RIEN N'EST IMPOSSIBLE
citationUn bourgeon du printemps, voilà comment la mère d'Aubrey la surnommait. Elle était l'enfant miracle que ses parents n'attendaient plus. Après plusieurs FIV et de nombreuses fausses couches, la petite fille pointa le bout de son nez au début du printemps et fit la joie de ses parents. Cette enfant tant désirée fut gâtée plus qu'elle ne l'aurait dû. C'était la petite princesse de la maison et rien n'était trop cher ou trop beau pour elle. C'est donc dans l'opulence que la petite Aubrey a grandi, ayant déjà une carrière toute tracée. Son père, un artiste connu a lancé un label il y a quelques années et voyait déjà Aubrey à la tête de celui-ci quand il aura pris sa retraite.
Mais ce petit bourgeon n'aimait pas cette vie sans danger où tout lui tombait dans les mains, ce qu'elle voulait, c'était de l'aventure et ressentir l'adrénaline parcourir son corps. C'est pour cela qu'elle commença à désobéir à ses parents et expérimenter certaines choses, pour ressentir la sensation qu'elle recherchait, cette envie de se lâcher. C'est pour cela que quand elle a vu Tyler chez ses parents au plein milieu de la nuit, qu'elle a décidé d'aller le voir et faire partie de son manège. Aubrey venait de trouver ce qu'elle cherchait depuis longtemps, l'adrénaline. Les vols qu'ils organisaient lui apporter ça, puis elle n'allait pas cacher que le fait de se retrouver avec Tyler ne la dérangeait pas. Elle proclamait qu'ils étaient les Bonnie et Clyde de maintenant. Elle aurait pu continuer longtemps comme ça, du moment que Tyler était à ses côtés et qu'il l'aimait. Sauf qu'un évènement allait changer le cours des choses.
Ils venaient de cambrioler un petit commerce, lui menaçant le commerçant et elle prenant l'argent de la caisse. A travers sa cagoule, elle souriait, ravie de comment la soirée se passait. Ils quittèrent le magasin et montèrent sur la moto de Tyler. La vitesse plaisait à Aubrey, ses cheveux flottaient dans le vent, ce qui lui procurait un sentiment de liberté. Les sirènes de police derrière eux, elle sentit la moto prendre de la vitesse et s'éloigner de ce bruit immonde. La route était glissante et à certains moments, la moto risquait de glisser, par réflexe, elle s'accrocha plus fort à Tyler. Les sirènes avaient disparu, ils avaient atteint leur but. Un petit s'échappa de la bouche d'Aubrey, fière de ce qu'il venait de se passer. Et là, une voiture venait d'apparaître dans leur champ de vision, son rire disparu, il était impossible d'éviter l'impact. La dernière chose que la jeune femme se souvenait, était cette voiture beaucoup trop proche d'eux.
Elle venait de se réveiller après plusieurs semaines dans un coma artificiel. Ses parents ainsi que sa petite sœur était dans la chambre d'hôpital, ses yeux inspectaient la pièce à la recherche de Tyler. Mais rien n'indiquait qu'il était là, puis ses yeux se posèrent sur ses parents, soulagés de la voir ouvrir les yeux depuis longtemps.
"Ma chérie, tu ne peux pas savoir ô combien nous sommes soulagés de voir que tu t'es réveillée" "Où est Tyler ?" Les yeux de sa mère se baissa et son père souffla longuement puis il prit la parole
"Il n'a pas le droit de t'approcher. C'est à cause de lui que tu es dans cet état là et au moment où je te parle, il est en train de croupir en prison" Non, elle ne pouvait pas croire ce que disait son père. Jamais Tyler n'aurait pu lui faire ça, elle l'aimait et lui l'aimait, Bonnie et Clyde jusqu'au bout.
"C'est impossible, je devrais être en prison avec lui. Je dois le retrouver et dire que ce n'était pas de sa faute" Elle essaya de se lever et sortir de son lit, retrouver son premier amour et le protéger. Aubrey voulait tout prendre, les contacts de son père l'aiderait à réduire sa peine et éviter la case prison. Tant bien que mal, elle se releva mais ses jambes n'ont pas suivi le mouvement, ce qui lui arracha un cri de douleur. Ses blessures lui faisaient mal, pour la première fois depuis que ses yeux se sont ouvert, son corps lui faisait sentir à quel point il a été torturé par cet accident. Son regard s'est arrêté sur ses jambes qui ne bougeaient pas, les deux étaient entourées de bandages, l'une avait l'air beaucoup plus endommagée que l'autre. C'était cette jambe qui avait causé le cri de douleur.
"Qu'est-ce qu'il m'est arrivé ?" La dernière chose que la jeune femme se rappelait était s'être enfuie en moto et que la route était glissante, puis le trou noir. Les larmes coulèrent sur ses joues rebondies, elle voyait tous ses rêves brisés et surtout revoir un jour Tyler. Voyant son enfant en détresse, sa mère l'a pris dans ses bras et essaya de la consoler tant bien que mal
"il va payer pour ce qu'il t'a fait mon ange, je te le promets". Depuis ce jour-là, elle n'a plus jamais prononcé son prénom, Bonnie et Clyde n'existait plus.
Six mois, voilà le temps qu'elle a passé dans cet hôpital. Et encore, c'est sans compter les aller-retour pour la rééducation et les consultations pour les problèmes. Elle a mis presque un an pour guérir physiquement, l'envie lui manquait mais voyant ce que ses parents faisaient pour qu'elle aille mieux, elle ne pouvait pas abandonner par égoïsme. C'était sans grande conviction qu'elle et son fauteuil roulant se dirigeait tous les jours dans la salle de rééducation. Le kiné était très gentil et ne lui en demandait pas trop quand Aubrey était dans ses mauvais jours mais la jeune femme ne progressait pas comme elle le devrait. Ce qui voulait dire qu'elle se laissait mourir à petit feux. On avait beau lui proposer diverses activités pour lui remonter le moral, lui proposer des voyages incroyables, mais rien ne lui donnait envie d'aller mieux. Elle se sentait trahie par Tyler, celui qu'elle avait aimé comme jamais elle pouvait aimer quelqu'un. Ses parents l'avaient convaincu que son état était la faute de ce garçon et qu'il l'avait entrainé dans toutes ces aventures juste pour mettre la main sur sa fortune, il ne pouvait pas ressentir quelque chose pour une fille d'une classe sociale supérieure à lui sans y voir ses intérêts. Maintenant, l'amour avait laissé sa place à une haine profonde.
Une autre séance de kiné, elle se ressemblait toutes et les progrès étaient minces. Cela faisait à présent un an que l'accident a eu lieu et Aubrey était toujours dans son fauteuil roulant, décidée à ne pas faire de progrès. Pourtant, aujourd'hui tout allait changer. Un jeune homme entrait dans la pièce avec un dossier dans les bras.
"Où est Sam ?" Le ton froid qu'elle avait utilisé avait pour but de ne pas lancer une discussion avec l'inconnu, elle était juste là pour sa séance, point barre.
"Bonjour. Il sera en retard et m'a chargé de commencer la séance." Ravie de ce changement de dernière minute, Aubrey fit ressentir son mécontentement, ce qui, à la place d'embarrasser le jeune homme, le fit rire légèrement.
"Qu'est-ce que vous trouvez de si drôle ?" "Vous" "Moi ?" Levant un sourcil, elle regarda cet homme de haut en bas, le détaillant.
"Vous pensez être mieux peut être ? Et j'annule la séance, je suis trop fatiguée pour faire quelque chose" Décidée à ne rien faire, elle retourna son fauteuil et pris la route de la sortie. Mais quelque chose l'empêcha d'avancer, retournant la tête, elle vit le jeune homme qui tenait le fauteuil.
"Vous n'allez pas partir comme ça. Sam m'a chargé d'une missions et je dois la faire. Et il m'a prévenu que vous n'étiez pas facile à vivre." Vexée par ce qu'il venait de dire, Aubrey lui lança un regard noir, le défiant de lui faire faire une chose qu'elle ne voulait pas. Mais peine perdue, il réussit à la faire sortir de son fauteuil pour rejoindre les deux barres. Les barres de l'enfer comme elle aimait les appeler. Une torture pour la jeune femme qui souffrait quand elle marchait à l'aide de celles-ci. Chaque séance se terminait tout le temps par terre, mais au fur et à mesure, elle avançait de plusieurs pas, ce qui était en soi un progrès énorme.
"Faites au moins deux exercices et après je vous laisse tranquille" "Arrête de me vouvoyer, j'ai pas encore 80 ans" De mauvaise humeur, elle se dirigea vers les barres et avec son aide, elle atteignit les barres.
"A tout hasard, je m'appelle James" "Aubrey" lâcha-t-elle toujours aussi froidement. Une main sur chaque barre, elle réussit à faire quelques pas avec un peu plus de facilité qu'avant, mais elle tomba au bout de six pas. Un rire nerveux l'a pris et rien ne l'empêchait de rigoler puis elle pleura.
"Eh ce n'est pas grave, tu vas faire mieux la prochaine fois." "J'ai réussi à faire ça au bout d'un an, comment veux-tu que je progresse ?" Il la prit dans ses bras, lui promettant qu'avec lui, elle fera des progrès énorme et qu'il ne la lâcherait pas d'une semelle avant qu'elle réussisse à se tenir correctement sur ses deux jambes.
Il s'est avéré que ce James était en stage pour valider son année et avoir son diplôme de kinésithérapeute. C'est ce qu'il lui a dit pendant l'un des nombreux moments où il a revu la jeune femme. A vrai dire, ils se sont revus plusieurs fois, jusqu'au premier baiser. Pour la première fois depuis l'accident, elle commençait à voir le bout du tunnel, à voir qu'il y avait quelque chose après et qu'une certaine personne lui donnait envie d'aller mieux. Ce n'est que quelques mois après cette première rencontre tumultueuse qu'Aubrey put présenter James comme son petit ami. Nouvelle qui ravit ses parents, ils voyaient en James une personne digne de leur fille et qui ne l'amènerait pas dans le vice. Et chose incroyable, Aubrey a pu enfin se débarrasser de son fauteuil roulant. Cependant, à cause d'un problème à sa jambe gauche, elle devait se déplacer avec une béquille. Au début, la jeune femme l'a très mal pris, pensant pouvoir mettre cette partie de sa vie entre parenthèse, mais heureusement James était là pour la réconforter et lui promettre d'être là pour elle à n'importe quel moment.
Cinq ans après, elle sourit à nouveau et rit aux blagues de James. A-t-elle mis tous ses démons au placard ? Non, elle a toujours du mal à avoir une vie lisse et cherche toujours la petite bête pour pimenter le jeu. A présent, elle travaille au label de son père et croise les doigts pour qu'un jour, elle se retrouve à l'affiche d'un concert complet. Un rêve que son père a jugé d'impossible vu son état, il serait inacceptable de faire monter une éclopée sur scène pour se rendre ridicule. Après une journée intense au boulot, elle rentra dans son fastueux appartement. James n'était pas encore rentrée, profitant d'être seule, la jeune femme se dévêtit et en profita pour voir ce message dans sa boîte vocale. En l'écoutant, son sang se glaça. C'était lui, après cinq ans sans nouvelle il l'appelle disant qu'il vient à peine de sortir de prison et voulant la revoir. Pourquoi ? Pour se faire pardonner et oublier ce qu'il s'était passé ? Impossible, Aubrey était marquée à jamais par cet accident et chacun de ses mouvements le lui rappeler. Ce message la troubla, devait-elle le rappeler et arranger une rencontre ou alors laisser couler et faire comme si elle n'avait jamais rien entendu ? Elle n'a pas eu le temps de réfléchir car la porte d'entrée s'ouvrit et laissa James entrer dans l'appartement.