne supportais pas l'effort de rester les yeux ouvert. Je sentis mes yeux se clore petit à petit. Je baillais de plus belle, puis m'assoupis soudainement.

Soudain, je flottais dans les airs. Regardant en dessous de moi, je poussai un cri de surprise en réalisant que je volais. Mais...c'est impossible ! Dans le ciel, le sourire aux lèvres, je transperçais les nuages, volant au dessus de White Oak Station. Je me sentais si léger, si agile... un avion passa, et je fis un virage sur le côté. Riant et pleurant, je passais à toute vitesse dans les arcs-en-ciels et savourais ce bonheur intense. Mais soudainement, dans le ciel, plus gros que n'importe quel avion, je vis une chose complètement surnaturelle. Un flingue. Un flingue énorme. J'eus une crise d'angoisse. Suffoquant, apeuré, je tombais de ma hauteur fulgurante. Les yeux écarquillés, je ne réalisais pas, tout allait si vite. Mes mains chassaient les airs, cherchant de nouveau à voler, en vain. Mon corps allait s'écraser lourdement au sol. J'allais mourir. Mon cœur battait la chamade, suant de tout mon corps. Triste fin. Sans me poser quelconque question, mon corps s'écrasa enfin sur le sol.


Boum.

- Aïeuh...

Pfff, quel con. J'étais encore tombé du canapé. Ma tête aplati contre le sol, je soupirai longuement. Marre de faire des rêves comme ça...un flingue géant, et puis quoi encore, ahah. Je rigolais bruyamment puis toussa soudainement, bouffant les saletés du sol. Dans un effort presque trop énorme, j'essayais de me relever, mais en vain. J'essayai de nouveau, plus sérieusement, et réalisais qu'il était déjà vingt-et-une heure trente. Merde. L'épicerie. Je passais machinalement ma main sur ma tête et constata que je devais prendre une douche, en raison de mes cheveux gras. Rapidement et efficacement, je me préparais pour aller travailler. Avant de dire au revoir à mes colocs, je pris un petit canif, comme je fais toujours avant d'aller à l'épicerie. Je la cachai sous ma poitrine, et m'engageai dans la rue. Marchant dans le Fairmount District, j'avançai lentement mais surement, constatant que le soleil se couchait dans une lumière magnifique. Le crépuscule se compléta, laissant une lumière orangée parcourant ses nuances rouges, et laissant les nuages noirs. Il éclaira mes yeux gris d'une touche orange, laissant un regard luire dans la nuit. J'arrivais à l’épicerie, et pris vite ma place derrière la caisse, ayant déjà ranger les derniers pacs de lait et les boites d’œufs avant-hier. Et voilà, horaires nocturnes, six heures de travail...putin. Souffrance. J'en pouvais plus. De toute façon, j'allais vite quitter cet épicerie minuscule, pour trouver un boulot beaucoup plus sérieux. Le vent entra dans l'épicerie, caressant doucement mon visage d'un souffle froid. Je fermais les yeux, et posais ma tête sur mon coude, avachi sur la caisse. Non, il ne fallait pas que je me rendorme. Surement pas. Soudain, un client que je reconnu facilement entra dans l'épicerie. Je crois qu'il s’appelait Seth...mais je n'étais pas sûr. Il entra sûrement et fermement, regardant autour de lui. J'étais heureux de le voir, ce magnifique garçon. Seth me regarda enfin, de ses magnifiques yeux verts et sombres. Argh, le beau gosse... son corps parfaitement sculpté, il avança d'un pas certain. Je contractais mes muscles, voulant faire le beau, comme un pan qui voulait draguer sa femelle. Tout de même, je pouvais en profiter. Ces années d'art martiaux, ce n'était pas pour rien. Je le scrutais de mes yeux bleus, lui lançant un regard profond mais insignifiant. Ce n'était qu'un mec parmi d'autres, pourquoi ce donner tant de mal à vouloir le plaire ? Et puis il a au moins la trentaine... je lui affichai mon sourire le plus magnifique que je pouvais, lui envoyant une vague de paix à ce visage mignon. Il continua sa route dans les rayons vides, dans une épicerie, tout seul. Moi, le regard errant dans les rayons, j'hésitais. Je pouvais peut-être lui dire bonjour, il n'y avait personne. Ce client, qui venait souvent acheter deux, trois trucs pourris et me lancer un regard magnifique qui me faisait tomber sous le charme, avec son visage bien fait et ses cheveux relevés, il était vraiment parfait. Enfin...parfait. C'était qu'un mec, je le répète. Bref, il fallait bien que l'on fasse connaissance. Mais...moi, le plus timide de tous les hommes, comment je pouvais m'approcher ? Non. Mon cœur bondit puis je me ressaisit. Je me leva une bonne fois pour toute, me dirigeant vers les rayons sombres. Mais, je sentis un courant d'air. Des clients devaient surement arriver.

Soudain, une lourde main agressive couvrit ma bouche, m'empêchant totalement de pouvoir sortir ne serait-ce qu'un son de ma gorge. De surprise, j’écarquillais les yeux, choqué de cette violence inouïe. Mais d'un geste certain et ferme, je ripostai et je flanqua mon coude dans la poitrine de l'agresseur, me libérant de sa violente étreinte. Je me retournai et vis un homme couvert d'un masque, le corps habillé en noir obscur. Un cambrioleur ? Non, pas dans cet épicerie ! Je me préparais pour utiliser mes performances contre-attaques, mais j'entendis la voix d'un homme apeuré, et méfiant.

— Dolfi ?

C'était Seth, un frisson parcourut mon échine, et je sentis un mouchoir humide m’emmitoufler le visage. Tel un idiot, je respirai fortement sous la surprise.  

Et je n'aurai pas du.

J'en étais sûr...un liquide soporifique. Je sentis mon corps se détendre et mes yeux se refermer, me laissant sans-défense, laissant ces voleurs s'emparer de leurs magot. Fait chier. Seth...je devais l'avertir...le protéger... je m'assoupit définitivement, me laissant tomber dans les bras de l'agresseur.


        *                    *                    *

— Dolfi. Dolfi. Réveillez-vous.

Hein ? Quoi ? Comment ? Mes yeux s'ouvrirent soudainement, contemplant le regard inquiet de Seth. Ce merveilleux regard vert, implorant quelque chose, mais vitreux. Je clignai des yeux plusieurs fois, et bougeai ma main voulant me gratter l’œil. En vain. Je gigotais dans tous les sens, mais mes mains et mes jambes refusèrent de bouger. Ah, je compris enfin. J'étais ligoté. Soudainement, tous les événements se répercutèrent dans ma mémoire. L'agression, l'appel de Seth...tout était passé si vite. Mais merde à la fin, je devais me défendre. J'allais pas me laisser abattre, pas encore une fois. Déterminé à sauver Seth et l'épicerie (et puis mon avenir dans le travail, tout de même) je regardais Seth d'un regard plein d'ambitions, et ne sachant que dire, dans le feu de l'action, je...bégayai.

- Oh, vous...je suis désolé...

Je le contemplais d'un regard perdu, ne sachant quoi faire. Nous étions perdu. Ligotés comme deux imbéciles, nous allions pourrir ici. Je m'approchai de lui, rouge comme une tomate, et réfléchit à une solution. En vain. Je ne pouvais rien faire, et lui non plus. Le visage humilié, je baissais la tête. J'étais honteux. Je ne savais rien protéger, et j'apprenais les arts martiaux sans aucune utilité. J'étais faible. Impuissant. Médiocre. Malingre. Une vraie merde.
Soudain, une douleur faible me chatouilla la poitrine, et j'eus une révélation.

Le canif.

J'étais si heureux d'avoir trouver une solution, mon cœur battait si fort qu'il fit bouger le canif, et je gigotait pour le faire tomber à terre, dans le plus profond des silences. Une fois à terre, j'avais besoin de lui.

- Mec, on est dans un sale état, et j'ai pas envie de faire connaissance comme ça, franchement. Et je pense que toi non plus. Alors sans me poser de questions, prends le canif avec tes mains attachés, et coupe mes liens, lui dis-je froidement.

Je regrettais légèrement de lui avoir parlé ainsi, il ne le méritait pas. Mais je devais compter sur lui, c'était notre seule chance.
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Message(#) Sujet: Re: Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) EmptySam 20 Juil - 13:56

— Ah, bien.

Seth était soulagé. Ligoté au fond d’une arrière-boutique pour avoir voulu faire du pain perdu, certes, mais soulagé. C’était une chose de voir des camarades de missions saucissonnés dans les geôles moisies d’un pays lointain, c’en était une autre que de contempler le corps inanimé d’un innocent jeune homme, qui n’avait probablement jamais rien fait de mal et dont la soirée eût été, en d’autres circonstances, parfaitement tranquille, au comptoir d’une supérette déserte. Et sous ses airs de baroudeur indifférent, Seth cachait un cœur sensible. En gros.

L’Américain haussa les épaules en entendant les excuses de Dolfi — enfin, haussa les épaules autant que ses liens le lui permettaient. D’un ton égal, il commenta :

— Ouais, j’vais p’t’être rendre ma carte de fidélité…

Manifestement, la situation n’avait pas l’air de beaucoup l’inquiéter. Au fond de lui, il savait bien que même les plus petits malfrats pouvaient venir à bout d’un agent aussi endurci que lui : la preuve, il avait été pris par surprise et il se retrouvait en fâcheuse posture. Mais il avait connu bien pire et, de toute façon, on lui avait appris depuis longtemps à ne pas paniquer. Tout ce qu’il voyait, pour l’heure, c’était des moyens de se sortir de ce guêpier sans que Dolfi fût blessé et, accessoirement, sans que lui-même ne s’en tirât trop mal.

Donc, il allait prendre les choses en main. C’était normal, après tout : il était plus vieux, plus expérimenté, plus solide, et Dolfi n’était qu’une blanche colombe aux ailes froissées qui avaient besoin de sa protection. Dans l’esprit un tantinet machiste de Seth, c’était comme ça que les choses devaient fonctionner. Ainsi ouvrit-il la bouche pour donner ses directives, quand le caissier lui coupa l’herbe sous les pieds et entreprit de gérer la situation avec un sang-froid retrouvé et un air autoritaire qui laissa Seth pour le moins interdit.

Seth regarda fixement la gueule d’ange qui venait de prendre la direction des opérations avant de hausser les sourcils.

— Euh… Soit.

De contorsions en contorsions, Seth et Dolfi finirent par se retrouver dos à dos et Seth, le canif une fois attrapé, entreprit de trancher les liens de Dolfi. Trancher, c’était peut-être beaucoup dire : la corde était solide et le canif n’était pas exactement un couteau de chasse des paramilitaires. Plutôt, Seth rongeait patiemment le métal avec la petite lame du canif, dans le silence de l’espèce de placard à balais dans lequel ils avaient été relégués.

Au bout de quelques secondes, il renifla. Une fois. Deux fois. Avant de froncer les sourcils.

— Du chloroforme ? Ils t’ont endormi avec du chloroforme…

Comment un honnête mécanicien de White Oak Station pouvait reconnaître l’odeur du chloroforme en humant l’air ambiant, c’était un mystère, mais Seth n’avait pas le loisir de s’étaler sur sa couverture. L’heure était à la réflexion.

— J’vois pas beaucoup de cambrioleurs aussi subtils. Et s’ils viennent pour la caisse, pourquoi est-ce qu’ils réorganisent l’arrière-boutique ? J’pense pas qu’ils aient une passion pour le cassoulet en pot.

Une dernière torsion de poignet et les liens de Dolfi étaient finalement coupés. Seth se décala pour laisser le jeune homme récupérer le canif et se libérer les pieds. L’air de rien, il suggéra :

— À moins que vous vendiez autre chose que du cassoulet en pot, là-derrière…

De la drogue, par exemple. Parce que pour la centaine de dollars canadiens qu’il devait y avoir en caisse, toute cette opération lui paraissait un peu exagérée. Il n’avait jamais rien remarqué, mais enfin, même si c’était improbable, il y avait toujours une infime possibilité pour que son épicerie favorite fît tourner, aux heures tardives, un peu de cocaïne dans la paisible banlieue résidentielle. Au moins, ça expliquerait la nature de l’attaque.

Bien sûr, il avait un peu de mal à imaginer l’innocent, l’angélique, le beau Dolfi en train de remuer de la poudre à pleine main les soirs de désoeuvrement, mais un beau sourire pouvait cacher bien des choses. Seth se retourna pour que le jeune homme pût s’attaquer à ses liens.

— J’dis ça, j’dis rien. Juste que s’ils viennent pour un truc du genre, ils seront plus déterminés que le cambrioleur moyen.

Mais après tout, il était aussi possible que Dolfi travaillât dans la supérette sans avoir particulièrement connaissance des activités annexes du propriétaire. Ou alors ils avaient affaire à des cambrioleurs particulièrement consciencieux…
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Message(#) Sujet: Re: Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) EmptySam 20 Juil - 19:15

Je passai mes ondes d'espoir en tenant fermement le canif qui luit dans la nuit. Déterminé, j'envoyais le petit couteau à Seth, qui l'attrapa sans problème. Mes yeux gris scrutèrent les siens, envoyant un regard déterminé et complice. J'avais besoin de lui.

— Euh… Soit.

Tournant sur lui même sans difficulté, montrant ses aptitudes physiques et ses marques musculaires, je fronçais les sourcils. Quel habileté...ma tête contre la sienne, dans un geste rassurant, mes mains contactèrent les siennes, et j'en constatais que ses mains dépassaient largement la douceur du pelage de n'importe quel animal. Effroyablement doux. Dans le bruit aigu que le canif mordait la puissante corde, je tressaillis. Son corps était chaud, et sa tête douce. J'étais apaisé. Apaisé par cette calme énergie rassurante que dégageait Seth de ses gestes que je trouvais pour le moins...affectif. Mais je ne devais pas penser à cela. Pas maintenant. Il était concentré, et je devais l'être aussi.
J'inspirais et expirais fortement, dégageant le reste de produit anesthésiant que les voleurs m'avaient fait respiré. J'était vraiment nul. Ridicule. Neutralisé directement, comme si je n'étais qu'une souris entre les griffes d'un gang de chats de gouttières, mais armés. J'étais lourdement confus, Soudain, la voix grave de ce bel homme me fit sursauter.

— Du chloroforme ? Ils t’ont endormi avec du chloroforme…

J'étais choqué, et impressionné. Mais quel talent, soit Seth avait un odorat sur-développé, soit il avait des compétences très enrichies et des connaissances chimistes approfondies. Il m'intriguait. En plus de son formidable physique, il avait un QI bien élevé. Bégayant, toujours bouche bée, je luis répondis simplement.

- Euh, sûrement. Ils m'ont endormis en me couvrant le visage d'un tissu humide, trempé d'un liquide soporifique.

Toujours aussi intrigué, les questions se bousculèrent dans ma tête. Qui était-il vraiment ? Seth. Mais que faisait-il ? Son passé, comment vivait-il ? Il était mystérieux. Lugubre. Il dégageait un air sûr, mais compliqué. Comme si il ne voulait pas se dévoiler. J'était peut-être timide, mais je n'avais aucun problème avec lui. Il me plaisait, littéralement, sans aller dans les complications amoureuses. De toutes façon, il devait être hétéro. Ça me semblait évident. Pourquoi rêver de l'impossible ?
Il fallait que j'arrête de penser à tout ça et me concentrer. Sur cette affaire on ne peut plus incompréhensible. C'était quoi cette histoire ? Un braquage avec des gars armés, blindés, avec du gaz soporifique, du "chloroforme", qui nous ficelaient dans la réserve ? Ce n'était pas possible, il ne pouvait pas en vouloir que pour l'argent, c'était certain. Mais que voulaient-ils ? Que cherchaient-ils ?

— J’vois pas beaucoup de cambrioleurs aussi subtils. Et s’ils viennent pour la caisse, pourquoi est-ce qu’ils réorganisent l’arrière-boutique ? J’pense pas qu’ils aient une passion pour le cassoulet en pot.

C'est clair. Il ne m'étonnait pas, il y réfléchissait aussi. Son humour me triompha d'un rire et aussitôt, mes cordes se délassèrent. Je fus enfin libre. Je poussai un "Aaah" de soulagement, et profitais du plaisir d'avoir les mains libres. Je les bougèrent dans tous les sens afin de les dégourdir. Finalement, je pris le canif, écartai les jambes et coupais vivement les liens qui attachaient mes jambes. Toujours préoccupé par sa réflexion, j'adhérais.

- Pas faux. Je trouve ça aussi très étrange, il cherchent quelque chose, mais quoi ?

Je libérais enfin mes jambes, puis je m'assis en face de lui, accroupis. Il était vraiment bien attaché, et je commençais à approcher mon couteau.

— À moins que vous vendiez autre chose que du cassoulet en pot, là-derrière…

D'un mouvement inconscient et énervé, je sursautais. Le couteau perça légèrement la joue de Seth, qui fit gicler quelques gouttes de sang. Mais je ne culpabilisais pas. Qu'est-ce qu'il insinuait ? Depuis quand on accuse les gens comme ça ? Cela m'énervait plus que tout, et fou de rage, le cœur battant, la sueur dégoulinante, je répondis avec tact.

- Qu'est-ce que tu insinues là ? Tu me vois vraiment comme un trafiquant ? Détrompe toi, mec. J'suis pas comme ça, alors t'as pas intérêt de me soupçonner de quoi que ce soit.

Je respirai bruyamment, parlant puissamment. Je n'acceptais pas cela, mais j'avais tort de m'énerver, je l'avais blessé, et je m'en voulais. Je m'approchais, mon corps en face du sien, ligoté, et je posa ma tête en face de la sienne. J'observais ses petits yeux verts et sombres, les plus charmants du monde. Son regard profond toucha férocement mon cœur, qui bondit à l’intérieur de mon corps. Quel beauté, son visage bien fait...mais je me repris en main, et je scrutai la blessure. Je la cicatrisais rapidement, posant mes mains sur sa douce joue chaude, la caressant doucement, pour faire partir le sang. Je me mit enfin à quatre pattes pour détacher ses liens. Mon corps contre le sien, je profitais de son incapacité à pouvoir exprimer un mouvement pour m'approcher corporellement...je levais ma tête des liens, scrutant une nouvelle fois son visage rayonnant, mené par ses minces lèvres coloris d'un rose attirant. Je calmais mes pulsions, et me remis au travail.

— J’dis ça, j’dis rien. Juste que s’ils viennent pour un truc du genre, ils seront plus déterminés que le cambrioleur moyen.

J'étais d'accord. J'avouais mon acquiescement d'un hochement de tête. Il avait raison, et j'étais trop sensible. Je l'avais toujours été. J'étais trop sensible pour m'énerver à chaque fois que l'on m'accusait ou que l'on se payait de ma tête. Le sang chaud dans les veines, je donnais des coups féroces sur les liens avant de les détacher pour de bon. Libre de ses mouvements, je le levai et à présent, nous devions trouver un plan. Le canif à la main, dans le noir complet, je me mis en posture de défense, comme je l'avais bien appris aux cours.

- Exact, il faudrait trouver ces causes et ces sources, pour laquelle ils sont ici. Je connais le magasin depuis quelques années, mais c'est fort possible qu'elle regorge son jardin secret. Je dois absolument en parler à mon boss. Mais tout d'abord, je suggère de les neutraliser. Après, je m'en remets à toi.

Levés, prêts, et déterminés, nous étions préparés à entrer en scène. Si j'arrivais à me concentrer, en m’efforçant à ne pas trop le regarder dans les yeux...


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Message(#) Sujet: Re: Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) EmptySam 20 Juil - 19:41

Dolfi sursauta. Le canif passa sur sa joue. La peau s’ouvrit. Du sang se mit à couler. Le regard de Seth resta fixement posé dans celui du jeune homme. Il aurait pu faire semblant, sans doute. De tressaillir. D’avoir mal. Quelque chose pour donner le change. Pour paraître un peu plus normal. Mais il n’avait jamais été un agent d’infiltration, la comédie n’était pas son rayon et puis, de toute façon, le jeune homme avec lequel il se retrouvait coincé avait sans doute beaucoup plus besoin d’une impassibilité assurée, même si elle pouvait être intimidante, que d’un type normal.

Mais la réponse de Dolfi, elle, lui arracha sans peine une réaction. Seth fronça les sourcils. Ce gamin l’intriguait. Une seconde, il prenait les choses en main ; la suivante, il paraissait prêt à craquer. Seth voulait bien admettre qu’entre sa psychologie reconditionnée par des années d’expérience sur le terrain et celle d’un civil, il y avait une marge considérable, mais malgré tout, il trouvait chez Dolfi quelque chose de… fragile ? Peut-être. Cassé. Bien sûr, les cambrioleurs, c’était assez pour faire paniquer tout jeune homme à peine sorti de l’adolescence. Mais Dolfi ne paniquait pas. C’était autre chose. Plus ancien ?

Sans s’en rendre compte, Seth commençait à trouver la psychologie de son codétenu de fortune infiniment plus intéressante que les possibles manigances d’hypothétiques trafiquants de drogue dans l’arrière-boutique d’une épicerie par ailleurs bien innocente. Avec toutes les déceptions de son existence d’agent, il avait conservé le même instinct protecteur qui l’avait convaincu, des années auparavant, de servir son pays et la fragilité téméraire de Dolfi le touchait droit au cœur. Ce type-là, avec son canif, ses sursauts, c’était sa responsabilité.

Dolfi recouvrait son assurance, au moins en façade, à peu près aussi vite qu’il l’avait perdue, l’espace d’une seconde. Seth se releva en massant ses poignets, pour promener à nouveau un regard scrutateur tout autour de lui. Machinalement, il se mettait à réfléchir comme il en avait eu l’habitude, pendant tout ce temps : trouver des armes de fortune, élaborer un plan, le mettre à exécution et disparaître sans laisser de traces. Ce ne fut qu’en recroisant le regard de Dolfi qu’il se rendit compte, une nouvelle fois, qu’il n’était pas seul dans cette aventure et que, pour une fois, son coéquipier n’était pas un gros bras des services secrets.

Pour la première fois, Seth parut déstabilisé. Il ne savait pas trop quoi dire. Mettre des cambrioleurs hors d’état de nuire, pour ça, il ne se faisait pas trop de soucis. Remonter le moral de Dolfi lui paraissait comparativement une tâche beaucoup plus compliquée. Un peu maladroitement, il murmura :

— Ça va bien s’passer…

Magnifique. Quelle rhétorique. Seth se sentait un peu idiot. Il n’en plongea pas moins les yeux dans ceux du jeune homme et reprit d’un ton plus convaincu :

— Je sais c’que j’fais, et il ne nous arrivera rien.

Avec une petite hésitation, il avait posé une main sur l’épaule de Dolfi, pour appuyer son propos puis, après un sourire presque timide, il l’avait retirée, détourné le regard et reprit son exploration de la pièce. À part eux, le canif, les bouts de corde, il n’y avait que deux ou trois cartons empilés dans un coin et de la poussière. Rien de très réconfortant. Seth fit un signe de tête vers les cartons.

— Voyons voir ce qu’ils nous ont laissé…

Il ouvrit le premier. Pas de bonne surprise : les cambrioleurs ne les avaient pas laissés seuls avec une caisse pleine d’armes potentielles. Ce carton-là était plein de pâtes. Des coquillettes, des nouilles, des spaghettis, mais qui rien qui pût les tirer d’affaire. Seth déposa le carton par terre pour ouvrir le suivant et, quand le contenu apparut, il esquissa un mince sourire de victoire.

— C’est déjà mieux.

Le carton contenait du matériel de mercerie de première nécessité, du genre que l’on trouvait dans le micro-cinquième de rayon concerné dans l’épicerie : des peignes, des aiguilles, des épingles à cheveux, trois paquets d’élastique et du fil à coudre. Pas vraiment de quoi préparer le bal de promotion du siècle, mais suffisant pour les petites urgences domestiques. Et les petites urgences moins domestiques. Seth attrapa un paquet d’épingles à cheveux et jeta un regard à Dolfi.

— Tu fais comme tu veux, mais je serais toi, je rangerais le canif. C’est plus difficile à utiliser que n’importe quoi d’autre. Si tu trouves un objet lourd sur le chemin, ce sera aussi bien. Je sais pas, un tuyau, une boîte de conserve de deux kilos, n’importe quoi.

À moins bien sûr que Dolfi n’eût déjà l’habitude de trancher la carotide des gens avec son canif, mais Seth préférait ne pas imaginer ce genre de choses. L’Américain ouvrit le paquet d’épingles à cheveux, avant d’en sortir deux d’entre elles, de les tordre dans tous les sens et de s’approcher de la porte, pour entreprendre d’en forcer le verrou. Avec ça, sa réputation de client bien comme il faut était définitivement fichue en l’air auprès de Dolfi, mais entre passer pour un type suspect et rester croupir dans cette pièce, le choix était vite fait.

Quelques secondes plus tard, un discret cliquetis indiqua le succès de l’entreprise. Seth rangea son matériel de fortune dans sa poche et jeta un regard à Dolfi, avant de murmurer tout bas.

— On y va…

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Message(#) Sujet: Re: Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) Douze oeufs et des hématomes (Dolfi) EmptyDim 28 Juil - 19:30

Je respirais fortement, toujours agité par l’événement. Je ne réalisais toujours pas, des trafics de drogues dans la réserve ? Ainsi, le boss se foutait de ma gueule ? Je ne supportais pas cette idée, et mon cœur commençait à battre bruyamment. Fragile, je regardais et constatais les expériences de Seth, et j'eus des doutes sur ses compétences physiques. L'homme musculeux avait fait preuve d'agilité lorsque nous étions ligotés. De plus, il analyse l'odeur du produit avec lequel j'ai été endormi et décris le nom de celui-ci. Et le pire, c'est qu'après lui avoir creusé maladroitement la joue avec le couteau, qui lui avait laissé une trace assez profonde, il n'a négligé aucun mouvement. Aucune réaction. Aucun manifestement, aucun geste rebelle. Pourtant, une personne normale aurait exprimé un réflexe, un son, ou une crispation du visage, au moins. Lui, rien. A force d'analyser ses aptitudes, je ne me rendis qu'à un terme. Ce gars, il a fait des années aux services militaires, ou autres. Ça ne pouvait pas être possible autrement. Soudain, lorsque je réalisai que j'étais avec un homme aux compétences de combat développés, et aux tactiques intelligentes, je poussai un long souffle de soulagement.

Que pouvait espérer de plus un mec de dix-neuf ans, pris d'assaut de sa pauvre boutique sous influence de trafic de drogue ? Je me détendis rapidement, sachant avec quelle compagnie j'étais. Mais soudain, je me remémorais ces années épouvantables, cette enfance horrible. Cette période traumatisante qui perturbait encore mon cœur. Cette crevasse dans mon cœur qui m'affaiblit, même en dessous de ces muscles d'aciers. J'angoissais. Je ne voulais pas revivre cela, non, jamais. Je ne laisserai pas ces crapules me martyriser. Et tout à coup, je ressentis la pire émotion que je pouvais connaître. La pire sensation qui m'enveloppait lorsque j'angoissais. Cette sensation, que je détestais au plus haut point.

La peur.

J'avais peur. Peur de revivre ce malheur. Peur de ne rien pouvoir faire, de ne rien pouvoir protéger. Je me sentis si petit, si bas, si pauvre. Je me représentais comme un moins que rien, et je culpabilisais. Pourquoi j'étais venu à White Oak Station ? Pourquoi j'ai fuit mes parents ? Pourquoi changer de vie pour...ce résultat ? Je partis dans un délire total, et je respirais de plus en plus mal. Essoufflé, je posais une main à terre. Je n'allais pas bien. Je m'étais mis d'en un état vraiment pitoyable, et ma tension avait chuté beaucoup trop bas. Les sueurs caressaient mon front, mes yeux rougirent, ma peau se crispa, j'étais mal. Une crise d'angoisse s'empara de moi, et ma tête chauffa. J'avais l'impression que je brûlais à l'intérieur de moi, et que j'allais exploser. Mais s'était ainsi. J’étais la souris, dans la gueule du chat. La souris, qui a beau avoir couru, qui s’était fait rattrapé par le mal.

Seth préparait des plans ingénieux, et j'étais là à m'enfouir dans un sombre chaos. Un chaos total et obscur, qui m'enfonçait petit à petit dans la déception. Mon passé, ma tristesse et ma culpabilité reprit le dessus.  Je sursautais.

— Ça va bien s’passer…

Ah ? Je tournai doucement la tête et plongeai mes yeux bleus aciers dans ceux de Seth. Je me levais doucement, pour rendre un minimum de dignité à mon ego.  

— Je sais c’que j’fais, et il ne nous arrivera rien.

Il avait vu que j’angoissais. Sa lourde main se posa sur mon épaule, me rassurant pleinement. Je respirais correctement, et il me calma avec un sourire incomparable. Un sourire complice, et protecteur. Je n'avais pas envie de jouer au petit oiseau dans les ailes de sa maman, mais j'avouais que sa présence et ses gestes me calmèrent rapidement. J’esquissais un sourire, apaisé par son intention. C'était vraiment quelqu'un de bien. Je me repris en main, soulagé. Je devais avoir confiance en moi. Déterminé plus que jamais, les yeux flamboyant, les poings serrés, je levais la tête. Je ne pus lui répondre qu'un mince mot.

- Oui.

Il mit à plat son plan, et droit, je me concentrais.

— Voyons voir ce qu’ils nous ont laissé…

Le militaire réveilla son sens de survie. Il avait ouvert les cartons de la réserve, et moi je me mis en position de défense, le canif à la main. Je me cachais derrière la porte, protégeant les arrières de Seth. Les sourcils froncés, j'écoutais attentivement ce qu'il se tramait derrière la porte. Je retenais ma respiration, fermais les yeux et me concentrai sur les bruits. Des bruits de pas, des phrases dont je n'entendais que la moitié des mots, car ils parlaient trop vite. Je n'entendis rien d'autres. Je jetai un coup d’œil derrière, voyant Seth ouvrir un nouveau carton.

— C’est déjà mieux.

Seth avait trouvé un sac remplit de des peignes, d'épingles à cheveux, des paquets d’élastique et du fil à coudre, je fis la moue. Je ne comptais pas vraiment me battre avec ce genre d'accessoires, mais si Seth voulait utiliser cela pour "arme", je ne voyais pas où était le problème. C'était lui, le chef, le militaire, après tout. Je gardais le canif en main, décidé à ne pas partagé ses pauvres jouets.

- Euh, désolé, mais je ne compte pas vraiment me défendre avec ce genre de trucs...tu peux ouvrir la porte, avec ça. Je connais l'épicerie comme ma poche, je sais où je pourrais me procurer ce dont j'aurais besoin.

J'avalais ma salive, mémorisant où étaient les bouteilles d'alcools les plus lourdes. C'est vrai, tout de même. Ça parait peut-être ridicule, mais je n’allais pas me battre avec le saucisson "Justin Bridou" du rayon en face de la porte. Je n'allais pas aller n'importe où, je devais organiser ça.

— Tu fais comme tu veux, mais je serais toi, je rangerais le canif. C’est plus difficile à utiliser que n’importe quoi d’autre. Si tu trouves un objet lourd sur le chemin, ce sera aussi bien. Je sais pas, un tuyau, une boîte de conserve de deux kilos, n’importe quoi.

Ah, il n'était pas bête. Si je manipulais mal l'arme, il y avait de fortes chances pour que je me face neutraliser. Je le rangeai à la place de ma poitrine, me préparant.

- Ouai, pas con. Je connais bien le magasin, je sais où trouver des objets lourds, ou des trucs utiles.

Toujours d’un regard admiratif, je regardais Seth qui s’approchait pour déverrouiller la porte. J’avais des étoiles dans les yeux. Ses manières me donnaient envie. Envie d’être pareil, d’être aussi utile, aussi parfait. Après, ce n’était qu’un sentiment d’inutilité et d’admiration envers lui, mais je l’enviais quand même suffisamment pour le regarder d’en bas. D’un geste simple, il ouvra la porte, et l’action commença. J’étais prêt. Dolfi n’allait plus être faible. Dolfi allait se reprendre en main, et je ne comptais pas faire ressortir mon passé pour me mettre dans un état horrible. J’étais solide et tenace.

— On y va…

Ouai, on y va. Je poussais délicatement la porte pour qu’elle ne lâche pas d’effrayant bruit aigu susceptible de dévoiler notre évasion. La gorge sèche, la goute de sueur dégoulinante sur mon front, j’avançai tout doucement sous les néons éblouissants, tournant à gauche pour me frayer un passage. Je me cachais derrière un coin, regardant et scrutant quelconque signe des voleurs.

- R.A.S.

Je me croyais dans un film d’action, mais j’avais raison de prendre ce genre de précaution, car à la moindre erreur, ma vie partait en fumée. Et celle de Seth aussi. Nous avançâmes tout doucement, moi devant. Je tournais à droite pour me diriger vers les bouteilles d’alcools et prit deux bonnes grosses bouteilles de Rhum. Armé comme un ninja alcoolique, j’attendais les ordres de Seth. Je me retournais, lui scrutant ses beaux yeux gris verts.  D’un regard concentré et calme, j’avançais en rebroussant chemin. Je regardais à l’angle du rayon et mon sang ne fit qu’un tour. Je vis un grand homme couvert de vêtements noirs, je ne savais pas ce qu’il faisait. Coup de chance, il était de dos. De mes mains habiles, je rangeai une des bouteilles de Rhum dans mon manteau et avança à pas feutrés derrière le dos du voleur, accroupi. Moi aussi je voulais montrer mes aptitudes physiques à Seth, moi aussi je voulais impressionner, un  peu. J’approchais mes mains et d’un geste vif, je plaquais ma main gauche sur sa bouche, me baissai pour soulever son corps et le plaquer à terre, tête la première. Constatant qu’il ne bougeait plus vraiment, assommé, j’esquissais un sourire de victoire, et l’emportai dans la réserve, dans le noir. Je l’enfermai sous l’emprise des liens qui a servit à Seth et moi de ne pas pouvoir bouger, et reprit la route.  

- Bon, j’ai ce que je voulais, tu connais bien le magasin, toi qui vient si souvent. Je suis tes ordres.

Toujours concentré, j’espérais avoir impressionné le  grand beau militaire. Montrant mes aptitudes physiques, je voulais montrer que la souris était libre. Que la souris ne restera pas dans la gueule du chat. Que cette souris avait des chances, elle aussi.

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