closer to the edge
another ditch in the road, you keep moving,
another stop sign, you keep moving on
and the years go by so fast.

dix-huit ans, vancouver, canada.
Le vent dans les cheveux, elle rit aux éclats, elle lâche une corde pour tendre la main, tentant de toucher le ciel qui semble si prêt au fur et à mesure qu'elle transperce l'air en se balançant de plus en plus vite. Elle respire le bonheur, son sourire ne la quitte plus depuis qu'elle a posé ses yeux sur lui. Elle est heureuse, elle est amoureuse, elle vit pleinement. Elle est jeune, si fragile et pourtant si confiante en l'avenir. qui a dit qu'on ne pouvait pas trouver l'homme de sa vie à dix-huit ans, pas elle en tout cas.

vingt ans, vancouver, canada.
le premier coup part sans qu'elle ne s'y attende, elle ne l'a pas entendu entrer, elle ne crie pas, elle se débat, tente de le calmer mais rien n'y fait, elle le sait parfaitement, rien ne l'arrêtera, elle attend juste que ça passe, comme elle le fait à chaque fois. puis elle roule en boule sur son lit et attend que la douleur passe elle aussi.
elle appuie doucement sur le cercle bleu presque devenu violet avec le temps, la douleur est encore vive, mais elle n'y prête pas attention, elle s'inquiète plus de la couleur. elle va devoir le couvrir avec du fond de teint, elle connaît la technique par cœur maintenant, elle sait comment cacher ses bleus. elle a cours demain et elle ne peut pas se permettre d'apparaître couverte d'hématomes. elle ferme les yeux et respire, laissant une larme couler sur sa joue, elle se sent désemparée. elle ne sait plus comment la situation a viré au cauchemar. comment l'homme de sa vie est devenu son bourreau, passant de l'ange de lumière à démon. mais elle est très jeune, lexie, trop fragile, aveuglée par l'amour. sentiment qui disparaît lentement au cours des années que durent son calvaire. mais elle ne dit rien, elle n'ose pas avouer la vérité à ses parents, elle a bien trop honte pour ça.

vingt-deux ans, vancouver, canada.
mais, son corps finit par lui rappeler sa condition humaine, elle n'est pas invincible. si elle reste, il va finir par la tuer, elle le sait, elle en a pleinement conscience, elle ne pourra pas cacher ses bleus éternellement. alors elle prend une décision, elle choisit de vivre, de fuir, elle n'a pas d'autres choix. une nuit, elle prend le peu d'affaire qu'elle a et elle part, préférant affronter la nuit glaciale que les coups d'un homme imbibé d'alcool. elle prend le premier train qui passe vers une destination inconnue.
elle ouvre ses yeux cernés, par le manque de sommeil et bouffis par les larmes. le train ralentit pour arriver enfin à son terminus. lexie attrape son sac et suit le mouvement de la foule pour quitter le wagon, lorsqu'elle descend les marches qui mènent au quai, elle jette un coup d'oeil au panneau indiquant le nom de la ville. white oak station. elle sourit malgré, elle respire enfin. elle a réussi, elle l'a fait. son avenir est maintenant entre ses mains.

vingt-cinq ans, white oak station, canada.
elle tient le papier fermement dans sa main tremblante. elle hésite. mais elle veut en avoir le coeur net, elle veut savoir, elle ne pourra pas continuer comme ça, elle est presque sûr de l'avoir vu, lui, tel un fantôme du passé, qui resurgit sans prévenir, pour venir troubler sa vie enfin paisible. elle décroche alors le téléphone et compose le numéro. «M. Underwood? bonjour, je m'appelle lexie et j'aurais besoin de vos services." le rendez-vous pris, elle ne peut plus reculer et elle n'en a pas l'intention, bien décidée à aller jusqu'au bout, plus déterminée que jamais. et pour l'être, elle l'est sacrément. et même plutôt culottée, elle ne recule devant rien, si bien que lorsqu'elle se retrouve finalement face à l'homme à qui elle a demandé de l'aide, elle n'hésite pas à lui faire une drôle de proposition. lexie sait qu'elle peut payer le prix convenu, son cabinet de kinésithérapie fonctionne plutôt bien, et elle est très douée dans son domaine, elle s'est battue pour arriver là où elle en est aujourd'hui, enchaînant petits boulots et cours du soir, elle est fière du parcours accomplis, elle n'est pas prête à renoncer à tout ça, uniquement parce qu'elle pense avoir aperçu son ex petit-ami au coin de la rue. « Si ça ne fonctionne pas ou que la stupidité de l’idée se confirme, vous me payerez en liquide comme convenu. » lexie acquiesce, en souriant. elle ne pensait pas qu'il accepterait mais elle a été plutôt convaincante. « ne vous inquiétez pas, je suis la meilleure. » elle prend alors congé après lui avoir adressé un clin d'oeil complice.

lexie sourit, elle n'y croit pas, mais les preuves qu'il lui apporte ne laisse aucune place au doute. il est en prison, et pour longtemps, il ne lui fera plus jamais de mal, enfin pas avant un moment mais si cela se produit, elle sera prête et ne le laissera certainement pas faire. « merci beaucoup, pour votre aide, vous ne pouvez pas imaginer, ce que cela représente pour moi » elle ne peut s'empêcher de le prendre dans ses bras, retenant tout de même ses larmes. elle se détache doucement de lui et reprend contenance. «bon on se voit mardi à mon cabinet, ne soyez pas en retard.»

vingt-six ans, white oak station, canada.

lexie regarde sa montre et sent son coeur battre un peu vite que d'habitude. elle n'y prête pas attention, mais passe une main dans ses cheveux pour les arranger un peu. elle soupire, elle s'exaspère elle-même. laisse tomber, il ne le remarquera même pas. elle ne sait même pas pourquoi ça la contrarie à ce point, luam est son patient, son ami, rien de plus. pourtant lorsqu'elle l'accueille dans son cabinet comme toute les semaines depuis un an et demi maintenant, son sourire s'agrandit aussitôt sur ses lèvres, bien plus que d'habitude. mais elle se dit qu'elle est juste heureuse de le voir, de pouvoir l'aider à aller mieux, parce que luam il a connu bien trop de noirceur, il est revenu de loin et quelque part elle le comprend, peut-être un peu trop.

 

Bienvenue!