IT IS NOT THE LENGTH OF LIFE, BUT THE DEPTH.
If you're reading this...Congratulations, you're alive.If that's not something to smile about, then I don't know what is

CHICAGO: « Si il n’améliore pas son comportement alors je serais contraint de prendre les mesures qui s’imposent. » Becker n’écoutait plus. Peut-être parce c’était du déjà-vu. Ce discours, cette scène où son directeur le somme de prendre des mesures on ne peut plus répressives pour que le chahut que sème Becker cesse. Mais Becker n’écoute plus. Il n’a pas peur Becker. Il n’a pas peur de se retrouver sans lycée. Peut-être parce qu’il sait au fond qu’on le virera pas. Sa mère travaillait ici il y a quelques années avant qu’elle meure d’un cancer. Elle était professeure et Becker savait qu’elle était appréciée par le corps enseignant et aussi par le proviseur. Il avait tendance à se dire qu’il était donc intouchable, qu’il ne craignait rien alors il se laissait aller. Dans ses notes, dans son comportement. On lui était redevable disait-il. Il n’ouvrait plus trop ses livres, il ne touchait plus aux dessins, lui qui n’était jamais à court d’imagination. Il s’adonnait de temps en temps à quelques graffitis pour montrer ô combien il détestait le système actuel. Quelques fois, il s’était même fait prendre par des policiers de Chicago qui trainaient par là. Mais Becker s’en fichait aussi. Il se retrouvait avec une amende ou parfois même des travaux d’intérêt généraux mais il s’exécutait sans jamais se remettre en question. Une garde à vue ne l’avait même pas freiné dans ses vieilles habitudes. Il était intouchable, disait-il. A ses amis, à son père, à sa petite-sœur. Il était toujours le petit rigolo qui rendait ses professeurs fous, il était toujours le petit farceur qui faisait des grimaces derrière le dos de ces derniers. Il était toujours le garçon partant pour faire le mur et fumer des joints sur le toit du lycée pendant la nuit. « Tu te vois comment Becker ? Je veux dire genre plus tard ?  » Il était assis avec l’un de ses meilleurs amis à l’époque sur le toit du lycée, les pieds dans le vide, le regard figé sur la ville.  Becker avait regardé son ami et avait rigolé, probablement par réflexe ou bien du fait d’un accès de nervosité. « J’en sais rien, on a le temps. »  Il avait haussé les épaules et avait jeté le mégot de sa cigarette dans le vide et l’observait retomber au sol. « Moi j’pense que je vais arrêter le lycée et j’vais me trouver un taff. Ca sert à rien les études m’disent mes parents ». Becker haussait les épaules. Il ne voulait pas dire que son père attendait de lui qu’il fasse des études. Becker avait peur du ridicule, peur qu’on le montre du doigt après qu'on l'ait acclamé pour ses exploits – ou ses déboires -. Son père le poussait constamment à faire des efforts, pour maman disait-il. Et Becker n’aimait pas ça. « Maman est morte alors qu’est-ce que t’en sais qu’elle attende de moi que je fasse des études hein? » Et Becker finissait toujours par couper court à la conversation, prétextant qu’il avait une pile de devoirs mais finissait toujours par s’échapper de la maison par sa fenêtre. Son père ne prenait plus la peine de lui courir après parce que Becker faisait toujours ce qu’il lui plaisait. Il savait que son fils faisait le mur mais il savait aussi qu’il était incapable de le retenir. Il l’avait fait une fois ; « Qu’est-ce que tu fous Becker ? » Il l’avait poursuivi alors que la pluie se déferlait sur eux et il tentait vainement de lutter contre, en vain. Becker était devant lui et marchait d’un pas déterminé, sans même se retourner et sans daigner répondre. « Et ta sœur, c’est bien pour elle ça ? » Becker pensait à Mara quelques instants. C’était sa petite sœur de trois ans sa cadette. Elle n’avait que treize ans à l’époque mais était bien souvent livrée à elle-même entre un père absent, se tuant à la tâche au boulot pour nourrir sa famille et un grand frère aux abonnés absents, presque prêt à soudoyer sa sœur pour qu’elle ne « cafte pas au père » qu’il était de sortie. Et Becker avait finalement répondu : « T’es là ce soir, c’est bon. C'est pas ma gosse, c'est la tienne. » Il était égoiste Becker mais il aimait à se dire pour se dédouaner que ce n’était pas son rôle à lui de jouer les babysitters. Pourtant Becker, il l’aimait sa sœur. Mal, mais il l’aimait.

WHITE OAK STATION > Les pieds dans le vide, le regard posé sur la ville, une cigarette à la bouche, son cahier de dessins posé sur sa jambe, le stylo mouvant doucement sur celui-ci. Il avait bien changé Becker en quatre ans. Il était passé du petit merdeux à cet élève presque studieux. De chercher à l’adrénaline à l’inspiration sur son vieux cahier de dessin qu’il n’avait plus utilisé depuis qu’il était tombé dans « son vieux délire bizarre » comme le répétait souvent Mara quand elle évoquait cette période. Lui, Becker levait les yeux au ciel, cherchait les pires excuses du monde puis finissait par laisser courir. « Non mais j’étais jeune ; j’étais un petit con c’est tout ; je me cherchais. » qu’il prétextait pour justifier son affront constant face à l’autorité parentale ; son abandon scolaire ; ses bagarres se solvant au commissariat ; son casier judiciaire qui n’était plus très vierge ; cette cicatrice qu’il avait sur le torse quand il s’était pris ce coup de couteau par un vieux fou qui n’avait pas apprécié se faire doubler par Becker et qui avait changé la vie de ce dernier. Il avait perdu beaucoup de sang Becker, il aurait pu probablement mourir s’il n’avait pas été secouru par des jeunes qui trainaient dans la ruelle où était couché Becker, laissé pour mort, la lèvre fêlée, le sang séché sur sa joue. Il avait été emmené à l’hôpital et avait refusé de donner son nom avant de finalement céder, sous la pression de l’infirmière qu’il lui expliquait les frais qu’il allait devoir sortir de sa poche si il ne leur donnait pas ses papiers d’identité. Il se rappellera toujours du regard de son père ; de la peine mêlée à de la colère. Il avait donné une gifle à Becker ; lui avait demandé ce qu’il se passait dans sa tête avec ses bras qui partaient dans tous les sens tandis que Mara était dans un coin, un peu effrayée par son frère dans un lit d’hôpital. « Je vais pas mourir la môme » Il lui disait pour la rassurer et elle, elle grimaçait en réponse et il avait pu lire ô combien ils les décevaient. « On déménage. J’ai trouvé un poste au Canada, dans mon ancienne ville. J’ai contacté le lycée, le proviseur est un vieil ami et a accepté de te prendre à condition que tu redoubles. J’ai accepté, vu tes résultats. On part dans un mois Becker. J’ai trouvé une maison et je vais vendre ici. » Becker avait haussé les épaules. « Ouais, d’accord. » Il s’était contenté d’un simple regard et avait tourné le visage, un peu honteux. « J’espère que tout ça t’aura servi de leçon Becker même si j’aurais préféré éviter ce genre de situation. » « Moi aussi. » Ils étaient là, silencieux, entendant les bruits résonnant le couloir. Il était finalement rentré chez lui. S’était jeté dans son lit, s’était levé avec difficulté avec la douleur qu’il l’avait saisi les cartons et avait balancé des vêtements dedans, des vieux CD et jetait un regard sur ses anciens dessins. Il avait tenté de redessiner et avait finalement lancé son vieux carnet contre son mur, criant et finalement se jetant dans son lit. Il avait fini par accepter Becker. White Oak Station il connaissait. Il s’y rendait quelques étés chez ses grands-parents, s’était fait quelques amis, peut-être qu’il les retrouvait. Il avait regardé son plafond, touchant sa plaie et avait fermé les yeux. Se dessinant un meilleur avenir dans ses rêves.

« Paraît que t’as fait de la taule. » Lui avait demandé ce garçon avec lequel il trainait à la fac. Becker, sa cigarette en bouche, souriait.  Il parlait à quelques personnes à la fac mais avait toujours été en retrait. Il se rendait à quelques soirées par ci, par là, mais n’osait pas trop se noyer dans la masse. Il tentait de lutter contre ses vieux démons et il savait que s’il replongeait, son père le laisserait se démerder, comme il le menaçait souvent depuis qu’il était retourné au lycée. Il était sans cesse sur son dos et ça se soldait par des prises de tête, Becker a bout avait fini par prendre son indépendance et vivait dans un appartement qu’il se payait grâce à l’aide financière que lui apportait son père et le boulot qu’il s’était dégoté. Il vivait bien seul, Becker était habitué à la solitude, il exposait ses dessins un peu partout et laissait la plupart de ces derniers au sol, n’ayant plus vraiment de place pour les ranger. Sa sœur avait rejoint son appartement depuis quelques jours et squattait la petite chambre d’ami parce que Mara pouvait « pas blairer » comme elle le répétait souvent la nouvelle copine de leur père. Elle avait trouvé refuge son frère qui lui offrait son hospitalité « C’est normal, j’suis ta petite sœur  » Disait-elle. Ce qui n’était pas normal, c’était que sa sœur lui fasse vivre un enfer depuis que sa crise d’adolescence avait brutalement – et surtout étrangement- surgi. Mara, elle était toujours dans les pattes de son frère, miaulait pour de l’attention et avait trouvé la parade pour la trouver. En se laissant aller à l’ivresse, les substances illicites et Becker était bien placé pour savoir que ça « menait à que dalle ce que tu fous Mara » la réprima-t-il tandis que sa sœur vomissait ses boyaux aux toilettes, son frère dans l’encadrement dans la porte, exaspéré. Il était censé s’y prendre comment ? Père absent, il trimait avec Mara. Mara qui n’écoutait rien, Mara qui n’en faisait qu’à sa tête. C’était ça le prix à payer de ses erreurs ? Probablement. Pas sa môme mais il l'avait à sa charge" « putain. »"

Bienvenue!