ONCE UPON A TIME
   « Mieux vaut vivre avec des remords qu'avec des regrets. »

« Cette petite, elle sera avocate, comme ses grands-parents ou alors médecin, comme sa maman ! » disait mon grand-père, avec une fierté non dissimulée. Cette phrase, j’ai dû l’entendre une bonne centaine de fois lorsque j'étais enfant. La toute première fois, j’avais tout juste sept ans et je me souviens très bien avoir répondu que je voulais être cuisinière, comme mon papa. Ce qui, je dois bien l’avouer, avait jeter un froid autour de la tablée. Et pour cause. Ils n’ont jamais accepté que leur fils unique, mon père, devienne chef cuisinier. Pour eux, ce n’était pas une profession digne de ce nom, il aurait dû être avocat, comme eux. Fâcher avec ses parents depuis le jour où il leur annonce vouloir intégrer une grande école de cuisine, il a repris contact avec eux juste une fois, une fois seulement, pour leur annoncer son mariage. Loin de se réjouir, mes grands-parents ont aussitôt demandé ce qu’elle faisait dans la vie, en ironisant sur le fait qu’elle était sans doute qu’une vulgaire serveuse. Cela n’a pas plus à mon père alors il leur a cloué en prétendant que son épouse était médecin. C’est loin d’être le cas, maman est sagefemme ; enfin était plutôt. Deux années après le mariage, c’est maman qui a pris le téléphone pour annoncer ma naissance. Suite à cette nouvelle, mes grands-parents ont souhaité renouer un lien avec leur fils, mais il a refusé. La seule chose qu’ils ont pu obtenir fut celle de me garder lors des congés scolaires. Ils voyaient en moi celle qui redonnerait au nom des McGuire sa valeur d’autrefois. Ils voyaient déjà une plaque dorée avec mon nom dessus, suivit de l’inscription, avocate. Alors, forcément, quand ce jour-là, j’ai indiqué vouloir suivre les traces de mon père, ils ont été choqués, avant d’ajouter que ce n’était là que les divagations d’une petite fille et que bien vite, je m’apercevrai que « cuisiner » n’était pas un vrai métier. Bien sûr, ce n’est jamais arrivé.

Après le collège, j’ai suivi une filière professionnelle au lycée afin de passer un baccalauréat professionnel en hôtellerie-restauration. J’étais l’une des meilleures élèves de ma promotion, ce qui m’assurait une place dans la même école que mon père. Je savais déjà vers quelle branche me tourner : la pâtisserie. Et pas n’importe quelle pâtisserie, la pâtisserie canine. De cette façon, je liais mes deux passions : les chiens et la cuisine. Évidemment, mes grands-parents n’ont pas accepté mon choix, je ne les ai d’ailleurs jamais revus depuis mon entrée au lycée. J’ai bien tenté de les contacter à plusieurs reprises, sans succès. Ils ne cachent pas leur déception et je trouve ça injuste, comme mon père, je suis libre de faire la profession de mon choix et ils n’ont pas leur mot à dire, c’est moi que ça regarde et moi seule. Évidemment, mon idée de boulangerie pour chiens a fait dressé les cheveux sur la tête de mon père et de mes professeurs, mais je savais que j’étais capable de réaliser mon rêve, tout comme mon père avait réalisé le sien.

Je suis sortie diplômé de l’école il y a deux ans et de suite, j’ai voulu me lancer dans la recherche du local idéal pour mon entreprise. Malheureusement, les choses ne se sont pas déroulées comme je l’avais prévu. Deux évènements sont venus bouleverser mon quotidien. Tout d’abord, la disparition de ma mère. Un Alzheimer précoce avait été diagnostiqué. C’est rare, mais il arrive que ça touche des personnes jeunes, mon père fut bien obligé de la placer dans une institution car avec son travail, il ne pouvait pas veilleur sur elle comme il le voulait. C’était donc mieux pour elle. Sauf que moins d’un mois après son arrivée au centre, elle s’est enfui. Les nombreuses recherches pour la retrouver sont restées vaines, et aujourd’hui, presque deux années après, nous ne savons toujours pas si elle est toujours en vie quelque part. Peu de temps après « la fugue » de ma mère, Nate, le garçon avec qui je sortais depuis mes seize ans, m’a laissés tomber. Comme ça, sans aucune explication. Enfin si. Car en vérité, il ne m’a pas quitté, il est mort. Un accident de voiture. Il était avec un ami, ils sortaient de boîte de nuit, tous deux étaient complètement saouls. Mon copain un peu moins, alors il a pris le volant. En voulant mettre de la musique pour réveiller son ami qui bavait sur le fauteuil, il a quitté la route des yeux et n’a pas vu la voiture qui arrivait en sens inverse. Nate, son meilleur ami et le conducteur de l’autre voiture sont mort sur le coup. J’ai su la nouvelle dès le lendemain, mais au lieu d’y croire, je suis tombée dans un déni. Depuis, je refuse de croire à sa mort, pour moi, il m’a simplement quitté. Je me suis persuadé que j’ai reçu un vulgaire SMS de sa part pour expliquer la rupture, je dis haut et fort qu’il n’a pas eu le courage de me dire la vérité en face. D’après mon père, j’agis ainsi parce que c’est plus facile. C’est plus facile de le haïr pour m’avoir quitté plutôt que de croire que si je ne revois plus, c’est parce qu’il n’est plus-là. Ces deux évènements mon faite perdre les pédales et j’ai dû être hospitalisé pour me refaire une santé. Je suis resté en hôpital psychiatrique pendant six mois avant de pouvoir reprendre une vie normale.

Une fois dehors, j’ai ouvert ma boutique et je dois dire que celle-ci marche plutôt bien. Si bien que je suis obligée de mettre la main à la pâte en embauchant une ou deux personnes pour m’aider à la confection des gâteaux et aussi à leur vente. Étant donné que je suis un jeune entrepreneur, j’ai décidé de donner la chance à tous et j’ai reçu toutes les personnes m’ayant envoyé leur candidature. Le premier à se présenter à quelques années de plus que moi, il est séduisant, et il ressemble énormément à Nate. Même s’il n’a jamais travaillé dans ce milieu, il se dit prêt à faire n’importe quoi. Ce qui me pousse à l’engager, bon, je l’admets, c’est parce qu’il ressemble à mon ex-petit ami ; malgré les soins que j’ai reçus je suis toujours persuadée qu’il m’a quitté. Au bout de deux semaines, je le regrette. Il est plein de volonté, il vaut bien faire, certes, mais il le fait mal, très mal ! Je passe mon temps à repasser derrière lui pour réparer les dégâts. Il a cassé plusieurs plats, il a verrouillé deux fois la caisse. J’ai dû mettre à la poubelle plusieurs fournées, sans parler de la fois où il s’est débrouillé, je ne sais pas trop comment, à me coinçait la main dans le bureau. Bref, il est gentil, mais ce travail n’est pas pour lui. Lorsque je le convoque dans mon bureau pour le lui dire, il ne le prend pas mal, il me remercie d’avoir accepté de lui donner une chance et avant de quitter la boutique, il me laisse son numéro de téléphone. Choquée, je suis d’abord tentée de le mettre à la poubelle, mais je ne sais pas pourquoi, je le conserve, tout en sachant parfaitement que je ne l’appellerais pas, s’il ressemble autant à Nate, il doit forcément être un sale con, trop lâche pour dire la vérité en face. Le numéro finit par être oublié sous une pile de papiers.

Quelques mois plus tard, je le rencontre à nouveau, dans le centre-ville, alors qu’il déguste une pâtisserie. La première chose qu’il me demande c’est pourquoi je ne l’ai pas contacté. Je fais mine de ne pas comprendre, d’être pressée et je prends la fuite. La vérité, c’est qu’après Nate, je ne suis pas prête à refaire confiance à un garçon, et surtout pas à un garçon qui lui ressemble trait pour trait. Je suis peut-être guérie de mon chagrin d’amour, je sais que la blessure est toujours là et je ne veux pas la rouvrir.

oh, une nouvelle nina.
bienvenue parmi nous, et bon courage pour ta fiche. j'ai hâte d'en savoir plus sur ton personnage.