La semaine avait été floue pour Chance.
Un mélange de terreur, de douleur et de phases d'inconscience. Il avait réellement repris pied avec la réalité la veille, avec comme simple compagnie sa mère. L'explosion, les flammes, l'accident final… Chance en conservait des flashs. Il se souvenait très bien du boum que tous avaient entendu dans le quartier puis de l'incendie qui s'était propagé à grande vitesse juste après. Il se trouvait chez des amis, d'autres étudiants, dans la zone résidentielle. Certains étaient sortis par des escaliers de secours, d'autres par les couloirs… Mais là encore, tout avait été très vite. Le seul objectif était de courir, de sortir à l'extérieur le plus rapidement possible pour fuir les flammes. Chance aurait pu s'en sortir avec quelques bleus et un peu de fumée dans les poumons mais un truc, un il-ne-savait-quoi, était tombé, enflammé. Réflexe, il avait levé un bas et s'était tourné de trois quarts pour se protéger le visage. En un sens, il avait probablement bien fait mais résultat, une grande partie de la peau du bras droit, une plus petite au niveau du cou et un quart du dos brûlés. Beaucoup. Après il ne savait plus. Peut-être qu'il était sorti tout seul ou qu'un autre type l'avait aidé, il n'en savait rien. Après… Il n'était pas sûr d'avoir déjà eu aussi mal. Non, il en était même certain : Chance n'avait rien connu d'aussi douloureux qu'une  brûlure.

Il s'était réveillé en compagnie de sa mère, folle d'inquiétude mais qui s'était forcée à sourire comme si tout allait bien, qu'il n'était aux urgences que pour une énième cuite après une soirée un peu trop arrosée. Elle s'était déjà trouvée assise à cette place deux fois, madame Kingsley, pour les deux tentatives de suicide de son fils. Mais là… Disons que ce n'était pas pareil, ce n'était pas lui qui avait essayé quelque chose mais bien un événement externe qui avait failli lui coûter la vie. « Chance, vous avez de la visite. » Cette infirmière l'agaçait, elle parlait tout doucement comme si elle avait peur de l'effrayer. Elle se retira aussitôt, le laissant à nouveau fermer les yeux. Il entendit la porte se refermer sur le dernier type qu'il avait envie de voir en ce moment. Prince. Difficile d'autant aimer et détester une personne à la fois. Depuis la découverte des fiançailles entre Prince et Valentine, rien n'avait plus été pareil. Ils avaient bien essayé de faire comme si de rien n'était, comme si ce mariage n'existait pas ou ne touchait en rien à leur relation mais… Disons que Chance baignait de la colère et s'emportait au moindre mot de travers et l'attitude de Prince le mettait hors de lui. « Pourquoi t'es là ? » Il faisait un effort pour parler d'une voix claire mais les médicaments contre la douleur ne pouvait que le rendre à moitié somnolent. Mais pas besoin de mieux pour sentir qu'il était déjà sur la défensive. Chance savait que Valentine était passée à de nombreuses reprises – sa mère le lui avait dit – complètement folle d'inquiétude mais elle n'avait pas osé revenir depuis. Le pire dans l'histoire, c'est que voir que Prince était venu lui faisait quand même plaisir.

« Comment une telle chose a t-elle pu arriver ? »

Sa mère avait la mine sombre. Et pour qu'une telle chose soit possible, il en fallait beaucoup. Du genre, une explosion suivit d'un grave incendie en centre ville ? Et c'était exactement ce qui avait eu lieu aujourd'hui. Heureusement pour les Benjamin, personne de leur famille n'avait été touché. C'était une chance, car une heure avant le drame monsieur Benjamin s'y était rendu pour déjeuner avec des amis. Sur le coup, Prince s'était sentit désolé pour eux. Pour les victimes. On disait qu'il y avait e deux morts, et un tas de blessés. Et après, après comme tout il avait tourné la page. Au fond il était un peu égoïste. Il était juste soulagé que personne de ses connaissances ne soit touché. Mais ça, c'était avant le coup de fil de sa désormais fiancée, Valentine Kingsley.

Au départ il avait presque cru à une blague. Mais elle n'était pas méchante Valentine, elle ne serait pas du genre à inventer de telles histoires. Même si elle avait su pour lui et son frère. Chance était là-bas. Son Chance. Il avait beau lui en vouloir pour son attitude de ses dernières semaines, parce qu'il lui en faisait baver, clairement, ce sentiments d'angoisse n'arrivait plus à le quitter. Quelque part il avait du mal à y croire. Il en avait demandé plus, évidement. Sa sœur disait qu'il souffrait de brûlures. Mais elle n'avait pas souhaité lui en dévoiler d'avantage. Sans doute pour en pas le heurter, le préserver ou il ne savait quelle autre connerie. Il avait hésité à se rendre à l’hôpital au plu vite. Mais étrangement il s'était refréné.

Et maintenant il était juste là, devant la porte de la chambre d’hôpital où reposait Chance Kingsley. Il hésitait. Il avait peur de le voir, ou peur de se faire refouler. Ou les deux à la fois. Serait-il toujours le même après ça ? Non, évidement que non. Mais serait-il au moins reconnaissable après cet accident ? Il avait vu tellement d'horreur sur les brûlés, il refusait de croire que Chance puisse être défiguré ou... Et puis d'abord pourquoi avait-il de telles préoccupation à l'esprit ? Il était toujours lui même, blessé ou pas. Il l'aimerait toujours, quoi qu'il arrive. Ou du moins il tentait de s'en persuader. La porte s'ouvrit doucement sur une Madame Kingsley qui, le saluant au passage, l'invita à entrer. Évidement il ne fut pas accueillis avec un soupire de soulagement, un sourire ou à bras ouverts. Chance était fidèle à lui même. Quand à Prince, il resta figé deux secondes, planté devant sa porte. Ses jambes refusaient de lui obéir. Et il n'arrivait même plus à articuler un seul mot censé. Le voir là c'était... Un désastre. Lui qui se foutait du monde, des autres, c'était le comble de s'inquiéter autant pour une autre personne que lui même. Il avait tellement envie d'exprimer son soulagement de le savoir encore en vie, ici, et pas dans un caveau comme certains... Ou dans un état bien pire encore. Les brûlures quand à elle était recouvertes de pansements. Mais il avait déjà un vague aperçus de l'étendu des dégâts.

« Hé bien..., il avança de quelques pas vers son lit, je suis venu voir comment tu allais. »

Il avait la voix tremblotante, chose que lui même ne supportait pas. Ça lui donnait un air terriblement dépressif. Bon sang, même dans un état pareil ce regard si bleu avait le don de le déstabiliser. Il tira une chaise près du lit et s'assit alors en silence. Dire les mots qui lui brûlaient les lèvres ou lui tenir la main serait complètement décalé. Et connaissant Chance, il avait toute les chances de se faire reprendre alors il resta sagement assit, les mains nouées sur les genoux.

« Tu n'imagine pas comme je suis soulagé je... T-Tu aurais pou mourir Chance. »

Son cœur s'était emballé et le plus agaçant, la machine le montrait au monde entier, ses bips s'accélérant notablement. C'était juste au cas où, avait dit l'infirmière, parce qu'on ne savait jamais, avec les brûlures importantes qu'il avait reçu… Mais là tout de suite, même plongé dans cette torpeur qui ne le quittait plus depuis son réveil, c'était gênant. De simples bips renseignaient Prince sur des choses que Chance savait parfaitement dissimuler en temps normal. L'effet que le fils Benjamin lui faisait par exemple. « Ben ça y est, tu as vu. » La fumée lui avait légèrement brûlé les poumons et Chance n'aimait pas du tout la voix un peu cassée avec laquelle il parlait pour le moment. Il n'aimait rien, il en avait marre. Le jeune Kingsley regarda le type qu'il aimait s'asseoir en silence à proximité du lit. Que pensait-il en ce moment ? Se disait-il que c'était une bonne chose, que le corps de Chance ne serait plus aussi attirant qu'avant et qu'il pourrait sans regret penser à Valentine ? Il savait que les brûlures laissaient des traces, qu'elles ne partaient jamais après. Il savait aussi qu'elles étaient, et seraient, visibles. « Franchement Prince ? » Il avait repris le ton acide qu'il affectionnait tant ces derniers temps, qui exprimait à merveille la rancœur qui l'occupait tout entier. « Ça n'aurait pas été si mal. » Qu'il meurt. Il avait toujours été faible de ce côté-là, ce n'était pas vraiment un secret. Quand on avait tenté par deux fois déjà de filer vers l'autre monde, par overdose puis en se taillant les veines, balancer une telle phrase n'était pas si… déplacée. Pourtant, elle sonna bizarrement dans la chambre d'hôpital. Quelque part, Chance se sentait malchanceux. Trois fois où il était passée si près de la mort mais non, quelque chose à chaque fois l'avait sauvé. Deux avaient laissé des traces. Il avait toujours ces cicatrices très parallèles et blanchâtres sur les poignets. Et le feu faisait des ravages sans laisser la moindre chance. Chance avait tout pour être heureux, mais Chance n'avait pas de chance : il n'était pas fait pour l'être. « Avoue, ça t'aurait soulagé, hein ? » Il balança cette phrase de la façon la plus venimeuse qu'il put. « T'aurais pu te taper tranquillement Valentine comme ça. Plus de Chance, bye bye Chance, six pieds sous terre… Rien à cacher, monsieur parfait. » Avait-il si peur que ça que Prince le rejette ? Oh que oui, il aurait été un sorcier, ça aurait été son épouvantard, sa peur la plus intime et la plus profonde. Sans Prince Benjamin, Chance Kingsley n'était plus rien. Et Prince lui échappait ces derniers temps. Alors il se protégeait comme il pouvait, en mettant toute la colère et la distance qu'il pouvait entre eux deux. « Ben t'es ravi, je suis pas parfait, moi. » Il balançait des phrases absurdes mais tant pis.

Chance tenta de se redresser pour toiser Prince d'un air dédaigneux, oubliant momentanément ses brûlures qui le ramenèrent instantanément à son bon souvenir. Il se laissa retomber dans un gémissement de douleur, les larmes aux yeux. Il pleurait parce qu'il avait mal, et parce qu'il perdait Prince. Et il le savait, c'était  moitié de sa faute. Mais qu'est-ce qu'il y pouvait si Prince prenait tout à la rigolade ? Il se mariait à Valentine ? Ben tant mieux, il pourrait se taper le frère le week-end histoire de prendre un peu de bon temps et puis au revoir Chance, merci, c'était bien cool ma foi.

« Pardon ?! »

Pas si mal ? Est-ce qu'il se foutait de lui ? Clairement, oui. Il n'y avait bien que monsieur Chance Kingsley pour balancer de telles idioties à un moment pareil. Prince était même prête à parier qu'il ferait la même chose sur son propre lit de mort. Ce type était un personnage tout droit sortit d'une de ces pièces shakespearienne dramatique à souhait et Prince Benjamin avait eu la malchance (ou la chance tout dépendant des jours et des points de vu) de le croiser. Il état comme ces personnage que Prince avait toujours trouvé horripilant par leurs attitudes qui se foutaient pas mal de leur propres sorts et des répercussion qu'il avait sur les gens de leur entourage. Égoïste donc. Mais Prince était égoïste lui même, il avait bien du mal à lui balancer ce genre de mot à la figure, même maintenant. Il connaissait le penchant du jeune homme pour... ce genre de tentative qu'il avait toujours trouvé absurde. Il était dans son monde prince. Pour lui la vie en méritait pas d'être gâché à coup de trop fortes dose du comprimés ou encore avec de vulgaire petite lame de rasoir. La vie méritait d'être vécu jusqu'au bout. Qu'elle soit nulle ou pas. Il y avait toujours des surprises, bonnes ou mauvaises, mais il fallait faire avec. Cette philosophie il la tenait de... sans doute de ses livres, de ces films ou de ses séries qu'il regardait un peu trop. Mais jamais au grand jamais Prince n'avait compris l'acharnement de certaines personne à en finir plus tôt avec la vie. Et surtout pas Chance. Lui, ne s'en remettrait pas il le savait. S'il y avait bien quelqu'un qui pouvait le pousser à commettre l'irréparable qu'il méprisait pourtant, c'était bien le jeune homme sous ses yeux.

« Arrête ça tout de suite. Ferme là. »

Quand on les entendait, on pouvait franchement avoir du mal à croire que les deux avaient oui, un beau jour ou le temps d'une nuit, partagé des moments de franche rigolade, de douceur ou de vrais sentiments.

« Arrête de tout ramener à ta sœur. Elle n'a rien choisis, moi non plus. Et je crois que tu es très bien placé pour savoir que c'est pas le genre de chose qu'on peut refuser facilement. Alors arrête. »

Il le regarda se redresser, puis retomber dans ses draps. Les larmes lui était montées aux yeux, d'aussi loin qu'ils se souvienne, voir pleurer Chance l'avait toujours mis terriblement mal à l'aise.

« Tu sais très bien que tu es le seul qui compte pour moi, d'accord ? » chuchota t-il. « Tu pourrais être brûlé de partout que je... Enfin tu vois quoi. Pleure pas, s'il te plaît. »

Il avait envie de l'amener loin d'ici. De faire comme dans ces drôles de films où le héro volait le lit d’hôpital pour traîner son ami dans un endroit que seuls tous les deux connaissaient pour rire et passer du bon temps. De réchapper de cet endroit sinistre et rempli d'ondes négatives. Être ici n'arrangeait rien à son état, il le savait. Être chez lui n'arrangerait rien non plus, il le savait aussi. Ce dont Chance avait besoin, c'était de fuir cet agitation, le mariage. Dans l'absolu, Prince pouvait répondre à ses attentes. Mais Chance avait décidé de ne pas sourire, de le rejeter. Encore et toujours. Cette acte était interminable. Il n'attendait qu'une chose, que le destin se décide de tourner la page pour eux, à passer à l'acte deux.

Chance était si égoïste… Il avait eu de la chance trois fois déjà, passant chaque coup à un cheveu de la mort. Il l'avait lui-même appelé mais elle avait choisi de l'épargner, lui soufflant à chaque fois que ce n'était pas son heure. Les gens ne voulaient pas mourir, un instant de survie primaire prenait le relais dans ces moments-là pour les protéger et leur permettre de courir plus vite. Mais non, Chance Kingsley ne pouvait s'empêcher d'être attiré par la tranquillité de son décès. Ce n'était pas de la gentillesse, ce n'était pas pour épargner aux autres sa présence taciturne et rancunière, non, c'était simplement pour trouver la paix. Sa paix. Il en avait marre de vivre et de connaître toutes les mauvaises choses que son existence pouvait lui apporter. Il n'aimait pas l'hiver et la pluie, il n'aimait pas sa famille, trop aigrie et trop obsédée par les choses politiquement correctes. Il n'aimait pas non plus la cigarette et son odeur écœurante, n'aimait pas les routes qui striaient la planète comme autant de blessures bétonnées. Mais par dessus tout, Chance Kingsley haïssait Change Kingsley. Sa propre personne lui faisait horreur et alors comment vivre lorsqu'on ne pouvait pas se voir ? Qu'on ne supportait aucune de ses réactions mais qu'on était bien contraint de les regarder puisqu'on les exprimait soi-même ? Facile, il ne vivait pas. Ou du moins il essayait, bien que ce point-là soit aussi à ajouter à sa longue liste d'échec. Même la chose la plus simple, tellement facile que beaucoup redoutaient ce moment, il n'y parvenait pas. Signer la fin de sa propre existence aurait dû être un droit universelle mais par deux fois on l'avait regardé de travers. La première fois, il avait su mentir, dire qu'il avait agit dans un élan de désespoir soudain et on avait supposé qu'il était dépressif. À juste titre sans doute. La seconde fois, on l'avait interné quelques temps histoire d'être certain que… Au cas où que… Parce que… La liste des motifs était longue mais on pouvait la résumer en un mot : on n'avait pas le droit de mourir sans l'accord des autres. Ils vous forçaient la main pour exister (notamment ses parents, à l'origine de tout) et on l'accusait ensuite de ne plus en vouloir. Mais aux dernières nouvelles, Chance n'avait jamais signé le moindre contrat stipulant qu'il acceptait d'exister pour x années sur Terre ! Un cadeau que la vie lui avait fait ? Dans l'immédiat, il n'avait pas trouvé le moindre bénéfice. Il était né dans une famille pour n'être qu'une éternelle déception, toujours à côté de la plaque, et jamais comme il l'aurait fallu. Son père voulait un héritier mâle pour perpétrer le nom mais… ça partait bien mal. En fait, toute l'origine était là : Chance était bisexuel mais l'amour de sa vie était un homme. Toute l'histoire de sa vie trouvait son origine dans un seul nom : Prince Benjamin. Bien sûr, le fait qu'il soit faible et dépourvu de motivation n'y était pas pour rien dans l'histoire.

Mais à suivre la pensée logique – et inconsciente – de Chance, il était normal qu'il en veuille au seul être sur Terre qui comptait sur lui. Sans Prince, il aurait peut-être eu un espoir de vie heureuse. Inintéressante, certes, mais logique et cohérente avec les projets de ses parents ! Cela lui aurait évité bien des déboires et surtout bien des malheurs. Prince n'était qu'un salaud, et Chance l'aimait d'autant plus pour cela. Aimer quelqu'un d'inaccessible laissait la place au rêve, non ? Mais le jeune Kingsley était injuste car il ne laissait pas la moindre chance à Prince. Pas la moindre. Et il trouvait le moyen de se plaindre de quelque chose qu'il provoquait lui-même. Et bordel, il avait sacrément mal aussi, assez pour se retrouver un instant incapable de parler, incapable de poursuivre pour balancer à ce petit idiot vantard tout ce qu'il pouvait bien penser de leur relation. Dans le fond, ce n'était certainement pas plus mal. Et Prince qui… Pourquoi ne se taisait-il pas ? Il aurait déjà pu partir en claquant la porte, les cheveux au vent, mais non, il restait là à parler, à susurrer ce qui n'arrivait probablement plus jamais… « Me la fermer ? » Chance haletait de colère – et de douleur, mais il ne l'aurait jamais admis, qu'il en pleure ou non. « Pourquoi tu prends tout à la rigolade ? Pourquoi t'es jamais sérieux ? Hein ? Hein? » Peut-être qu'il y avait trop de non-dits… Ou peut-être qu'ils étaient trop différents. Quelques uns leur trouvaient des points communs mais il n'y en avait aucun. Prince et Chance, c'était comme le jour et la nuit, le yin et le yang. Ils étaient des opposés qui pouvaient peut-être se compléter à merveille mais ils n'avaient pas encore trouvé comment. Il aurait fallu que Prince sorte de son petit monde à lui et que Chance mette sa colère naturelle de côté. Il aurait fallu qu'ils parlent, qu'ils s'aiment… Mais c'était trop profond et trop difficile, et trop d'obstacles se mettaient en travers. Ils étaient testé en permanence et clairement, ils n'en sortaient pas souvent vainqueurs. Ils étaient… une pièce de théâtre. Le public devait sans doute frissonner à ce moment car il était impossible de dire comment ça allait évoluer. Y avait-il possibilité d'une fin heureuse ? Peut-être. C'était bien mal parti en tout cas. Il y avait eu des beaux moments avant. Au début. Quand ils n'étaient encore que Prince et Chance, sans aucune obligation envers qui que ce soit. Ils étaient des gamins, et les gamins pouvaient faire ce qu'ils voulaient. Ils pouvaient s'aimer s'ils en avaient envie, dormir ensemble, cacher dans une cabane dans la forêt si ça leur chantait. Ils pouvaient partir loin et revenir aussi heureux ! Et pourquoi pas entretenir, chacun de leur côté, quelques relations passagères pour le simple plaisir… Mais ils avaient grandi. « Si tu le voulais vraiment, je suis sûr que tu aurais pu refuser. » C'était triste de grandir.

Chance aurait sans doute pu refuser. Il était triste et faible, égoïste et lâche, mais il aurait sans doute trouvé le courage de dire non.

Prenait-il réellement tout à la rigolade ? Pas vraiment. Enfin, si, mais c'était plus un genre qu'il se donnait. C'était le Prince 2.0, un Prince différent aux yeux des autres, du public. Car oui, il agissait toujours comme si ses moindres gestes et mouvements était épiés, décortiqué par une salle géante, bondée de personne se délectant de tous ses malheurs. Il n'était que vraiment lui avec la femme de ménage (cuisinière aussi et ex nounou de Prince) qui le connaissait comme s’il était son propre fils. Et avec Chance, quelque fois. Quelque rare fois où ils étaient vraiment tous les deux. C'était souvent court et intense mais il était vraiment lui même dans ces instants. Le reste du temps il incarnait un personnage tellement parfait à ses yeux qu'il avait faillis par le devenir aux yeux de tous les autres.

« Qu'est-ce qu'il faut pas entendre... »

Ok, il n'avait peut-être pas réagis de la bonne manière, mais Prince était dans son monde et face à Chance, personne n'était jamais assez bien. Monsieur était une vraie diva au fond. Les autres, c'était de la merde, lui, c'était monsieur le centre de l'univers jamais content. Il se retenait de le lui balancer ne pleine face mais se retint. Au fond le vrai Prince ne le pensait pas. Il était juste en colère de voir comment une fois de plus, la situation tournait au drame.

« Tu sais quoi Chance ? Tu me gonfle. Continu de chialer dans ton coin, à faire aucun effort et tu auras une vie encore plus merdique. »

Lui flanquer une baffe aurait été carrément salop. Quoi que de la part de Prince-j'aime-faire-des-trucs-théâtrales pas tellement. Mais il se retint. Le regard mauvais qu'il lui lança et le coup de pied qu'il balança dans son lit suffis amplement à le calmer pour les secondes qui suivirent. Il attrapa son bippeur et sonna frénétiquement au moins dix fois d'affiler avant d'attraper sa veste. Sans un mot il se leva, fila vers la pote et croisa l'infirmière affolé qui courait déjà vers son patient. Il allait avoir de la compagnie pendant un bon bout de temps. Et puisqu'il se doutait que Chance avait envie de tout sauf d'une infirmière qui s'inquiète de son état et lui propose trente six milles activités... Il se marierait avec sa sœur, qu'il le veuille ou non. Tout était déjà décidé. Dans quelques mois. Et il aurait uen vie longue et pénible par la suite s'il ne trouvait pas d'alternative à Chance. Et il le savait, il n'y arriverait pas. Il ne pouvait pas se passer de lui. Mais Chance n'avait pas l'air décider à comprendre à accepter. Il y avait trop de chose entre eux, trop de différences peut-être... « Il va te rendre fou... te tuer à petit feu mon pauvre gars... » Cette voix lui soufflait de partir loin d'ici, loin de Chance, loin de ce maudit mariage, de ses parents complètement dingues. Il embaucherait Martha et ils iraient vivre en France, ou en Suisse, dans un pays Européen sympa ou personne ne viendrait les embêter.