Trois semaines avaient passées depuis les quelques heures que j’avais passé en compagnie de Jules, un très bon ami à moi. Nous avions bu un verre en terrasse, alors qu’il faisait encore beau. Depuis, le temps s’était dégrader. L’hiver commençait à s’installer et il faisait froid. J’avais attrapé un vilain rhume, pour autant, il était hors de question que je ferme ma boutique, et malgré mon nez rouge et bouffie, malgré les kilos de kleenex, j’avais tout de même tenu à travailler, ce qui avait dit à mon père que j’étais folle. Oui, folle, je l’étais sans doute, compte tenu de ce que m’apprêtais à faire. Papa était persuadé que Nate, mon petit ami ou ex petit ami, peu importe, était décédé dans un accident de moto. Sauf que je n’en avais jamais rien su. Hors, si tel était le cas, je serais forcément au courant, puisque ça faisait presque huit années qu’on se fréquentait tous les deux. Lorsque j’en avais parler avec mon ami, il avait approuvé mes paroles, néanmoins, je lui avais fait part de mon envie d’en avoir le cœur net et de me rendre au cimetière de la ville. Jules avait accepté, mais entre mon vilain rhume et ces entraînements de basket qui avaient repris, nous n’y étions pas aller de suite. La veille, il m’avait contacté pour me poser de nous y rendre aujourd’hui. J’avais failli changé d’avis, par peur de ce que j’allais découvrir, mais puisque je n’avais jamais rien lâché pour ma boutique, je devais me montrer courageuse et affronter ce moment. De toute manière, je savais que mon père avait tort. J’en avais l’intime conviction. Bref, c’est en avance que je suis arrivée, Jules n’était pas encore là. J’allais l’attendre devant les grilles, mais j’en avais pour un moment, puisque je lui avais dit que je serais là pour onze heures et qu’il était tout juste 10h15. La nervosité était-là et je ne pouvais plus attendre chez moi.

C’est vêtu d’un jean et d’un sweet-shirt un peu trop grand pour moi, car il appartient à Nate. Oui, appartient, parce que malgré que j’aille dans le cimetière de la ville histoire d’en avoir le cœur, concernant sa soi-disant mort, je n’y crois toujours pas. Pour moi, il est toujours vivant. Après, pourquoi est-ce que je porte ce truc étant donné ce qu’il m’a fait, je dirais que je n’en sais rien. J’ai attrapé les premières sapes qui me sont tombées sous la main, puis ça fait un sacré bout de temps que j’ai ce vêtement dans mon dressing, on peut dire qu’aujourd’hui, il m’appartient. J’ai noué mes cheveux en queue de cheval, et je me suis légèrement maquillée, comme à mon habitude. Je ne suis pas du genre à en faire trop. Puis, de toute manière, ça ne sert à rien, je suis pas si moche. C’est donc avec beaucoup d’avance que je suis arrivée au cimetière, toujours juchée sur mon vélo, mais sans dérapage cette fois. Pas envie, puis le lieu ne se prête pas à ce genre de conneries. Enfin bref, je laisse mon vélo contre le mur, puis en attendant que mon ami arrive, je commence à faire les cents pas. Dans un sens, puis dans l’autre et je recommence. J’essaye de penser à ce que pourrait être ma réaction, si jamais ne je venais à découvrir que mon père avait raison. Je serais triste, bien évidemment, après tout, je l’aimais et je l’aime encore. En colère aussi, parce que j’estime qu’on aurait dû me le dire et je ne parle pas de mon père, mais de la famille de Nate. Oui, je serais en colère, furieuse et tout ce que vous voulez et ça, ce n’est pas bon, car quand je m’énerve, quand j’explose, je frise l’hystérie. Enfin, je culpabiliserais. En effet, depuis notre dispute, depuis qu’il est parti sans laisser de nouvelles, depuis qu’il disparut, je lui en veux horriblement. S’il est véritablement mort, alors je m’en voudrais de lui en avoir voulu. Mais bon, je ne sais pas si mon père à raison ou à tort, alors ça ne sert à rien d’imaginer quelle pourrait être ma réaction. Je reprends donc mes cents pas et finalement, au bout d’un certain, j’entends un bruit de moteur. Un bruit de moteur que je reconnais bien. Jules vient d’arriver. A croire qu’il savait que j’arriverais avec beaucoup d’avance. Il se gare, puis sort de son véhicule et vient me prendre dans ses bras. Je le serre fort, ça me réconforte. « Oui, je … je n’étais pas capable d’attendre chez moi. » avouais-je, avec un soupire. Je restais immobile. C’était le moment, je le savais, mais je n’osais pas. J’avais peur de ce que j’allais trouver.

Depuis que je suis arrivée devant le cimetière et que j’attends mon ami, j’ai mille fois voulu faire demi-tour et me tirée de là ! Mais, j’ai su montré, par le passé, que j’étais quelqu’un de courageux, que j’étais quelqu’un qui ne lâchait pas l’affaire au moindre obstacle. Je suis forte et si j’ai très bien su gérer les gens qui me disaient perdante par rapport à ma boutique, si j’ai su surmonter tous les obstacles en travers de mon chemin pour réussir, alors je réussirais à surmonter cet obstacle là aussi. Je n’avais pas rien à perdre, je jouais à quitte ou double aujourd’hui. Autant mon père pouvait avoir tort et à ce moment-là, ça voudra dire que Nate m’a bel et bien laissé tomber et qu’il ne reviendra pas, autant il peut avoir raison et là, je ne saurais pas quoi faire. A coup sûr, je ferais un nouveau séjour à l’hôpital pour me remettre de mes émotions. J’étais peut-être courageuse et forte en ce qui concerne mes ambitions, je n’étais pas forte en ce point-là, mes émotions, j’arrivais pas à les gérer. Enfin, je n’en étais pas là. Je laissais Jules me sérer contre lui, je n’avais pas eu ce genre d’étreintes depuis un moment et j’en avais bien besoin. Nous restâmes comme ça un petit moment jusqu’à ce qu’il me demande si j’étais à y aller, à me rendre dans le cimetière, ou si je voulais attendre encore un petit peu au dehors. Je restais silencieuse quelques minutes ou quelques secondes, je ne sais pas exactement avant de prendre enfin la parole. « Allons-y tout de suite ! Plus vite ça sera fait, mieux ça sera ! » je réponds, avec un léger sourire. J’avais hâte d’en avoir le cœur net et quoique je découvre en entrant dans le cimetière, tout sera terminé lorsque j’en sortirais. Donc oui, valait mieux le faire tout de suite. Je me dégageais doucement de ses bras, il m’avait limite chatouillé en m’embrassant dans le coup. Le vent m’envoya les cheveux dans la figure, ils étaient si fins que malgré le fait qu’ils soient attachés, ils voletaient autour de moi. Pénible. Mais Jules le savait, hors de question que je les fasse couper plus de trois centimètres. J’attrapais tout de même sa main, car j’avais du mal à tenir debout et puis, c’était une marque d’affection. J’étais contente qu’il soit avec moi en ce moment plutôt pénible. Bien sûr, j’aurais pu venir au cimetière avec mon père, mais je ne sais pas, je ne pense pas que c’était une bonne idée. Je crois qu’il n’a jamais beaucoup apprécier mon copain, c’est l’impression que j’ai depuis qu’il s’obstine et persiste à me dire qu’il est mort.

Je voyais bien que Jules avait accepté de venir uniquement pour ne pas que je sois seule pour affronter tout ça et je ne l’en remercierais jamais assez. Mais je me doutais qu’il préférerait être n’importe où ailleurs, plutôt qu’ici et je le comprenais parfaitement, car moi aussi, je me demandais ce que je foutais-là. Il devait très certainement penser à sa femme, ce qui était compréhensible. Je savais qu’elle était enterrée ici, bien qu’il n’en parlât jamais, j’évitais également de le questionner. Je n’aime pas insister quand je vois que les gens n’ont pas envie d’aborder le sujet. Après être resté plusieurs minutes, blottie dans ses bras, pour un peu de réconfort, j’en avais besoin. J’ai estimé qu’il était temps d’y aller et d’en finir une bonne fois pour toute avec mes doutes. C’est en serrant sa main dans la mienne, que je suis entrée dans le cimetière. Là encore, j’avais besoin de m’accrocher fermement à quelqu’un, parce que mes jambes avaient du mal à me porter. Je commençais à me dire que j’avais eu tort de venir jusqu’ici, que ce n’était pas une bonne idée. Mais que pouvais-je faire d’autres ? Surtout si mon père avait raison … Après avoir passé les grilles enfer forgée ; ça fait limite l’entrée d’un manoir hantée comme dans les films d’horreur, j’en avais des frissons ; Jules me demanda de lui redire comment il s’appelait. Le tout, en prenant garde de ne pas parler au passé, car jusqu’à preuve du contraire, Nate était toujours bien vivant. « Nate ! » dis-je, bien vite. « Enfin, Nate, c’est son surnom. Il s’appelle Nathaniel. Nathaniel Roberts. » dis-je, la gorge sèche. Je m’arrêtais de marché, cherchant par où commencer, car le cimetière se divisait en plusieurs allées. C’était la première fois que j’y mettais les pieds. Officiellement, je n’avais jamais perdu de proches. Ma mère était toujours considérée comme portée disparu, mais pas morte, et si Nate était bien là, je n’avais pas été prévenue. C’est pour cette raison que je persistais à ne pas croire mon père. « On prend à gauche ! » dis-je, d’une voix mal assurée. Disant cela, je pris la direction de la droite, signe que je n’étais vraiment pas dans mon état normal.

C’était la première fois que je mettais les pieds dans un cimetière et malgré mes réticences, je ne pouvais m’empêcher de regarder autour de moi. Les lieux étaient à la fois tristes et beaux. C’était étrange de mettre ces deux mots dans une même phrase, mais c’était pourtant la vérité. Les tombes n’étaient pas toutes alignées, comme dans le milieu militaire, certaines étaient abîmées par les ans, par le temps, d’autres étaient immaculées. Mais toutes avaient au moins un bouquet de fleurs et se sont toutes ces couleurs qui donnaient de la beauté au lieu, du beau, là où on ne trouve que du triste. Néanmoins, ma nervosité était telle que je tournais à droite alors que j’avais parlé de gauche. Bien sûr, cela n’échapper pas à mon ami, qui me dit aussitôt de me détendre, que tout ira bien. « Je sais bien ! » lui dis-, avec un autre sourire. Oui, en effet, tout ira bien, je n’ai pas de problème de santé, je vais bien et quel que soit l’issue de cette visite, tout continuera à aller bien. Je serais juste fixée sur les raisons du silence de Nate. Silence que je ne suis plus capable de supporter. Nous regardons les noms, Jules d’un côté, moi de l’autre, et rien. Je devrais m’en réjouir, pourtant, je ne sais plus quoi penser. Je suis nerveuse, je n’aime pas être ici, c’est trop … silencieux. Ce silence m’oppresse, c’est comme si j’étais aspirée par les entrailles de la Terre et j’ai horreur de ça. Après quelques minutes, je me fige en voyant un nom et mon visage blêmie. Je lâche un couinement de souris, suivit d’un long soupir de soulagement. Robertson. Le nom que j’ai vu, c’est Robertson, pas Roberts. « Je crois qu’on perd notre temps. Il n’est pas là. » je dis, soudain. C’est étrange de parler ici, ça fait comme un écho. Je n’aime pas ça, j’ai l’impression d’être l’héroïne d’un mauvais film d’horreur.