Biddy commençait à paniquer parce que, malgré son insistance, Maxine ne semblait vraiment rien savoir sur cette étrange histoire. Comment allait-elle faire, alors ? Elle revenait au point de départ, sans aucune échappatoire. C’était égoïste de vouloir autant impliquer sa collègue, mais elle aurait tout fait pour ne pas être seule à porter ce poids. Et puis, si elle répondit tout d’abord par la négative à l’évocation de Gayle, Maxine revint bientôt sur ses mots. Il s’avérait que son cousin s’appelait Gayle… et l’espoir se lut dans les pupilles de Biddy. Ce n’était probablement rien, aussi bien ce n’était qu’une coïncidence – mais la coïncidence était trop grande pour que « son » Gayle soit le même que celui de Maxine. Biddy secoua la tête aux différentes questions de la blonde. « Je n’en sais rien. Pas à ma connaissance, en tout cas. » Mais il pouvait tout aussi bien se balader dans les rues de White Oak Station sans qu’elle ne le sache. Cela faisait plus de cinq ans qu’elle ne l’avait pas vu, et il était probable qu’elle ne sache même pas le reconnaître. « Pfff, c’est une longue histoire, » conclut Biddy, heureuse d’avoir enfin quelqu’un à qui en parler. Elle regarda sa montre et s’alarma de l’heure qui s’y affichait. « Mince, on est censé avoir pris depuis deux minutes. Désolée, vraiment. Et désolée de la façon dont je t’ai abordée. Tu aurais le temps en fin d’après-midi, pour que je t’explique ? » Parce que ce n’était clairement pas quelque chose qu’elle pouvait balancer en trente secondes, ni même à travers la salle pendant qu’elles mettaient le couvert. Et puis, cela lui permettrait de bien réfléchir à ce qu’elle allait lui dire. Peut-être fallait-il qu’elle n’en dise pas trop, pour se protéger d’une part, et pour que Maxine ne la prenne pas pour une folle d’autre part.

C’est un peu plus rassuré qu’elle ne l’était en arrivant au boulot que Biddy se rendit en salle pour préparer les derniers détails avant l’arrivée des clients. Maxine avait accepté de lui consacrer un peu de son temps à la fin de leur service pour qu’elle lui explique l’histoire, et rien que de savoir qu’elle allait pouvoir partager cette folie avec quelqu’un la soulageait d’un poids. Le service se passa plutôt tranquillement et Biddy se débrouilla à merveille pour cacher ses émotions, comme elle savait si bien le faire. Il ne fallait surtout pas que les clients pâtissent de ses propres problèmes, elle en était bien consciente. Elle les accueillit et les servit donc avec le sourire, rassurant de ce même sourire sa collègue quand elle regardait dans sa direction. Tout allait bien – du moins, pour le moment. Sa vie n’était pas en danger et elle voulait croire que celle de sa petite sœur ne l’était pas encore non plus. Le service ne s’éternisa pas trop et le ménage fut rapide à faire, mais malgré tout Biddy était contente que ce soit terminé. Elle ôta sa tenue de serveuse dans le vestiaire et la troqua contre ses habits, avant de se tourner vers Maxine. « Toujours partante pour un café, alors ? » Elle n’avait peut-être plus tellement envie, finalement, et elle ne pourrait pas lui en vouloir. « On peut aller à celui d’en face si tu veux, je n’en aurais pas pour longtemps, » ajouta-t-elle quand même, si cela pouvait la convaincre. « Ou en parler rapidement ici. » Elle appuyait le fait que ce ne serait pas long, mais elle n’en était en réalité pas si sûre. Le résumé de la situation serait forcément court, puisque c’était le principe d’un résumé, mais Maxine aurait sûrement des questions ; et y répondre prendre bien évidemment plus de temps.