~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
J'avais une vie de collégienne tout à fait banale. Pas populaire ni solitaire, je me contentais d'aller en cours et d'étudier pour mon propre compte. J'avais pas franchement la côte et je ne m'en plaignais pas. Les gens ne s'approchaient pas trop de moi, j'avais juste une amie avec qui on ne se quittait jamais. C'est elle qui m'a fait remarqué que mon comportement était devenu "étrange". Enfin bref. Niveau scolarité, j'étais pas vraiment une lumière. J'étais pas douée pour les maths ni toutes les branches scientifiques de manière générale mais j'adorais tout ce qui se rapportait à l'art. Ca me permettait d'être comme je voulais et de laisser parler ma sensibilité.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
J'ai pas forcément la vie dont je rêvais mais je ne suis pas à plaindre non plus. Je me soigne et je suis presque en bonne santé, j'ai une petite fille adorable que j'aime plus que tout. Tout ce qu'il me manque serait un peu d'affection. De me sentir aimée malgré ma personnalité et ma vie de jeune maman.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Mon futur est très incertain. Est-ce que je serais toujour malade? J'espère que non. En tout cas, j'ai décidé de faire en sorte que mon trouble s'envole très prochainement. Est-ce que je serais mariée à un homme qui me respecte et qui aime ma fille autant que moi? Je l'espère! Malheureusement ce genre de personnes ne courent pas les rues. Ce que je suis sûre par contre, c'est que je serais toujours maman, que ma petite Solange sera presque adolescente et que son papa biologique fera tout pour l'empêcher d'approcher les hommes de trop près.

« Bien mademoiselle Caldwell, parlez moi un peu de vous... » Je prends une profonde inspiration, mes mains serrant mes genoux comme si j'avais peur qu'ils s'envolent. Alors que clairement, il n'y a aucun risque à ce niveau là. J'ai quelques soucis mentaux mais tout de même... « Eh bien... Il n'y a rien d'extraordinaire à dire, je suis née à White Oak Station et je n'ai jamais quitté cette ville. Mon père gère une entreprise de montre et m'a toujours couvé étant donné que je suis sa seule fille. Maman a mis les voiles avec un marin... » Quelle ironie! « ... et donc j'ai surtout été élevée par mon père. » Un silence s'installe alors que le grattement du stylo du médecin sur sa feuille me donne la chaire de poule. J'ai de la peine à croire ce que je suis en train de faire... « Vous avez vingt deux ans et n'avez jamais envisagé de reprendre vos études? » Ca va être des questions comme ça tout du long de l'entretient? Si oui, autant directement sauter d'un pont. « A vrai dire, j'ai envie de vivre de ma passion. Je danse depuis l'âge de dix ans et comme je ne supporte pas de rester assise sur une chaise face à un professeur, j'ai décidé de travailler au studio de danse. Je donne quelques cours même si mon activité principale reste de participer à des concours et autre galas de danse. » « La danse c'est quelque chose qui vous aide à vous sentir mieux? » Je hoche la tête positivement. « Oui tout à fait. Ca me permets d'être moi même. On ne juge pas et j'ai pas l'impression d'être différente une fois sur le parquet. » Le docteur Sullivan continue d'écrire sur sa feuille alors que je me tortille de plus en plus les doigts. Un coup d'oeil à l'horloge me permets de savoir que ça fait presque quarante cinq minutes que je suis ici et que je vais bientôt devoir aller chercher Solange chez sa nounou. « Vous avez quelqu'un dans votre vie? Un fiancée? Un petit ami? » Je lâche un petit rire ironique. « Vous savez, les hommes ne se précipitent pas devant ma porte. Je vis avec le père de ma fille mais il n'y a plus rien entre nous. Il va me falloir beaucoup de temps pour trouver un homme qui veuille bien de moi malgré ma maladie et Solange. » Même si je le dis avec un certain sarcasme, j'ai le coeur serré. J'ai toujours pensé que Lennon était l'homme de ma vie. Après tout, nous avons eue Solange ensembles mais finalement... A part être le père de ma fille, il n'est plus l'homme que je pensais. « Quand constatez vous vos crises? » Je baisse un peu le regard, réfléchissant à cette question. J'ai envie de lui dire "tout le temps" mais ça serait faux parce qu'il y a quand même des moments où je me sens tout à fait moi même. « C'est surtout quand quelque chose me contrarie. Ou quand je suis jalouse. Quand je vois Lennon avec son nouveau petit ami et que j'ai l'impression d'être mise à part alors que c'est pas forcément le cas. » « C'est lui qui vous a demandé de suivre un traitement pour votre bi-polarité? » « Non. C'est ma meilleure amie. » « Mais vous êtes motivée et vous vous sentez bien dans votre tête à l'idée de suivre ce traitement pour gérer vos crises d'angoisse? » Je hoche simplement la tête. C'est encore trop dur de le dire à haute voix. Je vais prendre un traitement médicamental et voir un psychologue chaque semaine pour être mieux dans ma tête et dans mes baskets. « Je veux le faire pour moi et pour Solange. » Et pour Lennon, car même si nous ne sommes plus vraiment un couple, on vit ensembles et je ne veux pas qu'il doive continuer à subir mes crises à tout bout de champs. « Très bien. Voici l'ordonnance pour vos médicaments et votre premier rendez vous avec le psychologue vendredi. » « Merci docteur... » Je me lève avec cette impression que mes jambes sont en joghurt.